« Non-seulement l'on condamna dans le V* Concile général les écrits
de Théodore de Mopsueste, ainsi que ceux de Théodoret, mais l'on y condamna
encore la personne même de Théodore de Mopsueste, qui avait été le maître de
Nestorius, bien qu'environ cent ans se fussent déjà écoulés depuis la mort de
cet Evêque. Une vive controverse s'éleva au sujet de cette condamnation, car il
fut objecté, dans le Concile, que l'autorité de l'Eglise ne pouvait plus
s'exercer au-delà du tombeau, surtout lorsqu'il s'agissait de quelqu'un qui
était mort dans la communion catholique. » (1)
La
condamnation ainsi posée provoqua une vive controverse qui justifie que l’on
puisse s’interroger sur la valeur de cette dernière.
L’excommunication,
puisqu’il s’agit de cette peine, doit être analysée quant à son sens, par voie
de conséquence sa portée et dès lors ses éventuelles limites.
I
L’Apôtre déclare I Cor. V, 1-6: « On entend dire
partout qu'il y a chez vous un cas d'inconduite, et d'inconduite telle qu'on ne
la trouve même pas chez les païens : l'un de vous vit avec la femme de son
père.]Et vous êtes enflés d'orgueil ! Et vous n'avez pas plutôt pris le deuil
afin que l'auteur de cette action soit ôté du milieu de vous ? Pour moi, absent
de corps, mais présent d'esprit, j'ai déjà jugé comme si j'étais présent celui
qui a commis une telle action : au nom du Seigneur Jésus, et avec son pouvoir,
lors d'une assemblée où je serai spirituellement parmi vous, qu'un tel homme
soit livré à Satan pour la destruction de sa chair, afin que l'esprit soit
sauvé au jour du Seigneur »
Si donc l’homme
est livré à Satan pour la destruction de sa chair, le verset explique
cette sentence par ces mots afin que l’esprit soit sauvé au jour du
Seigneur.
L’apôtre
énonce une punition relevant du domaine physique, par voie de conséquence à ce
qui est transitoire, afin et dans l’espoir que l’esprit,
c'est-à-dire notre entendement, notre capacité à nous reprendre, nous conduise
à revenir à une juste conduite : ainsi nous serons-nous lavés de nos
erreurs au jour du Seigneur.
Cette
considération selon laquelle l’excommunication est une situation transitoire,
souhaitée donc comme provisoire, amena les théologiens et les canonistes à
considérer cette peine comme médicinale.
La
Tradition de l’Eglise est toujours restée fidèle à cette considération selon
laquelle l’excommunication ne saurait être qu’une peine provisoire, médicinale
quant à son but, amener l’être à la repentance et au changement.
Le 1er
concile de Lyon tenu en 1245, en sa Constitution § 19, relativement
à la sentence d’excommunication énonce : « L’excommunication
visant à porter un remède et non la mort, une correction et non une
destruction, aussi longtemps que celui contre lequel elle a été porté ne la
méprise pas, le juge ecclésiastique qui veillera avec soin à montrer qu’en la
portant il cherche à corriger et à guérir. »
Le concile de
Trente (1563) en sa session 25, et au chapitre 3 de son Décret de réforme
générale, rappelle : « Bien que le glaive de l’excommunication
soit le nerf de la discipline ecclésiastique, fort salutaire pour maintenir les
peuples dans leurs devoirs, il faut cependant y recourir avec sobriété et
grande circonspection. L’expérience, en effet, nous renseignent
que, si l’on en frappe à la légère et pour des choses peu importantes, il
est plus méprisé que redouté et est davantage à l’origine du mal
que du bien. {Et ajoute} : «Comme quiconque a été excommunié,
et ne revient pas à résipiscence après les monitions légitimes, non seulement
sera exclu des sacrements, ainsi que de la communion et de la fréquentation des
fidèles, mais si, le cœur endurci, lié par des censures il vit pendant un
an dans les souillures, condamnées par celles –ci, on pourra même procéder
contre lui en tant que suspect d’hérésie. »
II
L’excommunication
se trouve dans sa forme, accompagnée d’un Devoir, celui par l’Eglise, d’aider
« le condamné provisoire » à corriger ses erreurs, ce n’est donc que
si l’être après des monitions ne vient pas à résipiscence, qu’il se trouvera
exclu des sacrements.
Le reproche
d’hérésie tel que suggéré par le concile de Trente s’explique selon les bases
de la théologie dogmatique, par le fait que celui qui aurait commis une faute
qui s’oppose dès lors à ce que prône l’Eglise, abandonne certaines vérités qui
sont partie intégrante de l’ensemble de la Révélation et du Magistère de
l’Eglise. De ce fait aux yeux de l’Eglise, il devient Apostat. Dès lors que le
sujet est apostat, il est en situation de schisme à l’égard de l’Eglise,
Schismatique, il se sépare d’une ou plusieurs vérités de foi du contexte
organique constituant le Magistère et tombe alors dans l’hérésie.
L’Eglise ne
cherche pas à maintenir une partie de son troupeau dans l’hérésie, bien au
contraire, elle cherchera à ramener le baptisé en son sein, d’où cette pensée
selon laquelle la peine d’excommunication est une action médicinale parce
qu’une telle condamnation a pour but d’engager le fidèle à s’amender et
revenir sur ses erreurs.
L’Eglise n’a en
rien modifié cet espoir de résipiscence puisque le Code de 1917 expose en son
canon 2340 : « § 1 Si quelqu’un par endurcissement, croupit
pendant un an dans son excommunication, il est suspect d’hérésie. »
Le Code de
droit canonique de 1983 expose en son canon 1312 : Ǥ 1. Les sanctions
pénales ans l'Église sont: 1 les peines médicinales ou censures
énumérées aux canons. 1331-1333 »
Attendu que le
canon 1331 évoque la situation de l’excommunié, il s’agit bien quant à
cette censure d’une mesure médicinale, médicinale parce que transitoire dans
l’espoir pour l’Eglise de voir le délinquant s’amender de son erreur. Ainsi le
canon 1358 du nouveau Code expose : « 1. La remise d'une
censure ne peut être accordée si ce n'est au délinquant qui a mis fin à sa
contumace, selon le can. 1347, § 2; mais elle ne peut être refusée à qui y a
mis fin. § 2. Celui qui remet la censure peut prendre des mesures selon le
canon. 1348, ou même imposer une pénitence. » Et le canon 1347
expose : « § 1. Une censure ne peut être infligée validement à
moins qu'auparavant le coupable n'ait été averti au moins une fois d'avoir à
mettre fin à sa contumace, et qu'un temps convenable ne lui ait été donné pour
venir à résipiscence. § 2. Doit être dit avoir purgé sa contumace le coupable
qui se serait vraiment repenti de son délit et qui, de plus, aurait réparé
d'une façon appropriée les dommages et le scandale, ou qui, du moins, aurait
promis sérieusement de le faire. »
III
Peut-on
excommunier un mort ? La réponse apparaît immédiatement, cette censure
étant médicinale, elle ne saurait s’appliquer qu’à des baptisés non décédés,
d’autant que l’objectif de cette censure est d’amener à résipiscence celui qui
est délinquant aux yeux de l’Eglise : ne pouvoir agir de la sorte et pour
ce motif, constitue une violation des règles de l’Eglise par elle fixées.
Jean-Pierre
BONNEROT
(1)
Mgr Vincent TIZZANI, Arch. De Nisibe, Les conciles généraux, tome 1, page
326, Rome, YPOGRAPHIE SALY1UCCÏ, 1857
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