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THEOLOGIE ET QUESTIONS DISPUTEES: LA PAQUE de PARSIFAL Joséphin PELADAN
mars 29, 2024
« Vous ferez cela en mémoire de Moi » ou L’actualisation du Mystère Eucharistique.
Les termes choisis par NSJ+C, inciteront certains à penser que la dernière Cène étant accomplie sur terre, si elle est à nouveau « effectuée » dans le cadre d’une liturgie, constitue une sorte de mémorial, en mémoire de cet événement accompli par le Sauveur, lorsque d’autres considéreront que ces mots introduisent ou permettent le renouvellement du Saint Sacrifice accompli le Jeudi Saint.
Nous ne partageons aucune de ces thèses, la communion eucharistique ne peut être réduite à une action symbolique, de même que le célébrant ne saurait être – fut-ce durant ce temps de la Divine Liturgie - un nouveau Christ.
Parmi les grandes erreurs de la pensée théologique, réside celle portant sur le temps, l’homme ramenant toujours ses compréhensions ou déductions en fonction de ce qu’il est et de la dimension dans laquelle il évolue, or, le temps de Dieu n’est pas le temps de l’homme.
Il convient en effet de distinguer l’unique Sacrifice expiatoire (non pour NSJ+C mais pour nos péchés) des sacrifices propitiatoires.
Alors qu’il était un temps où l’on disait que l’hostie était le pain des anges, cette formulation « populaire » devrait inviter le fidèle et le célébrant à bien comprendre que la Sainte Messe nous fait entrer dans une anticipation du Royaume. Dans le cadre de (1) le célébrant commence la Divine Liturgie par cette prière :
P - + Mère de bonté‚ et de miséricorde, Bienheureuse Vierge Marie, moi misérable et indigne pêcheur, j'ai recours à vous de tout cœur et avec amour. De même que vous vous êtes tenue debout près de votre très aimable Fils suspendu à la croix ; je demande à votre bonté qu'elle veuille bien nous assister moi, misérable pêcheur, et tous les prêtres qui, dans la Sainte Eglise, offrent aujourd'hui le Saint Sacrifice : que secourus par votre grâce, nous puissions présenter à la Suprême et Indivisible Trinité, ce sacrifice propitiatoire en communion avec le sacrifice expiatoire de Notre Seigneur Jésus Christ, pour notre salut et pour celui du monde entier. Ainsi soit-il. »
Ainsi le célébrant se prépare à entrer, lui et la communauté de toute la Création, dans un temps hors du temps, dans l’actualisation de l’unique Sacrifice.
Il échet de distinguer deux conceptions de La Présence ; De première part La Présence Spirituelle celle de l’ecclésia que nous dirons « horizontale », de seconde part LA Présence Réelle que nous qualifierons de « verticale » dans la relation entre Dieu et le célébrant. Ces deux Présences sont indissociables du Mystère Eucharistique, qui ne peut connaître de plénitude que sous cette condition des deux Présences, dont les positions forment et actualisent une croix invisible.
En effet, les théories Protestantes ou modernistes invitent à comprendre que la messe ne dépendrait que de la présence physique d’une assemblée. C’est dans cet esprit que l’Eglise romaine a rejeté l’ancienne messe basse, le célébrant ne percevant dans cet acte que la verticalité du mystère, alors qu’il lui reviendrait d’associer à sa prière tous les champs de la création.
« P - Frères désincarnés qui poursuivez votre cheminement, Martyrs et Saints de l'Eglise Visible et Invisible qui intercédez pour nous, Anges gardiens qui assistez les membres de cette communauté‚ et ceux qui ont besoin de prières, Hiérarchies Célestes qui louez Dieu sans cesse, je vous invite à participer à cette célébration. Unissez-vous à notre prière à laquelle s'associent toutes les âmes de bonne volonté. Daignez communier spirituellement à cette anticipation du Royaume des Cieux que la Sainte Eucharistie actualise pour la purification et l'unification de nos cœurs, en Dieu. » (1)
Ce Sacrifice est maintes fois rappelé, notamment lorsque le célébrant versant le vin puis l’eau dans le calice, dit :
« P - Un des soldats transperça avec sa lance le côté du Seigneur. Il en sortit du sang et de l'eau, pardon du monde entier. Celui qui l'a vu en rendit témoignage et son témoignage est véridique. » (1)
Le célébrant versant ensuite un peu d’eau dans le calice ajoute :
« P - Dieu qui d'une manière admirable avez créé la nature humaine dans sa noblesse et l'avez restaurée d'une manière plus admirable encore, accordez-nous selon le mystère de cette eau et de ce vin, de prendre part à la divinité de Celui qui a daigné partager notre humanité : Jésus Christ Votre Fils Notre Seigneur, qui étant Dieu, vit et règne avec Vous en l'unité du Saint Esprit, dans les siècles des siècles. Amen. » (1)
Indépendamment de l’observation qui sera faite que l’eau fut ajoutée au vin parce que le vin de Palestine comme celui de toute l’antiquité était résineux et qu’il convenait de le rendre plus fluide, la présence de cette eau permet d’évoquer que la restauration de l’humanité s’est opérée par La Passion de Notre Seigneur, ce que ne manque pas de rappeler le coup de lance.
Cette actualisation de la rédemption de toute la création est rappelée dans ces paroles qui précèdent celles de l’Institution :
« P- A l'approche du temps où Il allait se soumettre à la mort volontaire, Lui sans péché pour nous pêcheurs, afin de détruire la mort, rompre les chaînes du diable, fouler au pied l'enfer, amener les hommes à la lumière et manifester la résurrection, dans la nuit où Il fut livré pour le salut du monde ... » (1)
« Lui sans péché pour nous pêcheurs », insistons sur ce choix de ces mots pour que l’on cesse de se méprendre. Le Christ n’a pas vécu « Sa » Passion mais « La » Passion, car ce n’est pas Lui qui expie pour Lui-même mais Il endosse nos péchés par notre incapacité à faire Alliance et réparer nos fautes.
A cette actualisation de la rédemption se trouvent des prières formulées par le célébrant (2) auxquelles s’ajoutent les intentions les âmes présentes portent dans leur cœur comme les y invite le prêtre. Il conviendra alors au prêtre de ne pas oublier de solliciter la Grâce sacramentelle pour ceux qui sont réellement empêchés de participer à la Divine Liturgie ou de recevoir un sacrement, selon leur Désir, leur tension vers Dieu et autant qu’il sera possible avec les grâces surérogatoires acquises, selon le principe de la Communion des Saints (2).
Ainsi, avant le Lavabo, le prêtre dira : « P - Voyez l'humilité de nos âmes et le repentir de nos cœurs. Accueillez-nous Seigneur et que Votre Sacrifice s'actualise aujourd'hui devant vous, de telle manière qu'il Vous soit agréable. O Seigneur Notre Dieu. » (1)
Il s’agit bien de l’actualisation du Sacrifice de la dernière Cène.
Comme le rappellera à juste titre Saint Jean Chrysostome ce n’est pas l’épiclèse ou invocation de l’Esprit Saint qui consacre les Saintes Espèces, mais les paroles de l’Institution :
« Ce n'est pas un homme qui fait que ce qui nous est offert soit véritablement le corps et le sang de Jésus-Christ, mais c'est ce même Christ qui a été crucifié pour nous. Le prêtre, à l'autel, lorsqu'il prononce les paroles n'est que la figure de Jésus-Christ ; la vertu et la grâce viennent de Dieu qui agit quand le prêtre dit : Ceci est mon corps. Ces mots transforment ce qui est offert. » (3).
Cette transformation est la résultante de la communion du sacrifice propitiatoire à l’unique Sacrifice expiatoire, dans un temps hors du temps permis par l’Esprit Saint, raison pour laquelle, bien avant et non après les paroles de l’Institution, le célébrant énonce cette épiclèse :
« P - Nous Vous prions et Vous appelons, O saint des Saints, afin que par Votre bonté, Votre Esprit Saint vienne sur nous et sur les dons que nous offrons maintenant, et qu'Il Bénisse, Sanctifie et manifeste ce pain, comme Corps précieux de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus Christ, et cette coupe, comme Sang précieux de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus Christ, répandu pour la vie du monde et nous unisse tous ; qui partageons le Pain et le Vin, dans la Communion du Saint Esprit. » (1 & 4).
Le célébrant après un instant de silence poursuit la liturgie par ces termes :
« P - Souvenez-vous mes frères et bien aimés de l'avertissement de l'Apôtre : Le Royaume des cieux, ce n'est pas le manger et le boire, mais c'est la justice, la paix, la joie dans l'Esprit Saint. Humilions-nous, pardonnons et soyons charitables, car il nous est donné, comme l'exhorte Saint pierre, par une sainte conduite et par nos prières, d'attendre et de hâter l'avènement du Jour de Dieu. »
Une observation et un conseil : il est fort rare de constater chez le célébrant, autre chose qu’une récitation des paroles de l’Institution, lorsque, du fait qu’il s’agit d’une actualisation de La Cène, et par voie de conséquence, il serait judicieux que le ministre du culte fasse les mêmes gestes que le Christ en bénissant les espèces, élève les yeux au ciel en rendant grâce au Père, puis garde un instant de silence, regarde le crucifix s’il en est encore un sur l’autel, se recueille, avant de dire : « Vous ferez cela en mémoire de moi ».
Cette conscience d’un « cérémonial » et non d’un « mémorial » suppose une relation au Sacré qui ne sera pas semblable pour tous, qu’il s’agisse de nombreux ecclésiastiques romains et de l’essentiel des pasteurs : cette perception semble perdue ou inconnue. Parmi les motifs qui pourraient expliquer cette situation, il conviendra de retenir que l’eucharistie fut comprise comme étant soit un rappel de La Cène, soit seulement une transubstantation, alors que le Mystère Eucharistique est beaucoup plus vaste puisqu’il nous introduit dans le Royaume, raison pour laquelle l’Eglise Byzantine évoque non pas la transubstantiation, mais la modification des espèces par les énergies divines, sous réserve bien entendu de reconnaître que ce sont les paroles de l’Institution qui consacrent les espèces (3).
L’absence de conscience de la présence des énergies divines, réduit conséquemment et la conscience du Mystère, et les grâces découlant d’une pleine communion du célébrant et de l’assemblée à Dieu et à toute Sa création (5).
En ce Jeudi Saint est-il possible d’inviter les chrétiens à réfléchir au Mystère de ce Jour où, par les paroles finales de l’Institution, il ne s’agit pas d’avoir mémoire de la Sainte Cène accomplie par NSJ+C ou de penser renouveler ce Mystère, mais peut-être enfin de comprendre qu’il s’agit d’une communion dans un temps devenu hors du temps, à l’unique Sacrifice expiatoire, grâce à ce sacrifice propitiatoire.
Jean-Pierre BONNEROT
Ce Jeudi Saint 28 mars 2024
1- Jean-Pierre BONNEROT, La messe inachevée, pour une participation de toute la création au Mystère Liturgique. L’établissement de cette liturgie avec ces notes et commentaires, fera l’objet d’une édition, si déjà un bon accueil est réservé à cet article.
2- Les prières du célébrant seront notamment celles liées aux « intentions » ou sollicitations exposées dans cet Ordinaire de la Messe, mais s’ajouteront les intentions des présents, invités par le prêtre à exprimer et associer leurs demandes. Le ministre du culte joindra encore à ses prières, celles de ceux qui, absents physiquement, étant empêchés, sollicitent dans leur tension vers Dieu, la Grâce sacramentelle désirée.
3- Jean Chrysostome Première homélie sur la trahison de Judas §6, Œuvres complètes, tome 3, Bar-Le-Duc, L. Guerin Ed, 1864, page 197. Signalons que l’abbaye St Benoît de Port Valais a édité de nombreuses œuvres complètes des Pères dont ce théologien, mais aussi St Augustin, St Bernard, etc.
4- Il est toute une théologie du geste qui accompagne la théologie liturgique, ce point sera signalé lors du commentaire à venir de notre travail - sur La Messe inachevée.
5- Si des Pères de l’Eglise comme Grégoire de Palamas insistèrent sur l’importance des énergies divines, afin de ne pas changer de thème de réflexion, déjà nous renvoyons à ces articles antérieurement proposés : L’Esprit Saint dans la divine liturgie & Epiclèse et Paroles de l’Institution. Cf. les liens :
https://www.academia.edu/37047273/LESPRIT_SAINT_DANS_LA_DIVINE_LITRGIE
https://www.academia.edu/37047270/Epicl%C3%A8se_et_Paroles_de_lInstitution