novembre 03, 2013

L’ESPRIT SAINT DANS LA DIVINE LITURGIE






Les Pères ne manquèrent pas de rappeler que le signalement de Genèse I,2 manifeste que l’Ordre entier de tout qui est, avant la Création, lors de l’œuvre des six jours et dans les conséquences qui en résultèrent, dépend de l’Esprit. Par la Chute, l’Esprit quitte le monde, ce monde dont le Christ ne conteste pas qu’il soit provisoirement à Sathan ( Jean XVIII, 36 ) et qui sera restitué au Père lorsque l’Esprit reviendra dans le monde ( Jean XIV, 26 ). Au soir de la Résurrection, l’Eglise se trouve dépositaire de l’Esprit Saint ( Jean XX, 22 ), cette première manifestation qui fut sauf dans la tradition Byzantine, relativement occultée, la Pentecôte Johannite qui prépare la Pentecôte des Actes, devenant confirmation de celle que connurent les disciples dans cette chambre haute de Jérusalem, alors qu’ils avaient oublié que par trois fois le Christ leur avait annoncé qu’Il ressusciterait…

L’Esprit Saint est présent dans l’Eglise et de fait dans les Sacrements qu’elle administre, ce que l’on peut nommer Grâce sacramentelle, en ce qu’ils sont autant de moyens offerts par le Rédempteur pour aider l’être à se sanctifier et par ce biais à hâter l’avènement du jour de Dieu ( II Pierre III, 11,12 ).

La Sainte Messe à compter des liturgies du IV° siècle, offre une Epiclèse qui se trouve placée bien après les paroles de l’Institution, ce qui a pu faire croire à tort que le rappel des termes de la Cène n’était pas  pour les Eglises Apostoliques d’Orient, l’élément permettant la Présence du Christ dans l’Eucharistie : il convient de citer St Jean Chrysostome qui en ses deux Homélies ( § 6 )  sur Judas rappelle « quand le prêtre dit: Ceci est mon corps. Ces mots transforment ce qui est offert » cela contredit l’idée reçue.                                                                                                                

A cette incompréhension par le monde Latin de la vocation de l’épiclèse, il convient de répondre que la dimension du Mystère ne se résume pas à la seule transsubstantiation des Saintes Espèces, parce que le champ liturgique n’est pas seulement la réception pour les fidèles du Corps et du Sang de NSJ+C, mais il est aussi pour le monde Byzantin  l’occasion, lors de ce Mystère, de bénéficier d’une anticipation du huitième jour.

Si les Epiclèses des Liturgies orientales exposent préliminairement que par l’Esprit Saint les offrandes sont sanctifiées, il convient de retenir de cet appel les conséquences qui en résultent et avant d’aller plus outre, l’invocation de l’Esprit Saint repose sur la conscience que ce n’est pas le célébrant qui de par sa qualité d’homme ordonné réalise le Mystère, mais que le Sacrement s’accomplit par le ministère de la Grâce : Nicolas Cabasilas ne manque pas de le rappeler dans son Explication de la Divine liturgie (  XLVI, 10 ) : «  Dans chaque cas particulier, le célébrant n’est que le serviteur de la grâce. »



Serviteur de la Grâce, ce point est rappelé dans les Epiclèses, mais aussi se trouve soulignée l’anticipation du Royaume :

Anaphore des Apôtres
Que vienne Seigneur ton Esprit Saint, qu’il repose sur cette offrande de tes serviteurs, qu’il la bénisse et la sanctifie, qu’elle nous procure le pardon des offenses, la rémission des péchés, et la grande espérance de la résurrection d’entre les morts, la vie nouvelle dans le royaume des cieux avec tous ceux qui te furent agréables…
Prière de SERAPION
… Nous t’avons invoqué, toi l’Incréé, par le Fils unique, en l’Esprit Saint. Que ce peuple soit pris en pitié, qu’il soit digne de progrès. Que les anges qui assistent le peuple viennent à bout du Mauvais et consolident l’Eglise.
Constitutions Apostoliques
Envoie sur ce sacrifice ton Esprit Saint, témoin des souffrances du Seigneur Jésus, afin qu’il consacre ce pain au corps de ton Christ et ce calice au sang de ton Christ. Fais que ceux qui y prennent part soient affermis en piété, trouvent la rémission de leurs péchés, soient libérés du démon et de son égarement, soient remplis de l’Esprit Saint, deviennent dignes de ton Christ, obtiennent la vie éternelle avec ta réconciliation, ô Maître tout-puissant…
Liturgie de St Jacques
… il est descendu sur les saints apôtres, sous forme de langues de feu, dans le Cénacle de la sainte et glorieuse Sion, le jour de la Pentecôte. Envoie ce même Esprit Saint, Seigneur, en nous et en nos oblats….
Anaphore de St Basile
… que par ta bonté et ta bienveillance vienne ton Esprit Saint sur nous et sur les dons ici présents… nous soyons unis les uns aux autres, dans la communion de l’unique Esprit Saint…
Anaphore dit de St Jean Chrysostome
… Envoie ton Esprit Saint sur nous et sur les dons ici présents… afin qu’ils deviennent pour ceux qui y participent purification de l’âme, rémission de leurs péchés, communion du Saint Esprit, plénitude du royaume du ciel…
Anaphore Syriaque des XII Apôtres
Nous te prions, Seigneur tout-puissant et Dieu des Vertus, en nous prosternant devant toi, d’envoyer ton Esprit sur les offrandes qui sont devant nous… Afin que tous ceux qui en goûtent, en obtiennent la vie et la résurrection, la rémission des péchés, la guérison de l’âme et du corps, l’illuminations de l’esprit….
Anaphore Arménienne
… Envoie sur nous et sur ces dons ton Saint Esprit coéternel et consubstantiel … Afin qu’il soit [ le Mystère ] à nous tous qui en approcherons, un sacrifice de probation pour la rémission de nos péchés…


Rémission des péchés, résurrection d’entre les morts, vie éternelle, communion de l’Esprit Saint :  par ces épiclèses, le fidèle n’est pas invité à seulement communier aux Saintes Espèces, mais aussi se joignant à la Prière de l’Eglise Indivise, il est appelé à recevoir les Grâces de l’Esprit, prémices de la gloire à venir, Jérusalem terrestre de l’assemblée orante marchant vers la Jérusalem céleste, assemblée en espérance sauvée car il lui incombe par ses bonnes actions et ses prières de hâter l’avènement du Jour de Dieu, - «  N’éteignez pas l’Esprit » II Thes V, 19 -, et Origène ne manque pas de rappeler  en son  Explication du Notre Père (  §  XXVII )  : « La nourriture véritable est donc la chair du Christ, qui comme Verbe de Dieu est devenu chair, selon la parole : «  Et le verbe s’est fait chair » ( Jean I, 14) ; Lorsque nous le mangeons et le buvons, «  il fixe sa demeure en nous ». Lorsqu’il est distribué, s’accomplit la parole : «  Nous avons contemplé la gloire » ( Jean I,14). »

La contemplation de la Gloire de Dieu est un aspect fondamental de la Sainte Messe, l’épiclèse constitue par son invocation de l’Esprit Saint le moyen permettant à l’assemblée et en faveur des intentions pour lesquelles les Saints Mystères sont célébrés, d’entrer déjà, dans cette anticipation du Royaume à venir, «  Le royaume de Dieu est au milieu de vous » ( Luc XVII, 21 ), acte de conscience qui oblige le Chrétien à tenter autant que faire se peut d’accomplir la volonté de Dieu, alors «  un jour il n’y aura plus de terre, tout sera devenu ciel. » ( Origène, id, XXIV ), il revient à l’Eglise priante, souffrante et militante d’agir, l’épiclèse ne consacrant pas les Saintes Espèces, mais permettant la venue de l’Esprit Saint sur les Dons et sur les fidèles de telle sorte que les grâces surérogatoires acquises par l’Eglise hâtent l’avènement du Jour de Dieu.

Jean-Pierre BONNEROT

Article  paru dans la revue Virgo Fidelis, N° 209, juillet 2006