octobre 26, 2005
10 - Sathan, Lucifer, le Prince de ce monde et les démons dans la traditions Chréitenne et l'exégès scripturaire : J-P BONNEROT
SATAN, LUCIFER, LE PRINCE DE CE MONDE
ET LES DEMONS DANS LA TRADITION
ET L'EXEGESE SCRIPTURAIRE
_____________
A Joséphin Péladan,
Son disciple : Jean-Pierre Bonnerot.
Parmi les nombreux drames de la philosophie chrétienne, il en est deux relatifs à l'idée du mal, que je voulais évoquer. Clamer d'une part le manichéisme de la théologie chrétienne ; lorsqu'à l'inverse, le catharisme que l'on a toujours considéré comme une hérésie n'enseigne ni le dualisme relatif, ni le dualisme absolu - (cela fera l'objet d'une autre étude) - ; d'autre part clarifier les dénominations que l'on a donné aux supports d'un prétendu mal : Diable ou Satan, Lucifer, Prince de ce monde, démons.
Il conviendra de démontrer que ces appellations ne désignent pas les mêmes structures et de manifester que l'enseignement des Ecritures et des Pères manifeste que ces créatures que l'on voue traditionnellement aux peines d'un enfer qui n'aura pas de fin, sont dans un état de bien imparfait et qu'elles montent à travers une purification progressive vers la Rédemption.
Mais avant d'en venir à l'énoncé de ces dogmes, il convient de répondre à l'interrogation de René Nelli :
"Comment Lucifer, créature excellente avant sa chute aurait pu avoir l'idée de se révolter contre son Dieu, et préférer l'orgueil de la finitude à l'expansion infini dans l'éternel amour." (1)
I / La Conception Patristique de la chute de Lucifer :
Les Pères s'accordent à reconnaître que la chute de Lucifer n'est possible et réalisée qu'après la création de l'homme. Il reste à en connaître les motifs et l'histoire de la patristique à l'égard de cet article de foi donne quatre motifs à cette chute.
1 Le commerce des anges avec les filles des hommes
2 La jalousie de Lucifer à l'égard des hommes
3 L'orgueil
4 L'amour.
Avant d'examiner ces quatre points citons Pertullien évoquant Lucifer en son Adversus Marcionem, II,10 :
"Il naît le plus sage de tous les anges avant d'être le diable ; je ne sache pas que la sagesse soit un mal."
Lucifer se présentera à travers toute la Tradition comme le Porte Lumière, et Saint Thomas d'Aquin précisera en sa Somme Théologique :
"Saint Grégoire dit (Hom in Ev. 34) que le premier ange qui a pêché était placé à la tête de toutes les cohortes célestes et qu'il surpassait tous les autres en lumière et en splendeur." (2)
Celui qui est le plus sage et le porte lumière va pêcher, mais de quelle nature est sa faute ?
1 Le Commerce des anges avec les filles des hommes.
Pour les premiers Pères, la chute provient du commerce des anges avec les filles des hommes, et Justin nous dit 2 Apologie V, 2 :
"Dieu confia le soin des hommes et des choses terrestres à des anges. Mais les anges violant cet ordre, eurent commerce avec les femmes et en eurent des enfants qui sont les démons."
Cette thèse devait être citée pour mémoire, mais ce n'est pas de Foi Orthodoxe puisqu'elle est issue du Livre d'Henoch qui déclare :
"Or, lorsque les enfants des hommes se furent multipliés, il leur naquit en ces jours des filles belles et jolies ; et les anges, fils des cieux, les virent, et ils les désirèrent, et ils se dirent entre eux : Allons, choisissons-nous des femmes parmi les enfants des hommes et engendrons-nous des enfants." (3)
L'idée d'une chute des anges antérieure à la chute de l'homme, les Pères après Justin ne la reprendront pas à leur compte. Cette thèse s'inscrit dans le mythe de la chute précosmique qui appartient à certaines gnoses païennes, mais certainement pas à la Gnose chrétienne qui a pour base ce que les Ecritures enseignent et non ce qu'elles ignorent. (4)
2 La jalousie de Lucifer à l'égard des hommes :
Si l'on ne peut sérieusement prendre en considération Genèse VI, 1-3 Irénée de Lyon prendra pour assise à sa démonstration Sagesse II, 24 :
"mais par l'envie du diable, la mort est entrée dans le monde et la subissent ceux qui sont de son parti."
Ainsi le saint évêque de Lyon déclare :
"Ce commandement l'homme ne l'observa pas, mais il désobéit à Dieu, ayant été égaré par l'ange qui, à cause de la jalousie et de l'envie qu'il éprouvait à l'égard de l'homme pour les nombreux dons que Dieu lui avait accordés, tout ensemble provoqua sa propre ruine et fit de l'homme un pécheur en le persuadant de désobéir au commandement de Dieu. L'ange étant devenu par un mensonge chef et guide du pêché, et lui-même fut chassé pour s'être heurté à Dieu et il fit que l'homme fut précipité en dehors du Jardin. Et parce que par sa conduite, il se révolta et s'éloigna de Dieu, il fut appelé en hébreu Satan, c'est à dire révolté, mais en même temps il est appelé encore délateur." (5)
Malheureusement, les Pères en général comme les théologiens ne prirent pas le peine d'apprendre l'hébreu - ce qui pourtant est essentiel, et le mot Satan, Ha Satan, les Satan (s) signifie non pas révolté ou délateur, mais obstacle : nous verrons ce point plus loin, car il est important.
Il y a certes une envie chez Lucifer, mais il a plu à la philosophie chrétienne de le considérer comme un révolté ou un délateur ; parce que la chose est plus commode ; et il convient de réfléchir aux mobiles de Lucifer, de définir de quelle nature est cette envie sans se précipiter dans le dualisme et le manichéisme, l'opposition du Bien et du Mal, opposition et structure totalement étrangère et incompatible avec la métaphysique chrétienne, qui ne contient ni dualisme, ni manichéisme !
3 L'orgueil :
Pour Origène la chute de l'ange provient de l'orgueil. Pour sa part, au lieu de Sagesse II, 24, le maître alexandrin déclarera à la suite d'Isaïe XIV, 12-16 :
"Comment Lucifer est-il tombé du ciel, lui qui se levait le matin ? Il s'est brisé et abattu sur la terre, lui qui s'en prenait à toutes les nations. Mais toi, tu as dit dans ton esprit : Je monterai au ciel, sur les étoiles du ciel je poserai mon trône, je siégerai sur le mont élevé au-dessus des monts élevés qui sont vers l'Aquilon. Je monterai au-dessus des nuées, je serai semblable au Très Haut. Or maintenant tu as plongé dans la région d'en bas et dans les fondements de la terre."
Après cette citation des versets 12 à 22, Origène ajoute :
"Voilà la manière dont cet être était lui aussi un jour "lumière" avant de commettre une faute et de tomber en ce lieu ; et sa gloire s'est changée en poussière (Is. XIV, 11), ce qui est le propre des impies comme l'a dit aussi le prophète ; depuis lors il est appelé aussi "Prince de ce monde" c'est à dire de ce lieu d'habitation terrestre." (6)
Un premier point très important : pour le grand docteur de l'Eglise, Lucifer deviendra le Prince de ce monde.
Un autre point à noter : c'est par Origène que la théorie de l'orgueil vit le jour, thèse qui sera reprise par l'Eglise grecque ainsi que par Eusèbe de Césarée, et en occident par Saint Hilaire, Saint Ambroise et Saint Jérôme.
Saint Ambroise par exemple déclare en son Commentaire du Psaume 118 :
"Le diable lui-même de par sa nature orgueilleuse a perdu la grâce quand il a dit : "J'établirai mon trône sur les nuées et serai semblable au Très Haut" (Isaïe XIV, 13 et 14) et il s'est mis en dehors de la compagnie des anges." (7)
Saint Augustin en plusieurs endroits confirmera la thèse de l'orgueil, il déclare :
"Ainsi la véritable cause de la béatitude des bons anges, c'est qu'ils demeurent unis à celui qui est souverainement. Et voici la cause de la misère des mauvais anges, c'est qu'ils se détournent de celui qui a l'être en soi, pour se tourner vers eux-mêmes qui ne l'ont pas. Et quel nom porte un tel vice si ce n'est le nom d'orgueil ? Car "l'orgueil est l'origine de tout pêché". Ils n'ont pas voulu rapporter à Dieu leurs excellence. Eux qui, par leur union avec l'être souverain, auraient eu plus d'être, ont préféré moins d'être, en se préférant à lui." (8)
Si l'orgueil est l'insoumission à l'ordre de Dieu, Lucifer a chuté par sa désobéissance, mais il reste à en connaître la cause...
4 L'amour :
Le lecteur qui aura pris connaissance de notre étude "Déodat Roché et l'Eglise Gnostique" connaît déjà la pensée des Pères et des théologiens, comme Saint Denys ou Saint Thomas d'Aquin, en ce qui touche la raison du péché de Lucifer : qu'il se reporte à cette publication offerte par la Société du Souvenir et des Etudes Cathares. Sans me répéter, il convient toutefois que je rappelle quelques points :
Denys l'Aéropagite précise à propos de l'ange qui chute et de ceux qui le suivirent : "Ainsi parce qu'ils existent, ils procèdent du bien et sont bons et désirent le bien et le bon, c'est à dire l'être, la vie, l'intelligence, toutes choses réelles." (9)
Et Thomas d'Aquin de répondre à l'article IV de la question : Y a-t-il des démons qui soient naturellement mauvais ? :
"Les démons ayant de l'inclination pour le bien général ne peuvent être naturellement mauvais." (10)
Lucifer n'est pas naturellement mauvais, il n'est point méchant, quel motif alors présida à sa chute ?
Le Docteur angélique répond :
"L'ange a péché en désirant être comme Dieu, sans toutefois vouloir l'égaler, mais en faisant sa fin dernière de ce qu'il pouvait obtenir par les forces seules de sa nature, ou bien en voulant parvenir à la béatitude par ses facultés naturelles sans le secours de la grâce. Il faut répondre que l'ange a sans aucun doute péché en désirant être comme Dieu. Mais le mot comme peut s'entendre de deux manières : il peut signifier l'égalité ou la ressemblance." (11)
L'égalité ou la ressemblance ! Dieu s'est fait homme pour que l'homme se fasse Dieu. Cette affirmation de Saint Irénée sera reprise par les Pères, et débouchera sur la nécessité pour la créature de tendre à la ressemblance de Son Créateur, par le principe si cher à l'orient chrétien, de la déification. Cette transfiguration, cette déification s'inscrit dans l'ordre de la grâce par le secours du Saint Esprit.
Malheureusement, cette "finitude", la tragédie de l'homme et de Lucifer réside dans le désir qu'ils ont de parvenir à cette ressemblance, dans le secours de la grâce, par le moyen de leurs facultés propres, et Lucifer comme Adam et Eve, vont refuser le type de vie que Dieu leur proposait, l'état ce communion originelle proposé par leur Créateur.
A l'ange il est offert de chanter la gloire divine dans une contemplation perpétuelle que manifestent pa exemple les Quatre Vivants de l'Apocalypse de Jean.
A l'homme il est demandé d'être le gardien de la Nature car il se trouve installé "dans le jardin d'Eden pour le cultiver et pour le garder." (Genèse II, 15)
Tendre à la ressemblance, c'est éternel projet d'amour divin : l'union de la divinité et de l'humanité, de l'incréé et du créé, comme le résume en une phrase si juste l'éminent théologien orthodoxe Olivier Clément. Sur ce point fondamental de la pensée des Pères, nous renvoyons le lecteur intéressé à notre introduction aux Harmonies de l'Etre exprimées par les nombres de l'abbé Paul François Gaspard Lacuria (12) et le maître d'Alexandrie précise :
"Le souverain bien donc vers lequel tend la nature douée de raison tout entière, qu'on appelle encore la fin de toute chose, est défini le plus souvent chez les philosophes aussi de la façon suivante : Le souverain bien c'est devenir, autant qu'il est possible, semblable à Dieu. Mais loin d'avoir découvert cette définition, ils l'ont emprunté, je pense, aux Livres divins. Car Moïse avant tous, l'indique, quand il fait le récit de la création première de l'homme en disant : "Et Dieu dit : Faisons l'homme à notre image et à notre ressemblance." (Genèse I, 26) Et il ajoute ensuite : "Et Dieu fit l'homme, il le fit à l'image de Dieu, il les fit mâle et femelle et les bénit". (Genèse I, 27, 28) Ainsi donc en disant : "Il le fit à l'image de Dieu" et en passant sous silence la ressemblance, il ne montre rien d'autre que ceci : l'homme a reçu, lors de la création première, la dignité de l'image" mais la perfection de la ressemblance lui a été réservée pour la consommation ; il fallait assurément qu'il se l'appropriât lui-même par le zèle de ses efforts personnels en imitant Dieu." (13)
De quelle façon va se manifester le péché de Lucifer comme celui de l'homme, c'est par le refus de l'état de communion que dieu leur proposait pour chacun d'eux le motif sera différent.
A/ Pour Lucifer ce désir d'être comme Dieu, afin de reprendre les termes du Docteur angélique a pour mobile le désir d'être l'Amour, et cela parce que dieu est l'Amour, et l'ange croira ainsi par les vertus de sa propre puissance tendre à la totale ressemblance avec Son Créateur.
Lucifer va ainsi vouloir se dévouer en faveur de l'homme, non pas sous la forme d'un serpent tentateur, mais sous celle d'une aide qui tentera d'éclairer l'homme.
Ecoutons le scénario de la Genèse :
"Iahué-Elohim fit germer du sol tout arbre agréable à voir et bon à manger, ainsi que l'arbre de vie au milieu du jardin et l'arbre de la science du bien et du mal." (Genèse II, 9)
"De tout arbre du jardin tu ne pourras manger, mais de l'arbre de la science du bien et du mal, tu n'en mangeras pas, car du jour où tu en mangerais, tu mourrais." (Genèse II, 16,17)
"La femme dit au serpent : Du fruit des arbres du jardin nous pouvons manger, mais du fruit de l'arbre qui est milieu du jardin Elohim a dit :
"Vous n'en mangerez pas et n'y toucherez pas, de peur que vous ne mouriez". Le serpent dit à la femme : "Vous n'en mourrez pas mais Elohim sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux se dessilleront et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal". (Genèse III, 2-6)
Prenons acte :
- l'Arbre de vie est au milieu du jardin : Genèse II, 9.
- de l'Arbre seul la science du bien et du mal, il n'est permis de manger ; Genèse II, 17
- la femme dit au serpent que de l'arbre qui est au milieu du jardin (arbre de vie) il ne lui est pas permis de manger : Genèse III, 3
- le serpent répond que le danger de mort ne vaut pas pour cet arbre planté au milieu du jardin (arbre de vie) : Genèse III, 4.
L'être qui est dans l'erreur c'est Eve ! Le serpent ne ment pas, de l'arbre de vie qu'Eve confond avec l'arbre de la science du bien et du mal, il n'a pas été formulé d'interdit par Elohim : le serpent ne trompe pas, il rétablit la vérité.
Carlo Suarès a raison en sa Kabbale des Kabbales de reconnaître qu'il y a une ambiguïté dans le texte. L'(arbre mentionné par le femme au verset 3 n'est pas celui qu'évoque le serpent dans sa réponse ! Cette ambiguïté se maintient au chapitre III verset 22 de la Genèse, quand lahvé-Elohim dit :
"Voici que l'homme est devenu comme l'un de nous, grâce à la science du bien et du mal ! Maintenant il faut éviter qu'il étende la main, prenne aussi de l'arbre de vie, en mange et vive à jamais."
Le dialogue entre Eve et le serpent que relate Genèse III, 2-6 concerne l'arbre de vie qui est au milieu du jardin, et au milieu d'un lieu ne peut trouver qu'un point et non deux, sinon il n'y a plus de milieu et pourtant il existe et le verset se poursuit :
"La femme vit que l'arbre était bon à manger et qu'il était agréable aux yeux et que l'arbre était plaisant à contempler. Elle prit de son fruit et en mangea." (Genèse III, 6)
Le dialogue concerne l'Arbre de vie et le verset suivant évoquant toujours cet arbre, - au singulier- relate qu'Eve prend son fruit : Eve ne prend pas de leurs fruits et l'Arbre de vie est bien désigné par le scénario.
Un problème se pose à la théologie biblique, que l'Eglise n'a jamais voulu envisager, considérant que conformément à Genèse III, 22, c'était de l'Arbre de la Science du Bien et du Mal qu'Eve avait consommé un fruit, et que les versets antérieurs il convenait de les censurer par le silence sinon l'oubli. Quant à la Kabbale elle enseigne que finalement c'est vers l'Arbre de la science du Bien et du Mal que va Eve qui se trouve en pleine confusion comme le manifeste le dialogue avec le serpent, d'autant qu'elle n'a pas la conscience en outre : "Elle prit de son fruit et en mangea elle en donna aussi à son mari qui était avec elle et il en mangea. Alors se dessillèrent leurs yeux à tous deux et ils surent qu'ils étaient nus." (Genèse III, 6,7)
Ce qui importe présentement c'est de constater que Lucifer n'induit pas en erreur la femme, et qu'effectivement les yeux d'Eve et d'Adam se dessilleront et ils seront éclairés par une prise de conscience d'eux-même.
Saint Augustin ne s'est pas interrogé sur les raisons pour lesquelles Lucifer voulut être semblable à Dieu. Or, la Genèse nous enseigne qu'il s'agit pour l'homme qu'il devienne lui, semblable, dans le sens de la ressemblance, à Dieu. Lucifer voulut aider l'homme par un scénario qui n'utilisait pas les lois divines, lorsque la ressemblance s'acquiert par des vertus débouchant sur la déification.
L'inobservance des lois divines prend sa source dans le libre choix qu'entraîne toute responsabilité et il faudra que la philosophie chrétienne attende Saint Anselme pour que l'orgueil qui avait été avancé comme moteur à l'action de Lucifer disparaisse au profit de la seule faute commise qui est l'opposition de la volonté propre d'une créature à la volonté de Son Créateur :
"C'est par le libre choix qu'a péché l'ange apostat, ou le premier homme, parce qu'il a péché par son choix qui était libre et que rien ne pouvait le forcer à pécher ; et c'est justement qu'il fut puni, parce qu'ayant la liberté de son choix, sans contrainte ni nécessité d'aucune sorte, il pécha spontanément." (14)
Le péché n'est pas une contrainte : ceci est à la fois grave mais cela n'est pas tragique, car le libre choix prouve la liberté qui est la plus grande grâce que le Créateur puisse offrir à Sa Créature après lui avoir donné la Vie. Si la liberté est une grâce infinie, l'obéissance est une Vertu qu'il convient que l'homme conserve et par le péché originel, il est possible de découvrir la grâce de l'obéissance, comme le précise Saint Bonaventure :
"En outre ce fut également par permission divine, de sorte que, vaincu ou vainqueur, le diable fit connaître à tous le mérite de l'obéissance ou le démérite de la désobéissance." (15)
Le péché ce n'est pas l'orgueil, c'est la désobéissance en tant que remise en cause des lois divines sinon leur refus, et le désir de Lucifer - qui cherche à être l'Amour - réside non pas dans le souhait de tromper Eve ; il lui dit la vérité ; mais de lui permettre de prendre conscience d'elle-même, en un temps et par des moyens qui ne sont pas ceux choisis par Dieu : cette attitude de Lucifer, cette fonction qui ne lui appartient pas, de laquelle Dieu ne l'a pas investi, s'oppose aux lois divines et marque une désobéissance par le fait que les anges n'ont pas à s'occuper d'aider les hommes dans leur prise de conscience d'eux-même, du moins dans l'Eden.
B/ Pour l'homme, il y a un refus de la communion originelle. La symbolique sacrée de la manducation du fruit défendu, c'est la faim prisonnière du doute et de la peur. Avec la faim se pose la question pour l'homme de savoir de quoi sa vie dépend-elle. La faim spirituelle ou la faim physique est la preuve que l'être dépend de la nourriture, que sa vie est dépendante donc de la nourriture. Comment Adam va-t-il se nourrir ? Dans ce doute et cette peur, Eve et Adam remettent en cause la certitude de l'immortalité que Dieu leur proposait, et au détriment de la vie intemporelle qui était la leur, ils veulent s'assurer par leurs propres moyens de leur survie. L'inquiétude de la survie, c'est le doute de la vie permanente, c'est la perte de la foi, mais aussi un refus.
Parce qu'il conviendra par le Christ de refuser et de dissoudre ce refus d'Adam, le Seigneur refusant ce refus, répondra au Prince de ce monde à la suite de la première tentative de tentation :
"l'homme ne vit pas que de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu". (Matthieu IV, 4)
Adam rejette les paroles qui sortent de la bouche de Dieu et se cache afin d'être indépendant de Son Créateur
"Ils entendirent la voix de Iahvé Elohim qui se promenait dans le jardin, au souffle du jour, et ils se cachèrent, l'homme et sa femme, de devant Iahvé Elohim, au milieu des arbres du jardin". (Genèse III, 8)
Dieu qui est Amour laisse la liberté du choix à l'être et confirme cette destruction du lieu originel en engageant l'homme à calmer seul sa faim, pour survivre provisoirement, dans sa vie physique :
"A la sueur de ton visage, tu mangeras du pain jusqu'à ton retour au sol, puisque c'est de lui que tu as été pris, car tu es poussière et tu retourneras en poussière". (Genèse III, 19)
Adam et Eve comme Lucifer voulurent changer de sphère ; les premiers en refusant donc le type de vie intemporelle que Dieu leur proposait au "bénéfice" d'une vie temporelle nourrie physiquement par leurs propres moyens ; le second par son refus de l'état contemplatif permanent de Son Créateur dans Sa gloire divine, au "bénéfice" d'une action envers l'homme qui n'était point sa mission et s'opposait aux lois divines.
Par le refus du ciel, Lucifer comme Adam s'isolent et cela les engage à entrer dans la sphère du monde selon une tragédie d'autant plus tragique que le dessein de l'ange était d'aider l'homme parce qu'il croyait pouvoir être l'Amour en sa totalité qui est la puissance de Dieu seul, et cela afin d'aider l'homme à accomplir la prise de conscience de lui-même qui est le premier pas vers une tension consciente qui l'amènerait à être semblable à Dieu.
II/ Ha Satan :
Si le mot diable est issu du grec diabolos et du latin diabolus, il a pour sens calomniateur. Le problème qui se pose toutefois à la théologie biblique c'est que le mot diable n'existe pas dans l'Ancien Testament. Comme le souligne avec justesse le Rabbin Aszenaki, ce qui existe c'est le mot Ha Satan, c'est à dire les Satans, ce qui signifie en hébreu obstacle (16).
Satan se manifeste dans chacun de deux Testaments, nous allons examiner ce qu'il signifie dans ces deux temps mais avant, il convient de retenir d'une part que Satan n'est pas un "être" précis par l'individualité, c'est un pluriel, d'autre part que les Satan, signifie non pas le concept de calomniateur mais le principe d'obstacle.
A/ Satan dans l'Ancien Testament, remplit un rôle non pas de calomniateur, mais d'accusateur, ce qui est fort différent. Il convient de réfléchir sur le texte du Psaume 108 versets 1 à 7 :
"Dieu de ma louange, ne garde pas le silence, car la bouche du méchant et la bouche trompeuse s'ouvrent contre moi, on me parle avec une langue menteuse, de paroles de haine on m'enveloppe et l'on me fait la guerre sans raison. Pour prix de mon amour on m'accuse et moi je prie ! On me remet le mal pour le bien et la haine pour mon amour. Impose lui un méchant et que l'accusateur se tienne à sa droite."
N'est-ce pas à la droite que se tiennent les témoins comme le rappelle Job XXX, 12 : "A droite se lèvent les témoins, dans un lacet ils ont jeté mes pieds."
L'examen scripturaire des attitudes de Ha Satan débouche sur la considération selon laquelle il est l'accusateur public devant le tribunal de Dieu.
La lecture en outre des épisodes de la Genèse relatifs à la chute montre, nous avons pu le constater que Lucifer n'est ni un tentateur, ni un menteur.
Il convient de ne pas oublier ce passage de l'Ecclesiaste VII, 29 :
"C'est que Dieu a fait l'homme droit, mais eux ont cherché à raisonner beaucoup."
Le tentateur, c'est nous-même, nous les hommes ; eux, le couple originel ; la tentation n'intervient pas lorsque Adam demeure seul dans le jardin d'Eden, mais c'est par le couple, c'est à dire la variété, que le péché est introduit, c'est pourquoi l'Ecclesiaste distingue Adam l'homme droit, et le couple par eux qui sont les prémices de l'humanité.
Péladan à cet égard, après une brève étude patristique sur les démons, s'écria :
"Que les sulpiciens ignorants se débattent contre Saint Denys et Saint Thomas. Ces pères de l'Eglise m'autorisent à plaindre ceux que l'on maudit, les chargeant des péchés humains, facile et ridicule moyen de flatter l'homme ; je n'ai jamais vu dans mes péchés et ceux d'autrui, d'autre nécessité explicative que la malice de l'individu." (17)
L'accusation est la fonction de Satan. Un premier exemple nous est offert par Zacharie III, 1-3 :
"Et il me fit voir le grand prêtre Josué debout devant l'ange de Iahvé et le Satan debout à sa droite pour l'accuser. Et l'ange de Iahvé dit à Satan : Que Iahvé te réprime, O Satan, que Iahvé te réprime..."
Mais Satan n'est pas réprimé, par Iahvé, bien au contraire la lecture de Job I, 6-13, précise ce rôle de Ha Satan :
"Il advint un jour que les fils d'Elohim vinrent à se présenter devant Iahvé et Satan vint aussi parmi eux. Et Iahvé dit à Satan : "D'où viens-tu ?" Et Satan répondit à Iahvé et dit : "De rôder sur la terre et d'y circuler !" Et Iahvé dit à Satan : "As-tu porté ton attention sur mon serviteur Job ? Il n'y a personne comme lui sur la terre : c'est un homme parfait et droit, craignant Elhim et se détournant du mal !" Et Satan répondit à Iahvé et dit : "Est-ce gratuitement que Job craint Elhim ? Ne l'as-tu pas entouré d'une haie, ainsi que sa maison et tout ce qui est à lui à la ronde ? L'oeuvre de ses mains tu l'as bénie et son troupeau a surabondé dans le pays. Mais veuille étendre la main et frapper tout ce qui est à lui ! A coup sûr il te maudira à ta face !" Et Iahvé dit à Satan : "Voilà que tout ce qui est à lui est à ta discrétion ! Sur lui seulement n'étends pas la main !" Et Satan sortit de devant Iahvé."
Il n'est pas important de savoir si Ha Satan réussira à démontrer que Job est infidèle ou s'il demeure fidèle à Iahvé. Ce qui est à retenir c'est le fait que Dieu offre à Satan d'agir comme il l'entend ; à l'exception du fait de toucher à la personne de Job ; et il lui donne tout ce qu'il a déjà donné à Job, ainsi Dieu reconnaît à Satan, un rôle, une fonction. Dans ce dialogue, il est possible en outre de pressentir l'universelle dépendance du monde à Satan, que le Christ reconnaîtra dans le cadre de la troisième tentative de tentation : nous verrons ce point plus loin.
Un deuxième aspect à retenir c'est la façon dont les serviteurs rendent compte à leur maître, à Job, des fléaux accomplis par Satan :
"Le feu d'Elohim est tombé des cieux ; il a brûlé les brebis et les serviteurs, et il les a dévorés." (Job I, 16)
Et lorsque Job apprend l'existence de ces fléaux, il dira :
"Nu je suis sorti de ventre de ma mère et nu j'y retournerai ! Iahvé a donné et Iahvé a repris : que le nom de Iahvé soit béni !" (Job I, 21)
Le Feu d'Elohim est tombé des cieux ! La tradition exégétique juive enseigne que Ha Satan, c'est Dieu lui-même en tant que parfois il décide de se faire obstacle à Lui-même, pour reprendre une phrase du Rabbin Léon Askenazi qui ajoute en outre :
"Nous sommes en plein dans une sorte de monothéisme héroïque si j'ose dire. Il n'y a que Dieu seul, et cependant il y a des anges ? Oui c'est dans un seul sens et c'est provisoire." (18)
L'exemple de Job fait apparaître la double notion d'accusation et d'épreuve dont Satan permet la réalisation envers les créatures de Dieu, et parce qu'il y a autorisation de Dieu.
C'est dans la victoire sur l'épreuve et la tentation que se réalise l'Alliance du Créateur avec Sa créature, c'est le lieu qui la prépare :
Tu te rappelleras tout le chemin que Iahvé, ton Dieu, t'a fait parcourir, pendant ces quarante ans, dans le désert, afin de t'humilier, de t'éprouver, pour savoir ce que tu as dans le coeur, si tu garderas ses commandements ou non. Il t'a humilié et t'a fait avoir faim, puis il t'a fait manger la manne que tu ne connaissais pas et que n'avaient pas connue tes pères, afin de te faire savoir que l'homme ne vit pas seulement de pain, mais que l'homme vit de tout ce qui sort de la bouche de Iahvé." (Deutéronome VIII, 2-4)
Le christianisme est loin de se souvenir de cet avertissement qui est un enseignement qui vaut pour les temps passés, présent et à venir : la métaphysique chrétienne a préféré s'engager, du moins d'une façon quasi générale, vers les voies d'un manichéisme, d'un dualisme du Bien et du Mal, issu de deux forces qui s'opposeraient Dieu et le Diable !
A propos du provisoire évoqué par le Rabbin Askenazi, cela sera examiné à propos des démons.
B/ Satan dans le Nouveau Testament se manifeste trois fois et à l'occasion de chacun de ces épisodes, le théologien constatera que Ha Satan ne constitue pas une personne douée d'une individualité propre, mais manifeste un état, matérialise une situation, qui prépare à la manifestation de la gloire de Dieu.
1. Alors que pour la troisième fois Satan tente de tenter, sans succès, Jésus + Christ, le Fils de Dieu répond à l'appel qui lui est fait :
"Va-t-en Satan car il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu et le servira lui seul. Alors le diable le laisse et voilà que les anges s'approchèrent à son service." (Matthieu IV, 10-12)
2 Alors que Pierre refuse l'annonce par Jésus + Christ de Sa passion et de Sa résurrection, le Christ interpelle l'apôtre en lui disant :
"Va-t'-en de moi Satan ! Tu m'es un scandale car tu ne tends pas vers Dieu, mais vers les hommes. Jésus dit à ses disciples : Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il s renie lui-même, qu'il prenne sa croix et me suive." (Matthieu XVI, 23-25) ... "Car le Fils de l'homme va venir dans la gloire de son père avec ses anges." (Matthieu XVI, 27)
3 Alors que les disciples sont auprès du Christ, Jésus affirme que l'un d'eux le livrera. Jean interroge Son Seigneur à la demande de Pierre et le Sauveur répond :
"C'est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper. Alors il trempe la bouchée, la prend et la donne à Judas Fils de Simon Iscariote. Aussitôt après la bouchée, Satan entra en lui. Et Jésus lui dit : "Ce que tu fais, fais-le vite." Quand il fut parti, Jésus dit : "Maintenant le Fils de l'homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en Lui." (Jean XIII 26-28 et 31)
Comment Satan pourrait-il être une créature précise et individuelle, lorsqu'il apparaît en des circonstances si diverses, et que Pierre est Satan, que Satan entre en Judas le temps d'une mission pour qu'après cette fonction accomplie, l'Iscariote si peu de temps après - retourne les trente pièces d'argent aux grands prêtres en déclarant qu'il a péché en livrant un sang innocent.
Envisageons l'analyse de ces trois instants du Nouveau Testament.
1. Le Christ clame à Satan de s'en aller parce que Ha Satan lui propose de régner sur le monde et ses gloires humaines. Le refus du Christ ce n'est pas la contestation ou la condamnation présentement de l'empire provisoire du Prince de ce monde - ce point sera examiné à propos du Prince de ce monde - mais le refus d'être associé aux vanités du monde qui ne sont point la vérité :
"Vanité des Vanités. Tout est vanité." (Ecclesiaste I, 2) et les anges s'approchent du Sauveur pour chanter la véritable gloire de Dieu.
Comment le Christ peut-il vaincre le monde pervers de par sa chute, s'il ne refuse pas d'abord d'être le maître d'un monde livré à la vanité et pécheur ? Car comme l'affirme le disciple (I Jean V, 19) :
"Nous savons que nous sommes de Dieu et que le monde entier gît dans le mauvais."
En refusant le monde pervers, le Christ se conservera la souveraineté de la Nouvelle Jérusalem que l'on peut conquérir par la Foi :
"Tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde. Et la victoire qui est victorieuse du monde, c'est notre foi. Qui est vainqueur du monde sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu." (I Jean V, 4-6)
2. Le Christ ne peut pas accepter par Pierre le refus de Sa mort et de Sa résurrection, lrosque précisément la deuxième Personne de la Sainte Trinité s'incarne pour accomplir ce scénario, et Jésus précise aux apôtres :
"Vous avez entendu que je vous ai dit : Je m'en vais et je viens à vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez que j'aille au Père, car le Père est plus grand que moi. Je vous le dis maintenant, avant l'évènement, pour qu'après l'évènement vous ayez la foi. Je ne parlerai plus guère avec vous car le chef du monde vient. Et il n'a pas d'emprise sur moi." (Jean XIV, 28-31)
En acceptant Sa mort et Sa résurrection, le Christ annonce qu'il s'en va vers Son Père et que ce cheminement doit réjouir tous les disciples puisque le Christ précise :
"Quand je serai allé vous préparer une place, je reviendrai vous prendre avec moi pour que vous soyez où je suis. Et vous savez le chemin où je vais." (Jean XIV, 3-5)
Le chemin vers lequel le Christ va est Son Chemin de croix et ses conséquences qui débouche sur le second avènement du Messie où le Fils de l'Homme viendra dans la gloire de Son Père, avec les anges, puisque comme l'affirment les apôtres :
"Oui je vous le dis, à vous qui m'avez suivi : lors de la régénération, Quand le Fils de l'Homme s'assoira sur son trône de gloire, vous vous assoirez vous aussi pour juger les douze tribus d'Israël." (Matthieu XIX, 28)
Si Pierre refuse ce scénario, il ne pourra s'asseoir avec le Christ pour juger lui aussi le monde pervers.
3. Le Christ laisse Satan entrer en Judas, il l'annonce, Jésus va au-delà encore. Il la provoque cette "possession" dont Judas lui-même ne peut refuser la situation : "C'est celui à qui je vais donner la bouchée que je vais tremper." Il convenait que Judas ne se soustrait pas à cette fonction annoncée dès l'Ancien Testament : "Même mon ami intime en qui j'avais confiance, lui qui mangeait mon pain, il a levé le talon contre moi." (Psaume XL, 10)
Ne convient-il pas que l'ami intime livre Son Sauveur de telle sorte que chacun de nous, ne puissions point prétendre, parce que nous sommes Son mai, se désolidariser de ce geste, cette conscience Péladan devait la vivre en sa veillée à Gethsémanie :
"Me voici seul à minuit au mont des Oliviers, entre la grotte de l'Agonie et le jardin de Gethsémanie ; la lune tantôt étincelante, tantôt barrée de nuages, illumine par instants le sinistre paysage. L'heure approche, l'heure où l'humanité dut déshonorée et sauvée, car la mort de Jésus c'est à la fois la plus grande accusation contre l'homme et le coup suprême de la miséricorde... C'est comme complice de l'assassinat du Calvaire que je viens, plein de remords de ce que j'aurais pu faire contre mon Dieu, réfléchir et peser ce mot de Pilate : - Qu'est-ce que la vérité ? ... Du sol une morne chaleur monte ; il fait sinistre devant mes yeux et dans mon coeur. Chaque home est infiniment redevable à la Rédemption : chaque homme né de la femme est une des innumérables raisons du Calvaire ; mais ce n'est pas cette pensée qui me trouble. Dieu nous a donné l'être puis le salut ; et la sanctification en surplus est promise. Dieu nous a donné et l'homme reçoit : c'est harmonieux. En quoi ai-je refusé le don infini ? Je cherche ma complicité dans la mort du Sauveur, je ne la trouve pas mais elle existe. Je ne suis ni Judas, ni Caïphe, ni Pilate ; je suis cependant un bourreau du Christ, puisque je suis un homme." (19)
Si le geste de Judas amenait sa condamnation, l'humanité entière ne connaîtrait point le Rédemption ! Et c'est je crois me souvenir, à Sainte Gertrude, qui demandait à Son Seigneur quel était le sort de l'Iscariote, que le Christ répond : "Si je te disais où il se trouve, tu trouverais mon amour tellement infini, que tu ne le comprendrais pas." C'est pourquoi Saint Paul affirme aux romains XI, 33, 36 :
O profondeur de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Qu'insondables sont ses jugements et indéchiffrables ses chemins ! Car qui a connu la pensée du Seigneur ou qui a été son conseiller ? ou qui l'a comblé le premier pour en être comblé en retour ? Tout est de lui, par lui et pour lui. A lui la gloire dans les âges. Amen."
A l'occasion de chacune des trois manifestations de Satan dans le Nouveau Testament cette situation précède l'occasion pour Dieu de manifester sa gloire :
1. Par le refus de s'associer à la chute originelle du monde.
2. Par le refus de ce qui s'oppose à la réalisation de Sa mission.
3. Par la mise en action, par contre, du moyen qui permettra l'arrestation du Sauveur de telle sorte que se déroulent pour la Gloire de Dieu pour notre Salut, la mort et la résurrection de Jésus + Christ.
Satan ainsi accomplit une fonction qui ne saurait constituer ou représenter un prétendu mal : il est certes un obstacle que Dieu se donne à lui même pour montrer qu'il a vaincu le monde par ce scénario en trois points :
- son insoumission à régner sur les vanités du monde ;
- sa détermination, en refusant cette soumission de la troisième tentative de tentation, à vivre Sa Passion et Sa Résurrection, ce qui explique son adresse à Pierre ;
- sa volonté d'être livré par Judas c'est à dire par l'Apôtre certainement le plus connaissant de ce qu'était le Maître, c'est à dire par l'Eglise, c'est à dire par l'Humanité, car si c'est par l'individualité d'Eve-Adam que le péché entrait dans le monde, c'est par l'individualité de Judas qui synthétise alors le monde qu'il convenait que le Seigneur fut livré, comme Eve et Adam synthétisaient les prémices de l'Humanité.
Il est terrible et dramatique que la théologie chrétienne continue à percevoir en Judas une individualité sur qui l'on peut, par orgueil et par peur, jeter l'anathème, en ce que chaque homme se considère comme n'étant pas Judas, le traître c'est l'Autre ! Au moins Ivedas lui, aura rempli Sa mission annoncée par les Ecritures, et il va au-delà même, il succombe au désespoir, de telle sorte que ce désespoir qui a été condamné par les théologiens, soit un lieu en fait d'espérance : l'homme n'est-il pas appelé à connaître le désespoir parfois à être vaincu par lui souvent, et si Judas n'est pas sauvé alors que de l'humanité le sera ?
Cet obstacle que dieu se donne à lui-même, à l'inverse de ce que pense la philosophie religieuse hébraïque, n'est pas un jeu de Dieu. Dieu n'est pas Humour, il est Amour : c'est une condition, pour que ce que l'on nomme le péché, le mal, la mort, ne soit pas un lieu handicapant le retour de l'Homme vers son état originel. Si cette contradiction ne s'inscrit pas dans le dessein de Dieu, comme le manifeste la mission de Judas, elle est alors issue de l'homme seul, et seul isolé, par la contradiction mise en place par l'homme, l'humanité se trouve séparée de Son Créateur, de par le libre choix, et la métaphysique chrétienne chuterait dans un dualisme et un manichéisme, structure qui s'oppose à la Révélation Biblique.
Cet obstacle que Dieu se donne à lui-même : Ha Satan, demeure dans son ensemble un Mystère de Sa Sagesse : Aussi, Michel l'Archange le reconnaît et Jude de préciser donc :
"L'archange Michel quand il discutait avec le diable et lui disputait le corps de Moïse, n'osa pas proférer de jugement calomnieux. Il dit seulement : Que te tance le Seigneur. Mais ceux-ci calomnient tout ce qu'ils ignorent et sont détruits par tout ce que leur nature de bête leur apprend." (Jude, 9, 10)
Ceux-ci se sont les hommes. Apprenons à ne pas juger, car nous n'avons en outre pas la Connaissance : Insondables sont les Mystères de Dieu !
III/ Lucifer devient pour un temps le Prince de ce monde :
Le péché de Lucifer qui Lui est un ange ; alors que Ha Satan se présente comme une situation d'obstacle que Dieu se fait à lui-même en vue de notre salut ; a déjà été entrevu dans le cadre de la première partie.
Avec Justin et les premiers Pères, est enseigné qu'avec sa chute, Lucifer qui avait un corps, le perd : ce point est très important et si donc la chute du porte lumière est attribuée à la luxure, il fallait donc selon ces Pères, qu'il eut un corps. A la suite de la lecture en outre du Psaume LXXVII, 25 : "l'homme mangea le pain des anges" la pensée patristique considérait que si les anges se nourrissaient, ils avaient donc bien un corps, corps sans nul doute aérien, selon les indications que ces Pères trouvèrent au Psaume CIII, 4 : "faisant des vents, tes anges".
Il faudra attendre Origène pour mieux comprendre cet état corporel, où seul Dieu ne possède pas de corps :
"Il appartient seulement à la nature de Dieu ; c'est à dire du Père, du Fils et du Saint Esprit ; d'être conçu comme existant dans substance matérielle, loin de toute communication avec un substrat corporel." (20)
Si donc Origène, le maître Alexandrin, nous précise que Dieu seul ne possède pas d'élément corporel, le grand docteur ajoute :
"La nature raisonnable était susceptible de mutation et de changement ; cela devait lui permettre, selon ses mérites, de se servir d'un revêtement corporel différent, de telle ou telle qualité ; pour ces raisons Dieu selon la prescience qu'il avait des différences qui se produiraient entre les âmes ou entre les puissances spirituelles, devait faire nécessairement la nature corporelle telle qu'elle pût, au gré du Créateur, être transformée en tout ce que la situation demanderait, grâce à la mutation des qualités". (21)
Ainsi, le corps dépend quant à se qualité, de l'état spirituel de la nature raisonnable et le corps sera d'autant plus épais ou grossier, que la nature qui l'habite se sera davantage enfoncée dans le péché.
Il est possible dès lors du comprendre pourquoi Saint Cyrille de Jérusalem déclare : "on appelle universellement "esprit" ce qui n'a pas d'épaisseur corporelle." (22) et ce qui n'a pas d'épaisseur corporelle, c'est ce qui n'a pas de corps grossier...
Ce manque d'épaisseur, de corps grossier, existe chez les anges et dans les règnes de la Hiérarchie Céleste, ainsi, Saint Basile de Césarée précise : "chez les puissances célestes, leur substance est un souffle d'air peut-être ou un feu immatériel." (23)
Lucifer qui est un ange, le Porte Lumière, n'a donc pas d'épaisseur corporelle, de corps grossier. Si donc Lucifer ne peut perdre son état angélique incorruptible, ce revêtement corporel fort subtil, par contre, peut connaître une modification.
Quel va donc être, pour l'heure, le revêtement corporel de Lucifer, à la suite de sa chute ? Ce sera celui du Prince de ce monde, comme nous l'enseigne Origène.
Cette modification du corps subtil existe dans la pensée populaire à travers l'intuition des artistes qui élaborèrent les Bestiaires et l'Ecriture laisse entendre la possibilité d'une corporéité animale par exemple:
"Soyez sobres, soyez vigilants. Votre adversaire le diable comme un lion rugissant, circule cherchant qui dévorer." (I Pierre, V, 18)
"Il a tenu le dragon, l'antique serpent qui est le diable et le satan et il l'a entraîné pour mille ans." (Apocalypse, XX, 2)
Bien entendu les formes d'un lion ou d'un dragon ne sont pas les corporisations réelles du Prince de ce monde, et une piste qui n'est pas à négliger - le dragon étant l'une des formes du serpent - c'est que le lion comme le serpent sont à la fois le lieu de la représentation du Christ comme celle du Prince de ce monde, dans la symbolique chrétienne, comme l'a montré en son oeuvre admirable et monumentale, Louis Charboreau Lassay : Le Bestiaire du Christ...
Le changement de sphère pour Lucifer, c'est sa venue en ce monde dont il prend pour un temps possession, lorsqu'il devient en cet acte de sa tragédie, le Prince de ce monde.
Le monde n'est-il pas l'anagramme des démons ? On comprend dès lors que le Christ réponde à Pilate :
"Mon royaume n'est pas de ce monde." (Jean XVII; 36)
L'univers soumis à la vanité est devenu ce monde de chute dont le Christ Jésus reconnaît en divers lieux des Evangiles qu'il appartient temporairement au Prince de ce monde.
1. Lors de la troisième tentative de tentation, le Christ ne conteste pas les royaumes qu'en qualité de Prince de ce monde, Lucifer possède :
"Le diable l'emmène encore sur une montagne fort haute, lui montre tous les règnes du monde et leur gloire et lui dit : Je te donnerai tout cela si tu tombes prosterné devant moi." (Matthieu IV, 8-10)
2. Nous avons vu plus haut la réponse du Christ à Pilate.
3. Jésus reconnaît sa place à Lucifer quand il déclare : "Le chef du monde vient et il n'a pas d'emprise sur moi." (Jean XIV, 30)
Au Prince de ce monde, ce temps lui est toutefois compté comme le Christ nous l'enseigne : "C'est maintenant le jugement de ce monde. Maintenant le chef de ce monde va être jeté dehors." (Jean XII, 31)
Mais il s'agit d'une situation temporaire, sans anticiper sur l'analyse de la situation des démons qui va suivre, écoutons à cet égard le Christ : "C'est maintenant le jugement de ce monde. Maintenant le chef de ce monde va être jeté dehors." (Jean XII, 31)
Une lecture attentive de l'Apocalypse de Saint Jean - travail exégétique qui n'aurait pas sa place présentement - soulignerait les temps d'action permis au Prince de ce monde, temps qui s'inscrit dans le cadre d'un scénario où l'action des démons est toujours intermittente et non permanente, ce qui est très différent de la façon dont l'Eglise a toujours enseigné l'action continuelle du Prince de ce monde et des démons sur notre situation de chute.
IV/ Les Démons et le Création :
Si certains s'imaginent que la Création est achevée, cela n'est vrai que dans le cadre du décret de Dieu ; dans le "temps", par contre, elle ne l'est pas. L'une des grandes intuitions de la Kabbale réside dans cette prise de conscience selon laquelle le monde dans lequel nous sommes est une situation provisoire et que le projet réel du Créateur n'est pas achevé.
Il y a deux ponts importants qu'il convient déjà de noter.
. la notion de temps
. la notion de commencement.
A propos de cette notion de temps, Pierre nous rappelle :
"Et chers, n'oubliez pas qu'un jour devant le Seigneur est comme mille ans et mille ans sont comme un jour." (II Pierre III, 8)
Pour l'homme cette conception de la durée est inconcevable, c'est la raison pour laquelle le Christ dit aux disciples :
"Réveillez-vous donc, car vous ne savez pas quel jour votre Seigneur vient." (Matthieu XXIV, 42)
et encore :
"Mais le jour ou l'heure, personne ne les sait, ni les anges au ciel, ni le Fils, si ce n'est le Père." (Marc XIII, 32)
Avec cette notion inconcevable à l'homme qu'est le temps, où mille ans sont comme un jour, la philosophie chrétienne souffre d'une tragédie quant à la mauvaise traduction du mot Bereschit, dès le début donc de ce qui a été transcrit de la Genèse, et que l'on traduit par Au commencement ceci à tort puisque le mot signifie Dans le principe.
Dans le Principe s'inscrit le dynamisme d'une création qui se trouve en état de génération. On comprend dès lors cette adresse de Saint Paul aux Romains VIII, 22 : "La nature est dans les douleurs de l'enfantement."
Si donc la Nature est dans les douleurs de l'enfantement, elle ne connaît pas encore sa délivrance et n'est pas encore née dans le plan de Dieu.
Ce dynamisme de la Création s'inscrit comme un décret divin "porté par l'Etre des êtres de toute éternité, décret que Moïse rapporte comme ayant eu un commencement d'exécution, au moment où son exécution est devenue nécessaire, moment terrible dans doute puisque c'est alors que le temps s'est distingué de l'éternité et qu'une providence seconde appelée Nature a donné Naissance, sous les lois fatales du destin à un ordre de choses qui n'avait jamais existé auparavant, du moins de la même manière." (24)
Fabre d'Olivet traduit ainsi le premier verset. (Genèse I, 1) :
"Dans le Principe A Elohim, Lui les Dieux, l'Etre des êtres, avait crée en principe ce qui constitue l'existence des cieux et de la terre." (25)
Et le Théosophe de Ganges explique que Bereschit n'est pas le mot qui signifie Création, c'est celui de Beryth (26). Par ailleurs il écrit :
"Moïse dit ici que l'Etre des êtres qu'il appelle A Elohim, d'un nom générique au pluriel, pour exprimer que cet être ineffable comprend dans son insondable Unité, l'infinité des Dieux [il conviendrait mieux d'écrire la diversité] ou des intelligences, avait dans le principe, crée dans le principe tout ce qui constitue l'existence des cieux et de la terre : c'est à dire qu'il avait déterminé en puissance d'acte, qu'il avait décrété l'existence probable de choses supérieures et inférieures, spirituelles et matérielles ; en sorte que selon les lois de sa Providence Première, ces choses déterminées en principe, devaient se développer au moment où ce développement deviendrait nécessaire ; et constituer par suite de ce développement nécessaire, une série de conséquences également nécessaires, d'où le résulterait une Providence seconde nécessitée dans toutes ses productions qui serait, non pas opposée a la Providence première, mais différente d'elle, en ce qu'au lieu de procéder selon des lis intelligentes et libres, elle procéderait par des lois fatales ou forcées. C'est cette seconde Providence que les hommes ont appelée Nature." (27)
Ce développement était nécessaire. Il fait apparaître, dans ce dynamisme de la Création, l'absence d'un commencement à la façon dont la métaphysique chrétienne l'envisage généralement.
Une seule remarque : Pour les Pères de l'Eglise, la Création n'est pas une exécution devenue nécessaire, car elle est un acte de la volonté de Dieu et donc un libre choix et non une obligation. Dieu n'a pas besoin de créer le monde pour s'accomplir, pour se réaliser, pur s'engendrer, pour prendre conscience de soi, comme le rappelle en toute son oeuvre l'éminent philosophe et historien de la pensée chrétienne : Claude Tresmontant et c'est donc l'enseignement des Papes :
"Dans sa bonté et par sa "force tout e puissante", non pour augmenter sa béatitude ni pour acquérir sa perfection, mais pour la manifester par les biens qu'il accorde à ses créatures, ce seul vrai Dieu a, dans le plus libre des desseins, "tout ensemble dès le commencement du temps, créé de rien l'une et l'autre créature, la spirituelle et la corporelle, c'est à dire les anges et le monde terrestre ; puis la créature humaine qui tient les deux composé qu'elle est d'esprit et de corps." (28)
La Genèse, telle qu'elle nous est conservée n'évoque pas la Création des anges. Si E. Levyne traduit et adapte ainsi Genèse I, 1 :
"Après la période des Archétypes, les êtres délégués par l'Etre (Elohim) modalisèrent la substance en mouvement et en matière." (29)
Il s'agit certes d'une traduction très libre, mais cela volontairement, pour rappeler cette intuition et cette tradition de la Kabbale selon laquelle le récit de la création de la Genèse n'est pas le même que celui qui fut transmis à Moïse. Ainsi, Emmanuel Lévyne en sa lettre d'une Kabbaliste à une Rabin écrit :
"La Tora est essentiellement la Loi... Du point de vue de la Kabbala ce n'est pas exact. La catégorie essentielle de la Tora et de l'Hébraïsme n'est pas la Loi, mais la Création. Les trois premières lettres de la Tora sont B-R-A, racine de la Création : Le premier verbe de la Tora est également B-R-A, c'est la Création. La Tora commence là où il y a Création... Bien que la Création et la Loi s'excluent, il faut reconnaître que dans la Tora il y a une loi. La Loi de Moïse. Mais cette Loi est une partie de la Tora ; et c'est là que réside essentiellement la divergence entre le point de vie de la Kabbala et le point de vue du Rabbinisme... D'une manière plus systématique la Kabbala divise Israël en deux grandes classes : - les Kabbalistes (ou les Justes), qui sont attachés à la Tora de l'Arbre de Vie - La Tora des Atsilouth - qui était celle des Patriarches et que Moïse reçut (Kabbala) au mont Sinaï : cette Tora spirituelle formait le contenu exclusif des premières Tables, qu'il brisa à la vue du peuple adorant le Veau d'or..." (29)
Les premières Tables qui sont données à Moïse sont "écrites du doigt de Dieu" (Exode XXXI, 18), les secondes par contre sont écrites par Moïse : "Ecris pour toi ces paroles" (Exode XXXIV, 27) et "il écrivit sur les tables les paroles de l'Alliance" (Exode XXXIV, 28)...
La tradition kabbalistique enseigne que le récit complet de la Création ne figurait que les premières tables, et c'est pourquoi, cette tradition s'est transmise oralement à travers les temps si l'on exempte le Zohar et le Sepher Yetsira, qui sont une partie de cette Tradition, celle qui fut écrite.
Il ne s'agit pas pour la métaphysique chrétienne de se convertir au Judaïsme Kabbalistique ni de récupérer les intuitions de ses maîtres, mais le Judaïsme orthodoxe ou Abrahamique que constitue la tradition kabbalistique est susceptible d'apporter parfois des lumières pour une meilleure compréhension de la Création.
Le problème des démons ainsi, est évoqué dans le Zohar I, 14a, 14b :
"Lorsqu'il arriva l'heure sacrée du Sabbat, plusieurs esprits restèrent inachevés, le temps ayant manqué de les pourvoir de corps. Ces esprits forment la légion des démons. On pourrait se demander : "Le Saint, béni soit-il, ne pouvait-il donc pas reculer l'heure du Sabbat, pour avoir le temps de pourvoir de corps ces esprits ?" Mais la vérité est que l'arbre du bien et du mal a incité à la révolte plusieurs esprits, avant même qu'ils fussent pourvus de corps. Ces esprits ont conçu le plan de descendre sur la terre, une fois pourvus de corps, et de s'emparer du monde. Dieu classa alors les esprits en deux catégories : les bons durent placés à côté de l'arbre de la vie, et les mauvais à côté de l'arbre du bien et du mal. Il commença ensuite par pourvoir de corps les esprits de la première catégorie ; et lorsque le moment fut arrivé d'en pourvoir ceux de la seconde, le Sabbat vint interrompre l'oeuvre de la création." (30)
L'absence de corps a engagé la tradition hébraïque dans cette considération selon laquelle les démons cherchent depuis le vendredi soir, un corps et s'accrochent à cet effet aux hommes.
Il est vrai que, par exemple, le démon dans le Nouveau Testament où il apparaît désigne une présence dans un corps et cet esprit s'attache ou souhaite s'attacher à la destinée d'un homme :
"Et voilà qu'une Cananéenne de ce territoire sortit et se mit à crier : Aie pitié de moi, Seigneur fils de David, ma fille est possédée d'un mauvais démon." (Matthieu XV, 22)
A côté de la thèse hébraïque, talmudique, la théosophie chrétienne considère que c'est à la suite de la chute d'Eve et Adam et de celle de Lucifer ; qui a entraîné la chute de la Nature ; que les démons, dans le cadre de cette tragédie sont entrés dans le corps des hommes, mais de quoi seraient-ils constitués et qu'étaient-ils avant la chute ? Etaient-ils les cohortes angéliques du Porte Lumière ? La Tradition Patristique sur ce point se tait, comme devant un mystère.
Péladan après son attaque envers les sulpiciens ignorants évoquée plus haut écrit :
"Sur cette notion sérieuse et saine du démon, ange obscuré, j'ai greffé l'idée occulte de l'involution et de l'évolution ; il y a ici bas deux séries : les êtres qui nés de la terre tendent à monter et d'autres nés de l'esprit pour qui la vie terrestre est une chute et l'expiation de quelque mystérieux crime de l'au-delà." (31)
Il est vraisemblable que si la Création n'est pas achevée il puisse se trouver des "esprit" non achevés par le Créateur et qui décident de par leur liberté - comme Lucifer, mais pour d'autres raisons - de changer de sphère et de gagner le monde de chute dans lequel l'homme se trouve, de telle sorte que par une possession, ils bénéficient d'une corporéité qui leur délivre une individualité autonome.
Il est possible qu'avec la chute qui a précipité les hommes dans la situation de ce monde, les cohortes de Lucifer : Prince de ce monde, l'aient suivi sur cette terre et dans le chaos conséquence de cette chute l'amalgame - homme - démon se soit accompli dans le corps grossier que connaît notre nature.
Résoudre cette énigme serait Connaître le décret de Dieu quant à Sa création, cela dans sa totalité, avec ses conséquences !
Ce que la philosophie chrétienne peut par contre assurer, sinon au moins pressentir, c'est que les démons ne viennent pas d'un ailleurs, qu'ils sont notamment au dedans de nous, depuis la chute, et c'est la raison pour laquelle les maîtres spirituels parlent d'un travail ascétique à accomplir à l'intérieur de nous-mêmes, de façon à amener à récipiscence l'esprit étranger qui nous habite : sur ce point, je viendrai à propos de la rédemption de Lucifer.
L'une des erreurs tragiques de l'ascétique chrétien a été d'envisager la nécessité de chasser le ou les démons qui sont en nous, quand il convient d'amener par contre ces "esprits", à une purification. A l'égard de cette expulsion, qui donc a médité parmi les maîtres de la philosophie chrétienne ces deux exemples scripturaires : "les démons firent appel à Jésus et dirent : si tu nous chasses, envoie-nous dans le troupeau de cochons. Il leur dit : Allez-y." (Matthieu VIII 31, 32)
"Et de peur que ne m'élève l'excellence de ces dévoilements, une écharde dans ma chair, un ange de Satan m'a été donné pour me souffleter, de peur que je ne m'élève." (II Corinthiens XII, 7)
Paul ne refuse pas cette situation de "possession". On comprend dès lors cette adresse du Christ :
"Ces jours-là beaucoup me diront : Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom, et en ton nom chassé des démons, et fait en ton nom beaucoup de miracles ? Alors je leur avouerai : Je ne vous ai jamais connus ; retirez-vous de moi, fauteurs d'iniquité." (Matthieu VII, 22-25)
Si le Christ a le pouvoir de chasser les démons - en plus du fait qu'il soit Dieu - et réalise cette fonction, cela relève d'une condition dont l'Eglise n'a en fait jamais soupçonné l'origine : c'est parce que Jésus prend sur les conséquences de cette action :
"Le soir venu on lui présenta beaucoup de démoniaques, et d'une parole il chassa les esprits, soigna tous les mal-portants. Et ainsi fut remplie cette parole du prophète Isaïe qui dit : "Il a pris nos faiblesse et porté nos maladies." (Matthieu VIII, 16-18)
Quant à ceux qui se targuent d'être exorcistes, qu'ils méditent cette situation :
"Quelques exorcistes juifs ambulants entreprirent de nommer le nom du Seigneur Jésus sur des gens qui avaient des esprits mauvais ; ils disaient : Je vous adjure par Jésus que Paul prêche... C'est ce que faisaient les sept Fils d'un certain Scéva, grand prêtre juif ; mais l'esprit mauvais leur répondit : Jésus, je le connais ; et Paul, je sais qui c'est ; mais vous qui êtes-vous ? Et l'homme en qui était cet esprit mauvais sauta sur eux, maîtrisa les uns et les autres et fut si bien le plus fort, qu'ils s'enfuirent de cette maison-là, nus et blessés." (Actes XIX, 13-17)
Jésus a pris sur lui nos faiblesses et porté nos maladies. Quel exorciste de diocèse a pris sur lui la Réparation quant à ce pouvoir transmis aux apôtres :
"Puis il appela ses douze disciples et leur donna pouvoir sur les esprits impurs pour les chasser et pour soigner toute maladie et toute langueur." (Matthieu X, 1)
Si donc la Réparation n'est pas prise en charge par l'exorciste - et cela n'est pas que des prières ! - ce dernier crée un déséquilibre dans la Création, dans la mesure où le démon peut quitter bien entendu le corps d'un être, mais sous la réserve qu'il ait été préalablement purifié, réhabilité, par celui qui modifie l'état dynamique de la Création.
Un démon quittant un corps, n'ira pas nécessairement se réfugier dans un troupeau de cochons et s'il gagne un autre corps, où donc est le résultat positif dans la Création ?
L'Eglise n'a malheureusement pas compris la doctrine, la fonction de la Réparation, ce qui, malgré ses longs traités de théologie, reste pour elle un Mystère.
V/ La Rédemption de Lucifer :
Est-il besoin de rappeler ce dialogue une fois encore de Péladan - déjà transcrit en une étude précédente parue en nos Cahiers - où Bélit avait demandé à Mérodaek que Prométhée soit évoqué afin qu'il lui révèle sa vocation, et c'était Satan qui s'était manifesté :
"Bélit : Sathan, je voudrais te soulager.
"Sathan : Tu le veux, c'est donc fait !
"Bélit : Mais si ma seule douceur modifie ton dam, tu as dû bien souffrir puisque tu es forcé d'obéir à l'idée que les hommes se font de toi : c'est pour te venger que tu as possédé les uns, affolé les autres, effrayé tout le Moyen-Age ?
"Sathan : Non ! Sathan est un trop grand esprit pour se venger. Mais Sathan est légion, solidaire des cacodémons qui sont souvent mauvais comme les hommes.
"Bélit : Ils t'obéissent !
"Sathan : Non, un prospéro impuissant à réduire les Ariels fantasques et les forces élémentaires des Calibans, roi désobéi, pilote impuissant, dictateur d'une anarchie perpétuelle, voilà ma vie jusqu'au jugement dernier.
"Bélit : Alors seras-tu pardonné ?
"Sathan : Le dernier puisque je suis le plus coupable.
"Bélit : Ton châtiment on l'enseigne éternel.
"Sathan : Manichéenne. Crois-tu à un principe du mal ? Quand je suis tombé je n'étais que le plus élevé des rapports ; or le plus grand relatif ne peut pas entraîner une conséquence d'absolu. J'ai voulu réaliser l'idéal divin : je suis puni jusqu'à dépendre de l'imagination humaine." (32)
L'Eglise s'est engagée par l'opposition Bien - Mal, Lumière - Ténèbre vers un manichéisme qui constitue un immense danger pour la métaphysique chrétienne : Le plus grand relatif ne peut pas entraîner une conséquence d'absolu. Péladan nous précise avec sagesse que les démons sont souvent mauvais comme les hommes, le mal en tant que Principe existe-t-il vraiment ? C'est un mystère qu'aucune Créature de Dieu ne peut comprendre. Un envoyé de Dieu venu aplanir le Chemin, comme Jean le Baptiste autrefois, et qui s'était manifesté au siècle dernier a bien précisé à cet égard :
"Jésus Christ seul a connu le mystère du problème du mal. Tous les sages n'en ont même pas eu l'intuition ; ils se sont arrêtés au pied de ce mur qui bornait leur horizon, sentant qu'il y avait quelque chose au-delà, mais ils n'ont pas su dire quoi." (33)
Le fait de la métaphysique chrétienne ne pose pas le problème de la quête d'une connaissance des Mystères par la déduction intellectuelle : elle pose par contre l'intérêt de la prise de conscience de l'homme quant à sa situation dans le décret divin de la Création.
Dans le cadre de cette prise de conscience, les Pères de l'Eglise ont toujours affirmé la responsabilité de l'homme dans la chute de la nature et la tâche qui en résulte pour nous de sanctifier le monde, ou du moins avec l'aide de l'Esprit Saint, de participer à la Transfiguration du Cosmos et cela vaut pour l'homme comme créature particulière à travers la déification, comme pour les esprits chutés à travers l'oeuvre de Réconciliation.
L'éminent théologien orthodoxe Jean Meyendorff exprime d'une façon très concise et saisissante les conséquences de cette chute :
"Dans la nature, le "démoniaque" vient de la chute de la création hors de son sens et de sa direction originels. Dieu avait confié à l'homme sa propre "image et ressemblance", la maîtrise du monde. Mais l'homme a choisi d'être contrôlé par Lui et il y a perdu sa liberté. Il est maintenant sujet au déterminisme cosmique auquel ses "passions" le lient et où le pouvoir ultime appartient à la mort." (34)
Comprenons-nous bien : la chute de la nature est inhérente à la chute de l'homme, le tragique est dans le fait que la créature risque d'asseoir ce monde de chute, en le consolidant en sa situation actuelle avec le risque de le faire prospérer en ce sens. Les démons qui sont dans les hommes et qui sont "tombés" avec les humains, sont liés à la destinée des êtres et peuvent faire tendre les hommes à ne point rechercher la vie éternelle, et donc à les handicaper dans leur élan vers Dieu.
Pour les Pères, l'homme est un être malade de par sa chute, c'est pourquoi il convient de se souvenir de cette parole du Christ :
"Ce ne sont pas les vigoureux qui ont besoin de médecin, mais les mal-portants. Allez apprendre ce que signifie : Je veux la miséricorde et non le sacrifice, car je ne suis pas venu appeler les justes mais les pêcheurs." (Matthieu IX, 12-14)
Saint Cyrille d'Alexandrie ne précise-t-il pas à son tour, qu'après le péché d'Adam, l'humanité est tombée malade de corruption ?
La médecine qui peut guérir l'homme, c'est Jésus + Christ qui par Sa mort et Sa résurrection a racheté le genre humain, et les onguents à la suite de nos fautes à venir, ce sont les Sacrements à travers l'Eglise et Nicolas Cabasilias rappelle sans cesse :
"Le baptême nous donne d'être et de subsister dans le Christ, car c'est bien ce sacrement qui introduit à la vie les êtres gisant dans la mort et la corruption. La confirmation parfait le néophyte en lui communiquant les énergies en rapport avec cette vie. L'eucharistie prolonge cette vie et l'entretient dans un état florissant ; c'est grâce au pain de vie que l'on conserve les forces acquises et que l'on se maintient dans la vie. Bref nous vivons par ce pain, nous nous fortifions par cette onction, après avoir reçu l'être dans cette immersion. Et ainsi nous vivons en Dieu, transportés de ce monde visible, au monde invisible, changeant non pas de lieu, mais d'existence de vie." (35)
L'auteur de l'Explication de la Divine Liturgie ajoute :
"Les sacrements : voilà la voie que Notre Seigneur nous a tracée, la porte qu'il a ouverte en venant ici-bas ; et, de retour vers Son Père, loin de les fermer, c'est en repassant par cette voie et cette porte qu'Il revient vers les hommes ; ou plutôt, Il est et Il sera à jamais parmi nous afin de rester fidèle à Sa promesse. C'est bien donc ici la maison de Dieu et la Porte du Ciel, pourrait répéter le patriarche Jacob (Genèse XXVIII, 18) ; porte par laquelle descendent non seulement les anges - et en effet, ils assistent à l'accomplissent de tous les rites sacrés - mais encore le Seigneur des anges." (36)
Et Saint Irénée de préciser :
"Le Père approuve et commande ; le Fils sert et crée ; l'Esprit nourrit et fait croître ; l'homme de son côté progresse doucement et d'approche de la perfection, qui est de se rapprocher de l'Incréé, car l'Incréé est parfait, cet Incrée, c'est Dieu. Il fallait d'abord que l'homme fut crée, une fois crée qu'il grandit, une fois grand qu'il se virilisât, devenu viril qu'il se multipliât, que multiplié il se fortifiât, que fortifié il fut glorifié et que glorifié il vit Son Seigneur. Dieu est Celui qui est destiné à être vu, et la vision de Dieu a pour effet l'incorruptibilité ; et l'incorruptibilité rend proche de Dieu." (37)
Par les sacrements de l'Eglise et la prière, l'homme peut acquérir cette incorruptibilité qu'évoque Saint Irénée : les traditions Patristiques et Byzantine, s'accordent en effet pour définir l'héritage de la chute comme essentiellement celui de la mortalité plutôt que celui du péché, celui-ci n'étant qu'une conséquence de celle-là.
Avec l'ensemble des Pères, Saint Maxime le Confesseur nous dit :
"Par sa corruption, la volonté naturelle d'Adam entraîna la corruption de la nature qui se vit privée de la grâce de l'impassibilité et devint péché... En effet, le jour où il transgressa le commandement divin, notre ancêtre Adam commit deux péchés : l'un coupable, l'autre non coupable, conséquence du premier. Le premier survint, parce que la volonté rejeta, de plein gré le Bien ; l'autre parce que la nature se vit sans le vouloir, privée de l 'immortalité, par suite du comportement de la volonté." (38)
Il convient d'émettre des réserves sur deux points quant à ce texte de Maxime : d'une part la nature ne possède pas la grâce de l'impassibilité car elle est active, par ce qu'elle manifeste dans le décret divin de la Création en état de génération... d'autre part Adam est coupable et responsable de la chute de la nature ?
S'il est vrai que le Christ n'évoque pas la situation actuelle de la Nature, du moins dans ce que rapportent les Evangiles, s'il apparaît que le Christ n'enseigne ni ne constitue de sacrement, pour la rédemption de la Nature, il est aisé dès lors à l'homme de rejeter sa responsabilité, comme il le fit déjà à propos du diable, auteur et responsable des péchés.
La Théologie enseigne que les Sacrements sont des grâces en faveur de l'homme vivant, et Maxime veut considérer comme passive la nature. Pourquoi dès lors l'Eglise envisagerait quoi que ce soit en faveur de la Nature ! C'est trop de prudence et pas assez de conscience !
D'une part : "Iahvé Elohim prit l'homme et l'installa dans le jardin d'Eden pour le cultiver et pour le garder." (Genèse II, 15)
D'autre part, la révélation n'est pas achevée avec la résurrection Jésus + Christ et déjà avant cet évènement Jésus précise aux disciples : "L'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom vous enseignera tout et vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit." (Jean XIV, 26)
L'homme est donc responsable comme gardien du jardin d'Eden, de la Nature et le péché ne peut entraîner sa non culpabilité, lorsqu'il amène la nature, par sa faute, à la chute.
L'homme recevra encore dans l'Eglise, par l'Esprit Saint, des révélations, et il convient de se souvenir de ce que nous dit Saint Paul :
"Or si nous sommes ses enfants, nous sommes ses héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers avec Christ, si nous partageons ses souffrances afin de participer à sa gloire. Et vraiment, j'estime que les souffrances du temps présent ne méritent pas d'être comptées devant la gloire qui tout à l'heure va éclater sur nous. Et c'est de toute la création que cette manifestation des Fils de Dieu est l'attente. Car la Création est assujettie à la vanité, non pas parce qu'elle le veut, mais par ordre de Celui qui lui a permis que, elle aussi la Création, sera libérée des servitudes de la corruption dans ce glorieux affranchissement des Fils de Dieu. Car nous sentons bien que toute la Création gémit de concert et souffre les douleurs de l'enfantement, aujourd'hui encore ; et non seulement la Création, mais nous aussi, qui avons les prémices de l'esprit, nous gémissons en nous-mêmes en attendant d'être manifestés Fils de Dieu et libérés de nos corps." (Romains VIII, 17-24)
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L'exorcisme du Cosmos dans la tradition orthodoxe est signifié le jour de l'Epiphanie par la grande bénédiction des eaux puisque selon l'enseignement des textes liturgiques et patristiques, l'eau est devenue un refuge de démons :
"Toute la création te chanta quand Tu apparus. Car Toi, notre Dieu, Tu es né sur terre, et Tu as vécu parmi les hommes ; c'est Toi qui a sanctifié les eaux du Jourdain en envoyant du haut du ciel ton Esprit Saint, et c'est Toi qui as écrasé les têtes des démons qui s'y tenaient cachées. Toi donc, O Roi ami des hommes, viens aussi maintenant par l'effusion de ton Esprit Saint et sanctifie cette eau. Et donne-lui la grâce de la rédemption, la bénédiction du Jourdain. Fias-en une source d'incorruption, un don de sanctification, la rémission des péchés, la guérison des maladies, la perte des démons ; qu'elle soit inaccessible aux puissances ennemies, remplie de la Force des anges, pour que, en y puisant et en y goûtant, tous en usent efficacement pour la purification de leurs âmes et de leurs corps, pour la guérison de leurs passions, pour la sanctification de leurs maisons, et pour tout autre bon usage. C'est Toi en effet, O notre Dieu qui par l'eau et l'Esprit, as renouvelé notre nature vieillie dans le péché." (39)
L'Eglise Primitive était plus sage : l'exorcisme n'était dans le cadre de la Bénédiction de l'eau, pas une condamnation des démons, mais une supplique à Dieu pour que s'accomplisse une dissolution modificative ce qui permet avec la perte de l'état "démoniaque" une purification et une rédemption. Dans l'Euchologe de Sérapion remontant au IVe siècle, figure cette prière :
"Roi et Seigneur de toutes choses, Créateur de l'univers, tu as sauvé toute nature créée, en envoyant ton Fils unique Jésus + Christ ; tu as délivré ta créature par l'avènement de ton Verbe ineffable ; regarde du haut du ciel à présent, et jette les yeux sur ces eaux ; remplis-les de l'Esprit-Saint. Que ton Verbe ineffable opère en elles et transforme leur Vertu ; purifie-les en les remplissant de ta grâce... épargne ton ouvrage, sauve la Création qui est l'oeuvre de tes mains... Et comme ton Fils unique est descendu dans les eaux du Jourdain et les a sanctifiées, descends à présent dans ces eaux pour les rendre saintes et spirituelles." (40)
Transforme leur Vertu. Remplis-les de ta grâce, épargne ton ouvrage, sauve la Création et rends-les saintes et spirituelles. Nous sommes loin des attitudes futures de l'Eglise, la Nature doit être transformée par le Christ, l'Esprit et le Père, sans engager sur les démons une malédiction ni une condamnation. A l'inverse, la prière sollicite à leur égard, une transformation spirituelle.
S'il n'existe pas de sacrement en faveur de la rédemption du Cosmos, mais seulement des bénédictions comme celles que l'Eglise Primitive préconisait pour les fromages, les olives ou les fruits, par exemple, ce que nous trouvons dans la Tradition Apostolique d'Hippolyte de Rome au IIIe Siècle (41), c'est parce que le principe du sacrement se fonde pour la théologie chrétienne sur l'union hypostatique du Verbe avec une nature humaine, seul l'homme peut recevoir la grâce des sacrements, et il convient en outre qu'ils aient été institués par Jésus + Christ.
Pour agir en faveur de la Nature, ce qui manqua toujours à l'Eglise ; en vue d'une action volontaire et efficace dans le cadre d'une théologie sacramentaire en faveur du Cosmos ; c'est la connaissance de la Création : Hilaire de Poitiers confesse son ignorance :
"Déjà dans les réalités de la nature, il y a bien des exemples de choses dont nous ne connaissons pas la cause, sans pourtant en ignorer les effets. Et notre foi se teinte d'adoration, lorsque de par notre nature, nous ne savons que dire. De fait, lorsque j'ai levé vers ton ciel la faible lumière de mes yeux, j'ai cru qu'il ne s'agissait de rien d'autre que de ton ciel... bien que je crois discerner une cause qui me reste insondable, en ces merveilles que je ne connais pas, je reconnais ta présence... C'est donc en ne connaissant pas ce qui m'entoure que je saisis ce que tu es..." (42)
Il est certain que les Pères eurent toujours l'intuition de leur responsabilité et de leur nécessité d'agir en faveur du Cosmos, mais ils restèrent inactifs devant ce qu'ils ne comprenaient pas : les moyens de sanctifier la Nature, dont le Mystère de la Réparation est certainement le Levier, car il ne convient pas de chasser les démons, mais de transformer les Vertus comme le rappelle l'Euchologe de Sérapion !
Les Constitutions Apostoliques qui représentent une compilation liturgique composée vers 380 à partir d'éléments remontant aux premiers siècles chrétiens, offrent dans le cadre de la célébration eucharistique, entre la Préface et le Sanctus, le chant de la Création qui se divise en quatre points : la création précédant la venue de l'homme, la création de l'homme, la chute de l'homme, l'histoire du salut (43). Malheureusement ce chant de louange n'est pas une prière en faveur de la rédemption du Cosmos.
Il y aurait peut être dans l'Hymne au Christ de Synésius de Cyrene, évêque de Ptoléméé, mort en 414, grâce à sa culture grecque puisée à l'école d'Alexandrie, une supplique en faveur de la Nature prisonnière de la chute :
"C'est toi qui as créé le monde, les orbes et les astres ; tu soutiens le centre de la terre... prends en pitié ta fille, prisonnière de membres mortels dans les étroites limites de la matière." (44)
Si la liturgie des Eglises chrétiennes de Foi Orthodoxe et de tradition apostolique, possédait des prières en faveur de la rédemption du Cosmos, le monde connaîtrait déjà l'Apocastase : le salut universel, puisque le chrétien peut hâter ce jour :
"Le jour du Seigneur arrivera comme un voleur... quelle sainte conduite et quelle piété devez-vous avoir pour attendre et hâter l'avènement du jour de Dieu." (II Pierre, III, 10-13)
S'il est possible de hâter l'avènement du jour de Dieu, nous ne devons pas oublier ce devoir, car par le prière, la terre peut devenir ciel, le monde peut être transfiguré, et le Maître d'Alexandrie, Origène, précise en son explication du Notre Père :
"En demandant de prier que soit faite la volonté du Père sur la terre comme au ciel, notre Sauveur n'ordonne peut-être pas du tout de prier pour ceux qui habitent la terre, pour qu'ils deviennent semblables à ceux qui ont cité au ciel. Par là, il désire simplement que tous les êtres qui sont sur la terre, c'est à dire les mauvais, les terrestres, ressemblent à ceux qui ont cité dans les cieux et qui sont devenus ciel. Le pécheur, qu'il soit est terre ; et s'il ne se repent pas, il deviendra terre. Mais celui qui fait la volonté de Dieu et ne désobéit pas aux lois du salut et de l'esprit est ciel. Si donc nous sommes encore terre, à cause de notre péché, demandons pour nous que la volonté de Dieu nous amende comme elle l'a fait pour ceux d'entre nous qui sont devenus ciel ou qui sont ciel. Et si aux yeux de Dieu, nous ne sommes déjà plus terre, demandons au moins que sur la terre comme au ciel, c'est à dire chez les mauvais s'accomplisse la volonté de Dieu pour qu'ils deviennent ciel, alors un jour il n'y aura plus de terre, tout sera devenu ciel." (45)
Et comme l'ajoute Origène, "selon cette interprétation, si la volonté de Dieu est faite sur la terre comme au ciel, alors un jour il n'y aura plus de terre, tout sera devenu ciel."
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La théologie du Baptême se résume dans cette phrase de Nicolas Cabasilias : "Recevoir le baptême, c'est proprement naître selon le Christ, c'est recevoir l'être même, c'est être créé de Rien." (46)
Cette naissance selon le Christ, Saint Paul l'évoque en plusieurs passages : "car vous tous qui avez été immergés dans le Christ, vous vous êtes revêtus du Christ." (Galates, III, 27)
Le sceau de la nouvelle naissance réside dans le fait de la régénération que le sacrement produit, car le catéchumène est encore sous l'emprise de la chute et Nicolas Cabasilias de préciser :
"Bien s'en faut pour le catéchumène d'être déjà en vie, d'être fils et héritier, lui qui se trouve encore sous la servitude du démon : car, se trouver en compagnie du diable, c'est se trouver totalement éloigné de Dieu : ce qui équivaut à la mort complète. Aussi le prêtre souffle-t-il sur le visage comme sur un être sans vie, car le souffle de tout temps symbolise la vie." (47)
La prière qui précède l'insufflation dans le cadre de la liturgie baptismale Byzantine qui est d'autant plus importante qu'elle rattache le catéchumène à son ange gardien, prière se terminant par ces mots :
"Unis à sa vie un ange de lumière qui la délivre de toutes les embûches de l'adversaire, de la rencontre du malin, du démon de midi et des illusions perverses." (48)
Malheureusement, là encore, les quatres exorcismes de cette cérémonie manifestent le manichéisme de la théologie chrétienne d'autant plus dramatique qu'il s'insère dans la liturgie : s'il est important de rattacher à la destinée d'un homme un ange de lumière que le christianisme latin désigne comme étant l'ange gardien, il est très regrettable que les hommes s'attachent à maudire Satan, quand l'archange Gabriel n'osa pas proférer de jugement calomnieux contre le diable (Jude 9-12) "mais ceux-ci calomnient tout ce qu'ils ignorent et sont détruits par tout ce que leur nature de bête leur apprend."
La mort au péché, le refus de la chute n'est pas manifestée par l'exorcisme contre Satan, dans la liturgie baptismale, mais dans le rite du dépouillement symbolique des vêtements car pour revêtir la forme nouvelle qu'imprime le Baptême, pur être Revêtu du Christ (Galates III, 27), il faut d'abord quitter ses habits de chute, Iahvé Elohim fit pour l'homme et sa femme des tuniques de peau et les en revêtit." (Genèse, III, 21)
Ces habits de chute, Hippolyte de Rome les assimile à des accessoires : "Que personne ne prenne avec soi d'objet étranger pour descendre dans l'eau." (49)
Plus sérieux, Saint Cyrille de Jérusalem explique ce rite du dépouillement, de la déposition des vêtements :
"Donc aussitôt entrés, vous avez quitté votre tunique. Ce geste signifiait que vous aviez dépouillé le vieil homme avec ses oeuvres. Sans vêtements, vous étiez nus, et par là encore, vous imitez le Christ, nu sur la croix, le Christ dont la nudité a dépouillé les principautés et les puissances et triomphe hardiment sur le bois. Parce que les puissances ennemies faisaient en vos membres leurs séjour, il ne vous est plus permis de porter la vieille tunique trop connue. Je n'entends nullement parler de celle qui se voit, mais du vieil homme corrompu par les convoitises trompeuses. Qu'il ne soit pas possible à l'âme de revêtir ce dont elle s'est une fois dépouillée. Qu'elle dise plutôt avec l'Epouse du Christ dans le Cantique des Cantiques : "J'ai quitté ma tunique, comment la remettrais-je ?" Chose surprenante, vous étiez nus à tous les regards et vous ne rougissiez pas. C'est qu'en réalité vous rappeliez l'image d'Adam notre premier père qui, dans le paradis était nu et ne rougissait pas." (50)
Grégoire de Nysse comme Jean Chrysotome, savent que les tuniques de peau c'est l'habit du vieil homme, le corps grossier évoqué comme conséquence de la chute selon Origène, et l'homme perd ce corps grossier à l'occasion de la déposition symbolique des vêtements dans le cadre de la liturgie baptismale.
Que l'on ne se méprenne pas. Le Baptême ; s'il fait mourir en l'homme le péché, et l'amène à la naissance d'une vie nouvelle, laisse toutefois subsister dans le baptisé les suites et les traces du péché, comme le relate Saint Augustin :
"Ainsi cette sentence de l'Ecriture : "Le joug est appesanti sur les enfants d'Adam puis le jour de leur sortie du sein de leur mère, jusqu'au jour de leur sépulture au sein de la mère commune." Cette sentence dis-je veut être accomplie si rigoureusement que les enfants mêmes, affranchis par le bain régénérateur, des liens du péché originel, le seul qui pèse sur eux, entre une infinité de maux qu'ils souffrent, sont parfois encore exposés aux invasions des Esprits de malice." (51)
Que signifie ce verset de Matthieu X, 36 : "et que l'homme ait pour ennemis les gens de sa maison ?" S'il y a trois sens à l'Ecriture selon la méthode exégétique d'Origène, la théologie mystique peut comprendre, au niveau spirituel, ce verset comme l'exposition du combat que l'homme doit affronter sur lui et en lui-même, et le maître d'Alexandrie à propos de ce verset de Marc VII, 21-24 : "Car c'est de l'intérieur et du coeur des hommes que sortent les mauvaises raisons, les prostitutions, les vols, les meurtres... tous ces maux sortent de l'intérieur et profanent l'homme", Origène donc précise :
"Nous constatons que "les pensées qui procèdent de notre coeur" - le souvenir de nos actions, la réflexion sur les choses et leurs causes - tantôt procèdent de nous mêmes, tantôt sont mises en branle par les puissances adverses ; quelquefois aussi Dieu ou les saints anges nous les envoient." (52)
La grâce du Baptême - heureusement - ne suffit pas, et cela aussi à cause de la liberté laissée par Dieu en faveur de l'homme, ce qui est la preuve de Son Amour ; à retirer en l'homme les tentations : c'est l'avis de Saint Augustin, de Saint Grégoire de Naziance et bien entendu d'Origène, par exemple, le maître d'Alexandrie que dans le Christ, l'homme ne peut être victorieux dans son combat spirituel :
"A mon avis aucun homme n'est capable - fut-il saint - de se mesurer en même temps à tous ces adversaires. Si cela arrivait en quelque manière - mais c'est impossible - la nature humaine serait incapable de le supporter sans un bouleversement radical de son être... Par conséquent à mon avis, jamais peut-être un homme ne peut vaincre par lui-même la puissance adverse, à moins d'avoir recours au secours divin." (53)
Origène, le grand docteur de la Pensée chrétienne, une fois de plus a raison et cela est heureux. L'histoire et l'histoire de l'ascétique et de la mystique, montrent que toute victoire sur la nature ou sur la nature humaine a toujours entraîné une modification fondamentale du règne de la Nature dans lequel s'opérait cette transformation, ou de l'être victorieux.
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L'eschatalogie dans la métaphysique chrétienne possède trois tensions qui, loin de s'opposer, constituent les trois pôles de l'Apocatastase : la divino-humanité, la rédemption de Lucifer, la transfiguration du temps et c'est ensemble que ces pôles réalisent l'Apocatastase.
1 - La Transfiguration du Temps s'accomplit "car la figure du monde passe" (I Corinthiens VII, 31) et cette transition se réalise par Dieu en l'homme "en nous faisant connaître le mystère de sa volonté selon le souhait qu'il se proposait pour la gestion de la plénitude des temps : tout récapituler dans le Christ, ce qui est aux cieux et ce qui est sur la terre". (Ephésiens I, 9-11)
Le mystère de la volonté de Dieu, c'est bien entendu la récapitulation de toutes choses en Christ, ce qui est la Communion permise par la transformation spirituelle de toutes les créations de Dieu établies dans le Décret divin de la Création.
Il est un temps permis par Dieu durant lequel les démons peuvent demeurer dans le corps des hommes. Alors que Jésus voulait chasser des "esprits impurs" du corps d'un possédé, ils répondent : "Que nous veux-tu Fils de Dieu ? Est-ainsi que tu viens nous tourmenter avant le temps ?" (Matthieu VIII, 29) et Jésus chassa les démons dans un troupeau de porcs.
Ce provisoire connaîtra une fin comme le manifeste l'Apocalypse XII, 101 "Et j'ai entendu une grande voix dans le ciel, elle disait : "C'est maintenant le salut, la puissance et le règne de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car il a été jeté l'accusateur de vos frères qui les accusait jour et nuit devant notre Dieu".
Si l'accusateur est jeté, c'est parce que dans ce temps particulier qui introduit la Nouvelle Jérusalem, et l'Alliance définitive de Dieu avec les hommes, en une apocatastase qui n'aura pas de fin, le dit accusateur, dont la fonction était d'éprouver les hommes ; en vue de la manifestation dans l'épreuve de leur fidélité à Dieu, comme cela a été à l'occasion de Job par exemple ; n' a plus comme tel sa raison d'être !
2 - La divino-humanité pour l'heure, et jusqu'à la venue du Jugement dernier, est affaire personnelle ; et les Pères ont évoqué cet état comme individuel ; comme en témoigne par exemple Syméon le Nouveau Théologien :
"Celui qui s'est enrichi de la richesse céleste, je veux dire la présence et l'inhabitation de Celui qui a dit : "Moi et mon Père nous viendrons et nous ferons en lui notre demeure." Celui-là sait, de la connaissance de l'âme, la grandeur de la grâce qu'il a reçue ainsi que la grandeur et la beauté du trésor qu'il porte dans le château du coeur. Comme un ami conversant avec un ami, il se tient près de Dieu, tout confiant en présence de Celui qui habite dans le lumière inaccessible. Heureux qui croit à cela ! Trois fois heureux celui qui s'efforce par la pratique et les saints combats d'acquérir la connaissance de ce que nous avons dit ; c'est un ange, pour ne pas dire plus, celui qui, par le contemplation et le connaissance est parvenu à la hauteur de cet état : il est près de Dieu, comme Fils de Dieu." (54)
Un exemple moderne de cette Lumière inaccessible habitant un homme, faisant en Lui sa demeure, peut être manifesté chez Saint Séraphim de Sarov dont l'état glorieux est manifesté à Motovilov lorsque le Staretz interrogeant son ami sur les raisons pour lesquelles il ne le regarde, ce dernier répond :
"Je ne peux pas, père, nous regarder. Des foudres jaillissent de vos yeux. Votre visage est devenu plus lumineux que le soleil. J'ai mal aux yeux...
"Le Père Séraphim dit :
" - N'ayez pas peur ami de Dieu. Vous êtes devenu aussi lumineux que moi. Vous aussi vous êtes à présent dans la plénitude du Saint Esprit, autrement vous n'auriez pu me voir...
"Après ces paroles, je levais les yeux sur son visage et une peur plus grande encore s'empara de moi. Imaginez-vous au milieu du soleil, dans l'éclat le plus fort de ses rayons de midi, le visage d'un homme qui vous parle." (55)
Origène, comme toujours a raison, à propos du bouleversement radical en l'être qui se produit, lors de la déification, et l'étude scientifique de cette transformation a été commencée par le Docteur Hubert Larcher en son ouvrage : Le Sang peut-il vaincre la
mort ? (56) lorsque cet éminent scientifique a étudié l'incorruptibilité du corps de certains saints qui ont donc connu une modification fondamentale de leur nature.
Quelles sont les conséquences spirituelles de cette régénération ? L'histoire de la déification ou transfiguration s'accomplit en deux temps.
- Avec l'Incarnation du Christ cette lumière manifestée est insupportable et terrifiante aux créatures, parce qu'extérieure, étrangère à la nature humaine :
"N'approche pas d'ici, enlève tes sandales de tes pieds car le lieu sur lequel tu te tiens debout est un sol de sainteté" (Exode III, 5) et Moïse ne s'approchant parce qu'étranger "se voila la face, car il craignait de regarder vers l'Elohim" (Exode III, 6) et la lumière divine est à l'extérieur de Moïse.
- Avec l'Incarnation, l'humanité du Christ a été déifiée par l'union hypostatique avec la nature divine. Si cette lumière était terrifiante pour les Hébreux, c'est parce qu'avant l'Incarnation, elle se trouvait extérieure, étrangère, à la nature humaine.
Pierre, Jacques et Jean ne sont pas aveuglés, parce qu'ils sont par leur foi, en communion avec le Christ comme Motovildov l'était avec Séraphim de Sarov.
Si Paul fut terrassé par la Lumière divine, c'est parce qu'il n'avait pas encore la Foi en Christ, et que le Christ ne "vivait pas encore en lui".
Ces déductions qui précèdent, que nous empruntons à Vladimir Lossky ont été pressenties et affirmées par Grégoire de Naziance, Cyrille d'Alexandrie, Maxime le Confesseur, André de Crète, Jean Damascène, Syméon le Nouveau Théologien. Il ajoute :
"Pour voir la Lumière divine avec les yeux corporels, comme les disciples l'ont vu sur le mont Thabor, il faut participer à cette lumière, être transformé par elle, dans une mesure plus ou moins grande." (57)
L'éminent théologien orthodoxe, Vladimir Lossky, précise encore :
"La lumière divine apparait ici-bas dans le monde, dans le temps. Elle se révèle dans l'histoire, mais elle n'est pas de ce monde ; elle est éternelle, elle signifie une sortie de l'existence historique : "Le mystère du huitième jour", mystère de la vraie connaissance, perfection de la gnose dont la plénitude ne peut être contenue par ce monde avant la fin. C'est le commencement de la parousie dans les âmes saintes, prémices de la manifestation finale, lorsque Dieu apparaîtra à tous dans sa lumière inaccessible." (58)
3 - La rédemption de Lucifer n'est pas un projet contraire à la métaphysique chrétienne. L'interrogation qui a hanté les Pères c'est le rapport entre un péché commis dans un temps très court et le bien fondé d'une justice punitive éternelle.
Le mal existe-t-il comme réalité s'opposant au bien, la métaphysique chrétienne peut-elle adhérer à ce manichéisme vertigineux qui peut l'entraîner vers la négation même de Dieu, à cet égard Grégoire de Nysse précise :
"Si leur intelligence avait regardé plus haut, si, dégageant leur esprit de toute disposition au plaisir, ils avaient considéré sans passion la nature de la réalité, ils n'auraient pas cru à l'existence du mal en dehors du vice. Tout ce mal se caractérise par la privation du bien, il n'a pas d'existence propre, on ne peut le considérer comme une réalité." (59)
Grégoire de Nysse ajoute à propos de Lucifer et du Christ :
"Le premier avait mis en oeuvre sa tromperie en vue de corrompre la nature, l'autre à la fois juste, bon et sage, pour sauver celui qui avait été corrompu, faisant ainsi du bien non seulement à la créature perdue mais encore à l'auteur de notre perte." (60)
Grégoire de Nysse partage avec Origène, la thèse de la conversion de "Satan", et le maître d'Alexandrie pose cette responsabilité au lecteur, car le salut de Lucifer dépend selon les Pères de la prière des hommes :
"Mais certains de ces ordres qui agissent sous la principauté du diable et obéissent à sa malice peuvent-ils un jour dans les siècles futurs se tourner vers la bonté, dans la mesure où ils ont en eux la faculté du libre arbitre, ou bien au contraire, la malice, permanente et invétérée, se transforme-t-elle par suite de l'accoutumance, en une sorte de nature ?" (61)
L'Eglise Gnostique Apostolique Primitive possède à deux reprises cette prière dite au cours de la Sainte Messe :
"Nous vous offrons Seigneur ces présents pour tous ceux qui, malgré leur connaissance de Votre Amour, chutèrent en voulant changer de sphère, que Votre grâce O Seigneur, éclaire en toute liberté ceux qui, ayant quitté l'harmonieuse Unité, reprendront la place qui était leur, dans le plan de Votre Création Originelle." (62)
Didyme l'Aveugle enseigne lui aussi cette purification lorsqu'à travers toute son oeuvre il précise que les méchants et les démons sont capables de s'améliorer, que les anges tombés tourneront leur regard vers leur séjour primitif et désireront voir Dieu. Ecoutons encore Grégoire de Nysse :
"De même lorsque ces moyens détournés et longs auront débarrassé la nature du mal qui s'y était mêlé et lié, quand seront rétablis dans leur condition primitive ceux qui maintenant sont plongés dans le vice, alors, à l'unisson s'élèvera de toute la création l'action de grâces et de ceux qui auront été châtiés au cours de cette purification et de ceux-là même qui n'auront pas eu besoin d'être purifiés. " (63)
Ainsi grâce aux châtiments purificateurs, ceux que l'Eglise latine, manichéenne considéra toujours comme des damnés, seront délivrés et chanteront avec les saints, l'hymne de reconnaissance à Dieu : "Il a délivré l'homme du vice et guérit l'auteur même du vice." (64)
Si Saint Jérôme adhère aux thèses d'Origène, il préférera les attaquer ultérieurement, et à partir de Saint Augustin, la théologie considérera que la rédemption des anges chutés est impossible. On comprend cette volte face de l'Eglise Latine lorsque l'on mesure ses prétentions humaines, comment pourrait-elle diriger un troupeau dans le temporel et le visible, si elle n'use point de l'arme de la peur, seule garante d'une autorité illusoire. Si le salut est universel, à quoi sert donc l'Eglise ? Précisément à coopérer à cette Apocastastase, mais Rome ne l'a jamais compris.
Le théologien ne peut ni admettre la tentative malhabile d'analyse de Saint Augustin, critiquant le salut universel selon Origène :
"Or bien différente est l'erreur de cette commisération humaine qui n'admet la souffrance temporaire des hommes condamnés au dernier jugement, que pour les réunir tous, après une délivrance plus ou moins tardive, dans une éternelle félicité. Que si cette opinion est bonne et vraie en tant que miséricordieuse, ne sera-t-elle pas d'autant meilleure et plus vraie qu'elle sera plus miséricordieuse ?
Que cette source de compatissance ne refuse donc pas de s'étendre et de s'épancher jusque sur les anges réprouvés, quels que soient d'ailleurs le nombre et le durée des siècles destinés à leur épreuve. Elle se répand sur toute la nature humaine et, quand elle arrive à la nature angélique, soudain elle se tarit ! Cette pitié n'ose poursuivre, ni atteindre jusqu'à l'affranchissement du démon. Cependant si quelqu'un va jusque là, il l'emporte en compassion sur les autres, mais il est convaincu d'erreur, et d'erreur d'autant plus maligne, d'autant plus contraire à la rectitude de la parole de Dieu, qu'il se fait lui-même l'illusion d'une clémence plus généreuse." (65)
Augustin et l'Eglise Latine à partir de lui, croient pouvoir juger des limites de l'Amour de Dieu, de cet Amour; total, infini, et cette prétention a des conséquences tragiques : elle amoindrit la Nature même de Dieu qui est l'Amour, en réduisant Sa Puissance de ce fait "l'analyse" débouche vers une contestation de la Divinité puisque Dieu n'est pas totalement miséricordieux ! Cela n'est pas sérieux, sinon infâme !
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Dans le cadre de cette étude, ont été dégagé Satan, Lucifer, le Prince de ce monde, les démons, comme des "structures" distinctes.
Ha Satan n'est pas une personne c'est un état d'obstacle que Dieu se fait à lui-même pour éprouver l'homme de telle sorte que sa créature, victorieuse des angoisses et de la tentation reçoive la récompense de l'Alliance ; l'épreuve est purificatrice et cela a été examiné. Satan n'est ni une créature, ni un ange, ni un homme ; c'est une énergie, une tension, une résistance ; et si au Paradis dans le Livre de Job, il se promène librement, pourquoi ne se promènera-t-il pas dans un appel à une autre fonction ou état, dans la Nouvelle Jérusalem ?
Si avec la chute, Lucifer connaît la corporisation en Prince de ce monde, avec la purification qui débouche sur la Nouvelle Jérusalem, cette corporisation sera détruite pour ne plus laisser place qu'à Lucifer :
D'une part :
"Le diable qui les égarait a été jeté dans l'étang de feu et de souffre où sont la bête et le faux prophète" (Apocalypse XX, 10)
Cela se déroulera comme le rapporte Jean XII, 31
"C'est maintenant le jugement de ce monde. Maintenant le chef de ce monde va être jeté dehors."
Le Prince de ce monde est détruit puisque le monde s'en est allé. Le prince angélique du Prince de ce monde que devient-il ? La question vaut pour les démons :
D'autre part :
"Ainsi tenons-nous plus fermement la parole prophétique à laquelle vous faîtes bien de prendre garde comme à une lampe qui brille dans un lieu misérable jusqu'à ce que transparaisse le jour et que se lève dans vos coeurs Lucifer." (II Pierre I, 19)
Or, si Lucifer se lève en coeurs, c'est d'une part parce que nous aurons purifié le démon qui est au dedans de nous et qui appartient aux légions de Lucifer ; mais d'autre part comme le rappelle Luc XVII, 21 : "Le règne de Dieu est au dedans de nous."
Lucifer et ses légions, placés en nos coeurs, déifiés, connaîtront cette transfiguration puisque le Règne de Dieu est au-dedans de nous !
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La responsabilité de l'homme a été considérable dans la chute de la nature, elle l'est aussi pour la rédemption de Lucifer et de ses légions qui dans la purification se seront dépouillés dans le feu des habits du Prince de ce monde, ou de ce qui avait été un temps le Prince de ce monde et sa cour.
Peut-on admettre qu'un seul élément de la Création ne soit pas sauvé ? Saint Augustin aurait-il oublié la parabole de la brebis perdue ?
Le R.P. Alexandre Turincev rapporte cette anecdote :
"Un saint moine du Mont Athos, un staretz qui fut presque notre contemporain, écrit ce qui suit, en s'adressant à chaque chrétien : "Quand le Seigneur t'auras sauvé avec toute la multitude de tes frères, et quand il ne resterait qu'un seul des ennemis du Christ et de l'Eglise dans les ténèbres extérieures, ne te mettras-tu pas avec tous les autres à implorer le Seigneur afin que soit sauvé cet unique frère non repenti ? Si tu ne le supplies pas jour et nuit, alors ton coeur est de fer, - mais on n'a pas besoin de fer au paradis." (66)
Oui, il convient de demander et Saint Isaac le Syrien, d'affirmer en faveur de l'homme de désir :
"Il lui fut encore demandé une autre fois : qu'est-ce que le repentir ? Il dit : c'est un coeur brisé et humilié, c'est la double mort volontaire à toute chose. Et qu'est-ce qu'un coeur compatissant ? Il dit : c'est un coeur qui brûle pour toute la création, pour les hommes, pour les oiseaux, pour les bêtes, pour les démons, pour toute créature. Si forte et si violente est sa compassion et si grande est sa constance, que son coeur se serre et qu'il ne peut supporter d'entendre ou de voir le moindre mal ou la moindre tristesse au sein de la Création. C'est pourquoi il prie en larmes à toute heure pour les animaux sans raison, pour les ennemis de la Vérité et tous ceux qui lui nuisent, afin qu'ils soient gardés et qu'ils soient pardonnés." (67)
L'Eglise Latine a beaucoup à recevoir de l'Orient Chrétien. A l'égard du salut de Lucifer et de ses légions, il me plaira de répondre à Saint Augustin par la voie d'un très grand Maître de la pensée chrétienne, Joséphin Péladan qui déclarait à l'égard des démons :
"Il serait temps non pas de les prier, la droite de Dieu les a marqués, mais de prier pour eux ; la droite de Dieu ne s'étend jamais, pour barrer la charité." (68)
Jean-Pierre Bonnerot
NOTES
(1) René Nelli : Le Phénomène Cathare, Toulouse, Privat Ed, 1978 page 19.
(2) Thomas d'Aquin : Somme Théologique - Des Anges, question 63, Article 7. Première traduction intégrale française par l'abbé Drioux. Paris, Librairie Eugène Belin Ed, 1851, tome 1 page 548.
(3) Le Livre d'Henoch. 1ère Partie chapitre 6. Traduction sur le texte Ethiopien par François Martin. Milan, Arché Nlle Edition, 1975 pages 10 et 11.
(4) On ne saurait en effet prendre en compte ce texte de Genèse VI, 1-3 :
"Quand les hommes commencèrent à se multiplier à la surface du sol et que des filles leur naquirent, que les fils d'Elohim s'aperçurent que les filles des hommes étaient belles, ils prirent donc pour eux des femmes parmi toutes celles qu'ils avaient vues."
En effet, le nom d'Elohim est le nom de Dieu pour tout le début de la Genèse, car le nom de Iahvé ou Dieu National, n'apparaîtra qu'à partir de Genèse XI, 4 et ss. Les fils d'Elohim sont les fils de Dieu et non les anges.
(5) Irénée de Lyon : Démonstration de la prédication apostolique, paragraphe 61. Nouvelle traduction de l'arménien par L.M. Froidevaux. Paris Cerf Ed, 1971, Collection Sources Chrétiennes n° 62, pages 55 et 56.
(6) Origène : Traité des Principes - Peri Archon. I, 5, 5. Traduction de la version latine de Rufin par M. Harl, G. Dorival, A. Le Boulluec. Paris, Etudes Augustiniennes Ed, 1976 page 65.
(7) Ambroise : Exposé sur le Psaume 118. Sermon 7, paragraphe 8 traduction par Denys Gorce. Namur, Editions du Soleil Levant, 1963 page 79.
(8) Augustin : La Cité de Dieu. Livre XII chapitre 6. Traduction nouvelle par L. Moreau. Paris, Librairie Charpentier Ed, 1843, tome 2 page 42.
(9) Denys l'Aéropagite : Des Noms divins. Chapitre IV, paragraphe 23 - in : Oeuvres. Traduction du grec par Mgr Darboy. Paris, A. Tralin Ed, 1932 page 212.
(10) Thomas d'Aquin : op. cité. question 63, Article 4, Conclusion, page 543.
(11) Ibid : question 63, Article 3, Conclusion, page 541.
(12) Nous renvoyons le lecteur intéressé à notre introduction à la réédition que nous avons offerte de P.F.G. Lacuria : Les Harmonies de l'Etre exprimées par les nombres. Confer 2e Partie de l'introduction : Connaissance et Inconnaissance de Dieu chez Lacuria. Rennes, Editions Awac Bretagne, 1978 pages 23 à 42.
(13) Origène : op cité, III, 6, 1 - pages 203 et 204.
(14) Anselme : Du Libre Arbitre chapitre 2, in Oeuvres Philosophes. Traduction par Pierre Rousseau. Paris Aubier Ed, 1947, pages 268 et 269.
(15) Bonaventure : Breviloquium. Partie 3, La Corruption du Péché. Chapitre 2. Traduction du latin par Quaracchi. Paris, Editions Franciscaines, 1967 tome 3 (en fait tome 4), page 59.
(16) Léon Askenazi : l'Ange dans la tradition kabbalistique juive in : Alliance Mondiale des Religions, Colloque des 13 et 14 janvier 1968 : Anges, démons et êtres intermédiaires. Paris Editions Labergerie, 1969, pages 205, 219 et particulièrement page 218.
(17) Joséphin Peladan : Comment on devient Artiste. Paris, Chamuel Ed, 1894, page 42.
(18) Léon Askenazi : op cité pages 218 et 219.
(19) Joséphin Péladan : La Terre du Christ. Paris, Ernest Flammarion Ed, sd, (1901), pages 283, 284, 287 et 288. Extraits.
(20) Origène : op cité, I, 6, 4, page 70.
(21) Ibid, IV, 4, 8, page 247.
(22) Cyrille de Jérusalem : Catéchèses baptismales et mystagogiques, XIX paragraphe 15, traduction de M. le Chanoine J. Bouvet, Namur, Editions du Soleil Levant, 1962, page 372.
(23) Basile de Césarée : Sur le Saint Esprit, XVI, paragraphe 38, traduction du Père Benoît Pruche, Paris, Cerf Ed, 1968, Collection Sources Chrétiennes n° 17 bis, page 381.
(24) Fabre d'Olivet : Théodoxie Universelle. Facsimilé du Manuscrit, commencé le 1er Février 1823. (2e Partie Cosmogonie - Examens) folio 8 ; Paris, Dorbon Aîné, sd, page 21.
(25) Ibid : 2e Partie : Cosmogonie - Examens, folio 6, page 19.
(26) Fabre d'Olivet : La Langue Hébraïque Restituée. Paris, J.M. Eberhart Imprimeur, 1815-1816. Nouvelle Ed. anastatique, Paris, Editions de la Tête de Feuille, Collection Delphica.
1°/ Première Partie : Racines Hébraïques page 22 : B.R.
2°/ Ibid page 63 : I.T.H.
1. B.R. : c'est le rayon du cercle duquel naît la circonférence, dont il est la mesure. C'est en style figuré : une création potentielle ; c'est à dire un fruit quelconque dont le germe contient en puissance l'être même qui l'a porté : c'est au sens propre un fils.
2. I.T.H. : Racine inusitée en Hébreu, mais qui dans le chaldaïque, dans le syriague, dans le samaritain exprime toujours l'essence et la nature objective des choses. Donc, Berith : Création potentielle qui est amenée à se réaliser objectivement, c'est ce que l'on peut déduire des racines du mot.
(27) Fabre d'Olivet : Théodoxie universelle, op cité, 2e Partie : Cosmogonie. Examens, folio 7 page 20.
(28) Joséphin Péladan : Les XI chapitres mystérieux du Sepher Bereschit. Bruges, Davely Frères Ed. et Bailly distributeur à Paris, sd, 1894, page 5 et Nouvelle édition par nos soins in : J.Péladan : Oeuvres choisies. Paris, les Formes du Secret Ed, 1979, page 262.
(29) Emanule Levyne : Lettre d'un Kabbaliste à un Rabbin. Loi et Création, Paris, Tsedek Ed, 1978, pages 18 et 19.
(30) La Cabbale, Pages classées du Zohar, Traduction de jean de Pauly. (extraits). Paris, Editions du Chant Nouveau, 1946, pages 75 et 76.
(31) Joséphin Péladan : Comment on devient Artiste. op cité, page 43.
(32) Joséphin Péladan : Un coeur en peine. Paris Dentv Ed, 1890, page 303 à 305 (extraits). Nouvelle édition avec introduction par nos soins, Genève, Slatkine Ed, 1979
(33) Alfred Haehl : Vie et Paroles du Maître Philippe. Lyon, Paul Derain Ed, 1959 page 105.
(34) Jean Meyendorff : Initiation à la théologie Byzantine. Paris, Editions du Cerf, 1975, page 181.
(35) Nicolas Cabasilias : La Vie en Jésus + Christ. Traduction de S. Broussaleux, chevetogne Ed, 1960, page 27.
(36) Ibid, pages 28 et 29.
(37) Irénée de Lyon : Contre les Hérésies. I, XXXVIII, 3. Textes choisis et traduits par Albert Garreau, Namur, Editions du Soleil Levant, 1963, page 143.
(38) Maxime le Confesseur : Questions à Thalassios (P.G. 90 : 405-409, Q. 42) in Le Mystère du Salut. Textes traduits par Astérios Argyriou, Namur, Editions du Soleil Levant, 1965, page 92.
(39) Rituel de l'Eglise Orthodoxe : Grande Bénédiction des Eaux à la Théophanie. Euchologe. Textes réunis et traduits par l'Archimandrite Alexandre Nelidov, et Antoine Nivière. Perpignan. Monastère Orthodoxe Français de la Dalmerie Ed, 1979, page 138 (extraits).
(40) Euchologe de Sérapion : Consécration des eaux. in Prières des premiers chrétiens. Textes choisis et traduits par A.G. Hamman. Paris. Librairie Arthème Fayard Ed, 1959, page 193 (extraits).
(41) Hippolyte de Rome : La Tradition apostolique. Traduction de Bernard Botte, Paris, Editions du Cerf, Collection Sources Chrétiennes n° 11 bis, 1968, page 55.
(42) Hilaire de Poitiers : La Trinité. Livre XII, paragraphe 53. Traduction de Mgr Albertus Martin. Paris, Desclée de Brouwer Ed, 1981, tome 3 pages 150 et 151 (extraits).
(43) Prières des premiers chrétiens : Constitutions Apostoliques, op cité, pages 115 à 118.
(44) Synésius de Cyrène : Hymne au Christ in Prières des Premiers Chrétiens, op cité, page 138 (extraits).
(45) Origène : De la Prière. (Partie 3 : Explication du Notre Père, paragraphe 26). Traduction de A.G. Hamman. Paris, Desclée de Brouwer Ed, 1977, pages 85 et 86.
(46) Nicolas Cabasilias : La Vie en Jésus + Christ. op cité, page 46.
(47) Ibid, page 50.
(48) Rituel de l'Eglise Orthodoxe : Initiation Chrétienne. Euchologe, op cité, page 12.
(49) Hippolyte de Rome : La Tradition Apostolique. op cité, paragraphe 21, page 83.
(50) Cyrille de Jérusalem : Catéchèses baptismales et mystagogiques, op cité, XX, paragraphe 2, pages 161 et 162.
(51) Augustin : La Cité de Dieu. Livre XXI, ch. 14, op cité, tome 2 page 465.
(52) Origène : Traité des Principes. Peri Archon. III, 2, 4. op cité, page 180.
(53) Ibid : III, 2, 5. pages 182 et 183.
(54) Syméon le Nouveau Théologien : Chapitres Théologales, gnostiques et pratiques. Centurie II, ch 9 et 10. Traduction de J. Darrouzes, Paris Editions du Cerf, Collection Sources Chrétiennes n° 51, 1968, pages 73 et 74.
(55) Entretien avec Motovilov. Traduction de I. Gorainoff, in : Irina Gorainoff: Séraphim de Sarov. Abbaye de Bellefontaine Ed, Collection spiritualité orientale n°11, 1976, pages 208 et 209 (extraits).
(56) Hubert Larcher : Le Sang peut-il vaincre la mort. Paris, Gallimard Ed, 1957.
(57) Vladimir Lossky : Théologie mystique de l'Eglise d'Orient. Paris, Aubier Ed, 1960, page 222.
(58) Ibid, page 231.
(59) Grégoire de Nysse : Catéchèse de la Foi. Paragraphe 7. Traduction d'Anette Maignan, Paris, Desclée de Brouwer Ed, 1978, page 40.
(60) Ibid, paragraphe 26, page 72.
(61) Origène : Traité des Principes. Peri Archon. I, 6, 3. op cité, page 69.
(62) Tau Irénée II : Sainte et divine liturgie. Je remercie l'E.G.A.P.. d'avoir bien voulu me communiquer la liturgie de sa messe.
(63) Grégoire de Nysse : Catéchèse de la Foi. Paragraphe 26, op cité, page 73.
(64) Ibid, paragraphe 26. Pages 73 et 74.
(65) Augustin : La Cité de Dieu. Livre XXI, chapitre 17, op cité, tome 2, page 468.
(66) R.P Alexandre Turincev : L'Eschatologie orthodoxe. in Contacts. Revue Française de l'Orthodoxie. N° 54, 2e trimestre 1966, page 103.
(67) Isaac le Syrien : Oeuvres Spirituelles. 81e discours. Traduction de Jacques Touraille, Paris, Desclée de Brouwer Ed, 1981, page 395.
(68) Joséphin Péladan : Istar. Paris, Edinger Ed, 1888, page 36. Nouvelle Ed : Genève, Slatkine Ed,
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