Un
moment de vérité :
Une
parole de foi, d’espérance et d’amour venant du coeur de la souffrance
palestinienne
Introduction
Nous, un groupe de Palestiniens chrétiens, après avoir
prié, réfléchi et échangé devant Dieu sur l’épreuve que nous vivons sur notre
terre, sous occupation israélienne, nous faisons entendre aujourd’hui notre
cri, un cri d’espoir dans l’absence de tout espoir, uni à notre prière et à
notre foi en Dieu qui veille, dans sa divine Providence, sur tous les habitants
de cette terre. Nous inspirant du mystère de l’amour de Dieu pour tous et de
celui de sa présence divine dans l’histoire des peuples et, plus
particulièrement, dans celle de notre terre, nous voulons dire aujourd’hui
notre parole, comme chrétiens et comme Palestiniens, une parole de foi,
d’espérance et d’amour.
Pourquoi maintenant ? Parce que le drame du peuple palestinien
est arrivé, aujourd’hui, à une impasse, et que ceux qui peuvent prendre les
décisions se contentent de gérer le conflit au lieu d’agir sérieusement pour le
résoudre. Cela remplit les coeurs des fidèles de peine et de questionnements :
que fait la communauté internationale ? Que font les chefs politiques en
Palestine, Israël et dans le monde arabe ? Et, que fait l'Eglise ? Car il ne
s’agit pas simplement d’une question politique, mais, plutôt, d'une politique
qui détruit la personne humaine. Et cela concerne l'Eglise.
Nous nous adressons à nos frères et soeurs dans nos Eglises
ici, dans cette terre. De même que nous adressons notre appel, en tant que
Palestiniens et en tant que chrétiens, à nos chefs religieux et politiques, à
notre société palestinienne et à la société israélienne, aux responsables de la
communauté internationale et à nos frères et soeurs dans les Eglises du monde.
1. La
réalité
1.1 “Ils disent ‘Paix ! Paix !’ et il n’y a point de
paix” (Jr 6,14). Tous en effet parlent de paix et de processus de paix au
Moyen-Orient, alors que tout cela n’est jusqu’à maintenant que pures paroles.
Alors que la réalité est l’occupation israélienne des Territoires palestiniens,
notre privation de notre liberté et tout ce qui en résulte :
1.1.1 Le mur de séparation, qui a été construit sur les
terrains palestiniens, en a confisqué une grande partie, a converti nos villes
et nos villages en prisons et en a fait des cantons séparés et dispersés. Gaza,
après la guerre cruelle déclenchée par Israël en décembre 2008 et janvier 2009,
continue à vivre dans des conditions inhumaines, sous embargo permanent et
reste isolée géographiquement du reste des Territoires palestiniens.
1.1.2 Les colonies israéliennes qui nous dépouillent de
notre terre, au nom de Dieu ou au nom de la force, contrôlent nos ressources
naturelles, surtout l’eau et les terres agricoles, dont elles privent des
centaines de milliers de Palestiniens. Elles sont aujourd’hui un obstacle face
à toute solution politique
1.1.3 L’humiliation à laquelle nous sommes soumis chaque
jour aux points de contrôle militaires, pour nous rendre à notre travail, à nos
écoles ou à nos hôpitaux.
1.1.4 La séparation entre les membres d’une même famille,
qui rend la vie familiale impossible pour des milliers de Palestiniens, lorsque
l’un des époux n’est pas porteur d’une carte d’identité israélienne.
1
1.1.5 La liberté religieuse elle-même, à savoir la liberté d’accès aux
lieux saints, devient limitée, sous prétexte de sécurité. Les lieux saints de
Jérusalem sont inaccessibles à un grand nombre de chrétiens et de musulmans de
la Cisjordanie et de Gaza. Les gens de Jérusalem eux-mêmes ne peuvent accéder à
leurs lieux saints certains jours de fêtes, de même que certains de nos prêtres
arabes ne peuvent entrer à Jérusalem sans difficultés.
1.1.6 Les réfugiés font partie de notre réalité. La plupart d’entre eux
vivent encore dans les camps dans des situations difficiles inacceptables pour
les êtres humains. Eux, qui ont le droit de retour, attendent ce retour depuis
des générations. Quel sera leur sort ?
1.1.7 Les milliers de personnes détenues dans les prisons israéliennes
font elles aussi partie de notre réalité. Les Israéliens remuent ciel et terre
pour un seul prisonnier, mais ces milliers de prisonniers palestiniens qui
croupissent dans les prisons israéliennes, quand verront-ils la liberté ?
1.1.8 Jérusalem est le coeur de notre réalité. Elle est en même temps
symbole de paix et signe de conflit. Après que le “mur” a créé une séparation
entre les quartiers palestiniens de la ville, les autorités israéliennes ne
cessent de la vider de ses habitants palestiniens, chrétiens et musulmans. On
leur confisque leur carte d'identité, c'est-à-dire leur droit de résider à
Jérusalem. Leurs maisons sont démolies ou confisquées. Jérusalem, ville de la
réconciliation, est devenue la ville de la discrimination et de l’exclusion, et
donc source de conflit au lieu d’être source de paix.
1.2 Par ailleurs, Israël tourne en dérision le droit international et
les résolutions internationales, avec l’impuissance du monde arabe comme de la
communauté internationale face à ce mépris. Les droits de l’homme sont violés.
Malgré les multiples rapports des organisations locales et internationales des
droits de la personne, l’oppression continue.
1.2.1 Les Palestiniens de l'Etat d’Israël, tout en étant des citoyens
ayant tous les droits et les devoirs que leur confère la citoyenneté, ont eux
aussi subi une injustice historique et ne cessent de souffrir de politiques
discriminatoires. Eux aussi attendent d’obtenir tous leurs droits et d’être
traités à égalité avec tous les citoyens de l'Etat.
1.3 L’émigration est une autre dimension de notre réalité. L’absence de
toute vision ou espoir de paix et de liberté a poussé les jeunes, chrétiens et
musulmans, à émigrer. Le pays se voit ainsi privé de sa ressource la plus
importante et la plus riche : une jeunesse instruite. La diminution du nombre
de chrétiens, en particulier en Palestine, est une des graves conséquences de
ce conflit, de l’impuissance et de l’échec aux niveaux local et international à
trouver une solution globale au problème.
1.4 Face à cette réalité les Israéliens prétendent justifier leurs
actes comme actes de légitime défense. C’est pourquoi l’occupation continue, de
même que les punitions collectives et les représailles de toutes sortes contre
les Palestiniens. C’est là, à notre avis, une vision renversée des choses. Oui,
il y a une résistance palestinienne à l’occupation. Mais, précisément, s’il n’y
avait pas d’occupation, il n’y aurait pas de résistance ; il n’y aurait eu non
plus ni peur ni insécurité. Voilà ce que nous constatons, et nous appelons les
Israéliens à mettre fin à l’occupation. Ils verront alors un nouveau monde,
dans lequel il n’y a ni peur ni menaces, mais sécurité, justice et paix.
2
1.5 La riposte palestinienne face à cette réalité a revêtu de
nombreuses formes. Certains ont choisi la voie des négociations : c'est là la
position officielle de l'Autorité palestinienne. Mais cela n'a pas fait avancer
le processus de paix. D'autres partis politiques ont eu recours à la résistance
armée. Israël s'en est servi comme prétexte pour accuser les Palestiniens
d'être des terroristes, ce qui lui a permis d'altérer la véritable nature du
conflit, le présentant comme une guerre israélienne contre le terrorisme et non
comme une résistance palestinienne légitime à l'occupation israélienne.
1.5.1 Le conflit interne entre les Palestiniens, ainsi que la
séparation de Gaza du reste des territoires palestiniens n'ont fait qu'aggraver
la tragédie. Il convient aussi de noter que bien que la division ait affecté
les Palestiniens eux-mêmes, la responsabilité pèse pour beaucoup sur la
communauté internationale, car elle a refusé d'accueillir positivement la
volonté du peuple palestinien telle qu'elle a été exprimée avec les résultats
des élections menées démocratiquement et légalement en 2006.
Encore une fois, nous proclamons que notre parole chrétienne, au milieu
de toute notre tragédie, est une parole de foi, d'espérance et d'amour.
2. Une parole de
foi
Nous croyons en
Dieu, un Dieu bon et juste
2.1 Nous croyons en Dieu, un et unique, créateur de l’univers et de
l’humanité, un Dieu bon, juste et aimant toutes ses créatures. Nous croyons que
toute personne humaine est créée par Dieu à son image et à sa ressemblance. La
dignité de l'être humain provient de celle de Dieu et elle est égale en toute
personne humaine. Cela veut dire pour nous, ici et maintenant sur cette terre
en particulier, que Dieu nous a créés non pour que nous nous disputions et nous
affrontions, mais afin que nous nous connaissions et nous aimions les uns les
autres, et pour édifier ensemble cette terre, par notre amour et notre respect
mutuel.
2.1.1 Nous croyons en son Verbe éternel, son Fils unique notre Seigneur
Jésus Christ, qu’il a envoyé comme Sauveur du monde.
2.1.2 Nous croyons en l’Esprit Saint qui accompagne l'Eglise et
l’humanité dans leur cheminement. C’est lui qui nous aide à comprendre les
Ecritures, dans les deux Testaments, formant une seule unité, ici et
maintenant. C’est lui qui nous révèle la manifestation de Dieu à l’humanité,
dans le passé, le présent et l’avenir.
Comment comprendre la Parole de Dieu ?
2.2 Nous croyons que Dieu a parlé à l’humanité, ici, dans notre pays : “Après
avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les
Prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils
qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles” (Hb
1, 1-2).
2.2.1 Nous, Palestiniens chrétiens, comme tout chrétien dans le monde,
nous croyons que Jésus Christ est venu accomplir la Loi et les Prophètes. Il
est l’alpha et l’oméga, le début et la fin. Illuminés par lui et guidés par le
Saint Esprit, nous lisons les Ecritures, nous les méditons et nous les
interprétons, comme le fit Jésus aux deux disciples d’Emmaüs : “Et,
commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta, dans
toutes les Ecritures, ce qui le concernait” (Lc 24,27).
2.2.2 Le Christ est venu proclamer que le Royaume de Dieu est proche.
Il a provoqué une révolution dans la vie et la foi de l’humanité. Il nous a
porté un “enseignement nouveau” (Mc 1,27) et une lumière nouvelle pour
comprendre l’Ancien Testament et les principaux sujets qui y sont mentionnés et
qui ont rapport avec notre
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foi chrétienne et notre vie quotidienne, tels les promesses,
l’élection, le peuple de Dieu et la terre. Nous croyons que la Parole de Dieu
est une parole vivante qui jette une lumière nouvelle sur chacune des périodes
de l’histoire. Elle manifeste aux croyants ce que Dieu dit ici et aujourd’hui.
C’est pourquoi il n’est pas permis de transformer la Parole de Dieu en lettres
mortes qui défigurent l’amour et la Providence de Dieu dans la vie des peuples
et des personnes. C’est là le défaut des interprétations bibliques fondamentalistes,
qui nous portent la mort et la destruction lorsqu'elles figent la Parole de
Dieu et la transmettent, comme parole morte, de génération en génération. Cette
parole morte est utilisée comme une arme dans notre histoire présente, afin de
nous priver de notre droit sur notre propre terre.
La vocation universelle de notre terre
2.3. Nous croyons que notre terre a une vocation universelle. Dans
cette vision d’universalité, le concept des promesses, de la terre, de
l’élection et du peuple de Dieu s’ouvrent pour embrasser toute l’humanité, à
commencer par tous les peuples de cette terre. A la lumière des Ecritures
Saintes nous voyons que la promesse de la terre n’a jamais été à la base d’un
programme politique. Elle est plutôt une introduction au salut universel, et
donc le début de la proclamation du Royaume de Dieu sur terre.
2.3.1 Dieu a envoyé à cette terre les patriarches, les prophètes et les
apôtres porteurs d’un message universel. Aujourd’hui nous y constituons trois
religions, le judaïsme, le christianisme et l'islam. Notre terre est terre de
Dieu, comme l'est tout pays dans le monde. Elle est sainte par sa présence en
elle, car lui seul est le Très Saint et le sanctificateur. Il est de notre
devoir, nous qui l’habitons, de respecter la volonté de Dieu sur elle et de la
libérer du mal de l’injustice et de la guerre qui est en elle. Terre de Dieu,
elle doit être terre de réconciliation, de paix et d’amour. Et cela est
possible. Si Dieu nous a mis, deux peuples, dans cette terre, il nous donne
aussi la capacité, si nous le voulons, d’y vivre ensemble, d'y établir la
justice et la paix et d’en faire vraiment une terre de Dieu : “Au Seigneur
le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants” (Ps 24,1).
2.3.2 Notre présence, en tant que Palestiniens - chrétiens ou musulmans
- sur cette terre n’est pas un accident. Elle a des racines profondes liées à
l’histoire et à la géographie de cette terre, comme c’est le cas de tout peuple
aujourd’hui qui vit sur sa terre. Une injustice a été commise à notre égard,
lorsqu’on nous a déracinés. L'Occident a voulu réparer l’injustice qu’il avait
commise à l’égard des juifs dans les pays d’Europe, et il l’a fait à nos dépens
et sur notre terre. Il a ainsi réparé une injustice en en créant une autre.
2.3.3 De plus, nous voyons certains théologiens occidentaux vouloir
donner eux aussi une légitimité théologique et scripturaire à l’injustice
commise à notre égard. Selon leurs interprétations, les promesses sont devenues
une “menace pour notre existence”, et la “bonne nouvelle” même de
l'Evangile est devenue pour nous une “une annonce de mort”. Nous
invitons ces théologiens à approfondir leur réflexion sur la Parole de Dieu et
à rectifier leurs interprétations, de sorte à voir dans la Parole de Dieu une
source de vie pour tous les peuples.
2.3.4 Notre lien avec cette terre est un un droit naturel. Ce n’est pas
seulement une question d’idéologie ou de théorie théologique. Pour nous, c’est
une question de vie ou de mort. Certains ne sont pas d’accord avec nous, et
nous traitent même en ennemis pour la seule raison que nous voulons vivre
libres sur notre terre. Parce que Palestiniens, nous souffrons à cause de
l’occupation de notre terre, et parce que chrétiens, nous souffrons des fausses
interprétations de certains théologiens. Face à cela, notre rôle consiste à
rester fidèles à la Parole de Dieu, source de vie, non de mort,
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et à conserver la “bonne nouvelle” comme elle est, “bonne” pour
nous et pour tous les hommes. Face à ceux qui menacent notre existence comme
Palestiniens, musulmans et chrétiens, par les Ecritures Saintes, nous
renouvelons notre foi en Dieu, car nous savons que la Parole de Dieu ne peut
pas être pour nous une source de mort.
2.4 Nous déclarons donc que le recours à l’Ecriture Sainte pour
justifier ou soutenir des choix ou des positions politiques se fondant sur
l'injustice, imposés par un homme à son prochain ou par un peuple à un autre,
transforme la religion en idéologie humaine et prive la Parole de Dieu de sa
sainteté, de son universalité et de sa vérité.
2.5 Nous déclarons
également que l’occupation israélienne des Territoires palestiniens est un
péché contre Dieu et contre la personne humaine, car elle prive les
Palestiniens des droits humains fondamentaux que Dieu leur a accordés, et
défigure l’image de Dieu dans les Israéliens - devenus occupants - comme dans
les Palestiniens, soumis à l’occupation. Toute théologie qui prétend justifier
l’occupation en se basant sur les Ecritures, la foi ou l'histoire est bien loin
des enseignements chrétiens, car elle appelle à la violence et à la guerre
sainte au nom de Dieu, le soumettant à des intérêts humains du “moment présent”
et déformant son image dans les êtres humains qui subissent une injustice
politique et théologique.
3. L’espérance
3.1 Bien qu'il n’y ait apparemment aucune lueur d’espoir, notre
espérance reste ferme. La situation présente, en effet, n’annonce aucune
solution proche, ni la fin de l’occupation qui nous est imposée. Les
initiatives sont certes nombreuses, de même que les congrès, les visites et les
pourparlers, mais tout cela n’est suivi d’aucun changement dans notre réalité
et nos souffrances. Même la nouvelle position des Etats-Unis, annoncée par le
président Obama, et sa volonté manifeste de mettre fin à ce drame, a été
incapable d’y apporter un quelconque changement. La réponse israélienne,
refusant catégoriquement toute solution, ne laisse aucune place à l’espoir.
Malgré cela, notre espérance reste ferme, car nous la tenons de Dieu. Il est
bon, tout-puissant et aimant. Sa bonté finira par vaincre un jour le mal dans
lequel nous vivons. Saint Paul nous dit : “Si Dieu est pour nous, qui sera
contre nous ? Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, l’angoisse,
la persécution, la nudité, les périls, le glaive ? Selon le mot de l’Ecriture :
A cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour.... aucune créature
ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu” (Rm 8,31.35.36.39).
Que veut dire espérer ?
3.2 L’espérance qui est en nous signifie en tout premier lieu croire en
Dieu et, deuxièmement, aspirer malgré tout à un avenir meilleur. Enfin, elle
signifie ne pas fonder notre espoir sur des illusions, car nous savons que la
solution n’est pas proche. Espérer veut dire être capable de voir Dieu au
milieu de l’épreuve et d’agir avec son Esprit en nous. A partir de cette vision
nous puisons la force pour persévérer, survivre et nous efforcer de changer
notre réalité. Espérer veut dire ne pas se résigner devant le mal, mais dire
non à l’oppression et à l’humiliation, et continuer à résister au mal. Nous ne
voyons que destruction dans le présent et dans l’avenir ; nous voyons la
tyrannie du plus fort et sa volonté d’imposer davantage de séparation raciste et
de promulguer des lois qui bafouent notre dignité et notre existence. Nous
voyons aussi perplexité et division parmi les Palestiniens. Cependant, si,
aujourd’hui, nous résistons et agissons de toutes nos forces, peut-être que la
ruine qui se dessine à l’horizon n’aura pas lieu.
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Signes d’espérance
3.3 L’Eglise - ses chefs et ses fidèles - sur cette terre, montre de
nombreux signes d’espérance, malgré sa faiblesse et ses divisions. Nos
communautés paroissiales sont vivantes. Les jeunes y sont des messagers actifs
pour la justice et la paix. Outre l’engagement des personnes, les institutions
diverses des Eglises font de la présence chrétienne une présence active, de
service, de prière et d’amour.
3.3.1 Parmi les signes d’espérance, il y a les nombreux centres locaux
de théologie, qui ont un caractère social et religieux, dans toutes nos
Eglises. Le caractère oecuménique, malgré certaines hésitations, se manifeste
de plus en plus dans les rencontres entre les différentes familles d’Eglises.
3.3.2 Les nombreux dialogues interreligieux sont aussi autant de signes
d’espérance, notamment le dialogue islamo-chrétien, au niveau des responsables
comme au niveau d’une partie du peuple. Toutefois, il faut savoir que le
dialogue est une longue marche et un effort qui se perfectionne jour après
jour, en vivant les mêmes épreuves et les mêmes attentes. Le dialogue existe
aussi entre les trois religions - judaïsme, christianisme et islam - et nombre
d’autres dialogues ont lieu aux niveaux académique ou social. Tous ces
dialogues s'efforcent d'abattre les murs qu’impose l’occupation et de s’opposer
à la déformation de l’image de l’autre dans le coeur de ses frères et soeurs.
3.3.3 Parmi les signes les plus importants d’espérance, il faut
mentionner la constance des générations qui croient à la justice de leur cause
ainsi que la persévérance de la mémoire, qui n’oublie pas la catastrophe, “la
nakba” et sa signification. La même prise de conscience est à l’oeuvre dans
de nombreuses Eglises à travers le monde, qui désirent mieux connaître la
vérité sur ce qui se passe ici.
3.3.4 De plus, nous voyons, chez beaucoup de gens, une détermination à
dépasser les rancunes du passé. Ils sont prêts à la réconciliation une fois la
justice rétablie. Le monde prend conscience de la nécessité de restaurer les
droits politiques des Palestiniens. Des voix juives et israéliennes plaidant
pour la paix et la justice s'élèvent à cette fin, soutenues aussi par la
communauté internationale. Il est vrai que ceux qui sont pour la justice et la
réconciliation restent impuissants à mettre fin à l’injustice. Ils représentent
cependant une force humaine qui a son importance et pourrait abréger le temps
de l’épreuve et rapprocher celui de la réconciliation.
Mission de l’Eglise
3.4 Notre Eglise est une Eglise d’hommes et de femmes qui prient et
servent. Leur prière et leur service sont une prophétie qui porte la voix de
Dieu dans le présent et l’avenir. Tout ce qui arrive dans notre pays et à toute
personne humaine qui l’habite, toutes les épreuves et les espérances, toute
injustice et tout effort pour l’arrêter, tout cela est une partie de la prière
de notre Eglise et du service de toutes ses institutions. Nous remercions le
Seigneur parce qu’elle élève sa voix contre l’injustice, bien que certains voudraient
qu’elle reste dans son silence, isolée dans ses dévotions.
3.4.1 La mission de l’Eglise est une mission prophétique qui proclame
la Parole de Dieu dans le contexte local et dans les événements quotidiens,
avec audace, douceur et amour pour tous. Et si l’Eglise prend un parti, c’est
celui de l’opprimé. Elle se tient à ses côtés, de même que Jésus s’est mis du
côté du pauvre et du pécheur qu’il a appelé à se repentir, à vivre et à
retrouver la dignité que Dieu lui a donnée et dont personne n'a le droit de le
priver.
3.4.2 La mission de l’Eglise consiste à annoncer le royaume de Dieu, un
royaume de justice, de paix et de dignité. Notre vocation comme Eglise vivante
est de
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témoigner de la bonté de Dieu, et de la dignité de la personne humaine.
Nous sommes appelés à prier et à élever notre voix pour annoncer une société
nouvelle où les hommes croient en leur dignité et en celle de leur adversaire.
3.4.3 L’Eglise annonce le Royaume de Dieu, qui ne peut être lié à aucun
régime terrestre. Jésus dit devant Pilate : “Oui, je suis roi, mais mon
royaume n’est pas de ce monde” (cf. Jn 18,36.37). Saint Paul dit : “Le
règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice,
paix et joie dans l’Esprit Saint” (Rm 14,17). C’est pourquoi la religion ne
soutient et ne défend aucun régime politique injuste. Elle soutient et défend
la justice, la vérité et la dignité humaine et essaie de porter la purification
nécessaire dans les régimes qui pratiquent l’injustice et violent la dignité de
la personne humaine. Le royaume de Dieu ne peut être lié à aucun système
politique, car il est plus grand, plus universel que tout système politique en
particulier.
3.4.4 Jésus dit : “Le royaume de Dieu est parmi vous” (cf. Lc
17,21). Cette présence en nous et parmi nous est l’extension du mystère de la
Rédemption et c’est la présence de Dieu parmi nous et le fait d’en prendre
conscience en tout ce que nous faisons ou disons. Devant cette présence divine,
nous agissons jusqu’à ce que soit accomplie la justice que nous attendons sur
cette terre.
3.4.5 Les dures circonstances qu’a vécues et que vit encore notre
Eglise palestinienne l’ont amenée à purifier sa foi et à mieux connaître sa
vocation. Nous avons réfléchi sur notre vocation et nous l’avons mieux
découverte au milieu de la souffrance et de l’épreuve : aujourd’hui nous
portons en nous la force de l’amour, non pas celle de la vengeance ; la culture
de la vie, non pas celle de la mort. Ceci est source d’espoir pour nous, pour
l’Eglise et pour le monde.
3.5 La Résurrection est le fondement de notre espérance. Jésus est
ressuscité, vainqueur de la mort et du mal. Ainsi pouvons-nous, nous aussi, et
tous les habitants de cette terre, vaincre le mal de la guerre grâce à elle.
Quant à nous, nous resterons une Eglise de témoins, persévérante et agissante
sur la terre de la Résurrection.
4. L’amour
Le commandement de l’amour
4.1 Le Christ nous a dit : “Aimez-vous les uns les autres comme je
vous ai aimés” (Jn 13,24). Il nous a déjà montré comment aimer et comment
traiter nos ennemis. Il a dit : “Vous avez entendu qu’il a été dit : aimez
vos amis et haïssez vos ennemis. Moi, je vous dis : aimez vos ennemis, et priez
pour ceux qui vous persécutent afin de devenir fils de votre Père qui est aux
cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et les bons et tomber la
pluie sur les justes et injustes” (Mt 5,45-47).
Saint Paul dit : “Ne rendez pas le mal pour le mal” (Rm 12,17)
et saint Pierre : "Ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte.
Bénissez au contraire, car c’est à cela que vous êtes appelés, afin d’hériter
la bénédiction” (1P 3,9).
La résistance
4.2 Les paroles de Jésus sont claires. Aimer, voilà ce qu’il nous a
donné comme commandement : aimer les amis et les ennemis. Voilà une directive
claire, lorsque nous nous trouvons dans des circonstances dans lesquelles nous
devons résister au mal, quel qu’il soit.
4.2.1 Aimer c’est voir le visage de Dieu en tout être humain. Toute
personne est mon frère et ma soeur. Néanmoins, voir le visage de Dieu en toute
personne ne veut pas dire consentir au mal ou à l’oppression de sa part.
L’amour consiste plutôt à corriger le mal et à arrêter l’oppression.
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L’injustice imposée au peuple palestinien, c’est-à-.dire l’occupation
israélienne, est un mal auquel il faut résister. C’est un mal et un péché
auquel il faut résister et qu’il faut écarter. Cette responsabilité incombe
tout d’abord aux Palestiniens eux-mêmes qui subissent l’occupation. L’amour
chrétien en effet appelle à la résistance à l’occupation, mais l’amour met fin
au mal, en prenant les voies de la justice. Elle incombe ensuite à la
communauté internationale, car la légitimité internationale gouverne
aujourd’hui les rapports entre les peuples, et c’est en fin l’oppresseur
lui-même qui doit se libérer du mal qui est en lui et de l’injustice qu’il
exerce contre les autres..
4.2.2 Lorsque nous passons en revue l’histoire des peuples nous y
trouvons des guerres fréquentes. Nous y trouvons la résistance à la guerre par
la guerre, et à la violence par la violence. Le peuple palestinien a tout
simplement pris la route de tous les peuples, surtout dans les premières phases
de sa lutte contre l’occupation israélienne. Mais il a aussi résisté
pacifiquement, notamment durant sa première intifada. Avec tout cela, nous
voyons que tous les peuples doivent s’engager dans une nouvelle voie dans leurs
rapports les uns avec les autres et pour la solution de leurs conflits : éviter
les voies de la force militaire et recourir aux voies de la justice. Cela s’impose
en premier lieu aux peuples puissants militairement qui exercent l’injustice à
l’égard de peuples plus faibles.
4.2.3 Nous disons que notre option chrétienne face à l’occupation
israélienne est la résistance ; c'est là un droit et un devoir des chrétiens.
Or cette résistance doit suivre la logique de l’amour. Elle doit donc être
créative, c'est-à-dire qu'il lui faut trouver les moyens humains qui parlent à
l’humanité de l’ennemi lui-même. Le fait de voir l’image de Dieu dans le visage
de l’ennemi même et de prendre des positions de résistance à la lumière de
cette vision est le moyen le plus efficace pour arrêter l’oppression et
contraindre l’oppresseur à mettre fin à son agression et, ainsi, atteindre le
but voulu : récupérer la terre, la liberté, la dignité et l’indépendance.
4.2.4 Le Christ nous a donné un exemple à suivre. Nous devons résister
au mal, mais il nous a enseigné de ne pas résister au mal par le mal. C’est un
commandement difficile, surtout lorsque l’ennemi s’obstine dans sa tyrannie et
persiste à nier notre droit à exister ici dans notre terre. C’est un
commandement difficile. Mais c’est le seul qui peut tenir tête aux déclarations
claires et explicites des autorités israéliennes refusant notre existence ou à
leurs divers prétextes pour continuer à nous imposer l’occupation.
4.2.5 La résistance au mal de l’occupation s’insère donc dans cet amour
chrétien qui refuse le mal et le corrige. C’est une résistance à l’injustice
sous toutes ses formes et avec les moyens qui rentrent dans la logique de
l’amour. Nous investissons toutes nos énergies pour faire la paix. Nous pouvons
recourir à la désobéissance civile. Nous résistons, non par la mort, mais par
le respect de la vie. Nous respectons et vénérons tous ceux qui ont donné leur
vie pour la patrie. Et nous disons aussi que chaque citoyen doit être prêt à
défendre sa vie, sa liberté et sa terre.
4.2.6 L'appel lancé par des organisations civiles palestiniennes, des
organisations internationales, des ONG et certaines institutions religieuses
aux individus, entreprises et Etats en faveur d'un boycott économique et
commercial de tout produit de l’occupation, s’insère dans la logique de la
résistance pacifique. Ces campagnes de soutien et de solidarité doivent se
faire avec courage, tout en proclamant sincèrement et clairement que leur but
n’est pas de se venger de qui que ce soit, mais de mettre fin au mal qui
existe, pour en libérer l’oppresseur et l’opprimé. L'objectif est d'affranchir
les deux peuples des positions extrémistes des différents gouvernements
israéliens, afin de parvenir enfin à la justice et à la réconciliation. Avec
cet esprit et
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cette action, nous finirons par arriver à la solution tant attendue,
comme cela s’est réalisé en Afrique du Sud et pour d’autres mouvements de libération
dans le monde.
4.3 Par notre amour nous dépassons les injustices pour jeter les bases
d’une nouvelle société, pour nous et pour nos adversaires. Notre avenir et le
leur ne font qu’un : ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons
ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble. Nous invitons les
Israéliens à renoncer à leur injustice à notre égard, à ne pas déformer la
vérité de l’occupation en prétendant lutter contre le terrorisme. Les racines
du “terrorisme” sont l’oppression de la personne humaine et le mal de
l’occupation. Il faut que cela disparaisse si vraiment il y a une volonté
sincère de mettre fin au “terrorisme”. Nous invitons les Israéliens à être
partenaires de paix et non partenaires dans un cycle de violence sans fin.
Ensemble, nous résistons au mal, celui de l’occupation, et celui du cycle
infernal de la violence.
5. Appel à nos frères et soeurs dans la foi
5.1 Nous sommes aujourd’hui tous dans l’impasse, et nous nous trouvons
face à un avenir menaçant. Notre parole à nos frères et soeurs dans la foi est
une parole d’espoir, de patience, de persévérance, et d’un effort toujours
renouvelé pour préparer un avenir meilleur. Une parole qui nous dit à tous :
nous sommes, dans cette terre, porteurs d’un message, et nous continuerons à le
porter, même entre les épines, le sang et les difficultés quotidiennes. Nous
mettons notre espoir en Dieu. C’est lui qui nous accordera la paix à l’heure
qu’il voudra. Mais en même temps nous agissons. Avec lui et selon sa volonté
divine, nous continuons d'agir, de construire, de résister au mal et de
rapprocher l’heure de la justice et de la paix.
5.2 Nous leur disons : C’est un temps de pénitence, qui nous ramène à
la communion de l’amour avec tout souffrant, avec les prisonniers, les blessés,
ceux qui ont été atteints d’un handicap pour un temps ou pour toujours, avec
les enfants qui ne peuvent vivre leur enfance, avec tous ceux qui pleurent
quelqu’un qui leur est cher. La communion de l’amour dit au croyant en esprit et
en vérité : mon frère est prisonnier, je suis donc moi prisonnier. Mon frère a
sa maison démolie, c’est ma maison qui est démolie. Mon frère a été tué, c’est
moi qui ai été tué. Nous faisons face aux mêmes défis. Nous sommes partie
prenante de tout ce qui s’est passé et se passe encore. Peut-être que nous nous
sommes tus, nous, fidèles ou chefs d’Eglises, alors qu’il fallait élever la
voix pour condamner l’oppression et partager l’épreuve. C’est maintenant un
temps de pénitence, pour le silence, l’indifférence, le manque de communion, ou
parce que nous n’avons pas été fidèles à notre témoignage dans cette terre
alors nous avons choisi d’émigrer, ou parce que nous n’avons pas assez réfléchi
et agi pour arriver à une vision nouvelle qui nous unit alors nous nous sommes
divisés, donnant un contre témoignage, affaiblissant ainsi notre parole. Une
pénitence, pour nous être préoccupés de nos institutions aux dépens de notre
message, et pour cela nous avons fait taire la voix prophétique que l’Esprit
donne aux Eglises.
5.3 Nous invitons les chrétiens à résister dans ces temps difficiles,
comme nous l’avons fait à travers les siècles et la succession des Etats et des
gouvernements. Soyez patients, constants, pleins d’espoir et remplissez de cet
espoir le coeur de tout frère et de toute soeur qui partage avec vous la même
difficulté. Soyez “toujours prêt à répondre à quiconque demande raison de
l’espérance qui est en vous” (1P 3,15). Soyez toujours
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actifs, partageant tous les sacrifices que requiert la résistance selon
la logique de l’amour, afin de triompher de l’épreuve que nous endurons.
5.4 Notre communauté est petite, mais notre mission est grande et
importante. Le pays a un grand besoin d’amour. Notre amour est un message pour
les musulmans, pour les juifs et pour le monde.
5.4.1 Notre message aux musulmans est un message d’amour et de
convivialité et un appel à rejeter le fanatisme et l’extrémisme. C’est aussi un
message pour le monde, pour lui dire que les musulmans ne sont pas un objet de
combat ou un lieu de terrorisme, mais un but de paix et de dialogue.
5.4.2 Notre message aux juifs leur dit : “ Si, dans le passé récent,
nous nous sommes combattus, et aujourd’hui encore nous ne cessons de nous
combattre, nous sommes cependant capables d’amour et de vie ensemble,
aujourd’hui et demain. Nous sommes capables d’organiser notre vie politique
avec toutes ses complexités selon la logique et la force de l’amour, une fois
l’occupation terminée et la justice rétablie.”
5.4.3 La parole de foi dit à tous ceux qui sont engagés dans l’action
politique : l’homme n’est pas créé pour haïr. Il n’est pas permis de haïr. Il
ne vous est pas permis de tuer ni de vous faire tuer. La culture de l’amour est
la culture de l’acceptation de l’autre. Par elle, la personne atteint sa propre
perfection, et la société réalise sa stabilité.
6. Appel aux Eglises du monde
6.1. Notre appel aux Eglises du monde est d’abord l’expression de notre
reconnaissance pour leur solidarité, par leur parole, leur action et leur
présence parmi nous. C’est une parole d’appréciation pour la position de
plusieurs Eglises et chrétiens qui soutiennent le droit du peuple palestinien à
son auto-détermination. C’est aussi un message de solidarité avec ces Eglises
et ces chrétiens qui souffrent parce qu'ils défendent le droit et la justice.
Mais c’est aussi un appel à la conversion et à la révision de certaines
positions théologiques fondamentalistes qui soutiennent des positions
politiques injustes à l’égard du peuple palestinien. C’est un appel à prendre
le parti de l’opprimé, à faire en sorte que la Parole de Dieu reste une annonce
de bonne nouvelle pour tous, et à ne pas la transformer en une arme
qui tue l’opprimé. La Parole de Dieu est une parole d’amour pour toutes ses
créatures. Dieu n’est l’allié de personne contre personne. Il n’est pas non
plus l’adversaire avec l’un face à l’autre. Il est le Seigneur de tous. Il aime
tous, il demande justice à tous et il donne ses mêmes commandements à tous.
C’est pourquoi nous demandons aux Eglises de ne pas donner une couverture
théologique à l’injustice dans laquelle nous vivons, c’est-à-dire le péché de
l’occupation qui nous est imposée. La question que nous adressons aujourd'hui à
nos frères et soeurs dans toutes les Eglises est la suivante : pouvez-vous nous
aider à retrouver notre liberté ? Ainsi seulement vous aiderez les deux peuples
de cette terre à parvenir à la justice, à la paix, à la sécurité et à l’amour.
6.2 Pour comprendre notre réalité, nous disons aux Eglises : venez et
voyez. Notre rôle consiste à vous faire connaître la vérité et à vous
accueillir comme pèlerins qui viennent pour prier et remplir une mission de
paix, d’amour et de réconciliation. Venez connaître les faits et découvrir les
gens qui peuplent cette terre, Palestiniens et Israéliens.
6.3 Nous condamnons toute forme de racisme, religieux ou ethnique, y
compris l’antisémitisme et l’islamophobie et nous vous invitons à condamner
tout racisme et à
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vous y opposer fermement de quelque façon qu’il se manifeste. Avec
cela, nous vous invitons à dire une parole de vérité et à prendre des positions
de vérité en ce qui concerne l’occupation du Territoire palestinien par Israël.
Et, comme nous l'avons déjà dit, nous voyons dans le boycottage et le retrait
des investissements un moyen non violent pour atteindre la justice, la paix et
la sécurité pour tous
7. Appel à la communauté internationale
Nous demandons à la communauté internationale de cesser la pratique
“des deux poids deux mesures” et d’appliquer à toutes les parties les résolutions
internationales qui ont trait à la question palestinienne. Car l’application de
la loi internationale aux uns et sa non-application aux autres laisse la porte
grande ouverte à la loi de la jungle. Cela justifie aussi les prétentions de
groupes armés et de nombreux pays qui disent que la communauté internationale
ne comprend que le langage de la force. Nous vous invitons aussi à écouter
l’appel des organisations civiles et religieuses mentionnées plus haut pour
commencer à appliquer à l'égard d'Israël le système des sanctions économiques
et du boycott. Nous le répétons encore une fois, il ne s’agit pas de se venger,
mais de parvenir à une action sérieuse pour une paix juste et définitive, qui
mette fin à l’occupation israélienne des Territoires palestiniens et d’autres
territoires arabes occupés, et qui garantisse la sécurité et la paix à tous
8. Appel aux chefs religieux juifs et musulmans
Nous adressons enfin un appel aux chefs religieux et spirituels, juifs
et musulmans, avec qui nous partageons la même vision : toute personne humaine
est créée par Dieu et tient de lui la même dignité. D’où l’obligation de
défendre l’opprimé et la dignité que Dieu lui a accordée. Ainsi, nous nous
élevons ensemble au-dessus des positions politiques qui ont échoué jusqu’à
maintenant et continuent à nous mener dans les voies de l’échec et de
l’épreuve. En effet, les voies de l’Esprit sont différentes de celles des
pouvoirs de cette terre, car “les voies de Dieu sont toutes miséricorde et
vérité” (Ps 25/24,10).
9. Appel à notre
peuple palestinien et aux Israéliens
9.1 C’est un appel à voir le visage de Dieu en chacune de ses
créatures, et à aller au-delà des barrières de la peur ou de la race, pour
établir un dialogue constructeur, non pour persister dans des manoeuvres qui
n’en finissent jamais et qui n’ont pour but que de maintenir la situation telle
qu’elle est. Notre appel vise à parvenir à une vision commune bâtie sur
l’égalité et le partage, non sur la supériorité, ni sur la négation de l’autre
ou l’agression, sous prétexte de peur et de sécurité. Nous disons que l’amour
est possible et que la confiance mutuelle est possible. Donc, la paix aussi est
possible, tout comme la réconciliation définitive. Ainsi la sécurité et la
justice pour tous se réaliseront-elles.
9.2 Le domaine de l’éducation est important. Il faut que les programmes
d’éducation fassent connaître l’autre tel qu’il est et non à travers le prisme
de la querelle, de l’hostilité ou du fanatisme religieux. En fait, les
programmes de l’éducation religieuse et humaine sont aujourd’hui empreints de
cette hostilité Il est temps de commencer une éducation nouvelle qui fait voir
le visage de Dieu dans l’autre et qui dit que nous sommes capables de nous
aimer les uns les autres et de construire ensemble notre avenir de paix et de
sécurité.
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9.3 Le caractère religieux de l’Etat, qu’il soit juif ou musulman,
étouffe l’Etat, le tient prisonnier dans des limites étroites, en fait un Etat
qui préfère un citoyen à l’autre et pratique l’exclusion et la discrimination
entre ses citoyens. Notre appel aux juifs et aux musulmans religieux est le
suivant : que l’Etat soit pour tous ses citoyens, bâti sur le respect de la
religion, mais aussi sur l’égalité, la justice, la liberté et le respect du
pluralisme, non sur la domination du nombre ou de la religion.
9.4 Aux dirigeants palestiniens, nous disons que les divisions internes
ne font que nous affaiblir et augmenter nos souffrances, alors que rien ne les
justifie. Pour le bien du peuple, qui passe avant celui des partis, il faut y
mettre fin. Nous demandons à la communauté internationale de contribuer à cette
union et de respecter la volonté du peuple palestinien librement exprimée.
9.5 Jérusalem est la base de notre vision et de toute notre vie. Elle
est la ville à laquelle Dieu a donné une importance particulière dans
l’histoire de l’humanité. Elle est la ville vers laquelle tous les peuples
s’acheminent et où ils se rencontrent dans l’amitié et l’amour en présence du
Dieu un et unique, selon la vision du prophète Esaïe : “Il arrivera dans la
suite des temps que la montagne de la maison de Dieu sera établie en tête des
montagnes et s’élèvera au-dessus des collines. Alors toutes les nations
afflueront vers elle…. Il jugera entre les nations, il sera l’arbitre de
peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs
lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation,
on n’apprendra plus à faire la guerre” (Is 2, 2-5).
C’est sur cette vision prophétique et sur la légitimité internationale
concernant l’ensemble de Jérusalem – habitée aujourd’hui par deux peuples et
trois religions - que doit se fonder toute solution politique. C’est le premier
point à traiter dans les pourparlers, car la reconnaissance de sa sainteté et
de sa vocation sera une source d’inspiration pour la résolution de l'ensemble
du problème, qui relève de la confiance mutuelle et de la capacité à construire
une “nouvelle terre” sur cette terre de Dieu.
Espérance et foi en Dieu
10. En l’absence de tout espoir, nous faisons entendre aujourd’hui
notre cri d’espérance. Nous croyons en un Dieu bon et juste. Nous croyons que
sa bonté finira par triompher sur le mal de la haine et de la mort qui règnent
encore sur notre terre. Et nous finirons par entrevoir une “terre nouvelle” et
un “homme nouveau”, capable de s’élever par son esprit jusqu’à l’amour de tous
ses frères et soeurs qui habitent cette terre.
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