Peut-on
parler de Judéo-Christianisme puisque la Nouvelle Alliance annule l'Ancienne,
et que le Judaïsme ne reconnaît pas Jésus+ Christ comme le Messie annoncé par
les prophètes, et encore moins qu'Il soit Le Dieu incarné.
JPB
Samedi 5
novembre » Dernière mise à jour : 22h01
Le rabbin David Rosen et le dialogue judéo-chrétien
Guillaume de Thieulloy , le 4 novembre 2011
Voici
le passage qui est, à mon sens, le plus important de son intervention:
En plus de l’approfondissement de ce processus,
nous faisons face à deux tâches importantes. La plus laborieuse, mais peut-être
la plus essentielle, est de traduire cette transformation [la transformation
des relations entre juifs et chrétiens depuis Vatican II] plus largement vers
les fidèles, et parfois même vers certains pasteurs et membres de la hiérarchie
qui pensent encore, et même enseignent et prêchent encore, dans le cadre de
l’ancien «enseignement du mépris », ou tout au moins dans son ombre. En effet,
au regard de notre histoire, cette transformation est très nouvelle et nous
avons près de deux millénaires d’endoctrinement négatif à surmonter. En dehors
de la simple ignorance, la théologie de la substitution est encore assez
répandue et, souvent, d’autres facteurs extérieurs, tels que le conflit au
Moyen-Orient, sont utilisés pour éviter ou prévenir l’intégration effective de
la nouvelle compréhension théologique dans les esprits et les cœurs des fidèles
chrétiens à travers le monde. Par ailleurs, comme le Pape Benoît XVI et les
autres prélats et de théologiens éminents l’ont noté, les implications
théologiques de Nostra Aetate n’ont pas encore été pleinement approfondies.
Cela m’amène au deuxième défi, qui consiste à développer une théologie sérieuse de partenariat entre les chrétiens et les juifs et une compréhension de la complémentarité de l’autre. Les efforts en ce sens ont déjà commencé. Ils ont permis de voir le judaïsme et le christianisme dans des rôles mutuellement complémentaires dans lequel le judaïsme met l’accent sur le caractère collectif de l’alliance avec Dieu et le christianisme met l’accent sur la relation individuelle avec Dieu [...]. D’autres ont vu la relation de complémentarité dans le rappel que le Royaume des Cieux n’a pas encore complètement arrivé, et qu’il est pourtant, dans le même temps, déjà ancré dans « l’ici et maintenant ». Une autre vision de la complémentarité mutuelle dépeint le judaïsme comme une mise en garde constante, à l’égard du christianisme, contre les dangers du triomphalisme, alors que le caractère universaliste du christianisme peut jouer un rôle essentiel pour mettre en garde le judaïsme contre la dégénérescence dans l’isolationnisme insulaire.
Cela m’amène au deuxième défi, qui consiste à développer une théologie sérieuse de partenariat entre les chrétiens et les juifs et une compréhension de la complémentarité de l’autre. Les efforts en ce sens ont déjà commencé. Ils ont permis de voir le judaïsme et le christianisme dans des rôles mutuellement complémentaires dans lequel le judaïsme met l’accent sur le caractère collectif de l’alliance avec Dieu et le christianisme met l’accent sur la relation individuelle avec Dieu [...]. D’autres ont vu la relation de complémentarité dans le rappel que le Royaume des Cieux n’a pas encore complètement arrivé, et qu’il est pourtant, dans le même temps, déjà ancré dans « l’ici et maintenant ». Une autre vision de la complémentarité mutuelle dépeint le judaïsme comme une mise en garde constante, à l’égard du christianisme, contre les dangers du triomphalisme, alors que le caractère universaliste du christianisme peut jouer un rôle essentiel pour mettre en garde le judaïsme contre la dégénérescence dans l’isolationnisme insulaire.
Je
suis frappé, dans ce discours, à la fois par l’extraordinaire amabilité de l’auteur
vis-à-vis du christianisme, mais aussi par le caractère extraordinairement
périlleux de sa thèse.
Inutile
de développer l’aspect amabilité. Chacun peut constater que le rabbin Rosen,
contrairement à beaucoup d’organisations revendicatives, apprécie un certain
nombre de qualités du christianisme, à commencer par son universalisme (mais
aussi, un certain nombre de valeurs morales partagées, comme on peut le lire
ailleurs dans son intervention).
Malheureusement,
il est douteux que le christianisme puisse saisir cette « main tendue »: on
voit mal comment il serait possible de laisser à Israël la relation
communautaire à Dieu, quand l’Eglise prétend être le Corps mystique du Christ,
quand l’Eglise prêche la communion des saints, et donc quand l’Eglise affirme
que notre relation à Dieu est à la fois individuelle et communautaire. Un tel
partage « rigoureux » des tâches est impossible. Au demeurant, je doute que les
juifs apprécient de nous abandonner la relation personnelle avec Dieu. A moins
de dire que toute mystique est impossible dans le judaïsme talmudique, ce qui
me semblerait bizarre de la part d’un rabbin.
Mais,
surtout, tout se passe comme si le dialogue judéo-chrétien exigeait, pour le
rabbin Rosen, l’abandon de larges pans de la théologie catholique. L’auteur
parle même, sans ambages, de »près de deux millénaires ». Si je calcule bien,
cela remet en cause au moins toute la théologie catholique depuis les Pères de
l’Eglise inclus, et peut-être même le Nouveau Testament. C’est tout de même
nous demander beaucoup que d’abandonner tout cela pour être admis à la table du
dialogue. Au reste, ce dialogue risquerait fort de n’être qu’un monologue, si
la partie juive avait la faculté de dire ce qui lui convient ou non dans
l’enseignement catholique, tandis que la partie catholique aurait défense d’en
dire autant pour le Talmud (le rabbin Rosen n’en demande pas tant, mais je me
vois mal déclarer comment interpréter tel ou tel passage du Talmud, pour le
rendre « inoffensif » aux oreilles catholiques).
Sur un cas
concret, l’auteur montre les limites de ce dialogue: il nous explique que
Nostra Aetate exclut la « théologie de la substitution ». Si je comprends bien,
il veut dire que Nostra Aetate exclut de croire que l’Eglise est le « nouvel
Israël ». J’ignore sur quel passage du texte il se fonde pour croire cela. Mais
je suis sûr d’une chose, c’est qu’il serait absolument impossible à un concile
de dire le contraire de saint Paul sur une question centrale de notre foi. Je
ne vois pas ce qu’il y a d’insultant pour l’Israël selon la chair de dire que
l’Eglise est le nouvel Israël, avec son peuple élu, son sacerdoce, son
sacrifice, son messie, son temple… Et, en toute hypothèse, nous ne pouvons pas
renoncer à notre prétention d’être le nouvel Israël, le nouveau peuple élu.
Faute de quoi il nous faudrait dire que le Christ est mort pour rien, ce qui
serait un peu problématique du point de vue de la foi catholique. Qu’un juif
pense effectivement que Jésus de Nazareth est mort pour rien, et même qu’il est
mort pour avoir commis le crime de blasphémer, je peux le comprendre. Qu’un
chrétien en dise autant me semble incompréhensible. Et que l’on nous explique
que le croire et le professer est la condition sine qua non du dialogue
judéo-chrétien est, en réalité, une sévère condamnation dudit dialogue…
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