janvier 31, 2006

19- Introd. Le vrai visage de la FM- R.CHAMBELLANT

Constant CHEVILLON : Le vrai visage de la Franc - Maçonnerie Introduction à la nouvelle édition par René CHAMBELLANT Constant CHEVILLON naquit le 26 octobre 1880 à Annoire (Jura). C'était un homme comme on a peu l'occasion d'en rencontrer. Penseur profond et travailleur infatigable, il sut mettre en pratique l'enseignement des Ordres initiatiques et spiritualistes auxquels il appartenait. Plutôt petit, mince, les pommettes saillantes, le cheveu dru, ses yeux reflétaient l'intelligence et la bonté. Il aimait la présence turbulente de la jeunesse du Quartier Latin. A Paris, il habitait une modeste chambre meublée à l'hôtel des Bernardins. Il partageait son temps entre Paris et Lyon, et passait la plus grande partie de ses nuits à préparer des conférences et à correspondre avec les Ordres qu'il dirigeait, dispersés dans le monde entier. Il était aimé et vénéré de tous ceux qui l'approchaient, tant il dégageait une expression de sérénité, de sainteté, d'équilibre, se penchant avec attention sur tous, aidant de ses conseils, excusant tout et tous. Il prenait un visible plaisir, entouré des jeunes adeptes d'alors, aux repas du dimanche, partagés dans un restaurant du quartier, où nous mettions à contribution son érudition et ses connaissances extraordinaires. Il arbitrait nos discussions fraternelles mais animées, avec un tact délicat, ne froissant aucune susceptibilité. Pendant la guerre de 39-44, ses employeurs l'envoyèrent en Province où il se plaignait de ne pouvoir travailler. Il sentait rôder autour de lui l'ombre de sa mort prématurée et souffrait de ne pouvoir exprimer tout le message qu'il portait. Certaines de ses lettres le montrent désespéré de son inaction forcée. Interrogé deux fois par la police officielle, il est arrêté, à Lyon, chez Mme Bricaud, le 25 mars 1944. Emmené par des inconnus, on le retrouvera, le lendemain, assassiné, montée des Clochettes à Saint-Fons, dans la banlieue lyonnaise. Cet homme exemplaire était le Grand Maître de deux formations initiatiques ésotériques: • Le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm. • L'Ordre des Chevaliers Maçons Élus Cohen de l'Univers. Pour la démarche exotérique, il était Patriarche de l'Église Gnostique Universelle. Le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm est un rite hautement et exclusivement spiritualiste. Dès les trois premiers grades, on constate l'élévation d'esprit de leurs rédacteurs. Dans les grades suivants, toutes les phases de la Tradition Universelle et Primordiale défilent. Ces grades, souvenir des Rites disparus, proliférèrent au XVIIIe siècle, après la fondation de la Grande Loge Unie d'Angleterre. A ses débuts, cette organisation vendait des patentes à qui pouvait les acheter. Ainsi chacun inventait son rituel en fonction des affinités qu'il pouvait avoir dans les fraternités initiatiques antérieures. C'est pour cette raison que l'on retrouvait le nom de certains grades attachés à la tradition égyptienne, iranienne, juive, grecque, celte, kabbalistique ou rosicrucienne. Le Rite Ancien et Primitif était donc une sorte de conservatoire dans ses 90 premiers degrés où l'on retrouve le nom de grades disparus. A ces degrés, il faut ajouter cinq grades administratifs Le successeur du Grand Maître Henri Dupont, lui-même successeur de C. Chevillon, a malheureusement cru bon de remplacer les trente premiers degrés supérieurs du rite dit « Égyptien » par les trente degrés du Rite Écossais Ancien Accepté, alors que dès l'origine (Convent de Bruxelles de 1934) Constant Chevillon s'était opposé à cette innovation. Aujourd'hui, au sein du Souverain Sanctuaire des Gaules, une seule Loge dissidente sert de base aux Hauts Grades pratiqués du temps de C. Chevillon. Une chose importante est à noter, à l'instar des grands Maçons tels Cagliostro, Martinez de Pasqually, J.-B. Willermoz, Constant Chevillon considérait que la femme, partie intégrante de l'humanité, devait avoir accès à l'initiation. Il créa donc un rituel des trois premiers degrés, parfaitement adapté à la féminité. Car bien qu'incontestablement valide, initier les femmes aux travers d'un rite prévu uniquement pour des hommes est, par essence, parfaitement illicite. Les trois premiers degrés du rite féminin donnent naturellement la possibilité aux femmes d'accéder aux plus Hauts Grades, aucune raison licite s'y opposant, puisque symboliquement, dès le troisième degré, l'homme comme la femme se trouvent débarrassés de la symbiose soma-psyché et libèrent ainsi le pneuma-androgyne. Pour les mêmes raisons évoquées précédemment, ce rite féminin n'est plus pratiqué que par une seule Loge. En ce qui concerne l'Ordre des Élus Cohen et pour clarifier une situation quelque peu embrouillée, qui à l'époque de sa création jusqu'à l'orée du XXe siècle ne l'était pas, le vocable « Martiniste » désignait les disciples de Martinez de Pasqually, puis le Martinisme Lyonnais descendant des Élus Cohen de Willermoz, ou le Martinisme Russe, branche des Élus Cohen établis en Russie. Mais à la fin du XIXe siècle, Papus, Dr Gérard Encausse, créa en compagnie d'Augustin Chaboseau, un Ordre Martiniste dont le but essentiel était l'étude des œuvres de L.-C. de St Martin, le Philosophe Inconnu, d'où, aujourd'hui, la confusion entre Martinistes et Élus Cohen. Par la suite, Papus devint Grand Maître du Rite de Memphis-Misraïm, tout en développant parallèlement son Ordre Martiniste. A la mort de Papus, son successeur, Téder, initié au Martinisme Lyonnais (Élu Cohen), projette de réformer l'Ordre Martiniste de Papus, mais la mort l'empêcha de réaliser son projet. Jean Bricaud lui succède, reprenant son idée de réforme, en présidant l'Ordre Martiniste Lyonnais et celui de Papus qui devint la Société Occultiste Internatio-nale, où il regroupa tous les « profanes », réservant l'Ordre des Élus Cohen (Martiniste Lyonnais) aux Maçons de Hauts Grades. A la mort de J. Bricaud, C. Chevillon reprend le flambeau et coupe définitivement les rapports entre le Rite de Memphis-Misraïm et les Élus Cohen d'une part, et la S.O.I. d'autre part, dont il nommera Mme Bricaud présidente. Actuellement, par le jeu des dissidences et des scissions, les Ordres Martinistes et ceux des Élus Cohen ont proliféré en nombre et en qualités. Il en est de même pour l'Église Gnostique divisée en plusieurs parties. Rappelons que Constant Chevillon a écrit plusieurs petits ouvrages: Du néant à l'être, 1942 - Et verbum caro factum est, 1944 - La tradition universelle, 1946 -réédités en un volume aux Éditions Traditionnelles, Paris, 1982. Méditations initiatiques, 1953 - Orient et Occident, 1926. Ainsi que Le vrai visage de la Franc-Maçonnerie, 1939 - et Réflexion sur le temple social, 1936, qui font l'objet de cette édition. La plupart de ces livres quasiment introuvables dans leurs premiers tirages avaient été presque tous édités par la librairie Derain-Raclet, pour les plus anciens, puis par Derain seul, 128 rue Vanban, à Lyon. Librairie toujours existante, qui fut un des hauts lieux de l'ésotérisme Lyonnais. Nous remercions nos chers amis, Gilbert Tappa et Claude-Charles Boumendil, d'avoir tenu à rééditer ces deux textes importants du Maître, en espérant qu'ils contribueront à effacer les images, par trop caricaturales, de la Franc-Maçonnerie, ancrées dans l'idée populaire depuis si longtemps. Que le souvenir de Constant Chevillon soit toujours vivant et que sa pensée perdure parmi les Maçons de bonne volonté. 24 juin 1991

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