octobre 16, 2015

L'INJUSTICE ET LA GRACE S'OPPOSENT-ELLES ?




" Éternel! que ta grâce soit sur nous"  demande le Psalmiste (Ps. XXXIII, 22)
La Grâce vient de Dieu ! Comment dès lors pouvons-nous envisager une injustice venant de Dieu, l'explication sinon l'excuse serait alors notre négation de QUI EST DIEU, l'être présumant  CONNAITRE et CONTROLER le monde, la Création, se substituer à Dieu, dans une vision nécessairement égoïste, puisque ne prenant pas en compte l'autre, les autres, ne cherchant pas alors à réfléchir sur les raisons d'un événement que nous refuserions, tout devant être comme nous le pensons : ceci manifeste une ABSENCE de toute conscience du principe d' ECONOMIE que le Christianisme nomme COMMUNION DES SAINTS, et  par ailleurs un manque d'humilité.
Ainsi le 6° Canon du 2° Concile d'Orange, tenu en 529 expose :
" Si quelqu'un dit que la miséricorde nous est donnée par Dieu lorsque, sans la grâce, nous croyons, nous voulons, nous désirons, nous faisons des efforts, nous travaillons, nous prions, nous veillons, nous étudions, nous demandons, nous cherchons, nous frappons à la porte et qu'il ne confesse pas que notre foi, notre volonté et notre capacité d'accomplir ces actes comme il le faut se font en nous par l'infusion et l'inspiration du Saint- Esprit ; s'il subordonne l'aide de la grâce à l'humilité ou à l'obéissance de l'homme et s'il n'admet pas que c'est le don de la grâce elle-même qui nous permet d'être obéissants et humbles, il résiste à l'Apôtre qui dit : " Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? " I Cor. IV, 7 et : " C'est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis "  I Cor. XV, 10."  (1)
I - LOI JUSTICE INJUSTICE ET GRACE
L’Apôtre déclare énigmatiquement peut-être bien :
" La loi, elle, est intervenue pour que prolifère la faute, mais là où le péché a proliféré, la grâce a surabondé"  (Romains V, 20)
Si des Pères éminents comme Jean Chrysostome ou Augustin se gardent bien de commenter cette phrase de Paul, pour sa part Thomas d'Aquin, en son Commentaire de la lettre de St Paul aux Romains, ne manque pas de reconnaître une difficulté.
Préalablement le Docteur angélique rappelle :
" Si la Loi commande, elle ne donne pas la grâce d’accomplir, comme l’enseigne saint Paul (II Cor., III, 6): "La lettre tue, mais l’esprit vivifie," parce qu’il aide intérieurement notre faiblesse, comme le même apôtre l’enseigne au ch. VIII de cette épître. b) Lorsqu’il dit (verset 15): "où n’est pas la Loi," il montre de quelle manière cette Loi produit la colère, en disant: "Là où n’est pas la Loi, il n’y a pas de prévarication," parce que, si l’on peut sans la Loi pécher en agissant contre ce qui est naturellement juste, on ne peut appeler quelqu’un prévaricateur qu’autant qu’il transgresse une loi (Psaume CXVIII, 158): "J’ai vu les prévaricateurs de votre Loi, et je séchais de douleur."  (2)
Et de poursuivre :
" La seconde difficulté porte sur ce que dit S. Paul (verset 20): "Que la Loi est survenue pour que le péché abondât," d'où il suit que la Loi est mauvaise, parce que l’institution dont la fin est mauvaise est elle-même mauvaise, conclusion qui est en contradiction avec ce mot de S. Paul (I Tim., I, 8): "Quant à la Loi, nous savons qu('elle)  est bonne." ajoutant : " Quant à sa multiplicité. La Loi, en effet, tout en donnant la connaissance du péché, ne détruisait pas cependant la convoitise d’où sort le péché". (3)
" Il faut répondre qu’autre est le but de la loi humaine, autre celui de la loi divine. La loi humaine, en effet, se rapporte au jugement humain, qui a pour objet les actes extérieurs; mais la loi divine se rapporte au jugement de Dieu, qui prononce sur les mouvements intérieurs du coeur (I Rois, XVI, 7): "L’homme voit ce qui parait, mais le Seigneur voit le coeur." (3)
Ainsi que le rappelle l'Apôtre : " nul ne sera justifié devant lui par les oeuvres de la loi, puisque c'est par la loi que vient la connaissance du péché" (Rom III, 20)
"La loi est-elle donc contre les promesses de Dieu?" interroge ; l’Apôtre et de répondre aux Galates : "Loin de là! S'il eût été donné une loi qui pût procurer la vie, la justice viendrait réellement de la loi. Mais l'Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que ce qui avait été promis fût donné par la foi en Jésus-Christ." (Galates III, 21,22).
Les conceptions que nous pourrions avoir  sur la justice et l'injustice, dépendent de l'établissement et du respect d'une Loi sinon de la Loi à l'égard de laquelle  l'éminent kabbaliste et Frère dans la Foi en Dieu, Emmanuel LEVYNE explique que la Loi est transitoire et disparaîtra à la venue du Messie (pour les Chrétiens lors de Sa seconde venue ou Parousie) en son texte fondamental que nous rappelons souvent : Lettre d'un kabbaliste à un rabbin - Loi et Création (4). Emmanuel LEVYNE rappelle en ses notes justifiant sa lettre :
- que le règne de la Tora est transitoire (Zohar I, 27b - 28a)
- que la loi s'est imposée à la suite du péché du veau d'or (Zohar I, 26b)
- que la loi disparaîtra à la venue du Messie (Zohar III, 124b)
La Loi est bien transitoire et insuffisante pour obtenir la Grâce, l'Apôtre rappelant quant à NSJ+C : "Il nous a sauvés, non à cause des oeuvres de justice que nous aurions faites, mais selon sa miséricorde."  (Tite, III, 5)
Si la Justice  de la Loi est indépendante de la Grâce, à plus forte raison l'injustice que nous croyons percevoir, face à la Grâce, ne saurait avoir de sens.
II - LA GRACE ET LE LIBRE ARBITRE
Si donc la justice et ce que par voie de conséquence nous qualifions humainement d'injustice, est indépendant de la Grâce, qu'en est-il du salut ?
La sotériologie trouve sa raison dans le principe d'une Chute dite adamique, qui appelle deux réflexions :
- 1° La Chute comme universelle à tous les êtres
- 2° La Chute dans un temps précis par nos premiers parents
A propos de la Chute qui constitue celle de tous les êtres, Origène, le Père des Pères, précise en son Contre Celse : ... ainsi pour Adam et sa faute, on trouvera l'explication en sachant que, traduit en grec, le mot Adam signifie homme, et que, dans ce qui paraît concerner Adam, Moïse traite de la nature de l'homme. C'est que, dit l'Écriture, “ en Adam tous meurent ”, et ils ont été condamnés “ pour une transgression semblable à celle d'Adam ” (5)
A propos de la Chute accomplie dans un temps précis, son scénario et ses conséquences immédiates, le sujet fut maintes fois rappelé par nos soins (6)
Athanase d'Alexandrie, en son traité Sur l'incarnation du Verbe quant aux conséquences de la Chute déclare : "l'homme raisonnable, créé selon l'Image, disparaissait et l'oeuvre, suscitée par Dieu se détruisait." (7)
Cette disparition, cette destruction, ne sont pas pour autant des situations définitives : il s'agit d'une dynamique qui ne conduit pas à un jugement rendu en dernier ressort, mais expose un constat qui s'inscrit dans le temps, à la fin duquel il n'est pas dit que l'Image aura disparu et que la Création se trouvera détruite.
"Remets-nous nos dettes. Dans la pensée qu'Adam vit en nous en effet, chacun pour notre part nous tous, les hommes". (8)
Grégoire de Nysse explique : "En vérité, les dettes de nos frères envers nous, comparées à nos offenses envers Dieu, ne font que quelques oboles de rien, bien faciles à compter, en regard de talents innombrables." (9)
Remettre les dettes ! Le Père s'écrie : "Mais cette parole demeure sans effets, elle ne parvient pas jusqu'aux oreilles divines, à moins que notre conscience n'y joigne sa voix et ne dise qu'il est beau de faire miséricorde. Qui juge en effet la clémence digne de Dieu, ferait bien de confirmer son jugement de valeur par ses propres actes, de peur d'entende le juste Juge lui dire : Médecin, guéris-toi toi-même ! Tu m'invites à la clémence, et à ton prochain, toi, tu ne l'as pas accordée ! Tu demandes la remise de tes dettes ? Comment peux-tu donc,  toi, étrangler ton débiteur ? Tu pries qu'on annule ton obligation, toi qui conserves avec soin les reçus dettes obligés ? Tu sollicites l'abolition de tes dettes, toi qui nourris d'intérêts ton avoir ? Ton débiteur est en prison, et toi en oraison! Lui gémit de ce qu'il doit, et toi, tu réclames qu'on t'enlève ta dette ? Ta prière, on ne l'entend pas, elle est couverte par le bruit de ses gémissements."  (10)

Les Pères de l'Orient Chrétien posent face à la Chute et ses conséquences le principe d'une interdépendance entre tous les êtres, alors que l'Occident Chrétien  perçoit dans la faute Adamique le principe d'une hérédité de la Chute pour chacun d'entre nous.
Augustin interprétera en effet la parole de l' apôtre : "C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché" (Romains, V, 12), non pas à partir du grec mais de la version latine très différente en déclarant :  "Or, c'est bien là cependant ce que l'Apôtre a dit de nous par rapport au premier homme: « En lui tous ont péché ». Comment dès lors contester la transmission du péché par propagation?" (11).
La distinction entre "en lui' et "par qui" constitue une controverse très importante car donnant vie à deux conceptions très différentes des conséquences de la Chute. Si donc la version utilisée par les Pères Latins servira à justifier la doctrine du péché hérité d'Adam et s'étendant sur ses descendants, l'éminent théologien Jean MEYENDORFF ne manque pas de préciser au regard de l'exacte sens et traduction de ce passage : « La mort qui fut "le salaire du péché"(Rom. VI, 23) pour Adam, est aussi le châtiment qui frappe tous ceux qui pèchent comme lui.  Elle pose que le péché d'Adam a une signification cosmique, mais elle ne dit pas que les descendants du premier homme sont "coupables" comme lui, à moins qu'eux aussi pèchent comme lui a péché." (12)
La signification cosmique du péché d'Adam l'est d'autant plus que la mission d'Adam  était de garder et cultiver le Jardin d'Eden, ce champ de la création qu'il entraîna dans sa Chute (13).
Il ne convient d'adopter le pessimisme d'Augustin qui déclare : "Quel bien en effet pourrait accomplir avant d'avoir été arraché à sa misère celui qui s'est perdu? Serait-ce par un libre effort de sa volonté ? Non, sans doute : car, en abusant de la liberté, l'homme a perdu ce privilège et s'est perdu lui-même; il s'est suicidé." (14), l'homme  n'a pas perdu le libre arbitre !
Non, l'homme n'a pas perdu sa liberté et là réside l'une des grandes différences entre l'Orient et l'Occident au niveau des théologies, lorsque Cyrille de Jérusalem précise et récuse : "Sache aussi que tu as une âme libre, chef-d'oeuvre de Dieu, à l'image de son auteur, immortelle par la grâce de Dieu qui l'a faite immortelle. C'est un être vivant, raisonnable et incorruptible, par la grâce de celui qui lui a conféré ces prérogatives, doué de la faculté de faire ce qu'il veut." (15)
III - LA GRACE ET LE SALUT
Parce que l'homme, malgré la Chute, est libre, qu'il lui est possible d'agir, de choisir le Bien, il lui revient de coopérer à la rédemption de cette création qu'il entraîna dans sa Chute, non pas lui, celui qui me lit qui l'entraînait, mais Adam, duquel nous héritons des Devoir qui lui incombaient, raison pour laquelle à Gethsémani, le Christ ne prie pas pour le monde mais pour les hommes... afin qu'à leur tour, ils sauvent le monde (Jean XVII, 9), qu'ils sauvent ce monde qui est dans les douleurs de l'enfantement (Romains VIII, 19-22). Aussi, ne soyons pas surpris que nul ne connaisse l'heure ni les anges ni le Fils  (Mat. XXIV, 36), et pour cause puisque par ses bonnes actions et par ses prières, l'homme peut hâter le Jour de Dieu (II Pierre, III, 11, 12).
Nos éventuelles interrogations sur la Justice, l'injustice (je pense à la situation de Toy Davis par exemple) trouvent une réponse non pas dans la valeur des Lois humaines, mais dans l'Economie qui s'articule selon deux plans :
- le plan de Dieu qui sera toujours un Mystère
- le plan humain qui doit alors être porté par le principe de la Réparation (16)
Jésus+Christ nous a sauvé, mais n'oublions pas ce témoignage de Péladan lors de sa venue en Terre du Christ : " Me voici seul, à minuit, au mont des Oliviers entre la grotte de l'Agonie et le jardin de Gethsémani ; la lune tantôt étincelante, tantôt barrée de nuages, illumine par instants le sinistre paysage. L'heure approche, l'heure où l'humanité fut déshonorée et sauvée, car la mort de Jésus, c'est à la fois la plus grande accusation contre l'homme et le coup suprême de la miséricorde... C'est comme complice de l'assassinat du Calvaire que je viens, plein du remords de ce que j'aurais pu faire contre mon Dieu, réfléchir et peser ce mot de Pilate : Qu'est-ce que la vérité ?... Je cherche ma complicité dans la mort du Sauveur, je ne la trouve pas mais elle existe. Je ne suis ni Judas, ni Caïphe, bi Pilate ; je suis cependant un bourreau du Christ, puisque je suis un homme !" (17).
Contrairement à la formule souvent évoquée : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu" et faussement attribuée à Irénée de Lyon, ce Père précisant plus exactement : "le Verbe s'est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l'homme : c'est pour que l'homme, en se mélangeant au Verbe et en recevant ainsi la filiation adoptive, devienne fils de Dieu" (18)
Ainsi, l'homme entre dans le principe de participation qui ne saurait le concerner lui seul mais touche l'ensemble des êtres devant dire oui à ce salut, c'est ce que le monde Latin nomme Communion des Saints.
Il serait possible d'analyser plus avant notre ou nos Devoirs, des notes renvoient à ces derniers où si l'homme est déjà sauvé, il lui revient :
- d'une part d'accepter son salut en disant  OUI  à l'appel de Dieu
- d'autre part d'agir en faveur de ceux qui pourraient n'avoir pas dit OUI à cet appel,
- enfin d'agir pour la Création qui fut entraînée dans la Chute malgré elle
Cela, par les bonnes actions et par les prières ainsi que le rappelait Pierre.
Aussi, comprendrons-nous cette remarque livrée par le RP TURINCEV : " Un saint moine du Mont Athos, un storetz qui fut pres­que notre contemporain, écrit ce qui suit, en s'adressant à chaque chrétien : « Quand le Seigneur t'aura sauvé avec toute la multitude de tes frères, et quand il ne res­terait qu'un seul des ennemis du Christ et de l'Eglise dans les ténèbres extérieures, ne te mettras-tu pas avec tous les autres à implorer le Seigneur afin que soit sauvé cet unique frère non repenti ? Si tu ne le supplies pas jour et nuit, alors ton cœur est de fer, — mais on n'a pas besoin de fer au paradis. » (19)
Jean-Pierre BONNEROT
------------------- Notes
1 - Concile d’ORANGE II (529) In  Les canons des conciles mérovingiens (IV+ VII° siècles)  Pais Cerf Ed, coll. SC, page 159.
Les canons 5 et 6 de ce Concile sont les seuls semble-t-il à traiter dans l'histoire des conciles "occidentaux" de la Grâce.
Nous utilisons par commodité,  l’édition Internet certes incomplète face à l’édition du Cerf, mais utile, des Symboles et définitions de la Foi Catholique de DENZINGER : http://catho.org/9.php?d=g0
Pour l’accès aux canons cités : http://catho.org/9.php?d=bv5#crg
2 - Thomas d'Aquin : Commentaire de la lettre de St Paul aux Romains, commentaire Rom. IV, 11-15.

3 - Thomas d'Aquin : op cité, commentaire Rom. V, 20 & 21
4 - Emmanuel LEVYNE : Lettre d'un kabbaliste à un rabbin, Paris, TSEDEK Ed, 1978.  Pour un accès Internet :
Pour les références au Zohar, la traduction à choisir est celle de Jean de Pauly, en l'espèce, Paris,  Ed Maisonneuve et  Larose, 1975 :1° tome 1 pages 174 et 175 ; 2° tome I, page 167 ; 3° tome V, page 322.  Le 2° lien donne les textes en la 2° Partie.
5 - ORIGENE : Contre Celse, IV, 40, SC N° 136, Paris Cerf Ed, 1968, page 289. Pour la présente transcription, est utilisé le CD VERBUM DOMINI : Le texte est présentement strictement identique.
6 - J-P BONNEROT : Sathan  Lucifer le Prince de ce monde et les démons dans la tradition chrétienne et l'exégèse scripturaire Cahiers d'Etudes Cathares N° 96, hiver 1982, pages 8 & 9 notamment.
Pour un accès via Internet en ce cas pages 6 à 8 selon le lien :
7 - Athanase d'Alexandrie : Sur l'Incarnation du Verbe 6,1. SC N° 199, Paris Cerf Ed, 1973, page 283. Nous n'avons pas trouvé d'édition électronique sur Internet.
8 - Grégoire de Nysse : La Prière du Seigneur homélie V, 4, DDB Ed, 1981, page 91
9 - Id, IX, page 96
10 - Id, VII, page 95 Nous n'avons pas trouvé d'édition électronique sur Internet.
11 - AUGUSTIN : Controverse avec les Pélagiens - Du mérite et de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants I, 10, 11
Pour un accès aisé via Internet :
12 - Jean MEYNEDORFF : Initiation à la théologie Byzantine Paris, Cerf Ed, 1975, pages 194 & 195. Signalons la réédition de ce livre fondamental aux Ed du Cerf;
13 - Cette question fut plusieurs fois examinée, nous renvoyons à nos précédents travaux :
14 - AUGUSTIN : Traité de la Foi, de l'Espérance et de la Charité. ch. 30.  Je conseille l'acquisition du CD relatif aux oeuvres de nombreux Pères, près l'abbaye St Benoît de Port- Valais. Pour un accès déjà sur Internet :
15 - Cyrille de Jérusalem : Catéchèses, 4° Catéchèse, § 18, Namur, Ed du soleil levant, 1961, pages 93 & 94.Pour un accès via Internet aux oeuvres complètes : http://www.archive.org/details/opensource

16 - J-P BONNEROT : Approche d'une explication de la doctrine de la Réparation Revue VIRGO FIDELIS N° 197, juillet 2003, pages 9 ss, Pour un accès Internet : http://theologie-et-questions-disputeses.blogspot.com/2005/10/4-approche-dune-explication-de-la.html
17 - J. PELADAN : La Terre du Christ Paris, Flammarion Ed, 19O1, pages 283, 284 et 288 (extraits)
18 - Irénée de Lyon : Contre les hérésies III, 19,1; Paris Ed du Cerf, 1984, page 368.Nous utilisons l'édition n'offrant que la traduction française, reprenant l'édition des Sources Chrétiennes. Pour un accès aisé via Internet : http://remacle.org/index2.htm
19 - RP Alexandre TURINCEV : L'Eschatologie Orthodoxe Revue CONTACTS N° 54,  1966, page 103.

octobre 15, 2015

L’INCINERATION DOIT-ELLE ËTRE ACCEPTEE PAR L’EGLISE



Le journal LA CROIX revenait ces derniers jours, dans son édition électronique, sur les textes exposant que l’incinération était admise par l’Eglise, depuis qu’un Décret du Saint Office en date du 8  mai 1963, avait supprimé l’interdiction de funérailles religieuses pour ceux qui demandaient à être incinérés.

Exposé des motifs de l’interdiction et de la permission.

L’Eglise de Rome interdisait alors l’incinération, au motif que cela était de nature à signifier chez le demandeur comme une atteinte à la foi en la résurrection et la vie éternelle !

Ce raisonnement selon lequel une opposition (supposée) à la Foi de l’Eglise, fragiliserait alors le Dogme, est pour le moins incompréhensible.

Plus explicite se trouve être l’explication donnée par le canon 1176 du nouveau Code de droit canonique qui énonce : « l’Église recommande vivement que soit conservée la pieuse coutume d’ensevelir les corps des défunts ; cependant elle n’interdit point l’incinération, à moins que celle-ci n’ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne. »

Le motif de l’interdiction à l’incinération devient une sanction dans le cadre de cet article, arrêter enfin une complicité à une opposition à la doctrine chrétienne.

Il sera pris acte que si l’Eglise ne sanctionne l’incinération, que dans le cas d’une opposition à la doctrine.  Ce point est d’une particulière importance, en ce que l’on peut déduire aisément que le principe de l’incinération, l’Eglise l’admet donc de fait, pour quiconque ne s’oppose pas consciemment au Dogme, en fait ne se trouve pas en rébellion avec elle.

L’incinération n’est pas tolérée, elle est admise, le catéchisme de l’Eglise catholique disant donc :
« L’Église  permet l’incinération, si celle-ci ne manifeste pas une mise en cause de la foi dans la résurrection des corps » (n° 2301).

Quant à ce que peut sous- entendre cette permission et cette interdiction selon la position du défunt :

Il est heureux que la cérémonie religieuse liée aux obsèques ne soit pas un sacrement, dès lors les conséquences liturgiques de ces funérailles ne  délivrent pas, comme dans un sacrement, des grâces particulières et spéciales, qui limiteraient la Grâce selon le bon vouloir de l’Officialité.

Toutefois, deux questions méritent d’être posées :

I
-       l’absence de Foi en la résurrection des corps et la vie éternelle chez le décédé, donne-t-il le droit à l’Eglise de refuser des prières, fusses-elles non liées à un Sacrement ?
II
-       L’Eglise dans son Magistère peut-elle accepter l’incinération ?


I

Sur la sanction opérée par l’Eglise, alors qu’il ne s’agit pas de discuter en cette partie de notre réflexion sur le bien fondé ou non de la crémation – quel motif lui accorder ? L’Eglise est-elle juge des reins et des cœurs ? Certes  non, seul Dieu sonde les reins et les cœurs  «et toutes les Eglises sauront que je suis celui qui scrute les reins et les cœurs (Apoc. II, 23). L’Eglise ne saurait se substituer ni au  Père, ni au Fils, ni à l’Esprit.

Comment peut-elle d’une part juger de la pensée d’un décédé, dès lors que sa réflexion n’est ni dans ce monde ni dans l’autre, figée.

Figer de surcroît la pensée d’un être dans le monde, n’est-ce pas nier précisément sa vie et notamment son « activité pensante » dans l’autre monde ? Nier aussi implicitement le devenir eschatologique de l’être, puisque l’issue de sa vie terrestre est assimilée alors à la fin de la Vie ?

La négation de la résurrection des corps et de la vie éternelle en notre incarnation ne résulte pas, - à l’inverse pas plus en ce qui concerne la croyance en ce dogme – d’un acte de pleine connaissance. De la sorte, l’inconnaissance ou la connaissance incomplète ne saurait permettre un jugement.

Une telle condamnation, prive le décédé des prières de l’Eglise. Cette privation s’oppose à l’enseignement du Sauveur,  qui nous demande de prier pour nos ennemis donc aussi pour ceux qui ne partageraient pas la même Foi : “Et moi, je vous dis : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, » (Mat. V, 44)

Si l’Eglise refuse ses prières, si l’Eglise condamne, elle manque à son devoir de Charité et à l’application du plus grand Commandement.

II

A Adam, à la suite de sa chute, Dieu énonce : « A la sueur de ton visage tu mangeras du pain jusqu'à ce que tu retournes au sol car c'est de lui que tu as été pris. Oui, tu es poussière et à la poussière tu retourneras.” (Gen. III, 19)

Est-il permis à l’ »homme de, délibérément, modifier les Lois de Dieu, lorsqu’il échet bien entendu de dissocier de ce choix ou de cette permission que l’être s’accorde, les cas particuliers que sont des morts accidentelles par le feu ?

Le corps d’Adam est modelé «avec de la poussière prise du sol” (Gen. II, 7)

Nous sommes invités à nous souvenir “avant que ne viennent les jours mauvais”(Eccl. XII, 1)
« que la poussière retourne à la terre comme elle en est venue, et le souffle à Dieu qui l'a donné.” (Eccl. XII, 7)

Il n’appartient pas à l’homme de modifier les Lois de la Création. S’il en était besoin, Jésus+Christ vrai chef de l’Eglise évoque Son ensevelissement :(Mat. XXVI, 12 ; Marc XIV, 8 ; Jean. XII, 7).

La mise au tombeau est la pratique que l’on retrouve dans les Evangiles : “ Jésus trouva Lazare dans le tombeau depuis quatre jours déjà.” (Jean XI, 17). Il ne s’agit pas d’incinérer un corps mais de le rendre à la terre d’où il est issu.

Relativement aux reste du Baptiste, les disciples “ vinrent prendre son cadavre et le mirent dans un tombeau.” (Marc. VI, 29)

Alors que le corps vient de la terre et revient à la terre, ne convient-il pas de méditer ce passage de l’Evangile : “ Or, comme arrivait le temps où il allait être enlevé du monde, Jésus prit résolument la route de Jérusalem. Il envoya des messagers devant lui. Ceux-ci s'étant mis en route entrèrent dans un village de Samaritains pour préparer sa venue. Mais on ne l'accueillit pas, parce qu'il faisait route vers Jérusalem. Voyant cela, les disciples Jacques et Jean dirent : " Seigneur, veux-tu que nous disions que le feu tombe du ciel et les consume ? "Mais lui, se retournant, les réprimanda. Et ils firent route vers un autre village.” (Luc IX, 51-57)

En ce passage, se trouve évoquée le fait que Jésus+Christ allait être enlevé du monde, les disciples propose au Sauveur que ceux qui Lui seraient ainsi hostiles en refusant de L’accueillir, soient consumés par le feu. De cette pensée, les disciples furent par le Sauveur, réprimandés !

L’Eglise semble oublier cette réprimande faite à Jacques et Jean, réprimande qui ne porte pas obligatoirement ou seulement sur le fait d’une idée de répression, de vengeance si j’ose dire, mais aussi sur le moyen tel que précisé : le feu !

Dans l’apocalypse de Jean, le feu lui est assimilé à un étang ou se trouvent précipités la Bête et le faux prophète (Apoc. XIX, 20), le diable et leur séducteur (Apoc. XX, 10)

Ensevelissement, mise au tombeau, tels sont les Lois de l’Evangile pour les gisants, le feu est réservé au diable, à la Bête et au faux prophète ; ne serait-il pas judicieux que l’Eglise de Rome réfléchisse sur le bien fondé de sa position au regard de l’incinération ?


Jean-Pierre BONNEROT



Les textes de l'Église sur la crémation

Un décret du Saint Office daté du 8 mai 1963 a supprimé l’interdiction de funérailles religieuses pour ceux qui demandent à être incinérés.

Le canon 1176 du Code de droit canonique rappelle que « l’Église recommande vivement que soit conservée la pieuse coutume d’ensevelir les corps des défunts ; cependant elle n’interdit point l’incinération, à moins que celle-ci n’ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne. »

Quant au Catéchisme de l’Église catholique, il précise : « l’Église permet l’incinération, si celle-ci ne manifeste pas une mise en cause de la foi dans la résurrection des corps » (n° 2301).

En France, le document de référence est la Note de Mgr Claude Feidt du 9 mars 1987, intitulée Les obsèques religieuses en cas d’incinération, reprise dans le Directoire canonique et pastoral pour les actes administratifs des sacrements (Éd. Paroi-Service 1994). Par ailleurs, la Conférence des évêques a publié en septembre 1997 un Document-Épiscopat intitulé Points de repère pour la pastorale des funérailles.


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Can. 1176 - § 1. Les funérailles ecclésiastiques doivent être accordées aux fidèles défunts, selon le droit. § 2. Les funérailles ecclésiastiques, par lesquelles l'Église procure aux défunts le secours spirituel et honore leurs corps en même temps qu'elle apporte aux vivants le réconfort de l'espérance, doivent être célébrées selon les lois liturgiques.
§ 3. L'Église recommande vivement que soit conservée la pieuse coutume d'ensevelir les corps des défunts; cependant elle n'interdit pas l'incinération, à moins que celle-ci n'ait été choisie pour des raisons contraires à la doctrine chrétienne
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2301 L’autopsie des cadavres peut être moralement admise pour des motifs d’enquête légale ou de recherche scientifique. Le don gratuit d’organes après la mort est légitime et peut être méritoire.
L’Église permet l’incinération si celle-ci ne manifeste pas une mise en cause de la foi dans la résurrection des corps (cf. CIC, can. 1176, § 3).
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LES OBSEQUES RELIGIEUSES EN CAS D'INCINERATION
Note de Mgr Claude Feidt, président de la Commission de Liturgie, 9 mars 1987

La Commission épiscopale de Liturgie a été saisie, ces derniers temps, d'un certain nombre de questions au sujet du déroulement des funérailles religieuses en cas d'incinération : par exemple, on demande une célébration à l'église, en présence de l'urne ou bien l'organisation d'une prière au crématorium.
Ces questions méritent d'autant plus attention que la pratique de l'incinération est en augmentation dans notre pays. En fait, en 1985, moins de 3 % du nombre total de morts en France ont été incinérés dans les 16 crématoriums existants ; mais un sondage IFOP de 1979 révélait que 20 % des Français avaient l'intention de recourir à ce procédé, qui est davantage employé dans les nations du nord de l'Europe.
Pour comprendre quelle peut être l'attitude actuelle de l'Eglise catholique par rapport à l'incinération, il faut en connaître l'évolution.


Un peu d'histoire
Pendant longtemps, pratiquement jusqu'au début du XXe siècle, l'incinération a été comprise par l'Eglise comme susceptible de porter atteinte à sa foi en la résurrection et la vie éternelle ; et, de fait, les promoteurs de cette pratique ne se privaient pas d'attaquer la doctrine chrétienne. Les funérailles religieuses étaient donc refusées " à ceux qui avaient demandé que leur corps soit livré à la crémation " (Code de Droit canonique de 1917, canon 1240).
Les temps ont changés, les mentalités ont évolué et les motivations anti-religieuses ont pratiquement disparu. C'est pourquoi une Instruction romaine, en date du 8 mai 1963, a supprimé l'interdiction de funérailles religieuses à ceux qui avaient demandé d'être incinérés (sauf si cette demande comprenait des motifs opposés à la foi chrétienne).
Le nouveau Rituel des funérailles, issu de la réforme liturgique de Vatican II, a traduit cette évolution dans un texte qu'il convient de citer : " A ceux qui ont choisi l'incinération de leur corps, on accordera les funérailles chrétiennes, sauf s'il est évident qu'ils ont fait ce choix pour des motifs contraires à la foi chrétienne. Tout en respectant la liberté des personnes et des familles, on ne perdra pas de vue la préférence traditionnelle de l'Eglise pour la manière dont le Seigneur lui-même a été enseveli. " (Préliminaires du Rituel des funérailles, n¡18).