octobre 26, 2005
16 - Combats spirituels : Amba Shenouda III
Combats spirituels
Les combats spirituels extérieurs à l’âme humaine
Ces combats spirituels proviennent de diverses sources bien connues : du
Diable et des hommes, qu’ils soient ennemis, amis ou proches bien-aimés
! Ils peuvent aussi provenir du monde, de la matière, du milieu
environnant avec tout ce qu’il comporte comme causes de chute...
LES COMBATS PROVENANT DE SATAN
Les combats sataniques assaillant l’homme peuvent être lents et à long
terme, ou bien surprenants et violents. L’homme peut ne pas prendre
conscience des combats à long terme dans lesquels Satan attire
inconsciemment ses victimes par une lente progression, à tel point
qu’elles ne se rendent pas compte de ce qui leur arrive. Petit à petit,
Satan les hypnotise affaiblissant progressivement leur ferveur afin de
changer leur vie, de sorte qu’elles ne prennent conscience que trop tard
de ce qui se passe, et lorsqu’il leur assène un coup violent, elles ne
sont pas prêtes à y faire face.
C’est peut-être ainsi que, par le luxe, le plaisir, les nombreuses
femmes et sa complaisance à leur égard, l’Adversaire attaqua le sage
Salomon jusqu’à ce qu’il succombât au péché (Rois 11, 1-8), et,
effectivement, sa chute eut lieu lors de sa vieillesse !
Quant aux combats violents et surprenants du Diable, ils peuvent se
manifester par des apparitions effrayantes, de fausses visions et toutes
sortes de tromperies sataniques. Saint Antoine le Grand fut exposé à de
tels combats où il triompha par l’humilité, le discernement et la
prière. Il vainquit les démons, qui, couverts d’opprobre, furent obligés
de fuir. Mais Dieu ne permet pas que ces attaques assaillent tout homme.
Car Dieu est fidèle, Il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà
de vos forces (1 Co 10, 13). Parmi les combats violent et soudains,
citons l’épreuve à laquelle le juste Job fut exposé (Jb 1, 2). Nous
remarquons que Dieu permit cette épreuve, mais dans des limites
assignées selon le degré d’endurance de Job, aussi l’issue de cette
épreuve fut-elle marquée par le succès de Job et la bénédiction de Dieu
(Jb 42).
Cependant, les combats de Satan ne sont pas tous caractérisés par la
terreur et les visions effrayantes, tel que l’illustre l’exemple de
Saint Antoine ni par les maladies et les ruines, telle que le démontre
la vie de Job le juste. Il y a d’autres combats sataniques où
l’Adversaire présente à l’esprit de mauvaises pensées et suscite dans le
coeur de mauvaises passions. Ces combats sont faibles au début, car ils
n’émanent pas de l’intérieur de l’homme, mais ils lui sont étrangers et
ils demeurent ainsi anodins jusqu’au moment où l’homme leur ouvre une
porte pour envahir son coeur et ses sentiments. C’est à partir de ce
moment qu’il succombe au péché.
Or, c’est une trahison spirituelle que d’ouvrir les portes du coeur à
l’ennemi de tout bien, qui veut détruire le Royaume de Dieu à
l’intérieur de vous-même. C’est une trahison à l’égard de Dieu qui
accepta d’entrer dans votre coeur et d’y résider alors que vous, vous y
faites entrer volontairement Son Ennemi pour y occuper la place de Dieu.
C’est une trahison à l’égard du Seigneur qui vous a racheté et vous a
aimé jusqu’à la fin, qui vous a confié Ses saints mystères et a fait de
votre coeur un temple de Son Esprit Saint (1 Co 6, 19-20). Et voilà que
vous répondez à l’appel du Diable, vous lui ouvrez votre coeur et vous
acceptez ses pensées défavorables à Dieu. En trahissant Dieu, vous
refusez l’oeuvre de la grâce en vous, ce qui permet à Satan d’acquérir
un pouvoir sur vous.
N’objectez pas en disant que les combats spirituels extérieurs sont
violents ! Vous les rendez ainsi quand vous vous y abandonnez. Mais si
vous leur résistez, c’est le Diable qui faiblira devant vous : Résistez
au Diable, dit l’apôtre, et il fuira loin de vous (Jc 4, 7).
Le coeur fort, fidèle dans son amour et demeurant en Dieu est à même
d’éteindre tous les traits enflammés du Mauvais (Ep 6, 16). Lorsque le
coeur de David se fortifia par la foi, toute la force de Goliath, le
champion, faillit (1 S 17, 26). Lorsque le coeur du prophète Moïse se
raffermit, toute la force de Pharaon et de son armée s’évanouit et Moïse
n’a point craint les vagues de la Mer Rouge. Et vous, tant que votre
coeur est fort intérieurement, vous ne faiblirez jamais devant les
assauts de Satan, mais vous serez consolé par cette parole du
Saint-Esprit transmise par les prophètes :
Qu’es-tu, grande montagne ? Devant Zorobabel, deviens une plaine (Za 4,
7).
Si nous faiblissons, nous accordons au Diable une dignité qui n’est pas
la sienne et nous lui permettons d’être hardi à notre égard, alors qu’au
début il nous craignait !
Il me semble que lorsque Satan envoie un démon de ses suppôts pour
attaquer un fidèle, ce démon est saisi de terreur et il se dit :
« Comment pourrais-je combattre cet homme qui est l’image de Dieu et le
Temple de Son Esprit Saint ? Comment pourrais-je faire la guerre à cet
homme fort et entouré des anges de Dieu qui sont chargés de le sauver ?
Comment pourrais-je m’approcher de cet enfant de Dieu muni du bouclier
de la foi et du casque du salut ?! (Ep 6). Que pourrais-je faire s’il
fait le signe de la croix ?! Où pourrais-je fuir s’il lève les mains
pour prier ?! Quelle sera ma honte s’il me chasse en disant :
« Retire-toi démon » ?
Quelle surprise pour ce démon, si faible, lorsqu’il voit que l’homme le
craint et fuit devant lui, aussi il s’enhardit alors contre lui et le
méprise ! Il lui rase les cheveux - comme l’on a fait de Samson -, lui
crève les yeux, l’oblige à tourner la meule, et fait de lui un objet de
dérision pour les enfants (Jg 16, 19-21). Pour cela il ne faut jamais
craindre les démons sinon, ils acquièrent un pouvoir sur vous. Et vous,
homme qui êtes à l’image de Dieu, respectez-vous vous-même ... face aux
démons.
Parmi les combats sataniques bien connus, figure celui du doute en Dieu,
suivi par celui du désespoir. Ne craignez rien, car ces pensées
n’émanent pas de vous, mais il s’agit d’un combat extérieur où vous n’y
êtes pour rien ! Le Diable jette dans votre esprit des doutes concernant
l’existence de Dieu, Son amour et Sa Providence, d’autres contestant
l’efficacité de la prière et l’intercession des saints, puis il vous
insinue : « Comment pourriez-vous assurer votre salut alors que de telles
pensées remplissent votre coeur ?! Tandis qu’en fait, vous refusez ces
idées imprégnées de doute, vous leur résistez et vous ne les acceptez
pas, priant Dieu de les chasser loin de vous ! Tout cela prouve que ces
idées n’émanent pas de vous.
Il s’agit là non d’une chute mais d’une guerre sur le plan de la pensée.
Même si vous succombez pour quelques instants à ce péché de la pensée,
cette chute sera la conséquence d’une faiblesse et non d’une trahison de
Dieu, et le Seigneur est prêt à vous pardonner.
Mon conseil à ce propos est de vous éloigner des lectures qui provoquent
ces pensées. Agissez de même avec les mauvaises fréquentations qui vous
les transmettent, car la plupart du temps ces pensées et ces
conversations sont des armes utilisées par le Diable pour nous
combattre, soyez donc avisé !
Cela nous conduit au second point, à savoir : les amitiés nuisibles.
LES AMITIES NUISIBLES
Ce sont des amitiés qui sont nuisibles pour votre vie spirituelle, votre
foi et vos pensées et qui corrompent votre coeur et vos sentiments...
Ainsi la mauvaise fréquentation du serpent est à l’origine de la chute
d’Eve. De même la chute du roi Achab fut provoquée par sa mauvaise
femme, Jézabel, et celle de Salomon par ses femmes étrangères. C’est
pourquoi il faut bien choisir vos amis, car ils peuvent vous influencer
facilement par leurs pensées.
Je vous conseille de même de bien choisir votre conjoint dans la vie
conjugale, car il influencera sans aucun doute votre vie spirituelle,
soit par la croissance soit par la régression... L’influence du conjoint
est beaucoup plus dangereuse et plus profonde que celle des amis, des
connaissances et des collègues... L’ami peut s’entretenir avec vous à
des moments déterminés. Quant au conjoint, c’est le partenaire permanent
de la vie. Aussi faut-il le choisir digne à tous égards, non seulement
digne du point de vue social, mais aussi profond du point de vue
spirituel et dogmatique. Il ne faut pas se contenter seulement des
apparences ...
A ce propos souvenons-nous de ces paroles de la Sainte Bible :
Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes moeurs (1 Co 15, 33)
et
on aura pour ennemis les gens de sa famille (Mt 10, 36).
Un exemple nous en est donné par les parents qui empêchent leurs enfants
de jeûner, de s’adonner à la vie spirituelle, de se consacrer à Dieu,
d’aller à l’église et d’assister aux réunions spirituelles. Pis encore,
ils les invitent à se parer indécemment et à s’adonner aux mauvais
divertissements, et ils ne leur donnent pas le bon exemple de la famille
chrétienne !
Il en est de même de l’époux qui manque de piété et entraîne sa femme
avec lui à la perdition, qui se moque de sa piété et qui ne l’encourage
pas à s’adonner aux pratiques religieuses, qui l’empêche de servir Dieu
et qui ne lui donne pas l’occasion de jeûner et de communier. C’est
pourquoi Notre-Seigneur affirme dans l’Evangile :
Qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi (Mt
10, 37).
L’homme ne peut peut-être pas se séparer de ses parents et des siens.
Mais il devra aimer Dieu plus qu’eux, Lui obéir plus qu’à eux, et il ne
doit sacrifier ni sa vie spirituelle ni sa foi pour plaire aux siens.
Qu’il se rappelle sans cesse ces paroles de l’apôtre :
Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Ac 5, 29).
Or, il n’y a pas d’être plus cher que Dieu, ni plus digne d’amour que
Lui, comme il n’y a rien de plus important que votre destin éternel.
Cependant, il y a des parents dont il faudrait s’éloigner. Et s’il n’est
pas possible de se séparer d’eux physiquement, du moins il faut y
parvenir en refusant de participer à leurs oeuvres, à leurs
conversations et à tout acte mauvais.
Mais certaines personnes n’ont pas le courage de s’éloigner des
pécheurs, qu’ils soient des parents ou des amis..., et ils participent
ainsi à leurs péchés par timidité ! L’homme spirituel doit savoir qu’il
y a des limites pour la timidité, et qu’il y a des situations qui
exigent une fermeté, une forte personnalité et une attitude résolue lui
permettant d’éviter les causes de chutes.
Quelles sont vraies les paroles du proverbe disant : Renseignez-vous sur
le compagnon de route avant de vous renseigner sur la route à suivre.
Car vous pourrez être influencé par un de vos proches d’une façon qui
ruine votre âme, ou qui introduit dans votre coeur ou dans votre
intelligence des principes et des idées qui orientent votre vie dans une
fausse direction.
Sachez que le « vrai » proche est celui qui vous aide à s’approcher de
Dieu, que le « vrai » ami est celui dont la vie spirituelle est marquée
par la justice et qui cherche sincèrement à sauvegarder votre réputation
et à assurer le salut de votre âme.
LES CAUSES DE CHUTE
Les causes de chute sont tout ce qui provoque votre chute de l’extérieur
ou tout ce qui suscite en vous une mauvaise pensée, un mauvais sentiment
ou une mauvaise passion. Les occasions de péché peuvent provenir des
sens (de l’ouïe, de la vue) et des lectures etc...A vous de déployer
tous vos efforts pour vous éloigner des causes de chute et d’éviter de
l’être vous-même pour autrui. Les occasions de péché peuvent s’imposer à
nous, mais parfois nous les cherchons de notre plein gré.
Celles qui s’imposent d’elles mêmes représentent la guerre extérieure,
et celles auxquelles nous aspirons deviennent une guerre intérieure qui
cherche son assouvissement de l’extérieur. Dans ce dernier cas se
réunissent les assauts extérieurs et intérieurs, et il est dès lors
difficile à l’homme d’y échapper, et les conséquences qu’il va endurer
sont aussi plus graves...
Ferme dans son ordre divin incitant à s’éloigner des causes de chute,
Notre-Seigneur dit :
Si ton oeil droit est pour toi une occasion de péché, arrache-le et
jette-le loin de toi... Et si ta main droite est pour toi une occasion
de péché, coupe-la et jette-la loin de toi... (Mt 5, 29-30).
Pour bien des Pères, l’occasion de péché provoquée par l’oeil droit est
celle qui provient de l’être le plus cher. Quant à la main droite, elle
représente l’être qui vous aide le plus. Ainsi l’homme doit se séparer
de ses amis et de ses êtres chers...si sa relation avec eux est
susceptible de lui faire perdre sa vie éternelle... et de provoquer des
combats extérieurs auxquels il n’est pas sûr de pouvoir résister.
L’important est de vous éloigner des combats extérieurs quel qu’en soit
le prix et de ne point s’y abandonner volontairement, car vous priez
chaque jour en disant : Et ne nous soumets pas à l’épreuve, mais
délivres-nous du Malin (Mt 6, 13).
Certaines occasions de péché attirent l’homme qui rôde autour d’elles
comme un papillon voltige autour du feu jusqu’à ce qu’il soit brûlé...
Et malgré que le papillon voie que bien des papillons avant lui ont été
brûlés, il ne cesse de voltiger jusqu’à ce qu’il soit brûlé lui-même.
Il peut y avoir quelqu’un qui constitue pour vous une occasion de péché
et entraîne votre chute, et alors qu’il échappe lui-même à la chute,
vous, vous vous perdez. Il peut, lui, se convertir alors que pour vous
la conversion peut être difficile. C’est pourquoi prenez toutes vos
précautions en recourant à la grâce et à son oeuvre à l’intérieur de
vous, pour vous éloigner des causes de la chute, échappant ainsi, autant
que possible, aux combats extérieurs...
Parmi les sources des occasions du péché et des combats extérieurs
figurent certains genres de lectures. Les lectures influencent les
pensées de l’homme aussi bien que ses sentiments, elles pourraient
former ses principes et orienter le cours de sa vie. Il y a des lectures
qui sont clairement mauvaises qu’il faudrait éviter totalement sans
qu’on ait besoin d’un conseil. Certaines lectures provoquent des doutes
et de la confusion, et suscitent de mauvais sentiments et de mauvaises
passions. Il ne suffit pas que l’homme spirituel s’éloigne des lectures
nuisibles, mais du point de vue positif il devra aussi lire ce qui
approfondit son amour pour Dieu, ce qui constitue une cure préventive
dans les combats extérieurs auxquels il peut être exposé.
Si l’homme spirituel est assailli par la soif de tout connaître, tout en
sachant bien que les connaissances ne sont pas toutes profitables, mais
qu’il y en a qui sont susceptibles de lui faire perdre sa simplicité et
sa pureté, en changeant et en souillant sa conception des choses ...! il
lui incombe alors de choisir minutieusement ses lectures pour éviter
d’attirer les combats contre lui ... Le problème des lectures est
qu’elles suscitent des idées qui peuvent être difficiles à oublier ou à
éliminer... et il faut un temps assez long pour que la mémoire s’en
débarrasse !...
Parmi les causes des combats extérieurs, signalons aussi le milieu
environnant.
LE MILIEU ENVIRONNANT
Nous entendons par là l’ambiance générale qui entoure l’homme ... les
idées du milieu dans lequel il vit, ses tendances, le genre de vie, les
principes prévalant dans la société, le comportement et les conceptions
adoptées par tous ou par la majorité ... Il est bien difficile à l’homme
de vivre d’une façon non conforme au milieu environnant, en appliquant
des principes spirituels qui sont incompréhensibles pour son entourage.
Ainsi le juste trouve qu’il torture jour après jour son âme (2 P 2, 8),
ou du moins qu’il déploie un effort considérable pour sauvegarder son
mode de vie spirituel, ou du moins il trouve que sa méthode spirituelle
l’expose à bien des combats ... Que peut-il faire ?
Il vaut mieux pour lui de changer, dans la mesure du possible, le milieu
environnant, sinon qu’il persévère ... et qu’il lutte pour vaincre. Dieu
n’oublie jamais toute la fatigue émanant de l’amour pour Lui.
Le fondement même de notre vie est de témoigner pour la justice, si ce
n’est pas par la parole du moins par notre comportement dans la vie.
L’apôtre nous conseille à ce propos : Ne vous modelez pas sur le monde
présent (Ro 12, 2). La vie spirituelle exige la lutte, la patience et la
persévérance. Que l’homme spirituel ait confiance en la grâce de Dieu
qui oeuvre avec lui et qu’il sache qu’il ne lutte pas seul dans son bon
combat : Celui qui aura tenu bon jusqu’au bout, celui-là sera sauvé (Mt
10, 22).
Les combats spirituels sont multiples, et il nous incombe de lutter et
de vaincre. Quelles sont nombreuses les grâces que Dieu octroiera aux
vainqueurs (Ap 2, 3) ! Luttez afin d’être compté parmi les vainqueurs,
et afin de ne point perdre votre couronne que le juste Juge vous donnera
en ce jour (2 Tm 4, 8), Lui qui donne à chacun son salaire selon son
propre labeur (1 Co 3, 8).
Amba Shénouda
III, pape et patriarche d’Alexandrie
Cet article est publié avec la bénédiction d’Abba Marcos et d’Abba
Athanatios, métropolite et évêque de l’Eglise Copte Orthodoxe,
représentants en France de sa sainteté le Pape Shenouda III, patriarche
d’Alexandrie.
© Eglise Orthodoxe Copte Française
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