L’ANNONCIATION, LA NATIVITÉ ET PÂQUES
COMME IMAGE DE LA RÉSURRECTION AU TROISIÈME JOUR, *
EN RELATION AVEC LA FORMULE DU NICÉE DÉTERMINANT LA
DATE DE PÂQUES
En 1991, de même qu’en 1980, la date de la fête de
l’Annonciation a coïncidé avec les festivités pascales (en 1980 le lundi de
Pâques et en 1991 – le jour de Pâques). À l’église de l’Institut de
Théologie qui est celle de la paroisse Saint Serge, la célébration a été
avancée, en 1980 de 13 jours et en 1991 au samedi de la cinquième semaine du
Carême, jour de l’office de l’Acathiste de la Mère de Dieu. En 1980 est paru
dans Les Nouvelles de Saint Serge (N° 6) un article expliquant la raison du
déplacement de cette fête d’un point de vue technico-calendaire.
Dans ce numéro, le même auteur donne des explications
sur ce déplacement d’un point de vue théologique et liturgique.
Le thème de cet exposé englobe trois aspects différents, qui
à première vue ont peu de choses en commun : d’une part, des événements de
la vie terrestre du Christ liés à l’Incarnation (l’Annonciation, la Nativité et
la Résurrection) ; d’autre part le triduum pascal en tant que délai
séparant l’instant de la mort du Christ, de Sa Résurrection ; enfin, la
formule de Nicée qui détermine la date de Pâques dans l’année liturgique. Notre
but est de montrer qu’en fait, ces trois aspects différents expriment une seule
et même vérité, à savoir la réalisation de l’économie divine par l’action
conjointe de la Sainte Trinité.
Avant d’aborder le thème proprement dit, il est
indispensable d’attirer l’attention sur le fait suivant : dans les
questions théologico-liturgiques de tout ordre où figure la notion de temps, il
convient de garder à l’esprit que l’Église en tant qu’organisme à la fois divin
et humain vit dans deux aspects du temps, dont l’un est humain et représente le
temps pour ainsi dire « temporel », issu de la chute et donc s’achevant
par la mort, et l’autre est divinement éternel et pourrait, par contraste avec
le précédent, être qualifié d’éternellement présent. C’est bien en ce sens qu’il
convient de comprendre les paroles du Christ dans l’évangile de saint Jean, par
lesquelles le Christ confronte le temps divin, éternellement présent, avec le
futur ou le passé humains : « Quand vous aurez dressé en haut le Fils
de l’homme, alors vous comprendrez que Je suis » (Jn 8, 28) ; ou
bien « En vérité, en vérité Je vous le dis : avant qu’Abraham fût, Je
suis » (Jn 8, 58). II s’agit là de la formule vétérotestamentaire
même qui fut employée par Dieu, s’adressant à Moïse sur le Sinaï (Ex. 3, 14).
Ce n’est qu’en comprenant ainsi le temps divin comme éternellement présent, que
l’on peut saisir l’affirmation constante des textes liturgiques selon laquelle
le Christ, dans Son Incarnation, est demeuré inchangé. De même que les deux
natures en Christ, la divine et l’humaine, demeurent selon l’expression
dogmatique de Chalcédoine, sans division, sans confusion, sans séparation et
sans changement, ainsi et de façon similaire conviendrait-il de percevoir
également la nature du temps dans lequel se déroulent tous les événements liés
à la Rédemption. Ces événements, tout en se développant dans le cadre du temps
humain, ne sont nullement limités à celui-ci mais, au contraire, le
transfigurent en quelque sorte.
C’est seulement en comprenant de la sorte les relations
entre temps humain et temps divin, que nous pouvons affirmer notre
participation réelle à la vie de l’Église, à ses sacrements, par l’intermédiaire
de quoi l’Église nous introduit dans le temps divin de l’éternel présent.
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* La notion « au troisième
jour » doit être comprise non pas au sens quantitatif (laps de temps), mais
qualitatif (en grec et en slavon il s’agit d’un adjectif qualitatif : triêmeron.
tridnevnoie) qui correspond à la notion de Triduum.
Ayant fêté en 1988 le millénaire du baptême de la Russie,
nous n’allons tout de même pas préparer la célébration, dans un proche avenir, du
deux millième anniversaire de la Résurrection du Christ. Une telle célébration
est impensable dans la mesure même où pour nous, chrétiens orthodoxes, le sens
de cet événement ne se dévoile que dans le temps divin, éternellement présent.
Chaque année à Pâques, comme chaque semaine le dimanche, comme
également chaque jour à la Divine Liturgie, nous participons dans le temps présent
divin à l’événement non répétable de la Rédemption, réalisée une fois pour
toutes. Sous ce rapport, le Samedi-Saint conjointement avec le jour de Pâques
inclut, liturgiquement parlant, l’année ecclésiale tout entière en tant qu’expression
de l’économie divine. En témoigne un stichère du Samedi-Saint chanté à Matines
avant la grande doxologie (apparition de la lumière), ainsi qu’aux Vêpres avant
le dogmatikon de ton l, qui inaugure le cycle de la semaine de Pâques lumineuse :
« Le grand Moïse prophétisa mystérieusement ce jour en disant : Dieu
bénit le septième jour, car c’est ici le sabbat béni. C’est ici le jour de
repos. En lui le Fils de Dieu s’est reposé de toutes œuvres. Il a tout accompli
par la mort. Il a célébré le sabbat dans Sa chair. Et revenant à ce qu’Il était,
par la Résurrection, Il nous a donné la vie éternelle, en Sa bonté et son amour
de l’homme ». Il n’est pas fortuit qu’à ce même office de Vêpres et comme
tenant lieu de prokimenon, soit lue une parémie ou leçon vétéro-testamentaire
(la première des quinze) qui est le début de la Genèse et qui nous dévoile l’image
du Jour « Un » (et non : premier), comme le rend correctement la
traduction slavonne faite d’après le texte grec des Septante (hê hêméra mia). Les
saints Pères, et notamment saint Basile le Grand, voient en ce Jour Un l’image
de la vie éternelle ; conséquemment, ce n’est pas le premier jour d’une
succession, mais c’est le jour qui contient tous les autres en soi.
Représentons cela graphiquement, de manière
conventionnelle :
Fig. 1.
Attendu qu'il s'avère quasiment impossible pour un non informaticien de placer les figures dans le texte ou après ce dernier, je renvoie le lecteur qui serait sur Facebook à ma page, à moins qu'il ne préfère se rendre sur le site du groupe théologique de Yahoo le texte avec les images sont à rechercher dans le dossier Liturgie.
En liaison avec ce qui a été dit concernant le
Samedi-Saint et le jour de Pâques, la relation entre ces deux jours peut être
comparée avec la représentation du Jour « Un » ; le Samedi-Saint
y occupe le domaine de la nuit, laquelle est détruite par la force du Seigneur
descendu aux enfers et ressuscité. En résultat, le Jour « Un »
acquiert les traits du Huitième jour, en accord avec les paroles de l’Apocalypse :
« De nuit, il n’y en aura plus... car le Seigneur répandra sur eux sa
lumière, et ils régneront pour les siècles des siècles » (Ap 22, 5).
Fig. 2.
Observons que dans le récit de la création du monde que
fait la Genèse, la nuit n’est mentionnée que deux fois : la première en
relation avec le « jour Un ». « Et Dieu appela la lumière Jour
et les ténèbres Nuit. Il y eut un soir et il y eut un matin, jour « Un ». (Gn
1, 5) ; et la seconde fois en relation avec le quatrième jour, « Dieu
fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour dominer le jour, le
petit luminaire pour dominer la nuit, et les étoiles. Dieu les mit dans le
firmament des cieux pour éclairer la terre, pour régner sur le jour et la nuit,
pour séparer la lumière et les ténèbres. Et Dieu vit que c’était bon. Il y eut un
soir et il y eut un matin. Quatrième jour. » (Gn 1, 16-19).
Observons que dans la semaine, le quatrième jour
correspond au mercredi ; il va de soi que jour « Un » correspond
au dimanche, de même que le huitième jour.
Si l’on comprend l’économie divine comme une conquête
progressive, par la lumière, du domaine des ténèbres, alors l’événement du
quatrième jour est intermédiaire entre le Jour « Un » et le Huitième :
Jour « Un » Quatrième jour (mercredi) Huitième Jour
Fig. 3
Voyons maintenant la formule de Nicée qui détermine la
date de Pâques. Comme on le sait, cette formule comporte trois éléments : (1)
l’équinoxe de printemps ; (2) la pleine lune suivante et (3) le premier
jour dominical qui suit cette pleine lune. Actuellement, la plupart considèrent
cette formule comme une règle astronomique conventionnelle, établie dans les
premiers siècles du christianisme en corrélation avec la coutume établissant la
Pâque juive. On pense même qu’il est admissible de simplifier cette formule, par
suite des inconvénients (du point de vue des conditions de vie présentes) qu’offre
la grande mobilité de la date de Pâques (sur une plage de cinq semaines). Un
tel point de vue témoigne d’une méconnaissance des raisons réelles et du sens
de ce décret du 1er concile œcuménique tenu en 325.
En fait, cette formule est une icône cosmique de l’économie
divine. Il est aisé de s’en convaincre à la lecture d’un document du IVe
siècle, l’homélie anatolienne sur la date de Pâques en 387. L’auteur y
donne une explication détaillée de la formule de Nicée, en indiquant l’existence
d’un lien étroit entre la « semaine » de la création du monde et la « semaine »
du sacrifice rédempteur du Christ.
La création du premier homme, Adam, a été suivie de sa
chute et conséquemment, de l’avilissement de la création tout entière. Le
Christ, nouvel Adam, rachète le péché du premier homme et restaure une nouvelle
création. Dans ce contexte théologique, les phénomènes cosmiques (équinoxe de
printemps et pleine lune qui le suit) sont des indices naturels qui
correspondent au temps originel dans lequel Dieu créa le monde. « L’icône
cosmique » de l’économie divine devient ici icône du temps originel de la
création.
Le moment de l’équinoxe de printemps est l’image du
premier jour de la création ; il s’agit, selon l’expression employée par
le texte slavon, du « jour Un », lorsque Dieu manifesta au monde la
lumière et sépara les domaines de la lumière et des ténèbres, leur donnant
respectivement les noms de jour et de nuit. Rappelons que, dans la perspective
du cycle hebdomadaire, ce jour correspond au dimanche. La pleine lune
qui survient ensuite constitue l’image du quatrième jour de la création, lorsque
Dieu, se servant des luminaires célestes eux aussi créés, répartit la lumière
(manifestée le premier jour) sur la terre entière. Les ténèbres sont
progressivement repoussées. Le rôle de la Lune consiste en ce que, par elle, la
lumière pénètre dans le domaine des ténèbres, en tant qu’annonciatrice de la
victoire finale (c’est le mercredi).
Le sixième jour de la création, qui correspond au
vendredi, Dieu crée le premier homme, Adam, qui s’éloigna de Dieu ; c’est
pourquoi le nouvel Adam, le Christ, rachète le péché [-début page
16 -] d’Adam
sur la Croix le jour correspondant – le Vendredi-Saint –, et le septième
jour – Samedi-Saint –, reposant charnellement dans le tombeau, Il anéantit
le royaume des ténèbres ; et le jour suivant, premier jour de la semaine, qui
correspond dans cette optique au jour « Un », celui où Dieu créa la
lumière, le Christ ressuscité manifeste au monde la lumière sans déclin de Sa
Résurrection.
La leçon évangélique de la liturgie de Pâques relate ce
mystère : « Au commencement était le Verbe... et le Verbe était Dieu.
Tout fut par lui... En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes. Et
la lumière luit dans les ténèbres ; et les ténèbres ne l’ont pas comprise »
(Jn 1, 1-5).
De ce qui a été dit ci-dessus à propos de la formule de
Nicée, l’on peut conclure que ses trois éléments coïncident exactement avec le
diagramme qui a été proposé, des trois jours exprimant la victoire progressive
de la lumière sur les ténèbres :
Équinoxe (Jour Un) Pleine
Lune Mercredi (4ème jour) Dimanche
(8ème jour)
Fig. 4.
Considérons maintenant le lien entre l’Annonciation, la
Nativité et Pâques, d’une part, et d’autre part, les trois termes de la formule
de Nicée.
La résurrection du Christ – le jour de Pâques – constitue
le troisième terme de la formule de Nicée, et nous n’aurons donc à établir de
lien qu’entre les deux premières fêtes et les premiers termes de cette formule.
Commençons par la Nativité, car historiquement cette fête
a commencé à être célébrée avant l’Annonciation. Comme on le sait, initialement,
Noël et le Baptême du Christ étaient célébrés conjointement le 6 janvier, en
tant que fête de l’Épiphanie. Au début du IVe siècle, la célébration
de l’événement de la nativité du Christ s’est séparée du baptême et a commencé
à se fêter le 25 décembre, jour du solstice d’hiver et moment de l’année où, dans
l’hémisphère boréal (celui où s’est déroulée l’histoire sainte), la nuit, ayant
atteint son amplitude maximale, commence à décroître tandis que le jour
commence à croître. Pour cette même raison, c’était la fête païenne du
dieu-soleil. L’Église chrétienne a pour ainsi dire approfondi le sens de cette
fête, comme on le voit dans le chant du tropaire festif : « Ta
naissance... a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance. En
elle, les serviteurs des astres... apprennent à t’adorer, Toi Soleil de Justice...
». Dans le peuple, on appelle Noël les Pâques d’hiver. On pourrait également
qualifier cet événement de fête nocturne, car il comporte de très nombreux
éléments liés à sa nature nocturne.
Durant la période du solstice d’hiver, les nuits sont les
plus longues de l’année (au delà du cercle polaire, c’est la nuit polaire). Sur
le plan du récit évangélique, la manifestation de l’étoile de Bethléem témoigne
de la présence de la nuit, de même que l’apparition des anges aux pasteurs dans
l’évangile de saint Luc se déroule de nuit (Lc 2, 8). Sur le plan
liturgique, le chant du tropaire et du kontakion de la fête après le congé de
la Liturgie de saint Basile le Grand (le 24 XII), au moment de l’apparition de
la première étoile, va dans le même sens.
Nous n’allons pas nous arrêter sur toutes les
particularités liturgiques témoignant de ce que la fête de la Nativité est
comprise par l’Église orthodoxe comme le « petit luminaire » placé
dans le « domaine de la nuit » pour répandre sa lumière à l’image du
quatrième jour de la création. Limitons-nous à indiquer un détail. Le dimanche
suivant Noël, à matines, avant la grande doxologie (liée à l’apparition de la
lumière), là où le Samedi-Saint est chanté le stichère « Le grand Moïse
prophétisa mystérieusement ce jour... » (cf. plus haut), on chante : « Sang
et feu et colonnes de fumée, énigmes sur la terre dans la vision de Joël :
sang pour l’incarnation, feu pour la divinité, colonnes de fumée pour l’Esprit Saint
venu sur la Vierge et qui a empli de son parfum le monde. Grand est le mystère
de Ton Incarnation, Seigneur, gloire à Toi ! »
Ce stichère est un commentaire de la vision du prophète
Joël (Jl 2, 30-31). L’Église, notamment, voit dans la lune ensanglantée l’image
de l’Incarnation. L’enfant divin, né et venu au monde pour recevoir la mort sur
la croix, est comparé à la lune ensanglantée : l’image de l’Incarnation
est reliée à celle de la mort. Attirons l’attention sur le stichère dominical
de ton 5 à laudes, qui déclare directement ceci : « Tu es passé à
travers le tombeau comme Tu es né de la Mère de Dieu... ». La Nativité est ici
assimilée à la mort et à la Résurrection. Dans la mesure où l’Église voit cette
image dans le rôle joué par la lune dans la vision du prophète Joël, sur le
plan de l’hebdomade de la création, cela correspond au quatrième jour
(mercredi), celui où le Créateur a confié à la Lune le domaine de la nuit afin
de l’éclairer : « Et la lumière luit dans les ténèbres ; et les
ténèbres ne l’ont pas comprise. » (Jn 1, 5), lit-on chez les orthodoxes à
la liturgie de Pâques, et à la messe de Noël chez les catholiques.
Dans la partie consacrée aux éphémérides du « Psautier
commenté », il est noté à la date du 25 décembre que le Christ est né un
mercredi. Cette précision n’est certes pas d’ordre calendaire ni historique
(voir plus loin) ; selon toute vraisemblance, ce qui est envisagé ici est
une communauté de nature entre cet événement et le quatrième jour de la
création.
Dans un livre consacré à l’étude des célébrations
liturgiques occidentales, l’auteur anglais A. King indique qu’au VIe siècle,
pour des raisons qu’il ne comprend pas, on estimait que le Christ était né un
mercredi, et qu’au témoignage de saint Grégoire de Tours (+ 594), sainte
Radegonde, en relation avec cette croyance, avait pour habitude de commencer
les affaires importantes un mercredi ; elle-même est morte un mercredi, le
13 août 587.
En ce qui concerne le mercredi dans le cadre hebdomadaire,
on sait que le mercredi comme le vendredi sont des jours de jeûne qui ont des
thèmes communs, à savoir la Croix et la Mère de Dieu. Pour ce qui est du
vendredi, son premier thème, la Croix, est lié au fait que le Christ est mort
en croix un vendredi. En ce qui concerne le mercredi, on estime couramment que
le lien entre la Croix et ce jour est dû au fait que c’est le jour de la
trahison de Judas. Cette explication n’est pas pleinement convaincante, car
pourquoi alors ne pas consacrer également à la Croix le jeudi, jour de la
Sainte Cène ? C’est bien ce jour-là que le Christ, anticipant Sa mort sur
la croix, offre aux disciples Son Corps et Son Sang. Dans l’Octoèque, le
prokimenon et le verset de communion de la Divine Liturgie du vendredi sont sur
le thème de la Croix, alors que le mercredi, prokimenon et verset de communion
sont dédiés à la Mère de Dieu ; en outre, l’annexe de Saint
énumérant les épîtres et les leçons évangéliques à lire durant la semaine
indique pour le mercredi épître et évangile relatifs à la Mère de Dieu, et
pour le vendredi, comme il se doit, des lectures consacrées à la Croix.
En conclusion, rappelons le stichère du ton 5 à laudes, déjà
cité : « Tu es passé à travers le tombeau comme Tu es né de la Mère
de Dieu... » ; conséquemment, le vendredi porte l’empreinte de la Croix, en
tant que jour de la mort en croix du Christ, alors que le mercredi porte l’empreinte
de la naissance virginale du Christ, qui dévoile l’image du tombeau. Ainsi, la
fête de la Nativité correspond pleinement au deuxième terme de la formule de
Nicée : la pleine lune du quatrième jour de la création.
Concernant la fête de l’Annonciation, indiquons tout d’abord
que sa célébration a été fixée au 25 mars un siècle (ou un peu plus) après l’établissement
(au IVe siècle) du 25 décembre comme date de la célébration de la
Nativité du Christ. La date retenue a été celle du 25 mars, car elle se place
neuf mois avant le 25 décembre. D’un point de vue cosmique, neuf mois avant le
solstice d’hiver, c’est l’équinoxe de printemps. De la sorte, la fête de l’Annonciation
est liée à la date de l’équinoxe de printemps.
Je ne m’arrêterai pas sur la question purement historique
et calendaire liée au fait qu’au IVe siècle, le solstice d’hiver ne
coïncidait déjà plus avec la date du 25 décembre et que, pour la même raison, la
date du 25 mars ne correspondait déjà plus exactement à l’équinoxe de printemps.
Il ne convient pas de confondre ce problème purement technique et calendaire
(à ce sujet voir l’article : « L’Annonciation à Pâques »
dans les Nouvelles de Saint-Serge, N° 6, Noël 1980) avec la question de
principe, à savoir la signification donnée dans la conscience ecclésiale à tel
ou tel événement liturgique.
Laissant donc de côté les imperfections du calendrier, relevons
simplement que l’Annonciation, fêtée neuf mois avant Noël (fête qui elle-même a
été rattachée par l’Église au moment du solstice d’hiver), correspond au jour
de l’équinoxe de printemps ; observons encore que, dans la mesure où selon
le document ci-dessus mentionné, l’Église estimait au IVe siècle
déjà que l’équinoxe de printemps était l’image du début de la création – le
Jour Un – , l’Annonciation devient l’expression de ce mystère.
De plus, dans le « Psautier commenté », et de
façon similaire à ce que nous avons indiqué pour Noël, il est dit aux
éphémérides, à la date du 25 mars, que l’Annonciation a pris place « un
dimanche ». Une fois encore, on ne peut pas considérer cela comme une
indication de nature historico-calendaire, ne serait-ce que parce qu’entre un
25 mars et un 25 décembre il y a 275 jours, soit 39 semaines et deux jours. Cela
signifie que si l’Annonciation tombe un dimanche, alors Noël tombe deux jours
après dimanche, soit un mardi (et non un mercredi). Dans ces mêmes
éphémérides, à la date du 30 mars, il est dit : « En ce jour, notre
Seigneur Jésus-Christ a été crucifié ». Cette indication, de nouveau, part
de la supposition que le 25 mars doit être un dimanche, et alors le 30 mars est
le sixième jour après l’Annonciation, donc un vendredi, jour de la mort en
croix du Christ.
Dans tout ce qui vient d’être dit, il convient de noter
que le jour de l’Annonciation correspond sur le plan cosmique au jour de l’équinoxe
de printemps, et sur le plan de l’hebdomade de la création, au Jour Un, qui est
aussi le dimanche.
À ce propos, portons notre attention sur un chant pascal,
l’un des versets de la 9ème ode du canon de Pâques, qui remplace le
Magnificat prononcé par la Vierge Marie à l’occasion de l’Annonciation (Lc I, 46-55) :
« L’ange proclamait à la Pleine de Grâce : Vierge pure, réjouis-toi !
Et je te le dis encore : réjouis-toi ! Ton Fils est ressuscité du
tombeau au troisième jour !... ». Dans ce texte, deux événements se
rejoignent en une même joie pascale : l’Annonciation et la Résurrection ;
il n’est donc pas surprenant que l’événement de l’Annonciation soit lié, dans
la conscience ecclésiale, au jour du dimanche. Ces deux « réjouis-toi »
sont séparés par les 33 années du chemin de croix du Christ sur terre, et comme
le Christ est Lui-même la Voie (Jn 14, 6), le principe et la fin (Ap 21, 6
et 22, 13), ces deux « réjouis-toi » résonnent sur le plan du
temps divin éternellement présent, comme un « réjouis-toi » unique se
rapportant à l’accomplissement de l’économie divine. Voilà pourquoi le jour de
l’Annonciation coïncide pleinement avec le sens du Jour Un, qui est le point de
départ de la formule de Nicée déterminant la date de Pâques.
Fig. 5.
Si le calendrier julien, introduit dans l’empire romain
en 46 avant J.-C. , n’avait pas retardé sur le temps solaire, le 25 décembre
aurait, au IVe siècle, correspondu au solstice d’hiver, et de même, le
25 mars continuerait de correspondre à l’équinoxe de printemps, qui, en tant
que limite antérieure de la pleine lune pascale, serait simultanément jour de l’Annonciation.
C’est précisément cette situation que souhaitait l’Église
antique, s’efforçant de relier la vie liturgique à la réalité cosmique. On
pourrait alors estimer que nous fêtons Pâques en corrélation avec la pleine
lune suivant l’Annonciation, qui à son tour préfigure la Nativité.
Dans cette situation et si Pâques tombait à la date la
plus avancée possible, l’Annonciation surviendrait le Samedi-Saint ensemble
avec la pleine lune représentant la Nativité.
Quant à célébrer l’Annonciation le jour même de Pâques ou
durant la semaine pascale (comme il arrive malheureusement, à cause d’inexactitudes
calendaires), cela doit être considéré comme une absurdité complète, liturgiquement
et théologiquement parlant.
Sur le plan de la formule nicéenne (l’équinoxe de
printemps, la pleine lune et le premier dimanche), l’équinoxe de printemps (l’Annonciation)
et la fête de Pâques ne peuvent pas avoir lieu le même jour. En revanche, il
est admis que la pleine lune se produisant le jour de l’équinoxe de printemps
est pascale – c’est-à-dire que le dimanche suivant est le jour de Pâques.
Cas particulier : si le jour de l’équinoxe de
printemps coïncide avec la pleine lune et si c’est un samedi, alors ce samedi
devient le Samedi-Saint. Dans ce cas, le Samedi-Saint révèle (sur le plan
cosmique) la présence silencieuse de la Mère de Dieu à travers les deux
événements de l’Incarnation : l’Annonciation et la Nativité, comme saint
Jean l’Évangéliste le précise : « et le Verbe s’est fait chair »
(Jn 1, 14) pour devenir « l’agneau de Dieu qui enlève le péché du
monde » (Jn 1, 29)*.
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* Voir l’article du même
auteur : « La Nativité du Christ, Icône de sa descente aux
enfers ».
Fig. 6.
Ayant établi un lien entre
trois événements liturgiques et les termes correspondants de la formule de
Nicée, nous pouvons conclure que, sur le plan du temps éternellement présent, ces
trois aspects de l’économie divine constituent précisément les trois jours qui
révèlent le sacrifice du Christ :
Sa mort, Sa descente aux enfers et Sa Résurrection. Ensemble,
ils expriment qualitativement, pour ainsi dire, la victoire du Christ sur la
mort, comme le proclame le chant de Pâques déjà cité : « Ton Fils est
ressuscité du tombeau le troisième jour... ».
L’on peut voir la co-participation de la Sainte Trinité
dans cet événement, en ce que Dieu le Père envoie l’Archange et fait descendre
l’Esprit-Saint sur la Vierge Marie ; Dieu le Fils vient dans le monde pour
se charger de ses péchés et subir la mort sur la croix ; et enfin, Dieu l’Esprit
Consolateur, à la suite de la Résurrection du Christ, instaure l’Église du
Christ. L’Écriture sainte, en relatant ce mystère, se fonde peut-on dire sur
ces trois aspects de la victoire de la lumière sur les ténèbres :
1) « Et Dieu appela la lumière jour et les ténèbres
nuit. Il y eut un soir et il y eut un matin, jour un. » (Gn 1, 5).
Fig. 7a.
2) « Et la lumière luit dans les ténèbres ; et
les ténèbres ne l’ont pas comprise... » (Jn 1, 5).
Fig. 7b.
3) « De nuit, il n’yen aura
plus ; ils se passeront de lampe ou de soleil pour s’éclairer, car le
Seigneur Dieu répandra sur eux Sa lumière, et ils régneront pour les siècles
des siècles. » (Ap 22, 5).
Fig. 7c.
Remarquons que de ces trois citations de l’Écriture, l’une
se trouve au début de la Bible, la deuxième – au milieu (en considérant pour
tel le début du Nouveau Testament et l’Évangile de saint Jean comme le premier
dans l’ordre liturgique), et la troisième provient de la fin de la Bible, au
dernier chapitre de l’Apocalypse (curieusement, chaque fois il s’agit du
cinquième verset du chapitre correspondant).
Nicolas Ossorguine
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