août 05, 2009

l'Evêque au service du Peuple de Dieu

Voulez-vous exercer toute votre vie le ministère sacerdotal, en collaborant avec l'Evêque au service du Peuple de Dieu, sous la conduite de l’Esprit-Saint ? » (Pontificale Romanum. De Ordinatione Episcopi, presbyterorum et diaconorum, editio typica altera (Typis Polyglottis Vaticanis 1990)) Chers Confrères dans le Sacerdoce, Les yeux et le coeur encore pleins de l’expérience spirituelle de l'ouverture de l'Année Sacerdotale, lors des Vêpres de la Solennité du Sacré-Coeur de Jésus, présidées dans la Basilique de Saint Pierre le 19 juin dernier par le Saint-Père Benoît XVI, c’est avec grand plaisir que je m'adresse à vous tous en ce « temps saint », que nous offre la Divine Providence. Pendant toute l'année Sacerdotale, en parcourant les textes de la Liturgie d'ordination, vers le milieu de chaque mois, j'aurai la joie de proposer une brève réflexion jaillie du coeur et de l'amour pour le Sacerdoce catholique, qui j'espère pourra constituer une aide modeste pour notre méditation commune, et devenir une « compagnie chrétienne et sacerdotale» en cette Année : avec le Successeur de Pierre, nous voudrions tous que ce soit une année de profond « renouvellement spirituel ». L'Eglise, dans sa sagesse maternelle, a toujours enseigné que le ministère naît de la rencontre de deux libertés : celle de Dieu et celle de l’homme. Si d'un côté nous devons toujours nous rappeler que « nul ne s'arroge à soi-même cette charge, [puisque] on y est appelé par Dieu » (Catéchisme Eglise Cath. 1578), de l'autre, évidemment, c’est toujours un « moi humain créé », avec sa propre histoire et son identité, avec ses qualités et même ses limites, qui répond à l'appel divin. La traduction liturgique et sacramentelle de ce dialogue asymétrique et nécessaire entre la liberté divine qui appelle et la liberté humaine qui répond, se trouve dans les questions que chacun d'entre nous a entendu de la part de l'Evêque, au cours du Rite de son ordination, avant l'imposition des mains. Nous parcourrons de nouveau ensemble, dans les mois qui nous attendent, ce « dialogue d'amour et de liberté ». Il nous a été demandé : « Voulez-vous exercer toute votre vie le ministère sacerdotal, en collaborant avec l'Evêque au service du Peuple de Dieu, sous la conduite de l’Esprit-Saint ? ». Nous avons répondu : « Oui, je le veux ». Cette réponse, libre et consciente, se fonde donc sur un acte explicite de la volonté (« Voulez-vous exercer » - « je le veux ») qui, nous le savons bien, a besoin d'être continuellement éclairée par le jugement de la raison et soutenue par la liberté, pour ne pas devenir un volontarisme stérile, ou pire encore, pour ne pas changer au cours du temps, en devenant infidèle. L'acte de la volonté est stable par nature, puisque c'est un acte humain, dans lequel se manifestent les qualités fondamentales dont le Créateur nous a rendus participants. Ensuite, l'engagement que nous avons assumé concerne « toute la vie », et il n’existe donc pas en fonction des enthousiasmes et des gratifications plus ou moins évidents, et encore moins des sentiments. Le sentiment a bien un rôle déterminant dans la connaissance de la vérité : à condition d’être placé à sa « juste place », comme une lentille, non seulement il n'entrave pas la connaissance, mais il la favorise. Toutefois il n’est qu’un facteur de la connaissance, et ne peut être celui déterminant. Notre volonté a accepté d'exercer « le ministère sacerdotal », et non pas d’autres « professions » ! Avant tout, nous sommes appelés à être toujours prêtres, comme nous le rappellent les Saints, en chaque circonstance, en exerçant, avec notre être lui- même, ce ministère auquel nous avons été appelés. On ne fait pas le prêtre, on est prêtre ! Chers confrères, en cette Année Sacerdotale, renouvelons l'émotion de nous réveiller le matin en nous rappelant qui nous sommes, qui le Seigneur a voulu que nous soyons dans l'Eglise : pour Lui, pour Son peuple, pour notre salut éternel même ! Chacun d'entre nous est le membre d'un « organisme », appelé à collaborer pour indiquer, à différent titre, la Tête de ce Corps. Et ce, toujours « en collaborant avec l'Evêque », en obéissance au bien qu'Il désigne, et « sous la conduite de l’Esprit-Saint», c'est-à-dire dans la respiration d'une prière constante. Seul celui qui prie peut écouter la voix de l'Esprit. Comme l’a rappelé le Saint-Père dans l'Audience Générale du 1er Juillet dernier : « Celui qui prie n'a pas peur ; celui qui prie n'est jamais seul ; celui qui prie se sauve ! ». Que la Bienheureuse Vierge Marie, Femme du « tout » et du « pour toujours », nous assiste et nous protège ! Bonne continuation de l'Année Sacerdotale ! X Mauro Piacenza Archev. tit de Vittoriana Secrétaire Du Vatican, le 15 Juillet 2009

LA SAINTETE EST TOUJOURS ACTUELLE

LA SAINTETE EST TOUJOURS ACTUELLE Chers Frères dans le Sacerdoce, En ce 150ème anniversaire de la naissance au Ciel de saint Jean Baptiste Marie Vianney (4 août 1859 – 2009), j’ai la joie de m’adresser à chacun de vous pour vous renouveler mes meilleurs vœux en cette Année Sacerdotale. Le Curé d’Ars se détache devant nous comme une magnifique figure de sainteté sacerdotale, vécue non dans les actions extraordinaires, mais dans la fidélité quotidienne de l’exercice du ministère ; devenu modèle et « phare » pour la France dans la première moitié du 19ème siècle, et pour l’Église tout entière, de tout lieu et de tout temps, il est, pour chacun de nous, source de consolation et d’espérance, également dans les « fatigues » que peut connaître notre sacerdoce. Sa consécration complète nous encourage dans notre propre don joyeux au Christ et à nos frères, afin que le ministère soit toujours un reflet lumineux de la consécration d’où dérive le mandat apostolique lui-même et, en lui, toute fécondité pastorale ! Que son amour pour le Christ, plein d’humanité et de sincère affection, soit pour nous un encouragement à nous « passionner » toujours davantage pour « notre Jésus » : que ce soit Lui, le regard que nous cherchons chaque matin, la consolation qui nous accompagne chaque soir, le souvenir et le compagnon de chaque pause de la journée. Vivre, à l’exemple de saint Jean-Marie Vianney, en passionné du Christ, signifie réussir à tenir toujours ardent l’élan missionnaire en devenant, progressivement mais réellement, des images vivantes du Bon Pasteur et de celui qui proclame au monde : « Voici l’Agneau de Dieu ». Que la véritable « extase » spirituelle du Curé d’Ars pendant la célébration de la Sainte Messe, invite chacun de nous à prendre toujours plus conscience du grand don qui a été confié à nos personnes : don qui nous fait chanter avec saint Ambroise : « … Et nous qui sommes élevés à une dignité telle que nous consacrons le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous pouvons tout espérer de Ta Miséricorde ! ». Son engagement héroïque au confessionnal, nourri d’un véritable esprit expiatoire et alimenté par la conscience d’être appelé à participer à la « substitution vicaire » de l’unique Grand Prêtre, nous incite à redécouvrir la beauté et la nécessité, également pour nous Prêtres, de la célébration du Sacrement de la Réconciliation. Nous le savons bien, celui-ci est le lieu d’une véritable contemplation des merveilles que Dieu opère dans les âmes que, délicatement, Il attire, conduit et convertit ; se priver d’un tel « spectacle merveilleux » est une privation irréparable et injuste, non seulement pour les fidèles, mais aussi pour notre propre ministère qui se nourrit de l’émerveillement suscité par chaque miracle de la liberté humaine qui dit « oui ! » à Dieu. Enfin, que l’amour filial et plein de délicates attentions du saint Curé d’Ars pour la Bienheureuse Vierge Marie, à laquelle il n’a pas hésité à se consacrer, lui-même et toute sa paroisse, nous encourage, en cette Année Sacerdotale et toujours, à laisser résonner dans nos cœurs de pères, avec une fidélité pour ainsi dire obstinée, le « me voici » de Marie : son « pour tout » et « pour toujours », qui constituent l’unique vraie mesure de notre existence sacerdotale. Bonne fête de saint Jean-Marie Vianney. ✠ Mauro Piacenza Archev. titulaire de Vittoriana Secrétaire

Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver

Jésus a dit : « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver » (Jn 12,47). Chers Prêtres, L'actuelle culture occidentale dominante, toujours plus diffuse dans le monde entier à travers les media globalisés et la mobilité humaine, jusque dans les pays d'autres cultures, présente de nouveaux défis qui ne sont pas de peu d’importance pour l'évangélisation. Il s’agit d'une culture profondément marquée par un relativisme qui refuse toute affirmation d'une vérité absolue et transcendante, qui ruine par conséquent jusqu’aux fondements de la morale, et qui se ferme à la religion. On perd ainsi la passion pour la vérité, reléguée au rang de « passion inutile ». Alors que Jésus-Christ se présente comme la Vérité, le Logos universel, la Raison qui éclaire et explique tout ce qui existe. Le relativisme s’accompagne ensuite d'un subjectivisme individualiste, qui place son propre ego au centre de tout. À la fin, on arrive au nihilisme, pour lequel rien ni personne ne vaut la peine d’engager sa vie entière, et par conséquent la vie n'a pas de sens véritable. Toutefois, il faut reconnaître que l'actuelle culture dominante, postmoderne, porte avec elle un grand et vrai progrès scientifique et technologique, qui fascine l'être humain, et d'abord les jeunes. L'usage de ce progrès, malheureusement, n'a pas toujours comme objectif principal le bien de l'homme et de tous les hommes. Il lui manque un humanisme intégral, qui pourrait lui donner son vrai sens et son but. Nous pourrions parler encore d'autres aspects de cette culture : le consumérisme, le libertinage, la culture du spectacle et du corps. On ne peut pas ne pas remarquer que tout cela produit un laïcisme qui ne veut pas de religion, qui fait tout pour l'affaiblir ou, au moins, la reléguer dans la vie privée des personnes. Cette culture produit une déchristianisation, elle n’est que trop visible, dans la majorité des pays chrétiens, en particulier en Occident. Le nombre des vocations sacerdotales a baissé. Le nombre de prêtres aussi a diminué, tant par manque de vocations que par l'influence du milieu culturel dans lequel ils vivent. Tout cela pourrait favoriser la tentation d'un pessimisme décourageant, qui condamne le monde actuel et nous pousserait à nous retirer sur la défensive, dans les tranchées de la résistance. Jésus-Christ, par contre, affirme : « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver » (Jn 12,47). Nous ne pouvons ni nous décourager, ni avoir peur de la société actuelle, ni simplement la condamner. Il faut la sauver ! Chaque culture humaine, même l'actuelle, peut être évangélisée. Dans chaque culture il y a des « semina Verbi », en guise d’ouvertures à l'Evangile. Sûrement aussi dans notre culture actuelle. Sans doute, même les prétendus « postchrétiens » pourraient être touchés et se rouvrir, s'ils étaient portés à une vraie rencontre personnelle et communautaire avec la personne de Jésus Christ vivant. Dans une telle rencontre, chaque personne humaine de bonne volonté peut être rejointe par Lui. Il aime tout le monde et frappe à la porte de tous, parce qu'il veut les sauver tous, sans exception. Il est le Chemin, la Vérité et la Vie, pour tous. Il est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Très chers Prêtres, nous autres pasteurs, nous sommes appelés aujourd'hui, avec urgence, à la mission : tant celle « ad gentes », que celle dans les régions des pays chrétiens, où de si nombreux baptisés ont pris leur distance en ne participant plus à nos communautés, ou ont même perdu la foi. Nous ne pouvons ni avoir peur ni rester tranquillement chez nous. Le Seigneur a dit à ses disciples : « Pourquoi avez-vous peur, hommes de peu de foi ? » (Mt 8,26). « Que votre cœur ne se trouble pas. Ayez foi en Dieu et ayez foi aussi en moi » (Jn 14,1). « On n'allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur le lampadaire pour qu’elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison » (Mt 5,15). « Allez, donc, dans le monde entier et prêchez l'Evangile à toute créature » (Mc 16,15). « Voilà, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde » (Mt 28,20). Nous ne lancerons pas la semence de la Parole de Dieu seulement par la fenêtre de notre maison paroissiale, mais nous sortirons dans le champ ouvert de notre société, en commençant par les pauvres, en rejoignant même tous les niveaux et toutes les institutions de la société. Nous irons visiter les familles, toutes les personnes, en commençant par les baptisés qui se sont éloignés. Notre peuple veut sentir la proximité de son Eglise. Nous le ferons, en allant vers la société actuelle, avec joie et enthousiasme, certains que le Seigneur est présent avec nous dans la mission, et sûrs qu'Il frappera aux portes des coeurs auxquels Nous l'annoncerons. Cardinal Cláudio Hummes Archevêque Émérite de São Paulo Préfet de la Congrégation pour le Clergé

août 04, 2009

CELLE QUI JOUAIT LA DEMENCE

XXXIV - CELLE QUI JOUAIT LA DEMENCE [1] En ce monastère fut une autre vierge qui jouait la folie et le démon. Et on la détesta au point de ne pas même manger avec elle, elle ayant préféré cela. Errant donc à travers la cuisine, elle faisait toute sorte de service et elle était certes, comme on dit, l'éponge du monastère, accomplissant en fait ce qui est écrit : « Si quelqu'un juge à propos d'être sage parmi nous en cette vie, qu'il devienne insensé pour devenir sage » (I Cor. 3, 8). Elle, après s'être attaché des haillons sur la tête — car toutes les autres sont tondues et ont des cuculles, — elle était ainsi en faisant le service. [2] Aucune des quatre cents ne la vit en train de manger pendant les années de sa vie. Elle ne s'assit pas à table, elle ne reçut pas un fragment de pain, mais épongeant les miettes des tables et relavant les marmites, elle s'en contentait. Elle n'outragea jamais personne, elle ne murmura point, elle ne parla ni peu ni beaucoup, bien qu'elle fût frappée à coups de poing, outragée, chargée d'imprécations et exécrée. [3] Cela étant, un ange se présenta au saint Pitéroum, 231 anachorète établi en Porphyrite, homme qui avait fait ses preuves, et il lui dit : « Pourquoi as-tu une grande opinion de toi-même. En tant que religieux et établi dans ce lieu? Veux-tu voir une femme plus religieuse que toi? Va dans le monastère des femmes tabennésiotes, et là, tu en trouveras une ayant un bandeau sur la tête : elle est meilleure que toi. [4] Car tout en combattant contre une foule qui est si grande, elle n'a jamais éloigne de Dieu son cœur. Tandis que toi, établi ici, tu t'égares par la pensée à travers les villes. » Et celui qui n'était jamais sorti s'en alla jusqu'à ce monastère, et il demande aux maîtres de pénétrer dans le monastère des femmes. Eux furent pleins de confiance pour l'introduire, en tant que célèbre et avancé dans la vieillesse. [5] Et étant entré il réclama de les voir toutes. Celle-là ne paraissait pas présente. Enfin il leur dit : « Amenez-les moi toutes, car il en manque encore une autre. » Elles lui disent : « Nous avons à l'intérieur, dans la cuisine, une salé (= idiote) » : car on appelle ainsi les psychopathes. Il leur dit : « Amenez-moi 233 aussi celle-là : laissez que je la voie. » On s'en alla lui parler. Elle n'obéit pas, peut-être pressentant la chose, ou même en ayant eu la révélation. On la traîne de force et on lui dit : « Le saint Pitéroum veut te voir. » Car il était en renom. [6] Elle étant donc venue, il considéra les haillons qui étaient sur son front, et étant tombé à ses pieds, il lui dit : « Bénis-moi. » Pareillement, elle aussi tomba à ses pieds en disant : « Toi. maître, bénis-moi. » Toutes furent hors d'elles et elles lui disent à lui : « Abbé, ne sois pas affecté de l'outrage : c'est une salé (idiote). » Pitéroum leur dit à toutes : « C'est vous qui êtes des salé (idiotes). En effet elle est notre amma (mère) à moi et à vous »; car on appelle ainsi celles qui mènent la vie spirituelle. « Et je demande dans mes prières d'être trouvé digne d'elle au jour du jugement. » [7] Ayant entendu cela, elles tombèrent à ses pieds à lui, toutes confessant des choses différentes, l'une comme ayant versé sur elle la lavure de l'écuelle, une autre comme l'ayant broyée de coups de poing, une autre comme lui ayant sinapisé le nez. Et en un mot toutes énoncèrent des outrages différents. Après avoir donc prié pour elles, il s'en alla. Quant à celle-là, peu de jours après, n'ayant pas enduré l'estime et l'honneur de ses sœurs, et accablée par les excuses, elle sortit du monastère; et où elle s'en alla, ou bien où elle s'est plongée, ou bien comment elle a fini ses jours, personne ne l'a su. PALLADIUS : HISTOIRE LAUSIAQUE (VIES D'ASCÈTES ET DE PÈRES DU DÉSERT) Extrait, chapitre 34. TEXTES ET DOCUMENTS pour l'étude historique du christianisme publiés sous la direction de HlPPOLYTE HEMMER ET PAUL LEJAY Texte grec, introduction et traduction française par A. LUCOT AUMÔNIER DES CHARTREUX A DIJON PARIS LIBRAIRIE ALPHONSE PICARD ET FILS 82, rue Bonaparte, 1912

Saint André de Constantinople

Saint André de Constantinople Notre St Père André était un esclave d'origine scythe, qui vivait à Constantinople, au service d'un dignitaire de la Garde impériale (protospathaire). Il apprit rapidement les lettres sacrées et profanes, et faisait l'admiration de son entourage pour son savoir. Une nuit, alors qu'il se tenait en prière, il vit avec effroi une armée d'Ethiopiens prête à affronter une troupe d'hommes blancs. Invité à engager un combat singulier contre le champion des barbares, André l'étendit à terre et en récompense il reçut d'un Ange trois couronnes, alors que le Christ, apparaissant sous l'aspect d'un jeune homme, lui disait : « Mène, nu, ce bon combat, et fais-toi fou pour Moi, afin d'être digne du Royaume des cieux! » Dès le lever du jour, obéissant à cet ordre divin, André entama sa carrière de fou pour le Christ en coupant sa tunique avec un glaive et poussant des cris qui effrayèrent toute la maisonnée. Son maître, le croyant possédé, le fit enchaîner et garder à l'église Ste Anastasie Pharmacolytria. Il y passait ses jours à contrefaire la folie par toutes sortes d'excentricités, et priait toute la nuit, confirmé dans cette voie par l'apparition de Ste Anastasie. Une nuit, il fut assailli par une troupe de démons; mais dès qu'il appela St Jean le Théologien à son aide, le St apparut dans un coup de tonnerre, dispersa les démons au moyen de la chaîne qui entravait André, et lui promit son assistance dans la suite de ses combats. Lors d'une autre vision noctume, il fut invité à servir un roi dans son palais, et reçut de la neige à manger, qui se transforma en un parfum céleste. Puis on lui offrit des fruits amers - symboles de la voie étroite qu'il devrait suivre -, et après cela une nourriture exquise lui fut donnée, qui lui procura une divine extase. Libéré après quatre mois de détention dans l'église, André commença à se comporter en public à l'imitation de St Syméon le Fou. Mais, alors que Syméon usait de la folie, sous forme d'ironie ou de dérision, pour condamner les pécheurs et les vaines valeurs de ce monde, St André, par ses facéties, s'offrait plutôt au mépris et aux mauvais traitements, à l'imitation du Christ, pour manifester la "folie de la Croix" Appliquant à la lettre les paroles de l'Apôtre qui a dit : « Nous sommes fous à cause du Christ » il s'offrait volontairement à la dérision et aux coups, et se faisait "la balayure du monde, l'universel rebut" pour acquérir le Royaume des cieux et y entraîner les autres. Entrant un jour dans une maison de tolérance, protégé par la grâce, il resta impassible face aux provocations des prostituées qui finalement le dépouillèrent de ses vêtements et le chassèrent revêtu seulement d'un paillasson, qui devint son costume habituel. Il errait dans les rues, sans logis, et distribuait aux pauvres les aumônes qu'il recevait. Jamais il ne demandait de nourriture, se contentant d'un demi pain sec par jour, et il restait même des semaines entières sans manger. Pour étancher sa soif, il lapait les flaques d'eau boueuse, et devant ce spectacle les passants indignés le rouaient de coups et l'injuriaient. La nuit, il allait s'étendre avec les chiens errants. Un soir d'hiver, comme il essayait de se blottir contre l'un d'eux pour se réchauffer, l'animal s'éloigna avec dédain. S'offrir à la plus complète déréliction était pour le bienheureux une source de délices; mais la prière ne quittait jamais ses lèvres, et l'on pouvait distinguer en tout temps une sorte de bouillonnement dans sa bouche, comme les Apôtres le jour de la Pentecôte. Lorsqu'il priait la nuit, il était souvent élevé de terre et son esprit se trouvait ravi en d'ineffables extases. Lors de cette même nuit d'hiver, où les chiens mêmes l'avaient rejeté, il fut transporté par Dieu en extase, délivré de la lourdeur de la chair, revêtu d'une tunique lumineuse, et couronné comme un roi. Il se trouva au centre d'un jardin merveilleux, rempli de plantes surnaturelles et d'oiseaux dorés, au centre duquel s'étendait largement une grande vigne aux grappes d'une taille extraordinaire. De là un ange le conduisit au-dessus du firmament, dans un lieu d'une beauté indescriptible, où il vit la Croix entourée de quatre voiles. Un autre ange le mena ensuite dans un lieu plus élevé, où il vit deux croix semblables à la précédente; puis il fut conduit au troisième ciel - que seul St Paul avait été jugé digne de voir avant lui -, et il y contempla trois Croix, éclatantes comme l'éclair, entourées d'une armée céleste qui louait Dieu. Il passa alors au-delà d'un voile de lin et de porphyre, et parvint à un lieu encore plus resplendissant, où se tenait une assemblée innombrable de jeunes gens plus lumineux que le soleil. Un Ange leva le demier voile et André put contempler le Trône de Dieu, suspendu en l'air, sans assise, d'où sortait une flamme blanche. Le Christ s'y tenait assis, et Il restreignit un peu Sa gloire pour laisser André jouir, pendant un instant seulement, de la splendeur de Sa divino-humanité, puis Il devint invisible. Une voix plus douce que le miel prononça alors à trois reprises trois Noms divins mystérieux, et aussitôt le St fut ramené dans le jardin, où il rencontra un homme lumineux, tenant une croix, qui le bénit en disant : « Bienheureux êtes-vous les fous, car vous possédez une grande sagesse. Que la Crucifixion de Notre Seigneur Jésus-Christ soit avec toi ». Puis il le renvoya, avec pour mission de renverser le Prince de ce monde, en assumant volontairement la dérision et la persécution des hommes. Reprenant ses facéties avec une audace redoublée, André fit la connaissance d'Epiphane, un jeune noble de dix-huit ans, chaste et doux, qui devint son protecteur et son fils spirituel, et auquel André prophétisa qu'il deviendrait Patriarche de Constantinople . Ayant été hébergé dans la demeure d'Epiphane, le St y blâma, sous forme de paraboles, les péchés des serviteurs de diverses nationalités, dans leur propre langue. Il avait refusé le lit qu'Epiphane lui proposait et passait ses nuits dehors, sur le fumier. Mais il ne tarda pas à reprendre sa vie errante dans les rues, en s'offrant aux jeux cruels des garnements et aux coups des passants. Lorsqu'il s'adressait aux hommes, il les appelait toujours : "Fous", ou "Insensés", mais il se condamnait aussi constamment lui-même avec la plus grande humilité. Lors d'une nouvelle vision du Malin et de ses troupes de démons, qui lui reprochait d'amener au repentir les hommes qu'il tenait en sa possession, en leur révélant leurs péchés par ses actes prophétiques, André entra dans une violente altercation avec le Prince des ténèbres; mais celui-ci n'avait aucun pouvoir contre l'homme de Dieu, car il s'était dépouillé de tout attachement terrestre. Une nuit, le démon le fit tomber dans une fosse, mais dès que le St invoqua Sts Pierre et Paul, les deux Apôtres apparurent, le tirèrent du bourbier, et une croix lumineuse vint l'éclairer pendant le reste de son chemin. Au cours d'une grande peste, qui s'était abattue sur la capitale, malgré les moqueries des badauds, le St passait dans les rues et sur les places en pleurant et intercédant pour la ville, et demandant à Dieu le pardon des péchés du peuple. Comme il se tenait en prière, il fut transporté à Anaplos en Thrace, où il vit St Daniel le Stylite qui l'invita à unir leurs prières pour le salut de la cité. Un feu descendit alors du ciel et chassa le démon qui avait provoqué cette épidémie. St André ne se lassait pas de reprendre les pécheurs, soit par des avertissements, soit par des prophéties sur leur châtiment à venir, lesquelles ne manquaient jamais de se réaliser sous peu. Passant un jour devant les marchandises de luxe étalées au marché, il s'écria : « Paille et ordure! » Une autre fois, sur la proposition malicieuse de vagabonds farceurs, il se mit à manger avidement les belles fîgues fraîches exposées dans l'échoppe d'un maraîcher, pendant que celui-ci faisait la sieste. Lorsque le marchand se réveilla, surprenant le St, il saisit un bâton et le roua de coups. André se laissa frapper sans résistance, et révéla ensuite que s'il avait été frappé à cause de sa gourmandise, combien plus les pécheurs qui ne se repentent pas seront-ils châtiés par Dieu éternellement. Ayant reçu le don de clairvoyance, il dénonçait la piété hypocrite de ceux qui se tenaient à l'église en entretenant des pensées mondaines ou chantaient par vaine gloire et ostentation; et il discernait les démons de l'indifférence, du bâillement et de l'acédie, qui suggéraient à leurs victimes de quitter l'église avant la fin de l'office. A l'issu du Carême, il distinguait l'état spirituel de chacun : voyant les hommes vertueux couronnés de lin fin et les pécheurs avec des bestioles immondes suspendues à leurs vêtements. Mais son soin allait tout particulièrement à l'éducation spirituelle d'Epiphane, la seule personne avec laquelle il parlait de manière sensée. Il l'instruisait avec science dans la lutte contre les démons, et le laissait parfois être tenté par eux, pour acquérir la patience et devenir, sous le feu des épreuves, un digne pain du Christ. Il l'enseignait aussi sur les mystères de la création, sur le monde spirituel, et surtout, il lui révéla, avec de nombreux détails inconnus de l'Ecriture, ce qui allait arriver à la fin des temps, lorsqu'à l'issue de terribles épreuves, invasions et catastrophes naturelles, l'empereur des Romains ira remettre sa couronne sur la Croix à Jérusalem, avant que celle-ci soit emportée au ciel par un Ange. Ainsi s'achèvera le temps de l'Empire chrétien, instauré par St Constantin. Peu après, Constantinople - que les Byzantins de ce temps considéraient souvent comme devant être éternelle -, sera engloutie dans les flots, comme Babylone (Apoc. 18, 2 1), et la royauté juive sera restaurée à Jérusalem. Tous croiront à l'Antéchrist, qui y règnera comme seul souverain sur terre et persécutera les Chrétiens. Le Christ apparaîtra ensuite pour mener le grand combat contre l'Antéchrist, et lorsqu Il l'aura vaincu, Il l'amènera, lui et ses démons, devant le Tribunal de Dieu, pendant qu'une trompette retentira, annonçant la résurrection des morts. Après le Jugement, quatre Anges se tiendront aux quatre extrémités de la terre et ils l'enrouleront sur l'ordre du Seigneur. L'univers entier sera alors renouvelé, des "cieux nouveaux et une terre nouvelle" apparaîtront, pour être conformes aux corps incorruptibles des hommes ressuscités. Tout sera alors incorruptible et éternel, et un parfum indicible remplira l'univers illuminé par une lumière sans soir. Un jour quAndré et Epiphane s'étaient rendus à l'église des Blachernes, pour la vigile qui y avait lieu chaque semaine, ils virent la Très-Ste Mère de Dieu s'avancer des Portes Stes, escortée par un grande foule de Sts, parmi lesquels St Jean Baptiste et St Jean le Théologien, et recouvrir le peuple de son voile. Une autre fois, comme St André lisait à son disciple un texte de St Basile, un parfum céleste se répandit autour d'eux. A la question d'Epiphane, le St répondit que cette bonne odeur est prise par les Anges du Trône de Dieu, pour qu'ils encensent et honorent les hommes à trois occasions : quand ils prient, quand ils lisent les Livres Sts et quand ils souffrent avec patience par amour de Dieu. Quelque temps après ses révélations sur la fin des temps, St André annonça à Epiphane sa mort prochaine; mais il lui interdit de faire honorer sa mémoire ou de garder ses Reliques, car il avait fait voeu devant Dieu de ne jamais être glorifié sur la terre. Il lui renouvela sa prédiction quant à son élection au Patriarcat, et lui promit de toujours l'assister invisiblement, à condition qu'il montre sa sollicitude envers les pauvres, les veuves, les orphelins et tous ceux qui sont dans l'épreuve. Puis il se rendit à l'Hippodrome, sous le portique où avaient coutume de se tenir les prostituées, et y pria toute la nuit pour le monde entier. Une fois sa prière achevée, le bienheureux s'étendit à terre et, regardant en souriant les Sts qui étaient apparus en grand nombre pour l'assister, il remit son âme à Dieu, à l'issue de soixante-six années de combats ascétiques cachés sous le voile de la folie. Une pauvre femme, qui habitait à proximité, attirée par une forte odeur d'encens qui avait rempli l'atmosphère, accourut et découvrit son corps; mais lorsque la foule, avertie par elle, se précipita vers la dépouille du St, celle-ci avait disparue, emportée par Dieu dans un lieu inconnu. Cette nuit-là, Epiphane vit l'âme de son père spirituel, sept fois plus lumineuse que le soleil, enlevée au ciel en présence d'une myriade d'Anges. Sources : http://invites.maison-russie.fr/icone/saints_fetes/index.html

Saint Nicolas de Pskov

Saint Nicolas de Pskov Les "Fols en Christ" se distinguaient par une rare absence de peur. Saint Nicolas de Pskov vécut la vie de fol-en-Christ durant plus de trente ans. Il parcourait les rues de Pskov en prétendant être malade mental, réprimandant les gens pour leurs péchés cachés et prophétisant ce qui leur arriverait. Longtemps avant sa mort, il acquit la grâce du Saint Esprit et reçut les dons des miracles et de la prophétie. Le peuple de Pskov de son époque le vénéraient comme saint, l'appelant aussi Mikula le saint. En février 1570, après une campagne dévastatrice contre Novgorod, le Tsar Ivan le Terrible dirigea son armée sur Pskov, suspectant les habitants de trahison. La Chronique de Pskov nous raconte : "le Tsar vint... avec grande fureur, comme un lion rugissant, pour déchirer les innocents et répandre quantité de sang." Le premier Samedi du Grand Carême, toute la cité priait pour être délivrée de la vengeance du Tsar. Entendant le son des cloches appelant pour les Matines à Pskov, le coeur du Tsar s'adoucit en lisant l'inscription qui se trouvait sur une icône du 15ième siècle, l'icône miraculeuse Liubyatov / Tendresse de la Mère de Dieu , dans le monastère Saint-Nicolas (l'armée du Tsar était à Liubatov). "Soyez tendres de coeur," dit-il à ses soldats. "Emoussez vos sabres sur les pierres, et qu'il soit mis un terme au massacre." Tous les habitants de Pskov sortirent dans les rues, et chaque famille s'agenouilla à la porte de sa maison, portant du pain et du sel pour acceuillir le Tsar. Dans une des rues, saint Nicolas courrut vers le Tsar chevauchant un bâton, comme s'il était à cheval, et lui cria : "Ivanushko, Ivanushko, mange notre pain et notre sel, mais pas le sang Chrétien." Le Tsar ordonna de capturer le saint fou, mais il avait déjà disparu. Bien qu'il aie interdit à ses hommes de tuer, Ivan avait toujours l'intention de piller la ville. Le Tsar assista à un Moleben dans la cathédrale de la Trinité, et il vénéra les reliques du saint prince Vsevolod-Gabriel (11 Février), et exprima le voeu de recevoir la bénédiction du saint fou Nicolas. Le saint instruisit le Tsar "par nombre de terribles paroles," pour qu'il arrête de tuer et qu'il ne pille pas les saintes églises de Dieu. Mais Ivan ne prêta pas attention à lui et ordonna d'enlever les cloches de la cathédrale de la Trinité. Alors, comme le saint l'avait prophétisé, le meilleur cheval du Tsar tomba mort. Le saint invita le Tsar à visiter sa cellule sous le clocher. Lorsque le Tsar arriva dans la cellule du saint, celui-ci lui dit : "Grouille-toi, entre et bois de notre eau, il n'y a pas de raison que tu la fuie." Puis le saint offrit au Tsar un morceau de viande crue. "Je suis Chrétien et je ne mange pas de viande durant le Carême", lui dit Ivan "Mais tu bois du sang humain," lui répondit le saint. Effrayé par l'accomplissement de la prophétie du saint et voyant tout son mal démasque, Ivan le Terrible ordonna d'arrêter le pillage et fuit la ville. L'Oprichniki, ayant été témoin, en écrivait : "Le puissant tyran.. partit battu et honteux, comme pourchassé par un ennemi. C'est ainsi qu'un mendiant insignifiant terrifia et mit en fuite le Tsar avec sa multitude de milliers de soldats." Saint Nicolas mourut le 28 février 1576 et fut enterré dans la cathédrale de la Trinité de la ville qu'il avait sauvée. De tels honneurs ne furent accordés qu'aux princes de Pskov, et plus tard, aux évêques. La vénération locale du saint commença 5 ans après sa mort. En 1581, durant le siège de Pskov par les soldats du roi de Pologne Etienne Bathory, la Mère de Dieu apparut au forgeron Dorotheos, ensemble avec quantité d'autres saints de Pskov, priant pour la ville. Parmi eux se trouvait saint Nicolas. Source : http://invites.maison-russie.fr/icone/saints_fetes/textes/nicolas_pskov.html s