octobre 25, 2005

2 - Guigues le Chartreux : Au Grand Maître des Templiers

AU GRAND MAITRE DES TEMPLIERS 1. A nos seigneurs et amis très chers et vénérés dans le Christ, Hugues, prieur de la sainte milice, et tous ceux quivivent sous son gouvernement, leurs serviteurs et amis, les frères de Chartreuse, souhaitent une complète victoire sur les ennemis spirituels et corporels de la religion chrétienne,et la paix dans le Christ Notre Seigneur. 2. Puisqu'à votre voyage de retour comme à celui d'aller,nous n'avons pu jouir des agréables conversations que nous aurait procurées votre présence, il nous a paru bon de nous entretenir du moins un peu avec vous par lettre. Nous ne saurions en vérité vous exhorter aux guerres matérielles et aux combats visibles ; nous ne sommes pas non plus aptes à vous enflammer pour les luttes de l'esprit, notre occupation de chaque jour, mais nous désirons du moins vous avertir d'y songer. Il est vain en effet d'attaquer les ennemis extérieurs, si l'on ne domine pas d'abord ceux de l'intérieur. C'est une honte, une indignité, de vouloir commander à une armée quelconque, si nous ne nous soumettons en premier lieu nos propres corps. Qui supporterait notre prétention d'étendre notre domination au dehors sur de vastes territoires, alors que nous tolérons la dégradante servitude des vices dans de minuscules mottes de terre, c'est-à-dire dans nos corps? Faisons d'abord notre propre conquête, amis très chers, et nous pourrons ensuite combattre avec sécurité nos ennemis du dehors. Purifions nos âmes de leurs vices, et nous pourrons ensuite purger la terre des barbares. 3. Que le péché ne règne donc plus dans notre corps mortel de manière à nous plier à ses convoitises ; ne faisons pas de nos membres des armes d'injustice au service du péché, mais offrons-nous à Dieu comme des vivants revenus de la mort et faisons de nos membres des armes de justice au service de Dieu ». Et si la chair convoite indomptable contre l'esprit, que l'esprit convoite invincible contre la chair. « Car, dit l'Apôtre, il y a entre eux antagonisme, si bien que vous ne faites pas ce que vous voudriez b. » Nous souhaiterions en effet, si cela se pouvait, être exempts de toute concupiscence. Mais si dans cette vie qui est toute épreuve °, il ne peut en être ainsi tout à fait, ne soyons pas du moins esclaves de notre concupiscence. Ne pouvant y parvenir en nous appuyant sur nos propres forces d, rendons-nous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force, et revêtons l'armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable e. « Car ce n'est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, est-il écrit au même endroit, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les régisseurs de ce monde des ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes f », c'est-à-dire contre les vices et leurs instigateurs les démons. Si, comme David le demande, ces ennemis n'ont sur nous nul empire, alors nous serons irréprochables et purs des plus grands péchés «. 4. Tenons-nous donc debout, avec la vérité pour ceinture, et pour chaussures le zèle à ecevoir l'évangile de la paix ; ayons toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel nous pourrons éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin, la tête couverte du casque du salut, ayons la main armée du glaive de l'esprit h. Courons, non à l'aventure ; combattons, sans frapper dans le vide ; -------------------- a. Hom. 6, 12-13. b. Gai. 5, 17. c. Cf. Job 7, 1. d. Cf. II Cor. 3, 5. e. Cf. Êphés. 6, 10-11. f. Ëphés. 6, 12. g. Cf. Ps. 18, 14. h. Cf. Êphés. 6, 14-17. -------------------------- mais châtions notre corps et réduisons-le en servitude » ; car tel est l'état le mieux réglé de l'homme, ce vivant créé à l'image de Dieu " : que la chair soit au service de l'esprit, et l'esprit soumis au Créateur °. 5. Dans cette guerre, chacun sera d'autant plus fort et jouira d'un triomphe d'autant plus glorieux sur la multi tude de ses ennemis abattus — sous la conduite et la protection de Dieu — qu'il se sera efforcé en tout d'être le plus humble ; et chacun à l'inverse sera d'autant plus faible et plus inconstant pour tout bien qu'il aura voulu être plus ogueilleux. « Car Dieu résiste aux orgueilleuxd » :point n'est donc besoin de chercher ailleurs un combattant pour les vaincre, puisque le Tout-Puissant lui-même est le guerrier qui leur résiste e. N'est-ce pas contre eux que. David a déclaré : « Dieu prend la défense des petits. » Et après en avoir fait lui-même l'expérience, il ajoutait : « Je me suis humilié et il m'a sauvé '. » Servons-nous de cet exemple, si nous voulons bénéficier du même remède. Faisons ce qu'il fit, si nous désirons recevoir ce qu'il reçut ; humilions-nous, et nous serons libérés de tous nos maux. 6. L'Apôtre a dit de notre Seigneur Jésus-Christ : « II s'humilia lui-même, obéissant jusqu'à la mort, et à la mort sur une croix s. » Ce ne fut pas en vain. Car, à cause de cela, « Dieu l'a exalté et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu'à ce nom de Jésus, tout genou fléchisse, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers, et que toute langue confesse que le Seigneur Jésus-Christ est dans la gloire de Dieu le Père h ». Là encore, là surtout, prenons exemple, si nous brûlons d'ardeur pour la récompense. Faisons ce qu'il fit, afin de le suivre là où il nous a précédés. Suivons un chemin de si grande humilité, afin de parvenir à la gloire du Père. -------------------------- a. Cl. I Cor. 9, 26-27. b. CI. Gen. 1, 27. c. Cf. Rom. 13, 1. d. Jac. 4, 6. e. Cf. ls. 42, 13. f. Ps. 114, 6. g. Phil. 2, 8. h. Phil. 2, 9-11. ------------------------- Car «tout homme qui s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé a », au témoignage de ce même Jésus-Christ notre Seigneur, qui vit et règne, Dieu, avec le Père et l'Esprit-Saint, dans tous les siècles des siècles. Amen. 7. Que la miséricorde toute-puissante de Dieu et sa toute-puissance miséricordieuse vous fasse toujours combattre avec succès et triompher avec gloire dans les luttes spirituelles comme dans les guerres temporelles. Frères très chers et excellents, frères illustres par vos mérites, nous vous souhaitons le bien de la santé ; dans les lieux saints que vous protégez, souvenez-vous de nous au cours de votre prière. Nous vous envoyons cette lettre par deux messagers différents, de crainte qu'un obstacle ne l'empêche de vous atteindre, ce qu'à Dieu ne plaise. Nous vous demandons de la faire lire à tous les frères. A. Le 14, 11.

Aucun commentaire: