octobre 26, 2005
8 - Quelques traits de l'Eglise intérieure : LOPOUCKINE
QUELQUES TRAITS DE L'ÉGLISE INTÉRIEURE
Avant-propos de l'éditeur
Ce livre, dont nous sommes heureux de donner une réédition, semble remonter à l'âge apostolique, bien qu'il ne date que d'un siècle environ. Sa simplicité, l'absence complète de spéculation qui le caractérise, son accent direct et d'une portée toute pratique l'apparentent aux écrits les plus anciens du christianisme, notamment à cette admirable "Didaché", peut-être contemporaine des Evangiles, et qui a été découverte 84 ans seulement après la rédaction de Quelques traits de l'Eglise intérieure ».
Similitude d'inspiration, caractère original et originel, affinité d'élection communauté d'orientation spirituelle, parité d'idéal, science identique de la vie vraie, rayons directs du Verbe fait chair pour le salut du monde, que peut-on penser de ces analogies fondamentales ?
«De même que surgissent parfois au ciel monotone, immuable en apparence, d'imprévus astres temporaires ou de fugitives comètes dont seuls quelques savants attendaient le retour, de même, à certaines dates, passent dans l'humanité des êtres étranges qui forcent l'attention de toute une époque. Ce ne sont ni des héros, ni des conquérants, ni des fondateurs de races ou des révélateurs de mondes nouveaux; ils apparaissent, brillent, disparaissent et le monde semble, après leur départ, ne pas avoir changé ; mais, pendant leur éclatante manifestation, tous les regards ont été invinciblement attachés sur eux. Les savants ont été troublés par leurs paroles; les hommes d'action se sont étonnés de rencontrer ces individus qui les dominaient sans effort ; la foule des gens simples les a suivis, sentant rayonner en eux une intensité vitale, une bonté inconnue, une puissance cachée secourable à sa faiblesse et bienfaisante à ses douleurs. Ces apparitions ne sont pas l'apanage d'une race ou d'un siècle ; aussi haut qu'on remonte dans l'histoire, en Orient comme en Occident, à chaque tournant de la route, un de ces hommes se montre. »(1)
Ces êtres extraordinaires sont les chefs de file de l'Armée de la Lumière. Personnages attachants surtout parce que, dépassant le niveau ordinaire, ils vivent néanmoins comme le commun des hommes, acceptant toutes les servitudes de l'existence, soumis aux coutumes, dociles aux lois des pays où ils ont élu résidence, respectueux des autorités constituées, ne se défendant pas des attaques. Libertaires de l'Esprit, aucun parti ne peut les enrégimenter, aucune école ne peut leur donner une étiquette ; énigmes vivantes, incompréhensibles à la raison, inaccessibles à la science, impénétrables aux regards les plus perçants, inconnus de ceux mêmes au milieu desquels lis vivent, accomplissant une mission qui est leur secret et le secret du Père qui les a envoyés, ils instruisent surtout par l'exemple silencieux de leur vie et se font reconnaître de ceux-là seuls qui, d'un coeur humble et sincère, cherchent la Vérité. C'est pourquoi ils sont souvent en butte à des haines violentes, à la jalousie de ceux que gène leur supériorité. Leur vie est une incarnation de l'Evangile ; ils vont, pitoyables aux erreurs, aimant les pauvres, séchant les larmes, brisant les chaînes, consolant les affligés, rendant la santé aux malades, la confiance aux désespérés, relevant ceux qui gisent à terre, éclairant les ténèbres, dissipant les doutes, réparant les désordres, hérauts de l'Absolu, serviteurs de la Vérité, possédés par cette folie de Dieu, par la folie divine de l'Amour qui est plus sage que la sagesse des hommes (2).
Tel fut, pour ne nommer que lui, le comte de Cagliostro.
Toutefois, si nous mentionnons ces êtres pour ainsi dire surnaturels et qui souvent jouent dans l'époque où ils apparaissent un rôle de premier plan, nous tenons à souligner leur caractère exceptionnel. Ils sont des missionnés, au sens total de ce mot. Mais, à côté d'eux, bien au-dessous d'eux certes au regard de l'Absolu, occupant cependant une place éminente parmi les serviteurs du Ciel, il y a la cohorte des soldats obscurs qui mènent, avec les armes de Jésus, le combat séculaire qui se terminera par l'avènement du Royaume de Dieu. Ce sont ces serviteurs anonymes qui constituent l'Eglise intérieure. Parmi eux il en est à qui sont confiées dans le monde des situations en vue, tel ce Lopoukhine à qui nous devons le présent ouvrage et qui fut sénateur de l'Empire russe, d'autres passent complètement inaperçus; mais tous ont en commun une certaine lumière, perceptible à ceux qui s'efforcent de vivre selon la Vérité. Il est nécessaire de vous donner une idée pure de l'Église intérieure, de cette communauté lumineuse de Dieu qui est dispersée dans tout le monde, mais qui est gouvernée par une vérité et par un esprit. Cette communauté de la lumière existe depuis le premier jour de la création du monde, et sa durée sera jusqu'au dernier jour des temps. Elle est la société des élus qui connaissent la lumière dans les ténèbres, et la séparent dans ce qu'elle a de propre. Cette communauté de la lumière possède une école dans laquelle l'esprit de sagesse instruit lui-même ceux prit qui ont soif de la lumière ; et tous les mystères de Dieu et de la nature sont conserves dans cette école pour les enfants de la lumière... C'est ainsi que, de tout temps, il y a eu une assemblée intérieure, la société des élus, la société de ceux qui avaient le plus de capacité pour la lumière et qui la cherchent; et cette société intérieure était appelée le sanctuaire intérieur ou l'Eglise intérieure. Tout ce que l'Eglise extérieure possède en symboles, cérémonies et rites est la lettre de laquelle l'esprit et la vérité sont dans l'Eglise intérieure... C'est ainsi que nous trouvons un Job parmi les idolâtres, un Melchisédech chez les nations étrangères, un Joseph chez les prêtres égyptiens, et Moïse dans le pays de Madian, comme preuve parlante que la communauté intérieure de ceux qui sont capables de recevoir la lumière était unie par un esprit et une vérité dans tous les temps et chez toutes les nations... Cette communauté intérieure de la lumière est connue sous le nom de communion des saints. »(3)
Il ne nous appartient pas de dire quelle place occupait dans cette hiérarchie J. Lopoukhine, l'auteur de Quelques traits de l'Eglise intérieure ». Nous savons seulement qu' il en avait une. Aussi avons-nous réédité son livre dans une double intention :
d'abord, afin de rendre témoignage que les promesses du Christ sont vraies, que l'enseignement du Christ se transmet directement d'âge en âge et dans chaque peuple pour ranimer la flamme éternelle, pour préparer l'esprit humain, l'individuel comme le collectif, à recevoir la lumière, pour rassembler, où qu'ils se trouvent, les hommes de bonne volonté, pour établir sur notre terre les fondations de la Nouvelle Jérusalem, et, ensuite, dans l'espérance que quelques-uns de ceux qui sont aux prises avec la souffrance, les luttes, le doute trouveront un réconfort dans ces pages et, du sein de leurs douleurs et de leurs craintes, prendront entre leurs mains le gouvernail de la barque et, résolument et sans défaillance, le tourneront du coté de Dieu et de Son Fils unique, Notre Jésus.
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La présente édition reproduit exactement celle que l'auteur a publiée à Moscou en 1810 ; son faux titre est (page 1) l'image photographique du faux titre de cette édition.(4)
La traduction française que nous publions est due à Charles Aviat de Vatay, lecteur pour la langue française à l'Université de Moscou (5).
La Notice historique sur cet ouvrage » qu'on lira ci-après figure en tête de l'édition de Moscou 1810.
Par cette notice on verra le succès rapide de Quelques traits de l'Eglise intérieure », puisque l'original russe a eu deux éditions, (1798 et 1801), la traduction française trois éditions, y compris celle de Moscou 1810, et une traduction allemande, faite par Ewald, deux éditions. En outre, Lopoukhine écrit dans ses Mémoires (page 3o) que de J. Stilling en a donné une nouvelle traduction en allemand et une en latin(6).
A notre connaissance il n'y a pas eu, au cours du XIXe siècle, d'édition française de Quelques traits de l'Eglise intérieure » depuis celle de 1810. En 1901, le Dr Marc Haven en a publié une à Lyon, pour quelques Amis de la Vérité, reproduisant textuellement celle de Paris 1801 et tirée à 2oo exemplaires numérotés.
La présente édition serait donc la cinquième de la traduction française.
NOTICE HISTORIQUE SUR CET OUVRAGE
Ce livre, que le fameux Eckhartshausen nommait : Un livre précieux et plein de sagesse (7), a été composé en langue russe. Il a été écrit très vite, à Moscou, en 1789 et souvent l'auteur, en se promenant au jardin du Comte Razoumoffsky (qui était alors public), l'écrivait au crayon. Mais, ayant fait sept chapitres, il ne put continuer : la faculté, pour ainsi dire, de traiter ce sujet l'abandonna, et il ne put l'achever que vers la fin de l'année 1791.
Ce livre fut imprimé en russe pour la première fois en 1798 à St-Pétersbourg. L'auteur y a joint : L'Exposition abrégée du caractère et des devoirs du vrai chrétien, etc..., qu'il a tiré, avec quelques changements et additions nécessaires, d'un petit ouvrage qu'il avait écrit auparavant et dont la traduction française a été imprimée à Moscou et ensuite à Paris in-24, sous le titre de : Catéchisme moral pour les vrais F M 5790. Cet ouvrage se trouve aussi dans l'ouvrage du même auteur intitulé : Chevalier spirituel. En imprimant son livre de l'Eglise intérieure, l'auteur a fait quelques changements, surtout dans le commencement, le manuscrit n'ayant été connu que d'un petit nombre d'amis, pour lesquels cet ouvrage avait été composé dans une forme particulière.
En 1789, on imprima à Pétersbourg la traduction française de cet ouvrage ; c'est cette traduction, faite sous les yeux de l'auteur, par un homme aussi savant dans les langues que dans le sujet dont on y traite, que l'on présente réimprimée dans ce moment.
Cette même traduction a été imprimée à Paris en 1801, avec un tableau allégorique représentant le Temple de la Nature et de la Grâce, fait par le même auteur.
Ce tableau a été gravé à Moscou sur une grande feuille, avec l'explication du même auteur en russe; ensuite on en a fait une seconde édition à Londres avec l'explication française, également sur une grande feuille et parfaitement bien gravée. Cette même année, 1801, on réimprima à Pétersbourg l'édition russe originale de cet ouvrage ayant le susdit tableau pour frontispice.
En 1803 et 1804, le Docteur Ewald, si respectable par ses oeuvres théologiques, après l'avoir traduit en allemand, l'imprima dans son ouvrage périodique connu sous le titre de Christliche Monatschrift.
En 1809, cette traduction du Docteur Ewald fut réimprimée à Nuremberg dans une brochure séparée.
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1. Dr Marc Haven : Evangile de Cagliostro - Paris 1910. - Introduction p.7, 8.
-- Voir également Sédir : Quelques Amis de Dieu ; Le Couronnement de l'Oeuvre;
2. Saint-Paul : 1re épître aux Corinthiens I. 25.
3. Eckhartshausen : La Nuée sur le Sanctuaire - Paris 1819 - 2e lettre.
4. L'édition de Moscou 1810 est la reproduction textuelle de l'édition française parue en 1801 à Paris, sauf une divergence, digne de remarque. Dans l'édition de 1801 le paragraphe 5 du chapitre III (page 28) se termine par ces mots : Cet esprit de vertige a subjugué aujourd'hui la malheureuse France et l'entraîne vers sa ruine. » L'auteur a supprimé cette phrase dans son édition de Moscou 1810.
5. Ant. Alex. Barbier : Dictionnaire des ouvrages anonymes - Paris 1875 - tome 3,
col. 1147 donne ce renseignement d'après Sopikoff : Essai de bibliographie russe (ouvrage écrit en russe).
6. Ant. Alex. Barbier : loc. cit.
7. J'ai lu dans une traduction française ce Livre précieux et plein de la vraie sagesse, composé par le sénateur Lopoukhine en Moscovie, et j'en ferai imprimer une traduction allemande. (Lettre à Plescheyff, 1801).
CHAPITRE I
De l'origine et de la durée de l'Eglise intérieure
Jésus-Christ a aimé l'Eglise, et s'est livré lui-même à la mort pour elle, afin de la sanctifier, après l'avoir Purifiée dans le baptême par la parole, pour la faire paraître devant lui pleine de gloire, n'ayant ni tache, ni ride, ni rien de semblable; mais étant sainte et incorruptible.
Ephésiens : V. 25-27.
1 - Le bonheur de la créature est l'unique objet de la sollicitude du Créateur tout-puissant.
2 - Il créa l'homme pour le rendre toujours heureux dans le paradis, par des jouissances inexprimables. Pour l'élever davantage, il le doua du libre arbitre. L'esprit de Dieu régna dans l'esprit d'Adam : il pénétra de sa lumière toutes les puissances de son âme, tous ses sens, et le revêtit de son éclat, comme d'un vêtement.
3 - La soumission à l'esprit de Dieu, qui gouverna Adam, était le seul culte qu'il rendait à son Créateur ; la flamme pure et sacrée de l'amour pour lui était le parfum qu'il lui offrait.
4 - L'abus qu'Adam fit de sa liberté et sa désobéissance le firent chasser du paradis ; ils éteignirent dans son esprit le flambeau de la sagesse d'en haut ; ils l'assujettirent, et dans lui tout le genre humain, aux maladies, au travail et à la mort, sur une terre qui dès lors fut couverte de ronces et d'épines.
5 - L'amour éternel châtie pour sauver, et n'afflige même que pour guérir. Ce même amour permit que l'homme
fût sujet à la pourriture, dont il s'est revêtu lui-même en prostituant sa nature au péché ; il l'exila dans cette vallée de douleur, qui convient à sa nature dégradée, désormais trop faible pour se maintenir dans les régions de la lumière ; mais en même temps il lui ouvrit des voies cachées de purification, des passages de la douleur à la joie, de la mort à la vie éternelle, de la misère temporelle à une béatitude sans mesure et sans terme, infiniment au-dessus de celle qu'il a perdue.
Et certes, cet amour sans bornes, dans le moment même de la chute d'Adam, s'occupait déjà du dessein de l'en relever, et préparait dans sa sagesse le moyen de rallumer dans son coeur une étincelle du flambeau divin qui l'avait éclairé jusqu'à sa défection.
6 - Le Père, ouvrant les sources inépuisables de sa toute-puissance t de sa miséricorde, attire en tous temps, en tous lieux, et par toutes sortes de moyens, l'homme vers son Fils, qui seul est la voie, la vie et la porte des cieux. C'est au Fils qu'il appartient d'inviter la créature égarée du chemin de son éternelle félicité, de la presser à y rentrer pour toujours, et de s'absorber, pour ainsi dire, par l'élan de son amour, dans le torrent du bonheur, qui ne se trouve que dans le sein et dans les entrailles du Père.
Le Verbe, qui a créé la lumière, dit sans cesse : que la lumière soit ! et la lumière est.
7 - Le premier soupir du repentir d'Adam fut, pour ainsi dire, le premier rayon de cette lumière renaissante, qui avait brillé dans lui ; il devint la première pierre sur laquelle est bâtie l'église intérieure de Dieu sur la terre.
Les patriarches, qui vinrent après lui, les justes, les âmes pieuses, qui passèrent leur vie dans la crainte du Seigneur, laquelle avait pris naissance en elles par la foi ; celles qui se conservèrent, ornées de toute la beauté de l'innocence d'Abel ; tous ceux-là composèrent cette église, dans laquelle Dieu accomplit le grand oeuvre de la régénération.
Mais ceux qui s'infectèrent de cet esprit de ténèbres qui égara Caïn, répandirent en ce monde pervers le mensonge, les persécutions, les meurtres, l'impiété et les égarements : ils établirent sur la terre l'église de l'Antéchrist.
8 - L'église sainte et divine s'affermit sur tout, s'éleva et s'étendit, acquit une lumière nouvelle, un nouvel esprit, par l'incarnation de Jésus-Christ, notre Dieu : Le Verbe Dieu, créateur de toutes choses, s'est fait chair, et a habité parmi nous.
Ce Dieu-homme, par son incarnation, par sa vie, par ses souffrances et par sa mort, a rendu à l'homme les moyens de salut qu'il avait perdus ; il a ouvert la voie à tous ceux qui l'embrassent par la foi et par l'amour, de redevenir enfants de Dieu, n'étant nés ni par le sang, ni par la chair, ni par la concupiscence, mais par la renaissance divine et spirituelle.
9 - Il a accompli ce grand oeuvre sur la croix, en aspergeant mystérieusement toutes les âmes de la vertu de son sang ; de cette teinture propre à renouveler l'âme en Dieu.
Puissent toutes les âmes, ne fût-il que dans les fonts généraux du dernier baptême, être purifiées par cette aspersion, et rentrer dans leur droit d'enfants du seul et vrai Père de tous les hommes.
10 - Oui, Jésus-Christ, en se revêtant de notre chair, a affermi l'édifice de son église, contre laquelle les portes de l'enfer ne prévaudront jamais.
Il a ressuscité non seulement les morts à la vie temporelle, mais il a foulé sous ses pieds la mort même ; il a rompu les liens infernaux, et a rendu les hommes participant à la vie éternelle. Non seulement il changea l'eau en vin, mais il régénéra aussi cette masse d'éléments immatériels, dont il formera une nouvelle terre et de nouveaux cieux, lorsque ceux qui composent le monde matériel s'écrouleront. Etant la source unique de toute connaissance vraie, il a répandu une nouvelle lumière de sagesse ; il a allumé dans les âmes le feu vivifiant de la foi, et leur a imprimé son caractère.
11 - Ses apôtres et ses disciples, ayant reçu de sa plénitude la grâce et la force, engendraient par lui des enfants de lumière, et les transformaient en nouvelles créatures. C'est ce qu'opéra St Pierre en un jour sur 3000 âmes, par la toute-puissante parole de la vie. Actes chap. II, v. 41.
12 - Ainsi se multiplia la vigne de l'église intérieure de Dieu. Ainsi augmenta et augmente encore l'huile spirituelle de la régénération, qui, par l'incarnation de Christ, a tout rempli : le ciel, la terre et le séjour des morts. Cette source de l'incorruptibilité découle sans cesse sur la terre pure et vierge, la seule où Dieu puisse naître ; elle s'y répand invisiblement et renverse la haie de séparation, que lui, opposent les sens, le péché et tout ce monde passager. Ephésiens V. 26.
13 - Le corps mystique de Jésus-Christ se produit et croit sans cesse ; ses membres sont, en différents degrés et en diverses mesures, animés de l'esprit d'amour de celui qui a donné la nouvelle loi d'amour. Matthieu V. Les membres de ce corps mystique de Jésus-Christ reçoivent chacun des dons différents : l'un la manifestation de l'esprit pour l'utilité des fidèles, l'autre la parole de la sagesse ; celui-ci la parole de l'intelligence, et celui-là la foi ; un autre reçoit le don de guérison, et un autre celui des opérations miraculeuses ; un autre le don de prophétie ; un autre le discernement des esprits ; et un autre le don des langues ; et tous ces dons procèdent d'un seul et même esprit, communiquant sa vertu à qui et comme il lui plaît. I Cor. XII. Cet esprit les dirige et les régénère, les remplissant de son onction, à proportion qu'il les trouve dépouillés du vieil homme.
14 - Ainsi s'établit et s'étend l'église invisible et sainte, cet empire du souverain céleste, où il régnera jusqu'à ce
qu'il ait mis ses ennemis sous ses pieds 1 Cor. XV. C'est ainsi qu'il achèvera l'oeuvre de la création, et alors il remettra son royaume à Dieu le Père. Lors donc que toutes choses auront été assujetties au Fils, alors le Fils sera lui-même assujetti à celui qui lui aura assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous.
CHAPITRE II
l'Eglise sous l'image d'un Temple
1 -En se représentant toute l'Eglise comme placée dans un Temple, dont les dimensions ne peuvent être mesurées que d'après la croix, par celui qui connaît tout, on peut se former l'idée suivante des distributions de ce temple.
2 - Dans la partie la plus intérieure du Saint des saints, près des sources célestes de la rédemption, siègent les prêtres de la régénération universelle ; le bonheur les y environne ; ils y sont comblés des dons de la grâce et de la nature, et ils brillent de toute la plénitude de cette lumière qui répand la vérité et la vie. Celui qui a dit à ses disciples : Je serai avec vous jusqu'à la consommation des siècles ; celui qui après sa résurrection leur apparut, les portes étant fermées ; et qui leur a dit : La paix soit avec vous ; qui mangea avec eux un morceau de poisson rôti, et un peu d'un rayon de miel qu'ils lui servirent, peut-être se manifeste-t-il toujours au petit nombre d'élus d'Eden ; peut-être les bénit-il encore et marche au milieu d'eux, en leur enseignant à opérer l'oeuvre de la régénération, qu'il leur a spécialement confiée.
3 - L'autre partie du Saint des saints est habitée par ceux qui ont achevé leur régénération. Ce sont ceux dans lesquels le dernier degré du feu de la croix a secrètement effacé le péché jusqu'à sa dernière tache ; ils sont les vases d'élection entièrement purifiés et abondamment remplis de l'esprit et de la vie de Jésus-Christ. Le sentiment de cette grâce, qui opère en eux toutes choses, est le seul par où ils connaissent leur existence ; et ils deviennent, par la grâce, ce que Jésus-Christ est par sa nature.
4 - Le Saint du temple renferme d'abord ceux qui intérieurement ont déjà été crucifiés avec Jésus-Christ ; qui, sans avoir, comme lui, déjà remis leur esprit entre les mains du Père, ne sont cependant plus sujets à tomber. Épître aux Galates V, v. 24. 25 ; 1 Jean III. 9.
Ce sont ces justes qui se tiennent devant le voile, lequel ferme le Saint des saints de même que ceux qui habitent son intérieur, qui sont les plus propres à l'apostolat sur la terre, pour imprimer l'image de Jésus-Christ dans l'âme des hommes.
5 - Ensuite viennent tous ceux qui avancent sans relâche dans les voies de la régénération en Jésus-Christ ; ils marchent dans la route de la croix par ses différents degrés et par tous les âges de cette vie ; mais ils ne sont pas tout à fait encore dépouillés du vieil homme, qui doit mourir sur la croix de l'abnégation, et être consumé par le feu de la purification.
Dans ce nombre peuvent se trouver aussi les instruments de l'apostolat, les prophètes, les opérateurs de prodiges, les écrivains inspirés, tous, conformément aux degrés des dons qu'ils ont reçus. Mais tant qu'ils n'ont pas achevé la rénovation de leur homme intérieur, leur être et leurs pensées, qui ne sont point encore crucifiés, ni parvenus à cet état de maturité parfaite que la vie pure de la croix exige, peuvent se livrer aux impressions qui leur sont propres, en infecter leurs oeuvres, leurs paroles et leurs écrits, et jeter l'obscurité, le mensonge et l'erreur jusque sur les vérités qui leur avaient été révélées, et qu'ils annonçaient eux-mêmes. Pour cet effet, on ne saurait être trop circonspect, ni trop prudent en examinant la vie, et en lisant les ouvrages de ceux-là même qui passent pour les plus éclairés.
6 - Le Parvis sera rempli de ceux qui ont été attirés par le Père. Comme ils ont la foi aux vérités révélées de l'Evangile, ils marchent dans la voie de la régénération, et travaillent avec soin à remplir la loi de la grâce.
L'on peut ranger également parmi ceux-là les hommes qui, ne connaissant pas la loi, accomplissent, par le secours de la grâce, ce que la loi ordonne. Lorsqu'une vie aussi vertueuse prépare dans leur coeur le chemin à Jésus-Christ, alors sa voie leur annonce intérieurement l'Evangile, et ils les agrège au nombre des siens.
7 - Dans le Vestibule du Temple sont ceux qui ressentent vivement la nécessité du salut, dont l'esprit est sérieusement occupé de la recherche de la vérité et qui commencent à sentir toute la vanité de ce monde. Plus on est pénétré de ce sentiment, plus on est près des portes du temple, lesquelles ne s'ouvrent qu'aux âmes qui sont dans la repentance, ont l'amour-propre en horreur, et marchent sincèrement et de toute leur force vers le bien.
Le nombre de ceux qui séjournent au Vestibule du Temple fournit en grande partie les faiseurs de systèmes subtils et les chefs des sectes fondées sur l'égarement de la raison humaine, laquelle ne parvient point à connaître les objets de l'esprit pur et divin, ni la route qui y conduit.
Les plus à plaindre d'entre ceux-ci sont les hommes qu'un amour intéressé attire à leur salut, c'est-à-dire qui cherchent le paradis à cause des jouissances qu'ils s'y promettent, et non par zèle d'atteindre à cette pureté, essentielle au paradis et dans laquelle seule Dieu se complaît. Se formant une idée mensongère des préceptes de la religion par la superstition, ils se livrent à une imagination exaltée, à la mortification de leur chair, aussi inutile que mal entendue, et à des martyres que la loi condamne. Ne s'attachant qu'aux formes et à l'extérieur, ils tombent dans l'idolâtrie, croyant servir le vrai Dieu.
Il arrive cependant qu'au milieu de ces fausses pratiques il perce un rayon de cette lumière, qui aime à éclairer tous les enfants d'Adam; et cet effet salutaire n'est dû qu'à cette grâce qui s'occupe partout et dans tous les temps de notre salut. Heureux dans le nombre de ces hommes, livrés à un faux travail spirituel, qui, à l'apparition de cette lumière, reconnaissent la vérité, et se tournent vers elle! Mais il n'arrive que trop souvent qu'ils restent là, extasiés de la lueur de cette vraie lumière.
8 - C'est ici le lieu de dire un mot des symboles et des cérémonies religieuses, que la plupart des hommes abandonnent aujourd'hui sans les entendre, ou dont ils abusent. Elles méritent cependant notre attention et nos égards tant par leur origine que par le but pour lequel elles ont été instituées.
Plusieurs symboles et cérémonies de l'ancien culte judaïque, et du culte extérieur du christianisme, représentent des mystères de la divinité, étant empruntés de l'idée des diverses opérations intérieures de Dieu sur l'âme de l'homme, sur le corps mystique de Jésus-Christ, qui est son église, et sur la nature physique elle-même ; ils sont faits pour en donner des connaissances à tous ceux qui ont des yeux pour voir. Un grand nombre de ces institutions et de ces formes, surtout dans la religion grecque, qui a plus conservé que les autres sa constitution primitive et respectable, peut nous préparer, comme il le doit, à l'adoration spirituelle, et disposer notre âme d'une manière plus réglée et plus efficace, à s'exercer dans le culte intérieur.
9 - C'est ainsi que l'observation de la religion extérieure devient un moyen pour entrer dans la vraie église de Jésus-Christ, qui est l'intérieure.
Quoique ce culte extérieur se soit écarté de sa source, et que l'esprit de lumière, qui le dirigeait, s'en soit retiré, il est toujours infiniment nécessaire, comme moyen ; et les chrétiens, dont les intentions sont pures, peuvent encore en tirer un grand avantage, surtout s'ils se fondent sur les vérités révélées de l'Evangile.
10 - Autour du temple, dont nous avons tracé l'image, errent en grande foule les esclaves de l'erreur, des passions et du vice, qui n'ont pas même le désir de s'affranchir de leur joug ; n'étant entraînés que par les vanités du monde, et par les convoitises de la chair, auxquelles ils se livrent tête baissée, ils ne cherchent pas les sentiers qui conduisent au temple ; ils ne connaissent point le bonheur que les adorateurs y trouvent et, s'ils en entendent parler, c'est pour s'en éloigner davantage.
On pourrait appeler ces hommes les adorateurs de l'idole de la chair et du monde. S'ils prêtent l'oreille à la voix de celui qui veut tout attirer au ciel, ils peuvent devenir prosélytes de l'église de Jésus-Christ, si au contraire ils repoussent la main que le Sauveur leur tend, ils tomberont, soit médiatement ou immédiatement, dans les filets de l'église de l'Antéchrist, tendus par celui qui rôde comme un lion, et qui cherche partout sa proie.
CHAPITRE III
De l'Eglise de l'Antéchrist
1 - Qui sont donc ceux qui composent l'église de l'Antéchrist ? - Les principaux membres de cette infernale cohorte sont les faux opérateurs de prodiges, les faux justes, les écrivains qui, en publiant les mystères de l'esprit de ténèbres, se parent de l'éclat d'une lumière mensongère. L'on doit ranger particulièrement dans cette classe les hommes qui, par amour-propre, s'approprient à eux-mêmes les dons qui n'appartiennent qu'à la grâce, qui abusent des vertus de la foi; qui tournent la lumière dont ils ont entrevu l'éclat dans un aliment de leur convoitise spirituelle, et en nourriture de chair et de sang ; qui n'ont aucune part au royaume de Dieu. C'est de cette classe que s'élèveront les faux Christs, les faux prophètes, qui feront de grands miracles et des prodiges, pour séduire les élus mêmes, s'il était possible. Matthieu XXIV. 24. Et quand ces hommes pervers diront un jour à notre Seigneur Jésus-Christ : N'est-ce pas en votre nom que nous avons prophétisé, que nous avons exorcisé, que nous avons chassé les démons, et que nous avons fait des prodiges ? il leur répondra : Je ne vous connais point.
2 - Ceux qui sont les plus propres à aller à ce dernier degré de perversité sont les hommes livrés à la volupté de l'esprit, qui s'adonnent aux sciences occultes, non par l'amour pour la vérité, mais pour un motif d'amour-propre. On doit mettre au même rang ceux qui, par vaine curiosité, par intérêt et par vanité, recherchent les connaissances secrètes pour faire de l'or, et pour trouver le moyen de prolonger leur vie criminelle. Qu'on y ajoute encore tous ceux qui ne s'occupent que de la lettre de la Théosophie, de la Kabbale, de 1'Alchimie, de la médecine occulte ; et les docteurs de ce magnétisme, qui peut conduire plus directement qu'aucune autre science aux opérations des puissances ténébreuses.
Du nombre de ces disciples de la volupté spirituelle sont aussi les fondateurs des sectes, qui ne s'appuient que sur les lumières mensongères de la raison naturelle ; ignorant l'esprit et ne s'attachant qu'à la lettre, qui pré sente un air de mystères.
3 - Les grands ouvriers dans l'église de l'Antéchrist sont ces pharisiens spirituels, qui ressemblent à des sépulcres blanchis, cachant leur amour-propre, leur orgueil, leur convoitise, leur artifice, leur amour de dominer, sous le manteau de l'humilité, de l'abstinence, de la chasteté et de la bienfaisance. Ce sont là les gens qui sont propres à fonder ces sectes pernicieuses, dont l'institut a toute l'apparence de l'amour du bien, et qui savent tellement séduire, que ce n'est qu'un oeil pénétrant et bien expérimenté qui peut parvenir à découvrir ces cadavres pestilentiels, privés de tout principe de vie.
4 - Les instruments médiats les plus actif s et les prédicateurs de cette église impie sont ces nouveaux philosophes, qui s'efforcent d'établir que l'âme est mortelle, et que l'amour-propre est et doit être la base de toutes les actions des hommes ; que le christianisme n'est qu'un fanatisme. Ces philosophes tâchent d'entraîner les ignorants dans ces idées, en s'appuyant sur des exemples de fanatiques, qui se disaient chrétiens, ou sur des abus qu'on a souvent faits des cérémonies de la religion chrétienne.
5 - Les plus pestilentiels de tous ces faux sages sont ceux qui nient ou l'incarnation de Jésus-Christ, ou sa divinité. Quelques-uns d'entre eux - grand Dieu pardonne-leur travaillent à nous persuader qu il n'y a pas même de Dieu.
Ce sont ces dangereux raisonneurs qui, par leurs écrits, si séduisants pour les sens, ont beaucoup contribué à exciter cette agitation insensée, qui fait courir l'homme après une égalité imaginaire, et qui produit cette licence, contraire à l'ordre établi par les lois divines et humaines, bravant la volonté de Dieu, qui ordonne de respecter le Souverain et d'obéir aux autorités établies. Romains VIII.(8)
6 - Le champ où l'esprit pervers de l'Antéchrist fait encore sa récolte, quoique la moins riche, est cultivé par les misérables, qui s'adonnent aux sortilèges; par les devins, par les scélérats, qui trempent les mains dans le sang de leurs frères ; et encore par ces malheureux esclaves des sens, qui s'efforcent de remplir entièrement la coupe des perversités sensuelles par l'ivrognerie, l'impudicité etc ... Ceux-là sont tout particulièrement dévoués à devenir, au moment où ils s'y attendront le moins, la proie des légions invisibles du royaume des ténèbres.
7 - O Dieu, notre Seigneur Jésus qui t'es fait chair pour notre salut, qui as racheté le genre humain par ton sang, qui as dompté la mort par ta mort, qui es descendu aux enfers et en as fermé les portes, qui as promis d'attirer tout à toi dans le ciel : veuille détruire toute plante que ton Père céleste n'a pas semée, et pour qu'il n'y ait plus désormais qu'un seul troupeau et un seul pasteur. Amen ! ! !
8. Eckhartshausen : La Nuée sur le Sanctuaire - Paris 1819 - 2e lettre.
CHAPITRE IV
Des signes auxquels on reconnaît
la vraie Eglise de Dieu
et les vrais membres de son Chef
Jésus-Christ.
Qui est-ce qui montera à la montagne de l'Eternel, et qui est-ce qui demeurera au lieu de sa sainteté ? C'est l'homme qui a les mains innocentes et le coeur pur. Psaume XXIV 3,4
Nous avons parlé de l'église intérieure de Dieu sur la terre, de l'église de l'Antéchrist et de l'idolâtrie de la chair et du monde; nous avons dit aussi comment les hommes se trouvent exposés à une erreur funeste, non seulement lorsqu'ils sont déjà tout à fait égarés spirituellement; non seulement lorsqu'ils suivent la lumière mensongère de la raison, et ne s'attachent qu'aux choses extérieures, se croyant devenus spirituels, parce que leur mémoire est remplie de mots qui expriment les objets de l'esprit; mais comment ceux-là même qui, ayant déjà réellement vu la vraie lumière, et s'étant écartés du chemin de la vérité, tombent et s'enfoncent d'autant plus profondément dans les ténèbres.
1- Disons maintenant quels sont les signes auxquels on distingue la vraie église de Dieu, et les vrais membres de celui qui en est le chef et le maître, c'est-à-dire les vrais chrétiens.
Partout où Jésus-christ n'est point la pierre angulaire, le fondement et le but, le premier et le dernier, le commencement et la fin de tout l'édifice; partout où l'on ne cherche pas avant tout le Royaume de Dieu et sa justice; là où avec Saint Paul on n'estime pas tout comme rien pour l'amour de Jésus-Christ (Philippiens III.8); là où l'esprit du crucifié, du chef, du maître de l'église ne vivifie pas tout; si ce n'est pas lui qui commence, qui continue et qui achève : là n'est point la vraie église de Dieu.
2 - Mais quels sont donc les signes distinctifs de ces vrais membres, c'est-à-dire des vrais chrétiens ?
Est-ce la foi ? - Mais les démons croient aussi, et ils tremblent.
La force de la prière ? Mais si j'ai toute la foi, au point que je transporte les montagnes, je puis n'exister encore dans la vérité, et n'être rien à ses yeux.
Sera-ce le jeune, l'abstinence, les mortifications ? Il est vrai que leur observation est indispensablement nécessaire au chrétien; mais les superstitieux et les hypocrites peuvent également les observer, et les agents les plus corrompus du règne des ténèbres s'en servent précisément comme d'un moyen pour produire leurs opérations infernales.
Serait-ce la connaissance et l'intelligence des mystères ? - Mais qu'est-ce que l'oeil qui regarde les prodiges, et à qui la chute d'un fétu peut faire perdre la vue ?
Sont-ce les visions ? - Mais elles peuvent être trompeuses; et, quand elles seraient vraies, qu'est-ce qu'un aveugle, accablé de maladie et enchaîné dans une prison, qui n'a vu qu'en songe les beautés du paradis, et la liberté dont on y jouit ?
Sera-ce le don de prophétie ? - Mais qu'est-ce que le verre, qui rapproche des objets très éloignés ?
Seront-ce des paroles mystérieuses et le langage des Anges ? - Mais celui qui le parle peut n'être qu'un airain retentissant, ou une cymbale qui résonne.
Le don des miracles ? - Mais les faux prophètes, les faux Christs feront aussi des prodiges et opéreront des grands miracles.
La distribution de son bien ? - Mais on peut aussi le distribuer par l'excès de cet amour-propre spirituel qui, pour se complaire, ne craint non seulement le dénuement, ni la mort même.
Sera-ce le zèle ardent pour le salut éternel et la souffrance à laquelle il expose ? - Mais, dès qu'une fois on connaît la possibilité de jouir du salut et de la béatitude éternelle, il est tout naturel qu'on y tende de toutes ses forces; et puis, combien n'y a-t-il pas de fanatiques qui, dans leur religion, dans leur vertu imaginaire et dans leur faux patriotisme, se sont livrés avec joie aux flammes, prosternés devant des idoles qui n'étaient que l'ouvrage de leurs mains, et dans le but de parvenir à la félicité de la vie à venir.
Il n'y a pas jusqu'à l'humilité même que la nature ne puisse tellement altérer par la longue habitude d'une patience intéressée, que non seulement l'observateur peu exercé y sera induit en erreur; mais ces hommes humbles se tromperont eux-mêmes, se persuadant que leur résignation a son principe en Dieu.
Nous pouvons de même, en contrariant notre propre volonté et en la subjuguant même, n'avoir d'autre but qu'à y trouver un aliment à notre orgueil spirituel, et un puissant agent pour accomplir nos propres désirs. On en voit aujourd'hui un exemple frappant dans ces plus habiles opérateurs du magnétisme. Ils vous disent que le plus sûr moyen pour produire des effets, c'est de soumettre tous vos désirs; ou, en d'autres termes, que le magnétiseur se tienne dans une parfaite inaction. Mais qui ne voit pas qu'ils se servent de cette inaction même pour arriver plus sûrement au but qu'ils s'étaient d'abord proposé ? C'est ce but qui les rend actifs, dans le temps même qu'ils ne prétendent être que passifs.
Ainsi tous ces caractères que nous venons de passer en revue pour constituer la véritable nature du chrétien peuvent aussi se manifester sans elle.
3 - A quoi reconnaîtrons-nous donc le vrai membre de Jésus-Christ, et quel est son caractère primitif ?
L'Amour ! I Cor. XIII. L'amour est l'essence du corps vivifiant de Jésus-Christ. L'amour est la manifestation de son esprit, qui ne peut exister que dans l'amour, ni agir que par l'amour. Ce qui provient de cet esprit est le seul bon et le seul vrai, et n'est point sujet aux épreuves du feu purifiant. L'amour seul est le noeud indissoluble qui unit à Jésus-Christ. Dieu est charité, et celui qui demeure dans la charité demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui. (I Jean IV.16).
Cet amour qui ne finira jamais, qui ne cherche point son propre intérêt, c'est-à-dire qui se dépouille vers Dieu uniquement pour l'amour de lui-même; cet amour parfait, qui n'a pas de crainte (I Jean IV.18); cet amour qui hait le péché et le fuit, non par la crainte du châtiment, mais parce que le péché est contraire à son principe - c'est cet amour qui est le vrai signe de la régénération en Jésus-Christ; il est l'âme de ce corps intérieur nouvellement régénéré, et cette âme se manifeste à proportion qu'il avance en croissance. Ce corps ne peut se conserver et prendre de l'accroissement que dans l'être qui se dépouille du vieil homme extérieur. Le moyen radical pour la destruction invisible de l'homme pécheur est une profonde abnégation de soi-même qui, à l'aide de l'esprit de l'amour, doit à la fin être suivie, pour ainsi dire, par l'abnégation de cette abnégation de nous-mêmes. Non seulement le moi ne doit point agir, il ne doit pas même avoir le sentiment de son inaction; tant s'en faut qu'il lui soit permis d'en jouir. C'est au moyen de cette jouissance de nous-mêmes que Lucifer peut, en un moment, établir son trône dans le coeur. L'amour-propre, ce règne du moi, est le nid du péché; il est l'aimant qui attire celui qui en est le père; il est son plus puissant agent. - C'est donc l'amour qui est le caractère essentiel de la nature divine dans la régénération; il est le signe distinctif des vrais membres de Jésus-Christ et des enfants de Dieu.
CHAPITRE V
De la régénération, des chutes, des erreurs
qui peuvent y avoir lieu,
et de la fausse spiritualité.
En vérité, si un homme ne naît pas d'en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu. Jean III. 3.
1 - La régénération, ou la rénovation en Jésus-Christ, est le but principal où nous devons tendre, et l'unique nécessaire (Galates VI. 15). Il n'y a aucun de ceux qu'il a rachetés au prix de son sang qui ne puisse y parvenir; non seulement les hommes qui sont appelés à marcher par une route extraordinaire, la route des forces et des illuminations ; mais aussi ceux qui, pour parler plus clairement, n'étant pas destinés à posséder la sagesse et les forces extraordinaires de Jésus-Christ, jouissent seulement de la bonté de sa nature, et de l'affranchissement de 1'esclavage du péché. Cela doit être même la marque générale et fondamentale de la régénération, qui devient une source de félicité pour tous les hommes, quoiqu'en divers degrés et à proportion que la lumière et la gloire divine qui les illumine destine à chacun sa mesure dans la maison du Père céleste, et la place qu'il y doit occuper.
2 - La vraie régénération, par laquelle nous redevenons enfants de Dieu, s'opère dans l'humanité spiritualisée de Jésus-Christ, qui pénètre tout. C'est ce corps qui doit renaître en nous. Ce n'est que dans ce corps que se trouvent l'image et l'expression de Dieu, et c'est dans lui seul que peut agir et habiter l'esprit de Jésus-Christ.
Le germe divin de cette renaissance céleste est renfermé dans notre intérieur, et doit se développer en nous à l'aide de l'esprit et par la vertu de celui qui s'est fait homme dans le sein pur de la Sainte Vierge.
3 - Ainsi le nouvel homme céleste et spirituel, qui a pris invisiblement une nouvelle vie dans son être, que la croix a humilié, ne doit point se défigurer par les taches que l'amour-propre imprime. Que cet homme nouveau-né aille se cacher dans le désert de la croix, éloigné des vanités de ce monde, pour être à l'abri des atteintes du prince des ténèbres, qui y exerce son empire.
Croissant ainsi dans la vie en Jésus-Christ, il doit, à mesure qu'il y avance, fidèlement travailler à l'imiter. Qu'il n'obéisse plus à sa propre volonté, mais à celle de son Père céleste, dont le royaume et la justice doivent être cherchés avant tout.
Eprouvé par la privation de la lumière, et, relégué dans les déserts de la tentation, qu'il la repousse, se tenant de toutes ses forces à cette chaîne de foi et d'amour, qui l'unit à son Père et à son Dieu ; qu'il soit sourd à toutes les séductions du démon.
Que l'amour lui fasse supporter les mépris, les outrages, les crachats, les soufflets, dont le monde l'accable ; et quand il pourrait appeler des légions d'anges pour s'en délivrer, qu'il endure plutôt avec joie toutes les souffrances, lorsqu'elles lui sont nécessaires pour accomplir l'oeuvre de Dieu : qu'il combatte sa chair jusqu'à ce que sa sueur devienne comme des grumeaux de sang.
Si sa faiblesse humaine frissonne à l'approche de ces cruels tourments,
de ces souffrances purifiantes, et qu'il désire que, s'il est possible, ce calice passe, qu'alors il s'empresse, par l'abandon de tout son être, de dire avec Jésus-Christ : O mon Père ! que voire volonté soit faite, et non la mienne.
Quand même alors la chair et le sang, dans l'angoisse que ce dernier degré du feu de la croix leur fait éprouver, s'écrieraient : Mon Dieu, ô mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné ! ce mouvement n'empêcherait plus son homme intérieur renouvelé de s'unir indissolublement et pour l'éternité à son Père céleste, le dernier réduit du péché originel étant déjà détruit en lui.
Voilà une ombre des mystères, dans lesquels la régénération est consommée, et où se trouve la voie en Jésus-Christ ; cette route, parfaitement achevée, introduit dans le royaume de Dieu.
4- Il est en attendant très possible qu'on se fasse une idée fausse de la régénération, et qu'on prenne pour rénovation ce qui ne l'est pas du tout. L'oeuvre même de la régénération peut être suspendu et défiguré par la propriété du régénéré ; c'est cette propriété qui ne permet pas que l'image de Dieu se rétablisse en lui, et corrompt l'oeuvre de la grâce, en y imprimant ses propres traits.
Examinons comment tout cela se fait.
Un homme très éclairé a dit : Travaille surtout que le moi n'agisse ni dans ton esprit, ni dans ton âme, ni dans ton corps. Ressouviens-toi ensuite que la crèche et la croix sont les deux monnaies avec lesquelles on achète le royaume de Dieu. Il faut encore N. B. prendre bien garde que l'empreinte de Jésus-Christ s'y trouve bien imprimée ; car j'ai vu, et je ne mens point, que plusieurs ont été et seront rejetés avec ces fausses monnaies, où était empreinte leur propre image, et non celle Jésus-Christ ; ils avaient cependant dans leur temps nombre de traits de la vie de la croix, et leurs oeuvres ne paraissaient être partout que des oeuvres de l'humilité. ª - Voilà peu de mots, et tout simples, mais qui cachent un sens profond.
5 - Nous avons déjà dit un mot sur ce qui peut se rencontrer de f aux dans la vie de la croix : comment elle peut être fondée sur la propriété, et comment la piété peut n'être qu'une illusion. - Nous dirons maintenant comment l'image de la propriété peut s'imprimer sur la crèche et sur, la régénération même, et comment cette régénération peut être empêchée et mal entendue.
L'abîme de la miséricorde du Père attire tous les hommes à leur salut dans son amour. Sa main toute-puissante et qui agit dans tous les lieux frappe sans cesse à la porte de l'intérieur de l'homme. La voix de la conscience est l'écho ou la répétition de ces coups, qui retentissent dans l'âme de l'homme avec plus ou moins de force, selon la sphère, plus ou moins épaisse et étendue, dans laquelle ses passions, les pensées et les oeuvres de sang et de chair l'entourent et l'enferment depuis sa chute.
Le son de cette voix secrète dans l'homme navre son coeur et le ronge au moment qu'il pèche. Il lui imprime dans ses maladies et dans ses peines le sentiment intime de sa fragilité et de sa faiblesse; dans ses douleurs il lui enlève les consolations que le monde visible et matériel pourraient donner, et, au milieu des joies mêmes de la sensualité, il le remplit d'abattement et de tristesse.
Si l'homme prête l'oreille à cette voix salutaire et se sauve du tumulte des passions qui l'étourdissaient ; s'il retourne, comme l'enfant perdu, à son Père, dont l'amour embrasse tous ses enfants : alors cette force divine, qui demeure dans le fond de son être intérieur, commence à y opérer sa régénération, et y ouvre la route par laquelle le royaume de Dieu peut se manifester.
6 - Ce royaume est semblable à un grain de moutarde (Luc XIII. 19) ; il doit croître et s'élever à la hauteur d'un grand arbre. Mais il peut arriver non seulement que sa croissance soit arrêtée, son germe même peut dans sein de la terre être étouffé par les épines, et ne point porter du tout de fruit. (Le grain peut même ne point germer ) Marc IV. 7
Jésus-Christ compare encore le royaume des cieux au levain qu'une femme prend, et qu'elle met dans trois mesures de farine, jusqu'à ce que toute la masse soit levée - Luc XIII. 2 1 , Matth. XIII. 33.
Pour que le royaume de Dieu s'établisse complètement dans le centre intérieur de l'homme, il faut que cette force, qui en fait l'essence, émane du sein de la divinité, et qu'à mesure qu'elle enlève le vieux levain du péché, elle remplisse l'homme intérieur de sa propre essence divine. Cette lumière vive doit pénétrer comme le ferment, et renouveler tous les trois principes qui constituent l'homme son esprit, son âme et son corps; car son corps doit aussi être affranchi et revêtu de la gloire des enfants de Dieu, et de cette transparence de lumière, qui est l'apanage des corps immortels. I Thessaloniciens V. 23.
7 - L'abnégation passive de soi-même, l'humilité et la résignation doivent coopérer à cette oeuvre de régénération. L'action propre au contraire, fondée sur l'amour-propre de l'homme qui doit renaître, empêche cette lumière de se répandre, et cette lumière se cache.
En attendant, l'amour-propre, qui s'oppose de cette manière à l'entrée du règne de Dieu en nous, peut détourner l'usage de cette lumière à sa propre jouissance ; il peut employer sa force, dont il a senti les effets, à sa propre action, obscurcir par là l'illumination intérieure, défigurer l'oeuvre de la renaissance, et imprimer à cette opération le seau de la propriété, en y détruisant celui de la grâce.
8 - Avant que d'ensemencer un champ, on le prépare à recevoir la semence. C'est ainsi aussi que se font les semailles pour notre naissance céleste : le sol de l'âme doit d'avance être déchiré par la croix du sentiment douloureux des pêchés,. et arrosé des larmes du repentir.
C'est dans cet intervalle que la miséricorde divine, préparant l'âme à commencer son oeuvre de régénération, lui fait sentir d'avance le bonheur de son approche par des sentiments doux, par des extases, par d'es apparitions emblématiques, qui surviennent dans les songes ; par une voix intérieure, par des visions, enfin par 1'entière illumination de son intelligence.
Tout cela se fait dans l'unique but de la presser, de 1' encourager, de la consoler et de l'instruire. Cela se fait encore médiatement, par ces légions invisibles, que la main du Tout-puissant arme pour son service. C'est dans les approches de l'âme que se passent ces effets, et où l'action des esprits impurs peut également se glisser, qui ne se transforment que trop souvent en Anges de lumière.
C'est pourquoi les mystiques exerces conseillent d'être en garde coutre les sensations douces intérieures, et surtout contre celles qui produisent leur effet sur les sens extérieurs ; ils conseillent d'éprouver les esprits, pour connaître s'ils viennent véritablement de Dieu.
Tout ce que nous venons de dire se passe hors de ce centre, où le royaume de Dieu se manifeste dans sa vraie puissance, et qui est inaccessible à toute action impure.
9 - L'orgueil spirituel, l'amour-propre et l'ignorance peuvent porter l'homme à prendre ces annonces de l'approche du royaume de Dieu pour la manifestation de ce royaume même, pour la présence immédiate de Jésus-Christ, pour le sentiment de son action même, dans laquelle consiste proprement le royaume des cieux.
L'homme commencera alors à faire servir les tableaux spirituels, qui ne lui avaient été offerts que pour l'exciter et l'instruire, à satisfaire les désirs des yeux spirituels : les sensations douces de son âme, qui ne présentent qu'une ombre de là présence réelle de Dieu, nourriront sa convoitise, et sa volupté spirituelle ; il s'enorgueillira au fond de son coeur des forces qui se sont manifestées en lui.
Les leçons de figures emblématiques, que son impureté a mal saisies, deviendront pour lui autant de révélations claires et nettes de Dieu ; et, prétendant le suivre, il s'égarera, n'étant conduit que par lui-même.
Marchant dans cet aveuglement, mais ayant des notions sur l'action puissante qu'opère le nom de Dieu, et ne cherchant que les avantages de sa propriété, il abusera de ce saint nom pour avancer son action, qui n'est qu'à lui.
Par là, il repoussera le royaume de Dieu qui s'approchait de lui ; il augmentera les obstacles à sa régénération, et les traces de cette grâce divine, qui avait commencé son oeuvre en lui, ne seront plus marquées que par les impressions de sa propre volonté. Et voilà comment on peut défigurer l'oeuvre même de notre régénération.
10 - Mais comment peut-on avoir une notion fausse de la régénération, et abuser des règles qu'on y doit suivre ?
Il y a des hommes qui connaissent les règles de la vie en Jésus-Christ et qui combattent plusieurs de leurs passions, prenant pour motif non pas cet esprit de vie de leur maître, mais leur amour-propre spirituel, ou poussés par d'autres causes, purement naturelles. Ceux-là peuvent, après un long usage de cette pratique, qui se tourne en habitude dans leurs facultés inférieures , la prendre pour la rénovation, et se croire régénérés, dans le temps même que leur esprit, qui ne respire que pour sa propriété, et, s'enveloppant, par la lettre-morte, de l'image de la robe de Jésus-Christ, n'est gouverné, moyennant cette propriété, que par l'esprit de l'Antéchrist, et se prépare à devenir son trône.
11 - L'homme que la nature a doué de grandes forces d'âme, qui pousse l'amour-propre à un haut degré d'élévation et de raffinement ; que l'orgueil d'esprit et l'amour du plaisir tiennent toujours en mouvement, et qui atteint le dernier degré de grandeur et de gloire - le but de son ambition et de son égoïsme -, cet homme, dis-je, peut fort bien avoir dans sa bouche les paroles de Jésus-Christ et opérer l'extérieur de ses oeuvres, par là même qu'elles renferment ce qu'il y a de plus sublime en fait de vertu ;, mais il ne recherchera cette vertu que pour sa propre gloire et pour nourrir sa propriété.
La jouissance de lui-même est l'objet de sa vie. Il conformera ses actions aux règles qu'il a puisées dans la vie de Jésus-Christ ; mais, n'étant pas animé par son esprit, ses oeuvres, au lieu du cachet de Jésus-Christ, porteront le sien. Cet égoïste n'ambitionne que les distinctions et le premier rang dans la milice spirituelle, sachant que les exemples et les maximes de Jésus-Christ sont le plus sûr moyen d'y parvenir, il s'en sert comme de la meilleure tactique pour assurer son triomphe ; et sa victoire ne lui est chère que parce qu'elle procure des jouissances à sa propriété.
12 - Ces sortes de héros du faux christianisme croient par leur activité étendre le royaume de Dieu ; mais, en ne le fondant que sur eux-mêmes, ils deviennent des ravisseurs de la gloire de Dieu, et apôtres du royaume de la propriété, qui est la vraie image de l'Antéchrist. Toute plante, que le Père céleste n'a point plantée, sera arrachée et toute oeuvre, dont l'esprit de Jésus-Christ n'est pas le commencement et la fin, n'est qu'abomination aux yeux de Dieu, et ne se soutiendra pas au creuset de l'épreuve universelle.
13 - Les intentions, les paroles et les actions sont bonnes ou mauvaises, selon l'esprit dont elles dérivent, et dont elles portent l'empreinte.
Le publicain repentant est tout près du royaume de Dieu, tandis que le pharisien, qui prétend en accomplir les oeuvres, en est fort éloigné. La femme de mauvaise vie qui, dans un lieu immonde, sent quelquefois l'opprobre de sa vie et la conscience qui l'épouvante, est infiniment plus près de la vérité que le stoïcien qui se réjouit au milieu des flammes auxquelles il a livré son corps pour servir par amour-propre 'cette idole de vertu, qu'il s'est fabriquée lui-même.
14 - L'ennemi de Jésus-Christ, qui ne cherche qu'à dévorer les âmes, trouve son grand compte dans ceux qui se font Christs, sans avoir l'esprit de Jésus-Christ. Ils peuvent devenir les plus précieux agents de l'Antéchrist. Il ne leur ôtera point la foi, il travaillera seulement à les enfoncer davantage dans la propriété, pour qu'ils en produisent les oeuvres. Ceux qui ont la foi sans la charité sont surtout sujets à cet épouvantable égarement, ou plutôt il n'y a qu'eux qui le soient; car il n'est pas possible d'abuser d'une chose qu'on ne comprend même pas.
15 - Dans ce sentier funeste, surtout cet usage indiscret et désordonné
des facultés spirituelles, les esprits peuvent trouver une influence et immédiate. Ils prennent un habit de lumière et un voile qui brille d'un f aux éclat ; ainsi vêtus, ils présentent l'imposture pour la vérité et la font embrasser ; ceux qui s'y laissent prendre sont ensuite conduits d'une lumière mensongère à une autre lumière, qui fait perdre la vue par l'impureté qu'elle exhale.
16 - Il convient de dire un mot ici de la spiritualité qui a tant d'attraits pour ceux qui ont senti toute la brutalité de la vie sensuelle. En attendant, je crois que ce dernier état s'oppose moins au retour et que la première étincelle qui allume le flambeau de la vérité, s'y conserve plutôt que dans la spiritualité fondée sur de mauvais principes.
Lorsqu'on a de fausses notions sur la spiritualité, et qu'on ignore la différence qui se trouve entre la spiritualité de la région élémentaire (astrale), la spiritualité angélique, et la spiritualité divine, on ne peut avoir qu'une idée très obscure de la vraie illumination; on prendra pour connaissance d'objets divins celle qui en éloigne le plus.
17 Les savants de l'esprit astral croient très éclairés, parce que leur pénétration astrale, se parant de lettre matérielle, présente à leur imagination les figures des choses spirituelles et divines , qui souvent n'ont aucun rapport, pas même l'ombre de ressemblance avec les objets réels.
Tout cela arrive à l'homme livré à sa raison ; il ne peut point connaître ce qui est divin, et le divin n'est à ses yeux que folie.
18 - D'autres, plus malheureux encore que ceux-là, sont les hommes qui, se trouvant dans la route de l'intérieur, particulièrement ceux qui sont tourmentes de la soif des connaissances, ont su, ont su, par l'effort et un usage de leur spiritualité naturelle s'ouvrir réellement le chemin aux esprits et communiquer avec eux. Mais n'étant ni munis des secours de la sagesse, ni fortifiés dans cet état qui rend l'homme capable de combattre les esprits impurs, ne jouissant pas d'ailleurs du don puissant d'éprouver, il leur est impossible d'éprouver si les esprits sont de Dieu. Ils donnent ainsi, tête baissée, dans les impostures de ces esprits qui les livrent à l'erreur, et les empêchent d'arriver à ce centre intérieur où les vérités divines peuvent être entendues.
19 - Cette intelligence qui pénètre au centre est un don de l'esprit de Jésus-Christ, en qui seul réside la spiritualité salutaire, pure, et à l'abri de tout mensonge.
CHAPITRE VI
De la voie de Jésus-Christ dans l'âme
1. - Dans la vraie régénération, Jésus-Christ lui-même achève sa voie dans l'homme qu'il régénère, à mesure qu'il se manifeste à son âme et qu'il y avance l'accroissement de son humanité spirituelle. Jésus-Christ, en s'incarnant dans l'individu pour ainsi dire, le conduit après lui à sa plénitude, qui a paru sur la terre dans son incarnation divine; il le conduit en l'animant de sa propre vie, et suivant qu'il lui trouve des dispositions, il le transforme d'après ses desseins en cet état de béatitude et de gloire dans lequel il doit éternellement exister en lui dans le royaume de la création renouvelée.
2. - Cet ouvrage secret et invisible de Jésus-Christ commence dans l'âme dès que l'action divine, qui renouvelle tout, y manifeste sa force; c'est lorsque la semence de la propre nature de Jésus-Christ y germe et fructifie, et que l'action de son esprit s'y fait sentir d'une manière sensible qui ne laisse plus de doute de sa présence, parce qu'il lui fait goûter et voir combien le Seigneur est bon. Tout cela se fait dans l'âme, lorsque la vie de Jésus-Christ y prend naissance.
3. - Mais, pour que l'homme entre dans la vraie voie de la régénération, pour qu'il approche de Jésus-Christ, et qu'il le suive dans son union avec lui, il faut d'abord qu'il marche dans la route qui conduit à cette voie de vie dont nous avons parlé. Or, cette route préparatoire n'est autre chose que l'imitation de Jésus-Christ.
CHAPITRE VII
De l'Imitation de Jésus-Christ
Jésus dit : Je suis la lumière du monde; celui qui me suit ne marchera point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. Jean VIII.12
1. - Celui qui veut devenir un vrai imitateur de Jésus-Christ, inspiré par son esprit, et pour cela même que cet esprit le vivifie, doit imiter son exemple et exprimer dans tous les actes de sa vie ses préceptes, qui nous sont révélés dans l'Evangile.
En marchant dans cette route, il doit occuper sa volonté à se faire violence, à soumettre toutes ses forces aux commandements de Jésus-Christ. Il doit non seulement les remplir, mais aussi imiter intérieurement et extérieurement l'exemple qu'il a laissé. Il doit faire violence au vieil homme, pour lequel il n'y a rien de si dur et de si révoltant que la vie et la prédication du Sauveur, par la raison qu'elles le tuent.
2. - Celui qui veut avancer dans la voie qui conduit à Jésus-Christ doit sincèrement aimer la vertu, et n'avoir immédiatement en vue que Jésus-Christ, ne cherchant que lui seul, et ne le cherchant que sur la croix.
Il n'y a que cette disposition seule qui prouve qu'on est véritablement attiré, et sans un tel attrait il est impossible de faire un pas vers Jésus-Christ. Celui qui ne l'a point fera tout ce qu'il voudra : il ne marchera certainement pas dans la voie qui conduit à la vraie régénération.
3. - Celui qui y marche doit, l'oeil fixé sur le miroir de l'Evangile, s'identifier journellement avec la vie et les vertus de Jésus-Christ. Ce n'est pas qu'il puisse l'égaler par ses forces naturelles, ce qui est impossible, même en partie, à moins que Dieu ne le transforme et ne le fasse participer à la vie surnaturelle; - que la chair et le sang, hélas ! ne songent pas même à en concevoir l'idée.
Mais cet exercice constant des forces naturelles d'après le modèle divin est aussi nécessaire, non seulement pour que l'homme produise dans sa vie naturelle des actes plus conformes à la volonté de son Créateur, mais aussi pour que cette pratique lui prépare le moyen pour commencer la vie intérieure, surnaturelle et céleste.
4. - C'est surtout l'amour du prochain qui doit faire son occupation constante. C'est par là particulièrement que la nature humaine se forme et se rend propre à devenir l'habitation de ce Dieu, Trois en Un, qui n'est qu'amour. L'homme qui cherche son Sauveur doit pratiquer ce précepte, en observant la loi évangélique dans toute sa simplicité; en cachant, autant qu'il le peut, ses actes de bienfaisance, et en se tenant très en garde de les faire devenir un objet de sa propre gloire et de sa propre satisfaction, non seulement devant les hommes, mais à lui-même. Dans toutes ses bonnes oeuvres, et dans ses projets d'en faire, il doit tâcher d'entrer intimement dans le sens profond et caché de ces paroles du Sauveur : "Que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite." Matthieu VI.35.
5.- L'homme qui travaille à sa régénération doit se faire sans cesse violence, et se livrer à une activité douce et tranquille, avant que l'esprit, qui le régénère, commence à opérer en lui d'une manière sensible. Il doit persévérer dans cet état, où sa croyance n'est que faible, chancelante, obscure et destituée de vie, jusqu'à ce que la foi en Jésus-Christ ait vivifié son esprit.
C'est le Père céleste lui-même qui, du fond de sa toute-puissance, excite continuellement (secrètement) cette croyance dans l'homme : lorsqu'il trouve sa volonté susceptible et bien disposée, il y verse une inclination et un attrait pour le Fils, et cet attrait augmente et se fortifie à mesure que celui qui est attiré y coopère de sa part.
6 - Le règne de Dieu doit être forcé, jusqu'à ce que ceux qui le cherchent l'aient emporté : mais la manière et la forme de cette violence ne sont pas les mêmes.
Lorsque Jésus-Christ agit dans l'homme qu'il 'régénère, tout l'effort de son âme doit consister dans l'inaction, dans l'abandon à l'esprit de celui qui opère ; elle doit combattre la loi du vieil homme, qui s'oppose à la loi de l'esprit de Jésus-Christ.
Mais, quand la vie céleste de Jésus-Christ n'a point encore manifesté son action dans celui qui le cherche, la lumière qui le conduit n'étant que faible, n'étant qu'une lampe qui allume à peine sa foi naissante, il doit employer ses forces naturelles à 'agir et à se conduire dans toute sa vie, soit intérieure ou extérieure, d'après les instructions et l'exemple de Jésus-Christ. Ce n'est que par là qu'il se mettra en état de prendre la croix qui, portée justement et par degrés en amour, est la vraie voie vivifiante de l'imitation de Jésus-Christ. Marc VIII, 14.
L'adoration de Dieu, par exemple, celle qui lui est agréable, est l'adoration qui se fait en esprit et en vérité. Jean IV. 23. Elle n'appartient qu'a celui qui s'attache et demeure dans la vérité, et à celui dont l'homme intérieur est renouvelé par l'esprit de vérité. C'est là le culte que lui rendent les régénérés ; ils sont comme les temples vivants, dans lesquels l'esprit de Jésus-Christ lui-même offre le sacrifice d'adoration : ils sont les autels spirituels, destinés à ce sacrifice, et uniquement occupés à contempler la grandeur, à goûter les douceurs de l'adoration de Dieu, qui s'opère sur eux. C'est ainsi que dans ceux qui sont dans la voie de la régénération, particulièrement ceux qui se trouvent attirés par le Père, l'esprit lui-même prie souvent par des soupirs ineffables. Romains VIII. 26.
7 - Tant que l'esprit d'oraison n'est pas encore excité, nous devons employer nos facultés naturelles à adorer et à prier.
Les facultés de notre raison servir à nous faire connaître ce véritablement utile à l'âme.
Nos désirs, qui se portent aux objets de la terre et aux vanités de monde, nous devons les en éloigner et les tourner vers ce qui est céleste et agréable à Dieu.
Nous devons employer notre mémoire à y conserver les commandements de Dieu et l'exemple de la vie de Jésus-Christ, pour nous y conformer dans tous les actes de la nôtre.
Nous devons appliquer notre pensée à des objets qui nous portent à la piété et à la crainte de Dieu ; tels que l'idée d'un Dieu tout-puissant, agissant tout et voyant tout, l'idée de sa justice, et de sa bonté ; d'un Dieu qui, s'étant fait homme, souffre pour nous sauver; l'idée de notre propre indignité, de nos chutes, l'idée de la mort, etc., etc.
8 - Toutes ces méditations de notre âme doivent aboutir à nous rendre circonspects sur nous-mêmes, à nous porter à cette contrition que demande le souvenir de nos fautes, et à nous inspirer la résignation, la vénération et l'amour de notre Créateur. C'est dans la plus grande simplicité que nous devons nous y livrer, et autant que possible par notre coeur, en consacrant à l'adoration les facultés les plus intimes de notre âme.
Mais soyons en garde contre notre propre imagination ; gardons-nous de nous former des tableaux, et de nous y livrer. Quels qu'ils soient, ils peuvent toujours produire de funestes impressions sur l'imagination même.
Ayant ainsi disposé notre âme pour servir et pour adorer notre Père céleste, il est essentiel que nous nous livrions à la prière le plus souvent qu'il nous est possible, en lui consacrant toute notre pensée, dans tout le secret de notre coeur, dans ce calme intérieur qui, en nous retirant des objets extérieurs, nous fait rentrer en nous-mêmes et nous occupe de notre Dieu.
9 - Observons ici que l'oraison ne doit point avoir pour but de chercher et de trouver ce sabbat, ce repos spirituel, dont l'état permanent n'appartient qu'au plus haut degré de la nouvelle vie divine. Dans la voie de la régénération, la jouissance s'en fait sentir momentanément pour consoler, fortifier et encourager l'homme qui doit se régénérer.
Il ne suffit pas de ne point chercher cet état, il faut même craindre d'y entrer autant que de vouloir entrer dans l'intérieur du royaume de Dieu par ses propres forces. Les tentatives de ce genre ont les suites les plus funestes ; les ténèbres n'ont rien de commun avec la lumière ; il n'y a que les sentiments spirituels de l'homme nouveau qui puissent jouir de la vie divine. La seule porte par laquelle on y entre, c'est Jésus-Christ. C'est lui et son esprit qui nous ouvrent le passage dans la cour du paradis.
10 - Jésus-Christ dit : Le vent souffle où il veut, et tu en entends le son ; mais tu ne sais ni d'où il vient, ni où il va ; il en est de même de tout homme qui est né de l'esprit. Jean III. 8.
Mais avant que la vie de cette renaissance se manifeste, l'homme doit, au lieu d'envahir les dons qui l'accompagnent, employer toutes ses forces naturelles à fuir tout ce qui est contraire à la volonté de Dieu et à s'efforcer à remplir ce qu'elle demande, s'appliquant à l'observer intérieurs et extérieurs, dans les actes et à connaître cette sainte volonté du Seigneur, telle qu'elle est proposée dans l'Ecriture sainte, dans les écrits des saints pères, dans ceux des hommes éclairés par l'esprit de Dieu, et qui sont chargés de l'instruction de son église.
Quoique tout ce que nous faisons sans l'esprit de Jésus-Christ sera consumé par le feu de l'épreuve, ce travail des forces naturelles est nécessaire pour que notre nature devienne susceptible de la renaissance divine et céleste. Le Seigneur est près de ceux qui le craignent, et qui mettent leur confiance en sa miséricorde. Ps. CXLV. 18, et CXLVII. 11. Quand une application fidèle et zélée à suivre les préceptes de la parole révélée de Dieu aura préparé notre âme, elle deviendra l'habitation de la parole de vie, qui s'incorpore en elle et y établit son règne.
CHAPITRE VIII
Des principaux moyens pour entrer
dans les voies de la vie divine
1 - Dans la voie qui mène à la vie divine, ou dans celle qui prépare à la régénération en Jésus-Christ, les points w essentiels qui doivent occuper ceux qui y marchent sont a) la violence faite à leur propre volonté, b) la prière, c) l'abstinence, d) les actes de charité, connaissance de la nature et de soi-rnême.
C'est à la pratique de ces objets que doivent se livrer ceux qui se trouvent dans la voie même de la régénération mais, dans cette voie, c'est Jésus-Christ lui-même qui agit dans la nature et dans les principes qui sont propres à la rénovation, à mesure que son incarnation avance dans l'âme. Il y porte la lumière de sa grâce et illumine ces pratiques religieuses d'après les règles et les degrés de la vie surnaturelle.
Mais dans la voie qui ne fait que conduire encore à la vie divine, la volonté libre de celui qui y marche doit forcer sa nature et lui faire violence, pour se livrer à ces pratiques.
Considérons en abrégé en quoi elles consistent.
A. La Violence faite à la volonté.
Le régénère, en qui la parole éternelle se fait entendre d'une manière distincte, et en qui la volonté' de Dieu se manifeste clairement, n'a qu'à suivre les préceptes de cette parole, et à soumettre sa volonté propre à la volonté divine.
Mais, dans la voie qui ne fait que conduire encore à la régénération, avant que cette parole soit vivifiée dans l'âme, nous devons faire violence à notre volonté propre pour qu'elle accomplisse la volonté divine. Il faut donc travailler à la connaître, tant par le moyen de la révélation dans l'Ecriture sainte, que par les écrits des hommes que la grâce avait illuminés, et conformer rigidement la vie aux règles qu'elle prescrit.
3 - C'est en forçant ainsi la volonté corrompue de notre nature dégradée, qui est absolument opposée à la volonté divine, que nous travaillons le plus à nous dépouiller du vieil homme ; c'est par cette violence que notre âme force le royaume de Dieu.
4 - Il est utile et nécessaire de rompre souvent sa volonté propre et de lui résister, même dans les plus petites choses, en le faisant par un zèle ardent pour Jésus-Christ le crucifié. Cette lutte continuelle contre sa propre volonté, soutenue dans une bonne vue, nous prépare particulièrement à la vraie abnégation, et attire l'esprit de la grâce.
5 - Il faut aussi suivre la voie de la conscience, ou du -mouvement le plus intime de notre coeur ; mais il faut user d'une extrême précaution dans l'examen de ses émotions ; car elles sont très sujettes à se corrompre, lorsqu'en sortant du sanctuaire de la conscience, elles passent par une atmosphère épaisse et impure, qui forme une espèce d'enceinte autour de l'intérieur de notre coeur.
6 - Il faut donc f aire violence à sa volonté, pour qu'elle obéisse à la volonté divine. Par exemple, la volonté de l'homme déchu le porte uniquement à sa propre jouissance ; et il faut qu'il la tourne à ce qui est agréable à Dieu, quoi qu'il puisse lui en coûter. Jésus-Christ commande d'aimer ses ennemis : obligation très pénible à remplir pour la chair qui s'aime elle-même, et dans laquelle le diable a versé son orgueil ; aussi l'homme, gouverné encore par ses sens, et qui vit sans l'esprit de Jésus-Christ, est incapable de la remplir.
Mais que peut-il, que doit-il faire ? Il doit et il peut se faire violence et lutter intérieurement avec l'inimitié qu'il a contre son prochain ; il doit se forcer à prier pour lui ' à s'humilier devant lui, à lui rendre service, à le bénir, etc.
7 - C'est de la même manière qu'il doit agir pour remplir tous les devoirs que Dieu nous a imposés ; travaillant constamment à soumettre notre volonté, et exerçant particulièrement ce travail sur les mouvements les plus intimes de notre âme.
L'homme, qui se conduit ainsi, se conforme aux desseins de Dieu, autant que cela est possible à l'homme qui n'est encore que naturel, et rend sa volonté susceptible de se soumettre immédiatement à la volonté du Très-Haut, et d'y être absorbée pour ainsi dire, lorsqu'elle vient établir sa demeure dans l'âme par son incarnation
B. La Prière.
La prière ouvre l'âme pour recevoir l'esprit de grâce, qui l'attire à lui. Elle est un aliment qui donne des forces pour le combat spirituel. Il faut que la prière soit fondée sur l'abandon. Une humble résignation à la volonté de Dieu est la meilleure manière de prier.
Si celui qui prie ne peut s'abandonner encore en lui sacrifiant tous ses désirs, et élever son coeur et sa voix au Seigneur, en disant : Que votre volonté soit faite, au moins ne doit-il rien demander dans ses prières que ce qui est conforme à la volonté divine. Il doit en outre s'efforcer de marquer toujours sa prière du sceau de la résignation à la volonté paternelle de Dieu; et, s'il lui survient des tentations ou de la répugnance pendant la prière, il doit invinciblement persister dans son oraison jusqu'à ce qu'elle ait vaincu par sa force ; il doit combattre, jusqu'à ce que sa sueur tombe en gouttes de sang. Luc XXII. 42-44.
9- Nous ne devons demander dans nos prières que ce qui doit contribuer à la sanctification du nom de Dieu. à l'agrandissement de son royaume, et à l'accomplissement de sa volonté. La prière, enseignée par Jésus-Christ,Matthieu VI. 9-13, doit être la base et la règle de toutes les nôtres.
10 - L'on doit prier au nom de Jésus-Christ, se portant de toute sa pensée et de tout son coeur vers le Tout-Puissant qui est présent partout. Il faut, autant qu'il est possible, que la prière se fasse dans le plus intime du coeur, en y employant ses mouvements les plus cachés.
Qu'on tâche de s'occuper souvent de la prière, en la faisant dans le secret de son coeur, et y fermant la porte des sens qui se portent toujours au péché.
Au milieu des dissipations et dans le temps même où l'on est absorbé dans l'amour des créatures, des retours, même momentanés, dans le fond de l'âme vers Jésus-Christ préparent l'esprit à l'onction de la grâce, et procurent de grands avantages.
11 - Outre ce que nous avons dit plus haut de la manière que l'on doit prier intérieurement - ce qui peut avoir lieu dans tous les endroits, et au milieu de toutes les occupations - ; outre les prières qui se font dans le temple avec les chrétiens nos frères, et qui peuvent beaucoup contribuer à inspirer la dévotion, il est utile, il est même de devoir de prier une fois par jour, ou plus (le plus souvent serait le mieux), dans un endroit retiré et écarté de la vue des hommes, comme le veut le Seigneur, lorsqu'il nous ordonne de prier dans notre cabinet, les portes fermées. Matthieu VI. 6.
Qu'on prie son Dieu dans cette retraite, et surtout en se retirant de soi-même, c'est-à-dire de son amour-propre et de la vaine complaisance en soi-même ; ces passions peuvent corrompre la prière la plus pure, en nous y faisant rechercher la jouissance de nous-mêmes.
La posture du corps, d'accord avec la disposition de l'âme, peut et doit dans l'homme physique coopérer à l'oraison. L'homme-Dieu, Jésus-Christ le Sauveur, qui pour le salut du genre humain se revêtit parfaitement de la nature humaine, se jeta, le visage contre terre, et, s'étant mis à genoux, il priait, et il lui vint une sueur comme b des grumeaux de sang, qui découlaient jusqu'à terre. Matthieu XXVI. 39, Luc XXII. 41, 44.
C. L'Abstinence.
L'abstinence doit être triple : elle consiste dans celle de l'âme, celle de l'esprit, et celle des sens.
13 - Quand le Verbe éternel s'est incarné dans l'âme qu'il régénère, et que l'esprit de Jésus-Christ règne ouvertement et sensiblement dans son esprit, il doit être parfaitement soumis à la direction de cet esprit divin, et contenir son esprit écarté de tout ce qui n'est pas en lui un mouvement de l'esprit de Jésus-Christ.
14 - Mais, quand on n'est que sur la route qui conduit à la vie divine, c'est-à-dire avant que la lumière de la grâce se manifeste dans l'âme, et avant que celle-ci entende véritablement retentir en elle la voix du Verbe éternel, il faut contenir les mouvements de notre esprit, qui nous portent vers tout ce qui peut mettre obstacle à la manifestation de la vie divine dans l'âme, ou au commencement de la régénération en Jésus-Christ.
Il faut contenir l'impétuosité des passions, la convoitise d la chair, la convoitise des yeux et l'orgueil de la vie; il est surtout nécessaire de lutter dans son coeur contre tout mouvement qui s'oppose au pur amour. Il faut absolument dompter tout ce qui porte le caractère de méchanceté et de colère : deux vices diamétralement opposés à l'humilité et à la charité. L'amour est le premier rayon, le commencement et la fin du règne de Jésus-Christ dans l'âme, et l'humilité doit être son trône.
Cette continence doit être portée jusque dans les efforts mêmes que notre âme fait pour le bien, de peur que, par des élans immodérés et mal placés, elle ne manque le but où elle doit tendre, et que par là elle ne se plonge dans un abîme de ténèbres et de vices.
15 - Il faut empêcher son esprit non seulement de s'occuper à des choses manifestement nuisibles, mais même écarter toutes recherches inutiles, toute connaissance qui porte sur des choses qui ne sont propres qu'à satisfaire sa curiosité, et qui ne sauraient nous avancer dans la vie chrétienne, ni nous aider à remplir nos devoirs dans la société, nos devoirs de citoyens et de sujets.
Dans des occupations de l'esprit, même les plus utiles, une abstinence qui serve de délassement lui devient salutaire et nécessaire, de peur que ses forces ne s'épuisent.
Il est encore important d'arrêter la raison dans les efforts qu'elle fait pour approfondir par elle-même la nature des mystères qui sont du domaine d'un royaume dans lequel la chair et le sang ne peuvent pénétrer, et qui ne sont révélés que par l'esprit du Roi et du Seigneur Jésus-Christ. C'est lui qui découvre lui-même les mystères de son royaume à ceux qui l'aiment, à proportion de leur avancement dans sa nouvelle vie, suivant qu'il daigne leur dispenser ses dons.
16 - En contenant les sens dans les bornes des fonctions qui leur sont assignées dans cette vie d'expiation et d'exil, il faut les préserver de tout ce qui peut les captiver, de tout ce qui peut infecter davantage l'âme par eux, et multiplier les liens du péché, liens qui doivent être rompus jusqu'au fil le plus subtil, pour que l'âme soit parfaitement purifiée et totalement unie à Jésus-Christ : ce qui est l'objet et le but de la régénération.
En parlant de l'abstinence par rapport aux sens, il convient de dire un mot de l'utilité du jeûne, ou de l'abstinence dans le boire et le manger.
Cette espèce de jeûne est essentiellement utile pour réprimer les troubles criminels de la chair, laquelle doit être ramenée dans ses bornes et soumise à l'esprit qui doit la gouverner ; elle doit obéir à la tempérance, pour que sa corpulence ne devienne pas le siège ne plus grande puissance de l'ennemi. Le désir impur de la chair, qui est l'instrument le plus actif de l'ennemi, doit être non seulement dompté, mais détruit jusque dans son germe, lorsque nous nous dépouillons du vieil homme.
Et, quoique le jeûne doive porter plus sur la quantité que sur la qualité de notre nourriture, les ordonnances de l'église y sont cependant d'une grande utilité, en ce qu'elles en font connaître le véritable objet, et nous disposent à en user dans l'intention pour laquelle il a été institué.,
D. Oeuvres de Charité.
L'amour qui s'est fait chair pour le salut du monde a donné ce commandement à ses disciples : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, priez pour ceux qui cherchent à vous nuire et qui vous persécutent, faites l'aumône etc., comme cela est écrit dans S. Matthieu aux chap. V. VI_ et VII qui contiennent les préceptes divins de la vie chrétienne.
Ce sont là les actes d'amour qui sont d'une obligation indispensable pour ceux qui cherchent le royaume de Dieu et sa justice dans la vie nouvelle en Jésus-Christ.
18 - Quand Jésus-Christ, quand l'amour même règne visiblement dans l'âme et y accomplit la régénération de l'homme, alors l'amour y produit lui-même, par son esprit, les actes qui lui sont conformes, à proportion qu'elle se dépouille du vieil homme ; et alors on peut dire que l'arbre de vie porte des fruits purs et vivants.
Mais, quand on n'est encore que sur le chemin qui mène à la vie divine, avant que l'amour de Jésus-Christ commence à agir sensiblement dans l'âme, on doit forcer ses facultés naturelles à exercer ces actes de charité d'après les préceptes de l'Évangile, et suivant qu'il a été dit ßß 6 et 7 de ce chapitre.
L'on doit tâcher de produire ces actes uniquement pour l'amour de Jésus-Christ, en considérant attentivement, lorsqu'on les fait, le sens intérieur de ce commandement au sujet de l'aumône: Que ta main gauche ne sache pas ce que fait la droite. Matthieu VI. 3.
19 - Il n'y a d'oeuvres de charité vraies que celles qui se font par l'esprit de Jésus-Christ, et sans aucun mélange de notre propriété ; celles qui se font par l'amour pur, parce qu'il n'y a de bon et de parfait que ce qui provient de cet esprit.
Dieu, qui s'occupe du salut et du bonheur de sa créature, demande de nous un amour pur et désintéressé, parce qu'il n'y a que cet amour, en tant que son esprit seul l'opère, qui puisse unir à lui ; et c'est dans cette union intime que consiste toute la béatitude. La béatitude est la jouissance inaltérable du bien, et le bien n'est que, ce qui provient de l'esprit de Dieu; c'est pourquoi Dieu, qui est amour, ne trouve en nous rien qui lui soit agréable, que ce qui est produit par son esprit.
20 - Les actes d'amour, produits par la contrainte et par les seules forces de la nature, ne peuvent assurément pas avoir un motif bien pur, et l'amour-propre s'y mêlera toujours. Dans ce cas nous devons, aussi vite que possible, jeter un regard sur l'acte que nous avons fait, examiner avec repentir ce qu'il y avait de répréhensible, et détruire cette propriété odieuse qui l'avait infecté; c'est par un retour sincère vers Jésus-Christ que nous pouvons effacer ce qu'il y avait d'impur dans le motif qui nous conduisait.
Qu'on force son coeur et ses lèvres pour crier sans cesse vers le Seigneur : O mon Dieu ! crée un coeur pur en moi, et renouvelle un esprit juste dans mes entrailles.
Il est essentiel qu'un coeur qui appartient encore au vieil homme, qui est encore infecté de ses impuretés, se fasse même violence pour exercer des oeuvres de charité ; par là il ouvre dans l'âme le chemin à l'esprit de Jésus-Christ, à cet esprit de justice, qui crée le coeur pur, le coeur nouveau, et qui agit en lui à proportion qu'il crée.
E. L'Etude de la nature et de soi-même.
Il est certain que la sagesse qui a tout créé a découvert à ses élus qui l'aiment le secret de sa création, par lequel leur est révélée sa composition la plus intime, et l'action diverse de l'esprit de la nature, profondément caché et mû par l'esprit de Dieu dans la matière principe (prima materia), dans cette terre immatérielle dont tout a été formé (Genèse II. 7.). Depuis la chute des créatures, elle s'est revêtue de l'enveloppe grossière élémentaire, qui subsistera jusqu'à l'heureux accomplissement des temps où sortiront d'elle un nouveau ciel et une nouvelle terre. Apocalypse XXI.
Il est hors de doute qu'une telle révélation existe en effet ; nous en voyons l'exemple dans la Sagesse de Salomon chap. VII, et dans d'autres, auxquels Dieu, qui répartit ses dons conformément au plan de sa création, a accordé cette révélation par sa sagesse. Celui qui en nierait la possibilité et l'existence nierait à la fois l'amour et la toute puissance de Dieu.
22 - La connaissance vraie et vive du secret de la création, la vue intuitive de la lumière de la nature, ou la vue de l'action que son esprit manifeste dans cette terre immatérielle dont j'ai parlé, et qui est, pour ainsi dire, son véhicule primitif, ne s'obtient que par la lumière de la grâce qui illumine l'âme dans la vie nouvelle de la régénération.
Mais la théorie de cette connaissance est exposée, autant qu'elle peut l'être par le moyen de lettres, dans les écrits des hommes saints, que cette sagesse qui a tout créé a doués de la lumière de cette connaissance : ce sont ses élus, destinés à la communiquer seulement à ceux de ce monde qui y sont appelés d'après le plan éternel de sa divine économie.
Il y a cependant beaucoup d'hommes saints et favorisés de Dieu, à qui il n'a pas été donné de contempler l'éclat de cette lumière dans la nature.
Plusieurs hommes, appartenant à la première classe des élus, au nombre des âmes les plus purifiées et arrivées même aux plus hauts degré de la régénération, ont pénétré l'action secrète et intime de Jésus-Christ dans les âmes et les mystères de la vie future, et ils les ont décrits ; ils ont eu même le don apostolique de former Jésus-Christ dans les coeurs des autres ; mais, malgré ces grands avantages, ils n'eurent pas le don de la connaissance claire de l'organisation intérieure de la création, de l'essence primitive de la nature, et de l'action de son esprit dans les êtres créés.
Les voies de la sagesse du Seigneur sont aussi innombrables qu'incompréhensibles ; mais elles mènent toutes au salut; elles sont toutes admirables, mystérieuses à la fois et lumineuses. Les rayons de cet inaccessible soleil de justice sont sans nombre, et chacun d'eux est un océan de lumière et de vérité.
23 - La connaissance vivante de la nature est avantageuse à celui même qui est déjà avancé dans la voie de la régénération en Jésus-Christ. Elle sert à l'affermir et le fortifier, en lui donnant une idée plus vaste de la grandeur et de la bonté de celui qui le régénère, d'autant plus que dans les chutes et les achoppements oui se rencontrent sur a voie même de la régénération, cette connaissance de la nature est utile, comme servant d'encouragement, et de soutien dans la foi que l'ennemi s'efforce d'affaiblir, dans les âmes qui sont déjà prêtes à être unies à Jésus-Christ, notre Sauveur.
24 - Quels avantages ne doit-on pas se promettre, dans ces occasions, de la connaissance qui manifeste dans la plus petite des créatures, dans la plante là plus chétive, l'image du Verbe incarné, et de tout ce qu'il a opéré pour notre salut ; l'image de tous ses mystères, de sa conception dans le sein de la Vierge immaculée, de sa naissance et de tout ce qu'il a fait, depuis son entrée dans le monde jusqu'à l'entière consommation de son oeuvre sur la terre, l'image qui en présente tous les traits! Combien ne pouvons-nous pas retirer encore du fruit de cet art, par lequel les sages unissent, désunissent et décomposent les êtres, analysent ce qui 1es composent, et les réduisent à leurs éléments primitifs ? Dans ces opérations, contemplant de leurs yeux les mystères de Jésus-Christ et les effets de sa passion, ils voient en abrégé et en phénomènes chimiques toute l'histoire et les résultats de son incarnation.
Voilà les fruits des connaissances que donne la vraie théosophie et la contemplation réfléchie de la nature.
C'est par là que la sagesse a ramené des incrédules qui, voyant de leurs yeux et touchant de leurs mains ce que la nature renferme de plus caché, forcés par la conviction, ont passé de l'incrédulité à la foi en Jésus-Christ et à la croyance en ses mystères.
25 - Pour ceux dont le travail consiste encore à entrer dans la voie de la régénération qui unit l'homme à Jésus-Christ, la théorie de cette connaissance intime de la nature est aussi d'une grande utilité ; elle se trouve exposée dans les écrits des vrais et divins philosophes. Elle est surtout utile en ce qu'elle donne une idée des opérations d'un Dieu présent à tout. La conviction de cette toute-présence de Dieu sert à exciter un souvenir salutaire de lui, et ce souvenir est un moyen pour faire naître dans l'âme la crainte du Seigneur, qui est le commencement de la sagesse, et la voie qui conduit au vif sentiment de sa présence.
26 - Si la connaissance qui se borne, pour ainsi dire, aux extérieurs du vêtement élémentaire de la nature, qui forme ce que nous nommons les mathématiques, la physique, la chimie, etc. - sciences qu'on enseigne ordinairement dans nos écoles (et qui par leur but sont de la plus grande utilité) - ; si cette connaissance, dis-je, dont les sages de ce monde sont si fiers, procure cet avantage, que de tous ces sages qui s'en occupent il n'en est pas un qui doute de l'existence de Dieu et de son action sur les créatures quels avantages ne doit pas procurer à ceux qui cherchent le royaume de Dieu l'étude de cette connaissance de la nature intérieure et intime qui émane de l'école divine ?
Quelle grande lumière ne doit pas apporter la théorie de cette science, qui rompt en quelque façon les fils grossiers de l'enveloppe des créatures, et qui pénètre jusqu'à leur principe et à leur origine ? - qui découvre dans tous les êtres l'image de la Sainte-Trinité, par la trinité qu'elle-même a tracée dans la nature ? - qui développe l'action intérieure et essentielle, laquelle est produite par la sagesse du Créateur, par son Verbe fait chair pour nous sauver ; par Jésus-Christ, qui est la voie., la vérité et la vie ? L'amour qu'on a immédiatement pour lui et la foi constituent le vrai chrétien, de même que l'union de l'homme avec lui est dans toute l'éternité le but de son incarnation, de sa rédemption et du bonheur des créatures.
N. B. - Il faut remarquer ici que celui qui n'a jamais senti vivement et immédiatement dans son coeur la foi et l'amour pour Jésus-Christ ne saurait concevoir même une idée du vrai christianisme.
27 - Il n'est pas enjoint à tous ceux qui cherchent le royaume de Dieu de se livrer à l'étude des secrets de la nature; par conséquent ils ne sont pas tous appelés à s'en occuper.
Mais que ceux qui s'y adonnent ne la regardent que comme un moyen qui conduit à la voie de ce royaume ; qu'ils ne s'y livrent que pour l'amour et pour obéir à la volonté du Roi qui y règne.
Qu'ils se gardent bien de vouloir user de leurs forces naturelles dans cette étude secrète, pour y pénétrer au delà des bornes qui leur sont prescrites ; qu'ils ne se proposent pas le but impur d'y trouver un aliment à leur propriété.
Qu'ils ne songent pas que cette recherche des mystères de Dieu soit faite pour être un objet de leur curiosité ou de leur amusement. J'ose dire qu'il vaut mieux chercher ses délassements au jeu, à la chasse, ou partout ailleurs que là; car le degré du péché est ici en proportion avec le degré de sainteté de l'objet dont on abuse.
28 -Ainsi, quoique la grâce du Sauveur ait ouvert à tout le monde la voie qui mène à son royaume, il n'est cependant pas ordonné à tous de faire leur étude de la création et de la nature.
On ne saurait trop répéter que l'amour pour Jésus-Christ est la seule voie absolument nécessaire, invariable et universelle qui conduit au royaume de Dieu. C'est l'unique nécessaire. Heureux celui qui choisit la meilleure part !
Cherchez premièrement le royaume de Dieu et sa justice, et toutes ces choses (qui sont nécessaires) vous seront données par dessus. Matthieu VI. 33.
29 - La vraie connaissance de soi-même se découvre par degré à l'homme, lorsqu'il se dépouille du vieil homme et qu'il marche dans la vie nouvelle divine. Eph. IV. 22. 23. 24. La lumière de la grâce, en éclairant l'homme qui est dans la voie de la régénération, lui ouvre les yeux intérieurs, à proportion qu'il croît et grandit dans cette voie ; elle dissipe devant lui les ténèbres que le péché y répand, et qui le cachaient à lui-même. Alors se déchire le voile de l'aveuglement, et l'homme voit l'abîme où sa chute l'entraînait ; il ressent vivement toute l'horreur du péché et toute sa misère, qui n'a d'autre source que dans son coeur qui s est éloigné de l'amour de Dieu.
La croix intérieure purifie par des souffrances salutaires tout le limon des péchés, et en dissipe l'affreux amas que le péché originel avait accumulé ; elle renverse la haie épaisse qu'élève le coeur charnel et impur ; par là elle ouvre une voie libre à la naissance du coeur spirituel, pur, et nouveau; elle rompt jusqu'au dernier fil le vieux vêtement de l'âme qui enveloppe le nid du péché ; alors le moi, cette racine du péché, se montre à nu et a horreur de lui-même.
Cette croix intérieure et salutaire, pour accomplir son oeuvre, refond dans le creuset de la purification tout l'être du régénéré, et efface jusqu'aux dernières traces toute l'impureté du vieil homme ; car, tant qu'il y reste encore la moindre tache de cette souillure, le royaume de Dieu ne peut se manifester à l'âme dans toute sa plénitude, et Dieu ne saurait y établir sa demeure.
Le feu de la croix, ou le baptême du feu (Matthieu 111. 11) doit enfin détruire le dernier recoin du péché et emporter jusqu'à la plus petite fibre de cette racine de tout mal, qui est le moi et qui doit être anéanti.
Ce dernier effet de la croix intérieure découvre à l'homme la connaissance la plus sublime de lui-même ; car il lui fait sentir vivement, et dans toute son étendue, quelle est sa bassesse et son néant ; cet effet est à la fois infiniment cruel et doux pour le pécheur qui, connaissant parfaitement à quel point il est criminel devant Dieu, se repent et fait des efforts pour s'unir inséparablement à lui par le pur amour.
O douleur affreuse et salutaire ! ô mort par laquelle on ressuscite à la vraie vie, avant-coureur d'une béatitude inaltérable et éternelle ! Col. 111. 1.3. 4.
30 - Mais, pour ceux qui ne font encore qu'entrer dans la voie qui conduit la vie intérieure et divine, il leur est utile de s'avancer dans la connaissance de soi-même par les écrits des vrais philosophes qui contiennent la théorie de cette connaissance puisée dans la lumière de l'école céleste.
Instruit ainsi dans cette connaissance, on doit soigneusement en étudier les préceptes, s'examiner soi-même, observer les mouvements de son coeur, les motifs et toutes les causes secrètes qui le font agir.
Cette étude nous procurera de grandes lumières sur nous-mêmes. Souvent nous nous verrons absolument faibles, stupides, déshonnêtes, méprisables et précisément là où nous nous imaginions être forts, raisonnables, vertueux, dignes des hommages et du respect des autres. Nous verrons que les mêmes oeuvres, que notre esprit, notre justice et notre amour imaginaires nous représentaient comme les plus belles de notre vie, ne sont dans le fond que des sacrifices portés à l'idole hideuse du vil intérêt et de notre amour-propre, et combien nous sommes éloignés de cet amour pur et désintéressé, qui de tout bien est le commencement et la fin.
Ce n'est rien d'être circoncis, et ce n'est rien d'être incirconcis; mais le tout est d'observer les commandements de Dieu.
1 CORINTHIENS VII, 19
EXPOSITION ABRÉGÉE
DU CARACTÈRE ET DES DEVOIRS
DU VRAI CHRÉTIEN
Tirée de la Parole de Dieu et disposée par demandes et par réponses.
Que celui qui peut comprendre, le comprenne.
MATTHIEU XIX, 12.
Qu'est-ce qu'un vrai chrétien ?
C'est celui qui aime Jésus-Christ de tout son coeur, et qui ne compte toute la sagesse, la gloire, les trésors, les honneurs, les voluptés de ce monde que pour des ordures, pourvu qu'il gagne Jésus-Christ. Philippiens III.8
Où peut-on trouver Jésus-Christ ?
Dans son royaume, qui est aussi au-dedans de nous. Luc XVII.21
Qu'est-ce qui est nécessaire pour entrer dans le royaume de Dieu ?
Naître de nouveau, ou naître spirituellement d'en haut. Jean III.3-5
Comment s'opère cette naissance ?
Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit, mais tu ne sais d'où il vient, ni où il va; il en est de même de tout homme qui est né de l'esprit. Jean III.8
Quel est le caractère principal et distinctif de tous les vrais chrétiens ?
L'amour, ou la charité d'un coeur pur et d'un esprit droit dans l'homme intérieur renouvelé. Psaume LI.12, Galates VI.15
A quoi peut-on reconnaître la charité ?
La charité est patiente, elle est pleine de tendresse, elle n'est point envieuse, elle n'est point insolente, elle ne s'enfle point d'orgueil, elle est modeste, elle ne cherche point son propre intérêt; c'est-à-dire elle ne cherche point ses propres jouissances, mais à plaire à celui qu'elle aime; elle ne s'emporte point, elle ne soupçonne point le mal, parce que le mal ne saurait l'atteindre; elle ne se réjouit que dans la vérité; elle aime tout; c'est-à-dire elle souhaite du bien à tous; elle croit tout avec cette simplicité d'enfant qui ouvre la porte des cieux. Matthieu XIX.14. Elle espère tout; elle supporte tout avec cette obéissance sans bornes qu'elle a pour son bien-aimé.
La charité accomplit les commandements évangéliques de son bien-aimé, non par crainte, ni en vue des récompenses, mais uniquement par amour pour lui.
La charité ne se sépare jamais de Dieu, et elle ne le saurait, puisqu'elle n'a avec lui qu'un même esprit et une même essence. I Jean IV.16-18, I Corinthiens VI.17, XIII.4-8.
Quelle doit être la principale affaire du vrai chrétien ?
L'imitation de Jésus-Christ.
Quels sont les moyens les plus efficaces pour y arriver ?
La prière, l'exercice de sa volonté à accomplir les préceptes de l'Evangile, la mortification des sens, en les privant de ce qui peut leur être agréable : car le vrai chrétien ne doit chercher d'autre jouissance que celle de faire la volonté de son Père céleste.
Le vrai chrétien, où doit-il consommer son oeuvre ?
Au milieu du monde, sans attacher son coeur à ses vanités, et dans l'état où chacun est appelé. I Cor. VII.20.
Quelles sont les vraies marques de l'imitation de Jésus-Christ ?
La foi, l'abandon à la volonté du Père, en renonçant à soi-même, et en portant sa croix. Luc IX.23-24, Matthieu XVI.24.
Où sont les temples des vrais chrétiens ?
Dans le fond secret de leur coeur. Ils sont les églises du Dieu vivant, les temples spirituels de Dieu, et les demeures de son esprit. I Pierre II.5, I Cor. III.16, 2 Cor. VI.16.
Que doivent-ils lui offrir en sacrifice ?
Rien que leur volonté, en détruisant par l'esprit d'abnégation toute sa propriété. Psaume LI.18-19.
Quelle est leur adoration ?
Ils adorent en esprit et en vérité. Jean IV.23.
Comment pratiquent-ils cette adoration ?
En s'adonnant de tout leur coeur et de toute la force de leur volonté à la volonté du Père céleste. Le désir ardent que son règne arrive et que sa volonté soit faite est la source d'où découlent toutes leurs prières qu'ils fondent sur les règles de la prière enseignée par Jésus-Christ dans St Matthieu VI.9-13.
Souvent ils ne savent ni comment ils doivent prier, ni ce qu'ils doivent demander; mais l'esprit de vérité, qui est en eux, qui les conduit et les fait être enfant de Dieu, intercède pour eux par des soupirs qui ne peuvent s'exprimer. Romains VIII.14-26.
Quels sont les pères et les docteurs de l'église des vrais chrétiens ?
Ce sont ceux qui avec St Paul peuvent dire d'eux-mêmes que ce ne sont pas eux qui vivent, mais que Jésus-Christ vit en eux - ce docteur unique et cette parole de vérité qui crée et qui engendre tout. Matthieu XXIII.8-10, Jean I.3-4, Jacques I.18. - Ce sont ceux qui souffrent pour leurs enfants spirituels dans les douleurs de l'enfantement, jusqu'à ce que Jésus-Christ se forme en eux. Galates IV.19.
Quel effet produit leur prédication ?
Elle engendre la vie nouvelle en Jésus-Christ, la vie surnaturelle du royaume de Dieu; car leurs paroles sont des émanations de cet esprit qui souffle où il veut. I Corinthiens IV.15, Jean III.3-8.
Tous les vrais chrétiens ont-ils les mêmes dons de la grâce ?
Ils ont tous le même esprit de filiation (de l'adoption de Dieu) qui les unit à Dieu et qui les gouverne : I Cor. VI.17, Romains VIII.14-16, et dont le baptême intérieur et vivifiant leur imprime le sceau du vrai christianisme (Matthieu III.11); mais les dons sont aussi différents que les fonctions et les actes dont ils sont chargés. Ces dons leurs sont communiqués selon la dispensation qu'en fait cet esprit unique, qui fait tout en tous, conformément au plan éternel de sa divine économie. I Corinthiens XII.
La foi et la charité, avec toutes les vertus qui en découlent dans la vie spirituelle du crucifiement de la chair avec ses passions et ses convoitises (Galates V.22-25) sont les dons communs à tous les vrais chrétiens; et ce sont les seuls qui soient nécessaires au salut éternel; - mais ceux qui sont particulièrement appelés à l'apostolat, pour la manifestation des prodiges de Dieu sur la terre, pour l'illumination des vrais croyants, et pour coopérer par là à l'oeuvre de la régénération générale, ceux-là reçoivent du Père des lumières de ce principe de tout bien parfait (Jacques I.7), des dons particuliers de la force et de l'illumination.
En quoi consistent ces dons ?
A guérir les malades, à purifier les lépreux, à ressusciter les morts, à chasser les démons, à prophétiser (Matthieu X.8, I Cor. XII.8-11), à scruter la profondeur de l'action de Dieu sur la nature et sur l'homme, à la manifester par la parole de la sagesse; la vraie connaissance des êtres et de la constitution du monde, etc... comme il est écrit au chap. VII de la Sagesse de Salomon, et ce que Paul appelle la sagesse de Dieu, qui était un mystère, c'est-à-dire une chose cachée, mais que Dieu avait destinée avant les siècles pour notre gloire - des choses que l'oeil n'avait point vues, que l'oreille n'avait point entendues, qui n'étaient point venues à l'esprit de l'homme, et que Dieu avait préparées à ceux qui l'aiment. I Cor. II.7-9-12.
Quelles sont les dispositions où doivent être ceux qui peuvent recevoir ces dons ?
Ils doivent être disposés de manière que, quand ils auraient le pouvoir de guérir toutes les maladies, et de vivre plusieurs siècles, comme ont fait les anciens patriarches, ils puissent malgré cela souffrir patiemment, et sans se soulager, les maux les plus aigus, et être résolus de mourir le lendemain sans murmurer; ils doivent aussi être prêts à supporter la plus extrême misère, quand il serait en leur pouvoir de se procurer des richesses, et même des richesses qui surpasseraient toutes celles du monde; quand ils auraient la facilité de converser avec les anges, ils doivent pouvoir se tenir humblement dans l'état de la plus profonde ignorance, si cela est la volonté de celui qui est la source de toute lumière; quand ils auraient, comme Josué, fils de Nun, le pouvoir d'arrêter le soleil et, comme Elie, celui de fermer et d'ouvrir le ciel, ils doivent se réputer les moindres de tous, et qu'ils puissent, sans se plaindre, errer ça et là sur la terre, sans savoir où reposer leur tête; enfin, qu'ils ne désirent rien, qu'ils soient préparés à tout, si cela est nécessaire à l'accomplissement de la volonté de leur souverain maître céleste.
Quel est le principal devoir du vrai chrétien ?
D'aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toute sa pensée, et de l'aimer par dessus toute chose, et son prochain comme soi-même; et même encore plus, à l'exemple de Paul, qui souhaitait d'être anathème et séparé de Jésus-Christ pour ses frères. Matthieu XXII.37-39, Romains IX.3.
Quel est le devoir du vrai chrétien pour ce qui concerne le culte divin extérieur ?
Plein de respect pour ses institutions et ses cérémonies, il doit s'appliquer à en profiter, comme de moyens pour l'intérieur, qui doit être le but dans toutes les pratiques chrétiennes du culte extérieur; et qu'il participe à la cène du Seigneur, en s'éprouvant soi-même (en s'examinant, en s'observant) I Cor. XI.23-30.
Quel est le devoir d'un vrai chrétien envers son souverain ?
Il doit honorer le souverain et lui obéir avec crainte, non seulement à celui qui est bon et équitable, mais même à celui qui est dur. I Pierre II.17-18, Ephésiens VI.5-7.
Quelles sont ses obligations envers ceux qui sont chargés du gouvernement ?
Il doit être soumis aux puissances qui gouvernent, non seulement par crainte, mais aussi à cause de sa conscience. Romains XIII.1-5
Comment doit-il se conduire envers ceux qui dépendent de lui ?
Il doit par dessus tout prendre soin de leur bonheur éternel, les élevant dans la crainte et dans la doctrine du Seigneur; il est tenu de maintenir parmi eux la justice et une égale union; de leur témoigner de l'affection, de se conduire envers eux sans dureté, sachant que tous ont un maître commun dans le ciel, devant lequel il n'y a point d'acception de personne. Ephésiens VI.4-9, Colossiens IV.1.
Quelle doit être la conduite du vrai chrétien avec les hommes en général ?
Il doit les aimer tous pour Dieu, leur souhaiter à tous tout le bien en lui, et les secourir autant qu'il le peut.
Dans quelles dispositions doit-il être à l'égard de ses ennemis, envers ceux qui le haïssent, qui le maudissent et le persécutent ?
Il doit aimer ses ennemis, bénir ceux qui le maudissent, faire du bien à ceux qui le haïssent, et prier pour ceux qui le persécutent, et qui veulent sa perte. Matthieu V.44.
Est-ce qu'il ne suffit pas d'aimer ceux qui nous aiment, nos parents, et de faire du bien à ceux qui en seront reconnaissants, et de qui nous pouvons en attendre la récompense ?
Quelle vertu y a-t-il à aimer ceux qui nous aiment, à faire du bien à ceux qui nous en font, à donner pour recevoir, ou en vue de la reconnaissance, ou de quelque profit ? C'est ce que font les hommes pécheurs qui ne suivent que leur amour-propre, leur orgueil, leur avarice; mais ceux qui aiment leurs ennemis, qui font le bien sans espérer qu'il leur en reviendra rien, ceux-là se comportent comme de vrais enfants du Père céleste, qui est bon envers tous; et ils l'imitent dans sa miséricorde. Luc VI.32-36.
Comment le vrai chrétien doit-il se conduire avec ceux qui viennent demander et solliciter ?
Il ne doit point refuser à celui qui vient pour emprunter de lui, il doit donner à celui qui demande; et, quand il fait l'aumône, il doit la faire de manière que sa main gauche ignore ce que fait sa main droite, c'est-à-dire sans aucune vanité, avec toute la discrétion possible, et avec un entier oubli de retour sur lui-même, la faisant uniquement par un motif d'amour de Dieu et du prochain.
Les vrais chrétiens doivent observer cette règle dans toutes les bonnes oeuvres qu'ils font; ils doivent aussi prier en secret, s'oindre la tête en jeûnant et se laver le visage, comme il est dit dans l'Evangile, et observer tout ce qui a passé en usage dans la société, soit dans leur manière de se vêtir, soit dans leur maintien, dans leur manière de vivre, et dans toutes les choses semblables, évitant jusqu'à l'apparence de l'affectation. Matthieu V.42, VI.3-6.
Quelle conduite un vrai chrétien doit-il tenir envers celui qui veut entrer en procès avec lui, et le priver de ce qui lui appartient ?
Si quelqu'un veut lui intenter un procès, et lui enlever son habit, il doit lui donner encore sa chemise; et si quelqu'un désire de lui qu'il l'accompagne une lieue, il doit en faire deux; c'est-à-dire il doit, par l'esprit d'une humilité sans bornes, sacrifier à la charité, lui, son être, et tout ce qui lui appartient. Matthieu V.40-41
Que doit-il faire à celui qui l'outrage ?
Supporter l'offense avec une patience inviolable, et être prêt à en souffrir une plus grande encore, par amour. Matthieu V.39
Quelle est la règle que le vrai chrétien doit suivre pour remplir ses devoirs envers la patrie ?
Le vrai chrétien, qui sait que non seulement toutes ses actions et toutes ses paroles, mais chacune de ses pensées, chacun de ses regards et de ses soupirs peuvent contribuer à étendre le royaume de Dieu, ou lui porter obstacle, et qui a sans cesse ces considérations devant les yeux doit, dans tout ce qu'il fait, se souvenir que par lui peuvent se manifester la justice ou la miséricorde du Seigneur, dont la volonté lui doit être plus précieuse que toute autre chose.
Quels sentiments doit-il avoir envers ses père et mère ?
Il doit les respecter, leur obéir et les aimer Ephésiens VI.1-2, mais d'un amour qui ne l'éloigne pas de Jésus-Christ qui a dit : "Celui qui aime son père et sa mère plus que moi n'est pas digne de moi, et qui aime son fils, ou sa fille, plus que moi n'est pas digne de moi" Matthieu X.36-37.
Le vrai chrétien peut-il se marier ?
Dieu voyant que l'homme se plonge dans un sommeil de péché, lui accorda par indulgence une aide, et, séparant de lui la nature (la partie) féminine, il en forma la femme. Genèse II.
Les disciples de Jésus-Christ, ayant entendu ce qu'il disait de l'état du mariage, lui dirent : "Si telle est la condition de l'homme avec la femme, il ne convient donc pas de se marier ?" mais il leur dit : "Tous ne sont pas capables de cela (tous ne peuvent pas s'abstenir de se marier), mais seulement ceux à qui il a été donné; car il y a des eunuques qui sont nés tels dans le sein de leur mère; il y en a qui ont été faits eunuques par les hommes, et il y en a qui se sont faits eunuques eux-mêmes, pour le royaume des cieux; que celui qui peut comprendre ceci, le comprenne". Matthieu XIX.10-12 Dans la révélation faite à St Jean il est dit, en parlant des 144000 qui furent rachetés de la terre : "Ce sont ceux qui ne se sont point souillés avec les femmes, car ils sont vierges; ce sont ceux qui suivent l'agneau, quelque part qu'il aille; ce sont ceux qui ont été rachetés d'entre les hommes, pour être les prémices à Dieu et à l'agneau : il ne s'est point trouvé de fraude dans leur bouche, car ils sont sans tache devant le trône de Dieu." Apocalypse XIV.4-5.
Job a dit : "J'ai fait un accord avec mes yeux de ne point contempler une vierge." Job XXXI.1 Et le saint Apôtre Paul dit : "Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi; mais chacun a reçu de Dieu son don particulier, l'un d'une manière, et l'autre de l'autre. Je dis donc à ceux qui ne sont point mariés, et aux veuves, qu'il leur est avantageux de demeurer comme moi (dans le célibat); mais, s'ils ne peuvent pas garder la continence, qu'ils se marient; car il vaut mieux se marier que de brûler." I Cor. VII.7-9
Qui sont ces eunuques, qui eux-mêmes se sont mutilés pour le royaume des cieux ?
Ce sont sans contredit ceux qui, par l'esprit de sagesse, ont retranché dans eux les convoitises de la chair, et dans lesquels le feu de l'amour divin a détruit jusqu'à la racine les désirs criminels, qui sont incompatibles avec la pureté nécessaire pour que la suprême sagesse y habite. Sagesse de Salomon I.4
La pensée enfante le péché (Jacques I.15) dont la source est dans la volonté tendant à ce qui est mal, à ce qui est défendu. Jésus-Christ a dit : "Quiconque regarde une femme pour la convoiter (avec un désir charnel), a déjà consommé dans son coeur l'adultère avec elle." Matthieu V.28. Il faut observer la force de ce précepte pour se préserver de toute espèce de péché.
Comment un vrai chrétien doit-il vivre avec sa femme ?
Il doit l'aimer comme Jésus-Christ a aimé l'église; prendre soin d'elle, l'entretenir comme son propre corps, et pourvoir à ce qu'elle soit sanctifiée, après avoir été purifiée dans le baptême d'eau par la parole de vie; et que, n'ayant pas en elle une seule tache du péché, elle soit sainte et irrépréhensible. Ephésiens V.25-26
Comment doit-il élever ses enfants ?
Il doit les instruire dans les sciences utiles et nécessaires pour vivre en société dans le monde, commençant le plus tôt possible à les former pour cette autre naissance nouvelle, spirituelle et sublime, sans laquelle on ne saurait entrer dans le Royaume de Dieu, ainsi que Jésus-Christ nous le dit. Jean III.3
Comment un vrai chrétien doit-il user de son bien ?
En ne se regardant que comme l'instrument de Dieu, il doit savoir que, jusqu'au dernier sol, tout doit contribuer ou à l'édification de l'oeuvre de Dieu, ou à la glorification de son nom sur la terre, ou à la suppression de ce qui peut faire obstacle à son accomplissement; c'est donc en conséquence de ces principes qu'il doit disposer d'un bien qui ne lui a été que confié.
Comment doit-il en user en fait de boire et de manger ?
Faisant tout à la gloire de Dieu, il doit se conduire de même dans le boire et le manger. I Cor. X.31; il doit donc en user sobrement, non pour satisfaire son goût, mais seulement pour fortifier son corps, comme une demeure qui doit être la crêche de la régénération et l'habitation terrestre du vrai homme intérieur, spirituel, parfait et formé à l'image et à la ressemblance de Dieu. I Corinthiens II.14-15
Comment le vrai chrétien doit-il se préparer à la mort ?
En s'efforçant sans relâche à mourir au péché. Romains VI
Quand commence le travail pour le vrai christianisme ?
Quand l'homme commence à se dépouiller du vieil Adam. Col. III.9
Quand ce travail finit-il ?
Aussitôt que le vieil Adam est entièrement dépouillé, c'est-à-dire quand, sur la croix intérieure du crucifiement spirituel avec Jésus-Christ, la semence même du péché est arrachée de l'âme. Romains VI.2, 6-12
Quand sera achevé l'édifice spirituel de Jésus-Christ et que le royaume de Dieu paraîtra sur la terre dans toute sa gloire ?
Quand il n'y aura plus de volonté qui ne soit soumise à la volonté de Dieu, la mort, ce dernier ennemi, disparaîtra; la créature elle-même prendra une nature immatérielle; le ciel et la terre passeront; - et on verra briller un nouveau ciel et une nouvelle terre : - c'est alors qu'arrivera le royaume de Jésus-Christ, et que Dieu sera tout en tous. Amen ! Romains VIII.21, I Corinthiens XV, Apocalypse XXI.1.
Explication du tableau allégorique, représentant
le temple de la nature et de la grâce.
1) La lumière qui luit dans les ténèbres, et que lei ténèbres ne comprennent point (St jean 1. 5J ; cette lumière qui éclaire tout homme venant au monde - l'amour, marque la vraie voie : c'est la voie de la croix, couverte d'épines ; et un renoncement entier à toute propriété est ce qui montre le mieux si l'on marche véritablement dans cette voie.
2) L'amour, qui se maintient sur la colonne inébranlable de la foi, marque la vraie voie, qui mène au temple de la nature et de la grâce ; à cette vraie Eglise de Jésus-Christ, qui est au monde, mais que le monde ne connaît point (Jean 1. 10) ; à cette église qui est inaccessible à la chair et au sang (I Timothée IV. 16; Hébreux XII. 29) et dont l'entrée est défendue à la nature humaine déchue (Genèse 111. 24).
3) L'étude de soi-même et de la nature, les symboles, les allégories, les institutions religieuses, les lois civiles, la loi naturelle conduisent à cette voie, en portant à sentir la nécessité d'un chemin unique, essentiel et sûr, celui de la croix.
4) Par l'étude de la nature, suivant son échelle septénaire, à l'aide de la lumière de sagesse, que la grâce envoie d'en haut, on découvre la lumière de la nature, qui vivifie invisiblement toute la création.
5) Cette lumière, imprimée par la parole toute-puissante du Créateur dans la matière principe (prima materia) de tout ce qui existe, brille aussi dans le chaos philosophique.
6) Quiconque travaille fidèlement dans l'étude de la nature, ne cherchant la lumière de Jésus-Christ que par l'amour pur pour lui, apercevra dans cette lumière divine la lumière indestructible de la nature, dans un moment et dans un lieu où il ne s'y attendait point. Il la trouvera devant sa porte. (Sapience VI. 14).
7) Lorsqu'on suit sur le chemin de la croix son Dieu et son Sauveur, qui désire faire entrer tous dans son royaume, il naît par l'esprit et par l'eau, en rompant les chaînes septuples de la vieille nature, un homme nouveau intérieur, qui peut entrer dans le royaume de Dieu. (Jean 111. 5).
8) L'entrée du temple de la grâce s'ouvre par la conception de la vie nouvelle sur la croix; de même que le temple de la nature s'ouvre par la naissance de la lumière de la nature.
9) La prière nourrit et fortifie la vie nouvelle.
10) Le chemin étroit et couvert d'épines (Matthieu VII. 13. 14) conduit dans cette vie à l'état d'illumination par la lumière septuple; c'est là où l'on découvre l'entrée dans le saint du temple.
11) L'adolescent de la vie divine, éclairé par la sagesse, et portant la croix (Sapience VII. 7) recherche l'intérieur de la terre. Qu'il est heureux s'il a conservé le bon vin (Jean Il. 10), le vin de la force, de la pureté et de la chasteté.
12) Il connaîtra la composition du monde, l'action des éléments (Sapience VII. 17), décomposera ceux-ci en effets, et les réduira à leurs principes ; et, unissant le soleil avec la lune, il trouvera la médecine vraie, un trésor dont la possession lui procurera les qualités d'un vrai philosophe, et qui montrera son aptitude à entrer dans le sanctuaire du temple de la grâce et de la nature.
13) La consommation du grand oeuvre philosophique, lequel présente le miroir de la sagesse, où l'on contemple tout ce qui a été, comment il a été, tout ce qui est et sera, la consommation de cet oeuvre, dis-le, jointe à la consommation de la vie de la croix, par une mort intérieure avec le Sauveur, ouvre l'entrée du sanctuaire du temple, de la région paradisiaque de la lumière (Genèse Il - 8), de l'habitation de l'Eden renouvelé (Apocalypse XXI. 1 . 23), de la demeure des plus grands sages, qui ont tous les dons de l'apostolat (Matthieu X. 8), des vrais pasteurs (St Jean X. 2), des prêtres, qui offrent toujours à Dieu un sacrifice pur; des rois, qui sont maîtres d'eux-mémés et de la nature (2 Timothée Il. 11. 12).
14) La parole toute-puissante, le Fiat du Créateur est leur sceptre ; ils reçoivent le globe impérial des mains de la victoire qu'ils remportent sur le monde avec Jésus-Christ et en Jésus-Christ. (St Jean XVI. 33).
15) Par la réunion du soleil et de la lune, de l'actif et du passif, il résulte l'unité, qui est le plus grand mystère de la rénovation de la créature.
16) Cette couronne de tous les mystères de la nature sert à orner l'autel du sanctuaire, qui n'est éclairé que par la lumière de l'agneau sans tache, prenant sur lui les péchés du monde.
17) Le sang précieux de l'agneau, immolé pour le salut du monde, est l'unique teinture qui renouvelle tout.
18) La rose du paradis, qui commence à éclore, au même temps qu'un vrai porte-croix, entre dans la route de la vie renouvelée, achève de s'épanouir sur une terre nouvelle et entièrement vivifiée ; et cette terre est pour lui un lieu de soulagement et de repos, après qu'il a parcouru la route pénible à la croix.
19) La chute du premier homme l'expulsa, et en lui tout le genre humain, d'un tel séjour d'Eden, que des hommes, consommés dans la régénération, recouvrent de nouveau et pour toujours dans le temple de la grâce et de la nature.
20) Cette chute causa les douleurs de l'enfantement, et la mort (Genèse 111. 16; Romains V. 12), répandit la malédiction sur la terre, la couvrit de ronces et d'épines, et attira sur l'homme le sort de manger son pain à la sueur de son front (Genèse 111. 17-19).
21) Le péché, ayant développé dans l'homme les sept qualités de la nature animale, corrompit la terre (Genèse VI. 11), et soumit la créature à la vanité, sous le joug de laquelle elle soupire après sa liberté, lors de la délivrance des enfants de Dieu. (Romains VIII. 2022).
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