octobre 26, 2005

5 - La coutume dans le Dt canonique : Edoardo DIENI

Edoardo DIENI LA COUTUME DANS LE DROIT CANONIQUE DE LA POST-MODERNITÉ : QUELQUES IDÉES SOMMAIRES Ceux qui veulent combattre l’usage par la grammaire se moquent. M. DE MONTAGNE, Essais, III, 5 I. LES QUERELLES DOCTRINALES ATOUR DE LA COUTUME ET LA CRISE ECCLÉSIOLOGIQUE DE L’APRÈS CONCILE. En théorie générale du droit, on a suggéré que si, malgré son déclin, la coutume suscite encore un grand intérêt, c’est sans doute moins comme facteur réel de la vie juridique qu’à titre de concept-clé de la pensée juridique . Tout en ne préjugeant pas la question de l’importance pratique de la coutume dans la vie juridique de l’Église catholique, on peut s’interroger si cette affirmation n’est pas particulièrement vraie dans le droit canonique. Et, si l’on adopte une approche critique, il ne serait pas inutile, dans ce droit, de rechercher – comme le doyen Carbonnier le propose aux civilistes – « si la coutume vient du peuple ou des juristes, de la masse non technicienne ou de la petite minorité formée par les professionnels du droit » . De fait, dans le droit canonique contemporain, la question de la coutume ne relève pas seulement, à titre de concept-clé, de la pensée juridique, mais elle est au centre d’un véritable contraste idéologique de fond dans le droit de l’Église. On pourrait évoquer à ce propos, à titre d’exemple, la question – plus ou moins indépendante de la réelle importance pratique de cette source du droit dans l’Église – des rapports entre approbatio legislatoris et animus communitatis : en envisageant la littérature canonique sur ce sujet, on trouvera les opinions de ceux qui considèrent l’approbatio legislatoris comme la cause efficiente de la coutume , de ceux qui estiment plutôt que l’approbation du législateur a un caractère déclaratif , de ceux qui parlent plus modestement d’un caractère de certification , de ceux qui considèrent la coutume pas encore approuvée comme une hypothèse normative significative mais pas efficace (dans l’attente de l’approbatio, cause intégrative de l’efficacité) , et de ceux qui la considèrent comme significative et efficace (bien que d’une efficacité différente de celle des actes du législateur) . Dans ces différentes opinions des docteurs, il n’est pas difficile de trouver – nous semble-t-il – le reflet de la dialectique entre la communauté, qui s’exprime par la coutume, et le pouvoir organisé, qui s’exprime par la loi, dans un cadre où une idée et une praxis positiviste de la loi fait face à une coutume comme « secrète révolte contre la loi » . Dans ce cadre, en renversant la présomption de rationalité de la loi qu’on trouve dans le Code (arg. a contrario ex can. 24, § 2 CIC 1983), « la coutume est censée incarner une sagesse qui échappe au législateur » . Elle est donc un correctif contre les lois irrationnelles, ou mieux « l’instrument typique par lequel le droit canonique, depuis son âge classique, vise à se garantir contre les lois irrationabiles » . Il serait difficile de considérer un sujet pareil – comme la plupart des sujets en droit canonique – en dehors de la crise ouverte dans l’Église catholique par le Concile Vatican II ; une crise au fond de laquelle il y a un conflit entre deux ecclésiologies, l’ecclésiologie de la societas inaequalium et l’ecclésiologie de la communio ; autrement dit, l’ecclésiologie qui polarise la production normative dans l’autorité, et l’ecclésiologie qui la déplace dans la communauté, dont la forme par excellence de production du droit est la coutume. Il serait faux, probablement, de dire que la coutume a disparu du droit canonique, parce qu’elle est vitale dans les communautés particulières qui ont un degré suffisant de cohésion, dans les pays de chrétienté traditionnelle comme dans les pays christianisés récemment, où l’enculturation (du catholicisme et) du droit canonique se déroule dans une société de droit coutumier, et dans lesquels les communautés particulières produisent leur droit tout d’abord par la praxis en posant des coutumes propres ou en canonisant des coutumes de la société environnante. Mais, quant l’on regarde la situation générale des pays de chrétienté traditionnelle, il semble légitime de se demander si la coutume est une source du droit qui s’est tarie ou non. Nous oserons suggérer l’hypothèse que la coutume, même dans les pays occidentaux, reste présente, camouflée sous d’autres formes que la forme « classique », dans ce sens que des pratiques juridiques coutumières, des coutumes au sens large, ne manquent pas même ici ; en outre, nous dirons même que la coutume exprime aujourd’hui plus que jamais sa force normative primordiale, si bien que les limitations posés par le législateur ne peuvent pas la conditionner. II. LA «STRUCTURE COUTUMIÈRE» DANS LES ACTIVITÉS JURIDIQUES ET LE RAPPORT INTERPRÉTATION/RÉCEPTION/COUTUME. La coutume est – tout comme les autres modalités constantes du droit, telles que le contrat, la loi et l’autoréglementation – une forme de la communication juridique . On peut s’interroger si les expressions actuelles de cette forme de communication – de ce langage – ne sont pas déterminées d’une façon particulière par le climat culturel actuel. Selon certains théoriciens du droit, de fait, ce qui a disparu aujourd’hui, c’est moins la présence du facteur coutumier dans la pratique juridique, que le rôle central de la coutume dans les sociétés pré-modernes, à savoir son rôle de programme de vie commune . D’après ces auteurs, considérer la coutume comme un programme de vie était possible dans une société marquée par les rapports de parenté, de proximité et de communauté culturelle. En droit canonique, on pourrait noter que des communautés pareilles existent encore : par exemple les communautés monastiques marquées par des rapports de parenté « spirituelle » – à savoir la fraternité qui lie les membres, et la paternité/maternité des supérieurs envers les autres membres – ainsi que la proximité, à savoir la vie en commun des membres. Et, bien évidemment, c’est aussi le cas des toutes les petites communautés qui – enclavées dans l’individualisme de l’Occident – partagent un programme de vie commune, ou même des communautés plus grandes qui, dans des contextes de civilisation coutumière, trouvent normal d’exprimer leur normativité par la praxis. Mais, lorsqu’il s’agit de créer des réseaux de confiance entre individus étrangers, qui entrent en relation d’une façon tout à fait occasionnelle et épisodique – et c’est le cas des conditions de vie de la plupart des catholiques en Occident –, le droit coutumier se révèle inadéquat, et abandonne au droit législatif beaucoup du terrain qu’auparavant il avait occupé. Tout cela ne signifie pas, toutefois, que la coutume va disparaître dans une société où elle n’est plus un programme de vie commune, parce qu’elle garde encore une place, bien que marginale, parmi les sources du droit ; mais surtout, comme l’avait déjà signalé Friederich Carl von Savigny, dans toute expérience juridique, même marquée par la primauté de la loi, reste l’empreinte d’une structure coutumière. On peut trouver cette structure dans l’activité interprétative, qui suppose des formes de vie coutumières, tels que l’usage des mots et des signifiés conventionnels – on parle d’une « coutume savante » dégagée par les juristes, faite de formules, de maximes, de principes, de recettes, de pratiques –, et tout particulièrement dans l’interprétation consolidée des juges ; de façon qu’on pourrait dire que si consuetudo est optima interpres legum (cf. Dig., 1, 3, 37 ; X.1.4.8. ; can. 29 C.I.C. 1917 ; can. 27 CIC 1983) , par contre interpretatio legum est optima (aut mala, aut pessima) consuetudo. Même si dans ces cas-là on ne peut pas dire qu’il s’agit de coutume au sens le plus courant du terme, on peut affirmer toutefois que la pratique interprétative du droit se nourrit de coutumes, de conventions tacites, de traditions . La conscience, aujourd’hui, du rôle créatif de l’interprète, nous conduit plus facilement à admettre que la coutume interprétative est une véritable norme juridique coutumière, et qu’elle peut prévaloir, le cas échéant, sur l’interprétation authentique (qui à son tour est objet d’interprétation) et sur la loi (consuetudo contra legem en forme d’interprétation) . Le lien entre coutume et interprétation nous permet de considérer comme tout à fait pertinent pour la problématique de la coutume le sujet de la réception de la loi ; la receptio legis a été considérée, de fait, dans la doctrine, comme une véritable « coutumisation » de la loi . III. LA COUTUME COMME SOURCE « EXTRA ORDINEM ». Ce point de vue pourrait suggérer une idée de la coutume comme source extra ordinem – au même titre que l’aequitas –, à savoir comme source du droit qui ne nécessite pas d’être réglementée par le droit écrit afin de produire des normes dans le système, et qui produirait des normes même si la réglementation par la loi écrite était restrictive au point de ne pas le permettre. La théorie générale du droit nous offre des arguments pour soutenir cette hypothèse. Bien que puisse sembler étonnant, l’idée selon laquelle «…il est impossible d’exclure par une règle statuée le rôle créateur de la coutume » se trouve chez le dieu tutélaire des juristes positivistes, Hans Kelsen . Pourtant, nous utiliserons en particulier, d’abord, les remarques d’un des constitutionalistes italiens parmi les plus connus, Alessandro Pizzorusso, à cause de sa référence expresse au droit canonique. Évoquant le phénomène de la coutume contra legem, le professeur Pizzorusso se réfère justement à la réglementation du droit canonique, en signalant que, dans un cas pareil, la réglementation légale de la coutume ne peut pas enfermer la force sociale productive de droit sous forme de coutume. De fait, d’après Pizzorusso, même dans les systèmes juridiques où le rôle de la coutume est normalement subordonné à celui de la loi et des autres sources écrites, « on ne peut pas exclure l’éventualité qu’elle [la coutume] ait à développer parfois le rôle d’une norme englobante qui, en opérant comme une source extra ordinem, produit les règles fondamentales d’un système juridique donné ». Nous citons encore : « La règle de la prévalence de la norme législative sur la norme coutumière, et l’obligation consécutive de ne pas appliquer celle-ci, trouve une limite non seulement dans les normes positives du type de celle sur les effets des coutumes trentenaires ou centenaires ou immémoriales contenue dans le canon 26 du Codex iuris canonici […], mais aussi dans le fait que sa portée est limitée aux sources légales et ne s’étend donc pas aux sources dites extra ordinem qui, bien que seulement dans des circonstances exceptionnelles, peuvent impliquer une dérogation au système des sources. C’est justement pourquoi, comme nous y avons fait allusion […], elle constitue, pour ainsi dire, une source potentielle de clôture du système. On ne peut donc pas exclure l’éventualité que la coutume contra legem opère comme source extra ordinem, surtout à titre de désuétude de normes qui dérivent des sources légales » . Un autre constitutionnaliste subalpin, Antonino Spadaro, nous offre des remarques de théorie générale qui pourraient être également appliquées à la théorie des sources en droit canonique. Imaginons un système de contrôle de légitimité constitutionnelle a posteriori, incident et décentré (comme ceux en vigueur en Allemagne ou en Italie), conçu pour éliminer les lois incompatibles avec les valeurs fondamentales de la communauté, consacrées dans la Constitution, au fur et mesure que se pose un problème de compatibilité. Dans un système pareil, chaque loi est potentiellement valide ou invalide : on ne peut pas savoir si une loi est valide ou invalide, jusqu’au jugement de conformité à la Constitution de la part de l’organe judiciaire compétent. Dans l’attente ou en l’absence de ce jugement, il n’y a pas validité/invalidité de l’acte législatif, mais simple présomption de sa validité/invalidité . (Le parallélisme avec le droit canonique consiste dans le fait que, dans la tradition juridique de l’Église, les lois sont présumées aptes à régir des classes de situations typiques, sauf qu’elles se révèlent contraires à la salus animarum dans un cas particulier : une sorte d’inconstitutionnalité par contrariété au droit divin – la « Constitution » de l’Église – à relever au cas par cas, par chaque fidèle qui se trouve face à une loi ecclésiastique à appliquer : juge, administrateur, simple fidèle). Une voie pour sortir de l’impasse déterminée par ces limbes d’incertitude juridique, où toutes les lois existent sub condicione de conformité à la Constitution (au Droit), serait un jugement sur la validité des lois exercé de façon préventive (comme celui, centralisé, du Conseil Constitutionnel en France). Or, dans le droit canonique, les actes singuliers contra legem (l’epikie du fidèle particulier comme l’application de l’équité de la part de l’autorité : par exemple dispense/non-application d’une loi) pourraient être rapprochés d’un contrôle de constitutionnalité a posteriori, incident et décentré. Pourquoi ne pas penser qu’un acte collectif contra legem comme la non réception ab initio de la loi perçue comme étrangère à la rationalité du droit divin puisse être comparé à un contrôle préventif, communautaire, de constitutionnalité, qui empêche les mauvaises lois de devenir du véritable droit ? Pourquoi ne pas penser qu’un acte collectif contra legem comme la désuétude d’une loi autrefois suivie parce que conforme au but du salut éternel, mais désormais, dans un contexte spatial ou temporel différent, considérée inapte à ce même but fondamental – « constitutionnel » –, puisse être rapproché d’un contrôle analogue mais successif ? Le dernier auteur duquel nous nous sommes inspiré affirme que « ce n’est que sur le terrain de l’efficacité qu’on peut évaluer utilement la notion de validité » , et se déclare en désaccord avec la défense faite par Hans Kelsen de son principe d’autolégitimation des actes de l’autorité (Selbstlegitimation) – défense consistant dans l’argumentation par l’absurde que, autrement, tout le monde pourrait se dénouer de l’obligation d’obéir aux lois, en alléguant tout simplement qu’elles ne sont pas des lois . Argumentation par rapport à laquelle le canoniste aussi devrait se déclarer en désaccord, en disant avec S. Augustin (De lib. arb., I) et S. Thomas (I-II, q. 95, a. 2, resp. ; q. 96 a. 4, resp.): « non videtur esse lex, quae iusta non fuerit »… Au fond, donc, nous trouvons – bien évidemment – le problème de la validation des normes, que la doctrine canonique la plus traditionnelle est amenée à considérer d’une façon tout à fait positiviste-formaliste. En effet, d’après le positivisme « pur et dur », courant dans la culture juridique du continent européen, le processus de validation des règles juridiques est à la fois formel et unilatéral (on ne considère que la production de la règle en conformité aux critères internes du système), sans nuances ou absolu (la règle est totalement valide ou absolument nulle), et hiérarchisé (la légalité de la règle est évaluée par rapport à la règle supérieure validante) . Donc, si ce système hiérarchiquement structuré ne prévoit pas la coutume comme source de droit, ou bien, tout en la prévoyant, la soumet à l’approbation du législateur, les coutumes hors de l’ordre des sources du système ne seront pas reconnues par celui-ci . Il y a toutefois une façon plus sophistiquée de comprendre le processus de validation des normes, qui semble plus proche de la réalité sans tomber dans les excès sceptiques de certains courants du réalisme juridique. À savoir, la conception selon laquelle le processus de validation des normes est pluriel et circulaire – il est déterminé non seulement par des critères formels, mais aussi empiriques et axiologiques –, produisant effectivité et légitimité de la règle à la suite de l’absorption de facteurs différents et provenant d’en haut et d’en bas, ainsi que de l’interaction continue de l’ensemble des acteurs . Dans un cadre pareil, s’avèrent (ou bien deviennent visibles) des phénomènes inconcevables dans la perspective dogmatique traditionnelle, tels que des « hiérarchies enchevêtrées » où les organes supposés inférieurs par rapport aux auteurs de la règle formelle, y compris le peuple, sont parfois en mesure d’en déterminer la réception ou le rejet (validation, application, détournement, modification explicite ou implicite, refus) . Dans ce cadre – plus apte à cueillir la complexité du droit post-moderne qu’une conception « militariste » du droit comme celle du positivisme vulgaire – il nous semble qu’on peut plus facilement reconnaître droit de cité à la coutume « extra ordinem », et plus particulièrement à celle contra legem. Sans doute une vision complexe et souple des processus de légitimation du droit est-elle pour l’interprète moins rassurante que les idées reçues sur la hiérarchie des normes qu’on trouve dans les manuels traditionnels. La coutume, par exemple, une fois échappée à la définition-légitimation du Code, révèle sa nature de concept indiscutablement « flou », mais, comme le disait le doyen Gény, tous les concepts juridiques sont « insusceptibles d’estimation mathématique » . Nous nous trouvons dans l’un des lieux où le droit sort du fait, donc au cœur du mystère du droit, avec les redoutables implications philosophiques qui en résultent . Il sera bon, à ce point, de nous tourner vers quelques explications par des exemples pratiques. Si le droit constitutionnel connaît des nombreux cas de coutume contra constitutionem, ainsi que le droit international public « …reconnaît la coutume contraire au traité et ne semble pas en souffrir », et dans le droit commercial ne manquent pas les coutumes dérogeant ouvertement aux lois civiles , l’étude comparée du droit nous offre des exemples circonstanciés et intéressants d’abrogation de lois par une coutume contraire, et même de lois impératives d’ordre public. Rodolfo Sacco allègue la règle coutumière « planétaire » qui permet la récolte de champignons, lampons, fleures sauvages, plantes officinales, etcetera sur le fond autrui non clos, malgré une éventuelle règle légale contraire (en France, les articles 546 et 713 du Code civil) . Norbert Rouland évoque, outre le cas célèbre du don manuel, pratiqué malgré l’interdiction de l’article 931 du Code civil français, les usages professionnels qui, en droit du travail, l’emportent sur les lois impératives quand ils sont plus favorables aux salariés, en revenant finalement sur le droit canonique, à propos duquel il évoque le peu d’effets qu’eurent les prohibitions du pape visant le prêt à intérêt . Pour notre part, pour donner un exemple qui puisse avoir prise sur des professeurs et des étudiants de droit canonique dans une faculté de théologie catholique, on pourrait se souvenir de la constitution apostolique Veterum sapientia du 22 février 1962 , qui oblige les enseignants des facultés de théologie à tenir leurs cours en latin , elle aussi – comme le remarque euphémiquement Jean Werckmeister – suivie de peu d’effets . Et, pour donner un autre exemple qui puisse avoir prise dans un pays où la plupart des prêtres ne s’habillent pas d’une façon différente des laïcs, on pourrait évoquer l’avis du Conseil pontifical pour l’interprétation des textes législatifs, qui, dans une note explicative, a reconnu valeur contraignante au directoire de la Congrégation pour le clergé obligeant les clercs à s’habiller différemment des laïcs , tout en précisant que les praxis contraires à cette norme « ne peuvent pas être considérées comme des coutumes légitimes et doivent être supprimées par l’autorité compétente » . Ce serait alors la force des choses, la force des faits, « die normative Kraft des Faktischen » – et la coutume est une source-fait ou un fait normatif – qui détermine la production immédiate du droit par la communauté, quel que soit l’avis du législateur . De la même façon que – du point de vue pratique – il n’y a pas de loi sans interprétation de la loi , il n’y aurait pas de loi sans coutume d’interprétation/réception de la loi : « leges instituuntur cum promulgantur, firmantur cum moribus utentium approbantur », pour le dire avec le père Gratien … L’idée selon laquelle il faut présumer que les lois humaines sont sous la condition tacite quelles ne deviendront efficaces que « si moribus utentium approbantur » parcourt – comme l’on a signalé – la doctrine canonique « orthodoxe » après Gratien (et pas seulement la doctrine conciliariste hérétique) sans jamais disparaître. Idée bien vivante dans le droit anglais, où la loi du Parlement n’est considérée que comme une proposition de coutume : si celle-ci ne « prend » pas, la loi tombe . Idée non ignorée par les auteurs du Code Napoléon, et pourtant rapidement disparue de la tradition juridique continentale . On pourrait dire alors que, « pour être pleinement efficace, une loi “doit entrer en coutume” » . C’est l’idée, finalement, d’un principe dialogique entre l’autorité et la communauté (principe codifié, avec quelques timidités, au can. 212, § 2-3 CIC 1983) . Une lex non recepta in mores, donc, serait certes une loi du point de vue formel, mais son contenu matériel serait plutôt une corruptio legis, si la non-réception est déterminée par un défaut de rationalité perçu par le sensus fidelium. IV. LA COUTUME CONTRA LEGEM ET LE PARADIGME DE L’EPIKIE. On a dit que, à la fin du XXe siècle, s’est accomplie une mutation (sociale, culturelle, etc., mais surtout) herméneutique par laquelle les propositions dogmatiques du catholicisme (de la hiérarchie catholique) se seraient « volatilisées » au contact de la réception théologique et existentielle de la communauté . On pourrait étendre cette affirmation a beaucoup de normes morales et juridiques proposées par la hiérarchie à ses fidèles. Dans un catholicisme qui aujourd’hui est en train de vivre un « schisme submergé ou invisible » , parce que les catholiques ne veulent pas recevoir, ou bien ne comprennent même pas, les lois promulguées par l’autorité , on peut se demander s’il faut parler d’une coutume généralisée contra legem, d’une fin de non recevoir ou d’une non receptio qui empêche certaines lois ecclésiastiques d’être de véritables lois. Une crise, certes – la crise du catholicisme post-conciliaire et post-moderne – mais ce n’est pas pour rien, probablement, qu’on a dit que « durant la crise des ordonnancements, la fonction de rendre certaine l’existence d’une règle juridique, qui appartient d’habitude aux dispositions sur la production du droit, peut être réalisée seulement par la coutume » . Quoi faire dans ces cas de refus généralisé de la loi ? Il y a désormais un quart de siècle, Juan Fornés, face à la question de la qualification technique de la désobéissance à la loi ou attitude « antidisciplinaire » généralisée des fidèles, ne voyait que l’alternative suivante : ou bien le recours, de la part de l’autorité, à des moyens de nature pénale ou en général disciplinaire, ou bien le recours à la figure classique de la dissimulatio , par laquelle l’autorité ecclésiastique « ferme les yeux » afin de ne pas voir des actes contraires à ses préceptes . Quant à la première alternative, il faudrait s’interroger si le droit pénal ou disciplinaire de l’Église est pourvu, aujourd’hui, des instruments aptes à réprimer la déviance de masse. La réponse serait probablement négative . Quant à la seconde, il s’agit d’une fiction – la hiérarchie fait semblant de ne pas s’apercevoir de la désobéissance – qu’on peut admettre dans des situations temporaires et exceptionnelles, mais qui à long terme déterminerait de la part de l’autorité la renonciation à – ou au moins l’inutilité de – proposer ses valeurs aux fidèles : l’incommunicabilité entre une partie de l’Église (la majorité de la hiérarchie et la minorité « orthodoxe » des autres fidèles) et une autre (la plus grande partie du peuple de Dieu). Rien d’autre que l’interruption de la communication – la débâcle du principe dialogique – qui est le présupposé du schisme virtuel que nous venons d’évoquer. On peut, certes, pour essayer de sortir de l’impasse, se dédier à la recherche d’une meilleure définition des éléments constitutifs de la coutume contra legem selon le Code et selon une tradition doctrinale qui a réduit progressivement le rôle du consensus communitatis , pour conclure finalement qu’une coutume contraire à la loi n’a pas d’existence juridique sans l’approbation du législateur . Mais c’est justement le détachement de la réalité sociale d’une telle approche qui nous a poussé vers une idée non-légale – et néanmoins juridique – de la coutume, tirée de la théorie générale du droit, et que nous avons cru pouvoir ranger parmi les sources ainsi dites « extra ordinem ». Arrivé à ce point, enfin, on pourrait essayer de voir s’il serait possible, en reprenant des idées déjà amorcées précédemment, de conjuguer une telle interprétation théorique « alternative » et « extrémiste » de la coutume avec les conceptions plus avancées du droit canonique, qui posent au cœur du système le paradigme de l’epikie . D’après ces conceptions, toutes les manifestations du droit canonique – un droit considéré comme dynamique par essence, à cause de la composition continue du facteur divin avec le facteur humain – sont à reconduire finalement à leurs racines de droit divin, de telle sorte que le droit chrétien est toujours entre ciel et terre, entre le divin et l’humain. L’idée qu’il n’y a pas de droit divin à l’état « pur » d’un côté, et, de l’autre côté, l’idée que selon le principe d’epikie chaque fidèle est appelé à co-déterminer avec Dieu, dans le for de sa conscience, la règle de droit (en s’opposant, le cas échéant, à des règles qu’il ne considère pas comme des applications de la règle suprême, le commandement de la charité), ces idées donnent un cadre où la liberté des enfants de Dieu est valorisée au maximum (au contraire de certaines positions de la doctrine canonique proche de la curie romaine, qui conçoivent le droit divin comme fixe et immuable, interprétable exclusivement par la hiérarchie, non susceptible d’être « flexibilisé » par les instruments de l’équité, de la dispense, de l’epikie, etc.) . Cette liberté, qui se manifeste au niveau individuel, par exemple par un acte contra legem, peut se manifester aussi au niveau collectif, par des comportements sociaux répétés des enfants de Dieu réunis en peuple. « La coutume serait ainsi à une communauté ce que l’équité canonique est à un individu » . Pour reprendre, à la suite du pape Jean Paul II, l’image de la famille « souveraine » , et donc capable de produire par elle-même un ordre normatif, on pourrait dire que la famille de Dieu aussi est capable de processus « autopoiétiques » de droit. Par rapport à la coutume – comme à beaucoup d’autres sujets en droit canonique –, le conflit de fond serait alors moins entre autorité et communauté qu’entre deux anthropologies : une anthropologie pessimiste qui considère la plupart des hommes comme incapables de se « syntoniser » avec les principes du droit divin, et une anthropologie optimiste qui au contraire envisage tous les hommes comme capables de le faire. Dans la quatrième des ses Cinq leçons sur la justice, Chaïm Perelman a écrit : « Si l’on admet que chaque homme est le reflet d’une raison divine, que les mêmes critères du bien et du mal sont inscrits dans le cœur et la conscience de chacun, les règles accordant autorité et compétences ne sont d’aucune importance, car chacun, élaborant les mêmes lois, les appliquera de la même façon. C’est pareil optimisme qui justifie les doctrines anarchistes préconisant une société sans gouvernement, sans législateurs et sans juges. Ceux, par contre, qui ne réservent qu’à une élite ou même à un seul le privilège de connaître les bonnes règles et l’art de les appliquer, n’accorderont l’autorité et la compétence de légiférer et de juger qu’à une assemblée de sages ou de prêtres, qu’à un roi-philosophe » . Or, c’est la même perspective chrétienne de l’homme pécheur, mais appelé à la rédemption, qui nous amène à partager une vision optimiste, une anthropologie qui considère l’homme capable de s’orienter librement vers le Bien (homo capax Boni = Dei), et à voir, par conséquent, dans la praxis spontanée du peuple de Dieu une libre réponse à l’appel divin, une réalisation spontanée de la justice (homo capax justitiae). Un processus qui peut, le cas échéant, corriger les règles autoritaires, quand celles-ci ne sont pas aptes à réaliser les valeurs de la communauté ou, pis, quand l’élite du pouvoir qui les a produites a agi selon des logiques n’appartenant pas au message chrétien . C’est justement le cœur de ce message qui empêcherait l’explosion anarchique du système : celui-ci se fonde sur une règle à la fois originaire (arché) et de clôture, la règle d’or de l’amour du prochain, qui s’oppose à toute dégénération centrifuge. Au contraire des systèmes normatifs qui ne se fondent que sur des procédures formelles, le droit canonique peut jouir d’une cohésion matérielle autour de la charité qui, intériorisée par chaque fidèle, a sa dimension communautaire dans la coutume, non pas facteur d’anarchie mais instrument de fidélité au message originaire. Nous aimerions utiliser, pour cette « intériorisation » de la « règle d’or » par chaque fidèle, le mot « sinderesis », qui désigne, chez les auteurs de la Scolastique, la tendance de l’âme à s’orienter vers le bien et à s’éloigner du mal, et qui fut employé au XIIe siècle par le canoniste calabrais Simon de Bisignano pour définir la rationalité « supérieure » inspirée du droit naturel : « D’autres en effet disent que le droit naturel est le libre arbitre. Mais celui-ci est également tiré de celui-là parce que l’homme est guidé vers le bien et le mal par le libre arbitre. Le droit naturel, au contraire, condamne et éloigne le mal. D’après nous, donc, le droit naturel est la partie supérieure de l’âme, à savoir la ratio même qu’on appelle sinderesis, qu’on ne peut pas éteindre, selon l’Ecriture, même en Caïn » . Edoardo DIENI Faculté de Droit Université de l’Insubria (Come, Italie) --------------------------- Références correspondant aux notes : . P. HAGGENMACHER, « Coutume », Archives de Philosophie du Droit, 35, 1990 (n° consacré au « Vocabulaire fondamental du droit »), p. 39. . J. CARBONNIER, « La genèse de l’obligatoire dans l’apparition de la coutume », Flexible Droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, L.G.D.J., Paris, 1995, p. 107. . Cf. par exemple P. LOMBARDÍA, « Legge, consuetudine e atti amministrativi nel nuovo codice di diritto canonico », S. FERRARI (sous la direction de), Il Nuovo Codice di Diritto Canonico. Aspetti fondamentali della codificazione postconciliare, Il mulino, Bologna, 1983, p. 69-101 ; I.C. IBÁN, « Notas acerca de la costumbre en el derecho canónico », Il Diritto Ecclesiastico, 97, 1986, p. 272-298 ; A. SÉRIAUX, « Réflexions sur le pouvoir normatif de la coutume en droit canonique », Droits, 3, 1986, p. 68 ; G. COMOTTI, La Consuetudine nel diritto canonico, Cedam, Padova, 1993, p. 160-169. . Cf. P. PICOZZA, art. « Consuetudine – IV (diritto canonico) », Enciclopedia Giuridica, VIII, Treccani, Roma, 1988, p. 4. . Cf. R. BERTOLINO, « Spunti metodologici per una dottrina della consuetudine nel diritto canonico », Scritti in memoria di Pietro Gismondi, I, Giuffré, Milano, 1987, p. 99-123. . Cf. P. PELLEGRINO, L’« Animus communitatis » e l’« approbatio legislatoris » nell’attuale dottrina canonistica della consuetudine antinomica, Giuffré, Milano, 1995, p. 309 et suiv., 313 et suiv., 327; J. OTAUDY, « La comunidad como fuente de derecho. (Presupuestos eclesiólogicos y sociales de la costumbre) », Ius Ecclesiae, 10, 1998, p. 86-87. . Cf. S. BERLINGÒ, Recension de l’ouvrage de Pellegrino cité à la note précédente, Il Diritto Ecclesiastico, 106, 1995, I, p. 835. . Pour la conception de la coutume, façonnée malgré tout par une conception positiviste de la loi, qui comporte une secrète révolte contre celle-là, cf. P. HAGGENMACHER, « Coutume », op. cit., p. 39. . P. HAGGENMACHER, « Coutume », op. cit., ibidem. . S. BERLINGÒ, Diritto canonico, Giappichelli, Torino, 1995, p. 137. . Ce point est souligné particulièrement par R. BERTOLINO, « Spunti metodologici », op. cit., p. 120-121, et P. PELLEGRINO, L’« Animus communitatis », op. cit., p. 96 et suiv. . Une thèse remarquable vient d’être publiée sur un sujet englobant les divers aspects, et particulièrement les plus récents, des phénomènes qu’on peut définir « coutumiers » au sens large : P. DEUMIER, Le Droit spontané, Préface de J.-M. Jacquet, Economica, Paris, 2002. Il est regrettable que ce livre, tout en n’ignorant pas l’expérience du droit de l’Église, ne consacre à la coutume canonique que quelques lignes (cf. n° 356). A la bibliographie considérable à la fin de l’ouvrage, on pourra ajouter N. BOBBIO, art. « Consuetudine a) Teoria generale », Enciclopedia del diritto, IX, Giuffré, Milano, 1961, p. 426-442, et, pour ce qui nous concerne plus directement, A. RAVÀ, « Consuetudine, b) Diritto canonico », ibidem, p. 443-456. . F. VIOLA - G. ZACCARIA, Diritto e interpretazione. Lineamenti di teoria ermeneutica del diritto, Laterza, Roma-Bari, 1999, p. 90. . L.L. FULLER, The Principles of Social Order, Duke U.P., Durham (NY), 1981, p. 220 ; P. DEUMIER, op. cit., p. 443. . J.-L. BERGEL, Théorie générale du droit, Dalloz, Paris, 1999, 3e éd., p. 58 et 68, qui cite le doyen Carbonnier. . La jurisprudence a été appelée « droit coutumier moderne » (dans un contexte de civil law « intégraliste », ce qui est remarquable) : L. JOSSERAND, Cours de droit civil positif français, Sirey, Paris, 1930, p. 67. Sur la question « num et quandonam doctrina et jurisprudentia, praeter vel contra legem inolescentes, sufficiant ad constituendam normam quandam communem et generalem, quae communitatem obliget quasi ex lege consuetudinaria autonoma », cf. le Scholion de G. MICHIELS, Normae generales juris canonici. Commentarius libri I Codicis juris canonici, II, Lublin, Universitas catholica, 1929, p. 44-46. . G. SARACENI, « Consuetudo est optima legum interpres (Contributo all’interpretazione del can. 29 C.J.C.) », Ephemerides Iuris Canonici, 4, 1948, p. 69-95, déplorait l’absence, dans la littérature juridique en général, et dans celle canonique en particulier, d’un développement exhaustif de l’« interprétation usuelle » (p. 69-74). La remarque semble encore actuelle pour le droit canonique. . F. VIOLA - G. ZACCARIA, op. cit., p. 91-92. . On trouve cette idée déjà dans A. VERMEERSCH - J. CREUSEN, Epitome iuris canonici, Desclée, Romae, 1937, I, p. 133 : « Ut optima interpres, consuetudo praefertur cuilibet alii interpretationi : privatae, quae est ipsi inferior, et etiam authenticae, tamquam prima inter pares, propter claritatem et suavem efficaciam suam ». . Pour un rapprochement entre la coutume contra legem/désuétude et la fonction interprétative qui, en restreignant ou en élargissant le champ d’application de la loi écrite, entre en compétition avec celle-ci, voir P. PICOZZA, art. « Consuetudine », op. cit., p. 9. Par contre, d’après G. COMOTTI, « El canon 27 y la función interprétativa de la costumbre», Ius canonicum, 35, 1995, p. 600, « Il est clair qu’il ne serait pas admissible que la coutume, tout en restant interprétative, puisse amener à des résultats étrangers ou contraires à la voluntas legislatoris ». La coutume en forme d’interprétation n’est pas forcement reservée aux professionnels du droit : contre l’objection que, au sens strict, l’interprétation est un procédé logique conduit par un opérateur professionnel de la loi, on peut opposer que, au sens large, l’interprétation des lois est une activité herméneutique dont les auteurs sont tous les membres de la communauté, qui, de façon plus ou moins intuitive (« Vorverständnis »), en se rapportant à la loi pour l’accomplir ou pour la rejeter, visent à en cueillir immédiatement la conformité aux valeurs fondamentaux. Cf. A. RUGGERI - A. SPADARO, Lineamenti di giustizia costituzionale, Giappichelli, Torino, 1998, p. 142. . F. ZANCHINI DI CASTIGLIONCHIO, « Principio gerarchico e principio popolare nell’ordinamento della Chiesa », Studi in onore di P. Gismondi, II-2, Giuffré, Milano, 1991, p. 531. . « L’équité canonique est donc une source du droit, que les constitutionnalistes contemporains définiraient comme une source de fait ou extra ordinem (« extraordinaire »), à savoir non réglée préalablement par des prescriptions expresses, au même titre que les sources « ordinaires » ou sources-actes (lois, règlements, instructions, décrets normatifs, etc.) » : S. BERLINGÒ, Diritto canonico, op. cit., p. 30 (l’Auteur souligne). . H. KELSEN, Théorie pure du droit, Dalloz, Paris, 2ème édition, 1962, p. 288. Cf. la position kelsenienne sur le rapport entre droit délibéré par un législateur (même constitutionnel) et coutume aussi dans la Théorie générale du droit et de l’Etat, LGDJ, Paris, 1997, notamment dans les lieux suivants : Partie I, X.C.f. et j. ; XI.B.a.3. ; XI.B.b. ; XI.H.b. ; XII.I. ; Partie II, III.B.c. . A. PIZZORUSSO, art. « Consuetudine, I) Profili generali », Enciclopedia giuridica, VIII, Treccani, Roma, 1988, p. 1 et 6. Dans le sens qu’« il faut repousser la thèse d’après laquelle les dispositions sur la production du droit sont créatives de l’efficacité normative des actes et des comportements humains (de sorte que les uns et les autres auraient autant force créatrice que celle prévue par ces dispositions, faute desquels ils seraient dépourvus de toute force créatrice de droit) », voir C. ESPOSITO, art. « Consuetudine, c) Diritto costituzionale », Enciclopedia del diritto, IX, Giuffré, Milano, 1961, p. 462. Pour la position réaliste, qui admet ouvertement dans le droit étatique la coutume contra legem, voir aussi F. SORRENTINO, « Le fonti del diritto », G. AMATO - A. BARBERA (sous la direction de, avec la collaboration de C. FUSARO), Manuale di diritto pubblico, Il Mulino, Bologne, 1994, p. 181; P.G. MONATERI, art. « Fonti del diritto », Digesto delle discipline privatistiche, Sezione civile, VIII, UTET, Torino, 1992, p. 392-393. Avec plus de précision, le conflit entre règle délibérée par l’autorité et règle spontanée de la communauté comprends les hypothèses suivantes: 1) une pratique existait et elle resiste à la condemnation du législateur ; 2) un usage contraire s’est constitué ultérieurement à l’ordre légal, devenu inadapté ; 3) une loi entre en vigueur et reste sans effet, la règle n’etant pas suivie ; ce dernier phénomène peut, s’il persiste, entraîner la désuetude de la loi ; 4) simple inapplication de la loi, indépendant de tout usage contraire (cf. P. DEUMIER, op. cit., p. 419). Selon que l’inapplication date de l’entrée en vigueur (formel) de la loi, ou se produit après une période initiale d’application, on peut faire des sous-distinctions : infra, note 28. . Cf. A. SPADARO, Limiti del giudizio costituzionale in via incidentale e ruolo dei giudici, ESI, Napoli, 1990, p. 69. . Cf. A. SPADARO, op. cit., ib., et p. 52 et 58 pour la métaphore théologique des « limbes ». . On pourrait considérer le refus d’une loi par la communauté comme une sorte de referendum tacite qui empêche la loi promulguée d’entrer en vigueur, et aussi comme une hypothèse de « remontrance » collective et tacite. Ce serait aussi, d’un point de vue théorique plus général, une « boucle de rétroaction négative » : « La rétroaction négative est […] celle qui maintient un système dans une plage donnée de valeurs, autrement dit dans l’ordre » (Serge DIEBOLT, L’Évolution rétroactive des concepts juridiques, www.reds.msh-paris.fr/communic/diebolt/diebolt3.htm). . Comme le suggère Jean Carbonnier, il faut distinguer deux hypothèses d’ineffectivité totale de la loi, « suivant qu’elle est restée constamment inappliquée ab initio ou a cessé d’être appliquée après l’avoir été pendant plus ou moins longtemps. Les deux phénomènes ont reçu des noms : pour l’un, on parlera de l’impuissance des lois, pour l’autre de la désuétude » : J. CARBONNIER, « Effectivité et ineffectivité de la règle de droit », Flexible droit, op. cit., p. 134. . A. SPADARO, op. cit., p. 64. . Cf. A. SPADARO, op. cit., p. 82-84. . Cf. H. KELSEN, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (la justice constitutionnelle) », Revue de Droit Public et de Science Politique, 25, 1928, p. 164 et suiv. . Cf. F. OST, « Entre ordre et désordre : le jeu du droit. Discussion du paradigme autopoiétique appliqué au droit », Archives de Philosophie du Droit, 31, 1986, p. 158. . « Avec raison, les sociologiques critiquent, comme entachée de dogmatisme, la jurisprudence française qui refuse d’admettre qu’une règle de droit, du moins de droit écrit, puisse être abrogée par désuétude : dans la désuétude ainsi que dans la coutume, des forces sociales vives sont à l’œuvre, en dehors des formes juridiques officielles ; n’y a-t-il pas un entêtement irréaliste à leur dénier le pouvoir, là de créer, ici de détruire ? » : J. CARBONNIER, « Effectivité », op. cit., p. 137. . Cf. F. OST, « Entre ordre et désordre », op. cit., p. 158-159 ; ID., « Essai de définition et de caractérisation de la validité juridique », Droit et pouvoir, t. I : La validité, Centre interuniversitaire de Philosophie du Droit, Bruxelles, 1987, p. 97 et suivant, ainsi que plusieurs des contributions au collectif. . Cf. F. OST, « Entre ordre et désordre », op. cit., p. 160. . Pour cette définition de « conception militariste du droit », peu compatible avec la complexité du droit post-moderne, voir le § 4 de la Section I du Chapitre 3 de M. VAN DE KERCHOVE - F. OST, Le Droit ou les paradoxes du jeu, PUF, Paris, 1992, où sont en outre résumées les thèses que nous venons d’exposer. . Pour l’idée que le juriste qui rencontre la coutume doit peut-être renoncer à nombre de ses certitudes et peut-être même à saisir l’insaisissable, cf. J. VANDERLINDEN, « Le juriste et la coutume : un couple impossible ? (bis) ou À propos de Méthode d’interprétation et sources, contrepoint au départ d’une image française de la loi et du juge », CL. THOMASSET - J. VANDERLINDEN - PH. JESTAZ (sous la direction de), François Gény : mythe et réalités : 1899-1999 centenaire de Méthode d’interprétation et sources en droit privé positif, essai critique, Yvon Blais - Dalloz - Bruylant, Montreal - Paris - Bruxelles, 2000, p. 95, auquel nous avons emprunté l’application du célèbre dictum de Gény à la coutume. Vanderlinden partage l’opinion – hérétique pour un positiviste, et parfois soutenue par Gény (qui en général, malgré ses présupposés théoriques, la rejette) – que la coutume est à mettre sur le même plan que la loi dans la hiérarchie des sources (op. cit., p. 62). Sur Gény et la coutume voir aussi P. DEUMIER, op. cit., p. 16 et 411 en note. . N’osant pas même évoquer la littérature sur le sujet « ex facto oritur jus », nous nous bornerons à renvoyer à l’essai déjà mentionné de Jean Carbonnier, « La genèse de l’obligatoire dans l’apparition de la coutume », à l’article de M. TROPER, « Du fondement de la coutume à la coutume comme fondement », Droits, 3, 1986, p. 11-24, et à P. DEUMIER, op. cit., qui, dans l’introduction, pose en exergue le « tabou » de la séparation fait/droit, être/devoir être consacrée par H. Kelsen ; nous ajoutons seulement que, d’après la critique de W. Quine à la distinction analytique/synthétique, qui a rendu problématique de séparer la composante linguistique de l’empirique, la distinction fait/droit est devenue problématique de ce point de vue aussi : cf. P. FERRUA, « Il giudizio penale : fatto e valore giuridico », S. NICOSIA (sous la direction de), Il Giudizio. Filosofia, teologia, diritto, estetica, Carocci, Roma, 2000, p. 206-213. . Voir, pour des exemples tirés du droit français, P. DEUMIER, op. cit., p. 14-15, 414-419. . R. SACCO, in Trattato di diritto civile, sous la direction de R. Sacco, 2, Le fonti non scritte e l’interpretazione, UTET, Torino, 1999, p. 18-19. L’Auteur signale aussi comme une coutume contra legem semblable s’est formée récemment en faveur des skieurs et des excursionnistes qui traversent les fonds autrui non clos. . N. ROULAND, Introduction historique au droit, PUF, Paris, 1998, p. 236. Sur l’échec de la législation pontificale par rapport au prêt à intérêt face à la coutume contraire voir aussi J. PH. LEVY, « Les actes de la pratique, expression du droit », Revue Historique du Droit français et étranger, 66, 1988, p. 169. . Const. Ap. Veterum sapientia (De Latinitatis studio promovendo), 22 février 1962, Acta Sanctae Sedis, 54, 1962, p. 129-135. . Cet exemple, évoquée parmi d’autres par R. BERTOLINO, « Spunti metodologici », op. cit., p. 106, est devenu désormais « classique » afin d’illustrer la non receptio legis : cf. L. GEROSA, L’Interpretazione della legge nella Chiesa. Principi, paradigmi, prospettive, Eupress, Pregassona, 2001, p. 119, en note. . J. WERCKMEISTER, Petit Dictionnaire de droit canonique, Cerf, Paris, 1993, p. 230. . CONGREGAZIONE PER IL CLERO, Direttorio per il ministero e la vita dei presbiteri, 31 janvier 1994, Città del Vaticano, 1994, n° 66, p. 68. . PONTIFICIO CONSIGLIO PER L’INTERPRETAZIONE DEI TESTI LEGISLATIVI, Eclarecimentos a respeito do valor vinculante do art. 66 do Diretório para o ministério e a vida dos Presbíteros, 22 octobre 1994, Communicationes, 27, 1995, p. 193-194. . Contra, en rejetant les qualifications de fait normatif et de source extra ordinem sur le plan dogmatique du système canonique, tout en les admettent sur le plan de la théorie générale du droit, G. COMOTTI, « Approbatio legislatoris e probatio consuetudinis : alcune riflessioni », M. TEDESCHI (sous la direction de), La Consuetudine tra diritto vivente e diritto positivo, Rubbettino, Soveria Mannelli, 1998, p. 188-192 ; ID., La Consuetudine, op. cit., p. 62 et suiv. D’après cet auteur, pour concevoir l’efficacité de la coutume indépendamment de l’intervention de l’autorité ecclésiastique, il faudrait admettre que le pouvoir normatif du peuple chrétien n’est pas limité à la production de droit coutumier, et, par conséquent, qu’il serait inutile d’exiger les éléments de la coutume pour qualifier un comportement social comme normatif. Même si nous n’avons pas trop de difficulté à admettre ce que le prof. Comotti considère impliqué par l’idée que la coutume produit du droit sans la permission de la hiérarchie, nous pensons que cette idée peut être fondée sur l’expérience du réel (éventuellement interprété par la théorie générale du droit), nonobstant l’avis différent d’un système dogmatique fermé sur lui-même. . « Or, comme […] le constate Jean Combacau [« La coutume – Ouverture : de la régularité à la règle », Droits, 3, 1986], “c’est toujours à l’interprète de la règle que revient le dernier mot”, qu’il s’agisse de consacrer la juridicité de la coutume, de la doctrine, de la jurisprudence ou… de la loi. […] Par parenthèse, je soulignerai la référence de Combacau à “tout agent d’application du droit” » : J. VANDERLINDEN, « Le juriste et la coutume », op. cit., p. 93. . « La règle inappliquée semble dénouée d’existence ; elle pourrait être abrogée par désuétude. La question est « résolue » de manière particulièrement significative. Pour les uns, il faut admettre l’artifice ; « peut-être faut-il penser que la désuétude tue les lois moins qu’il est préférable de ne pas le dire » [J. GHESTIN, G. GOUBEAUX, M. FABRE-MAGNAN, Traité de droit civil. Introduction générale, Paris, LGDJ, 19944, p. 513-514]. Pour d’autres, la désuétude agit, mais comme un test de légitimité » : CH. ATIAS, Philosophie du droit, PUF, Paris, 1999, p. 142. Jean Gaudemet a confié une fois, en commentant la communication de Luigi De Luca au 2e Congrès international de droit canonique (Milan, 10-16 septembre 1973) (AA. VV., Persona e ordinamento nella Chiesa, Vita e pensiero, Milano, 1975, p. 173), qu’il avait toujours rêvé d’écrire une histoire des lois non appliquées ; mais – ajouta le grand historien du droit – « je me suis aperçu que l’entreprise était immense et j’y ai renoncé » : cf. L. DE LUCA, « Consuetudine e legge nell’ordinamento canonico », M. TEDESCHI (sous la direction de), La Consuetudine, op. cit., p. 152. . Dictum post c. 3, D. IV. Pour une revue des interprétations de ce passage de la part des décretistes, decrétalistes et auteurs modernes – interprétations visant à sauvegarder l’efficace de la volonté du législateur indépendamment de l’acceptation des destinataires – cf. L. DE LUCA, « L’accettazione popolare della legge canonica nel pensiero di Graziano e dei suoi interpreti », Studia Gratiana, III, Institutum Gratianum apud Universitatem Bononiae, Bologna, 1955, p. 195-276. L’une des contributions plus importantes à ce « sabotage » de la coutume est celle de Suárez, dont la doctrine est exposé synthétiquement par V. MICHEL, « La coutume dans le De legibus ac Deo Legislatore de Francisco Suárez », Archives de Philosophie du Droit, 41, 1997 (voir particulièrement p. 452-454 sur le consentement du Prince et p. 466-469 sur la consuetudo contra legem). Voir aussi, récémment, sur l’histoire des origines du concept de droit coutumier (y compris la contribution de Gratien qui a consacré des textes de la tradition précédente en les accueillant dans le Décret), F. ROUMY, « Lex consuetudinaria, Jus consuetudinarium. Recherche sur la naissance du concept de droit coutumier aux XIe et XIIe siècles », Revue Historique de Droit français et étranger, 79, 2001, particulièrement p. 277-280. . Cf. L. DE LUCA, communication à la 2e table ronde du 2e Congrès international de droit canonique, AA. VV., Persona e ordinamento, op. cit., p. 173, pour l’indication des auteurs. Il y a en outre une tradition parallèle et méconnue, même dans la doctrine canonique, qui s’est intéressée aux aspects plus proprement « factuels » de la production coutumière du droit, dans un cadre où la référence à la Justice est constante. Ce courant a été mis au jour par Luigi Prosdocimi, dans une recherche récemment réimprimée : L. PROSDOCIMI, Observantia. Ricerche sulle radici ‘fattuali’ del diritto consuetudinario nella dottrina dei giuristi dei secoli XII-XV, 2e ed., Giuffrè, Milano, 2001. . Nous empruntons cette remarque à S. ROMANO, Frammenti di un dizionario giuridico, Giuffré, Milano, 1953, à l’article « Consuetudine », p. 43. . « Les lois conservent leur effet, tant qu’elles ne sont pas abrogées par d’autres lois, ou qu’elles ne sont pas tombées en désuétude. Si nous n’avons pas formellement autorisé le mode d’abrogation par désuétude ou le non-usage, c’est qu’il eût peut-être dangereux de le faire. Mais peut-on se dissimuler l’influence et l’utilité de ce concert indélibéré, de cette puissance invisible, par laquelle, sans secousse et sans commotion, les peuples se font justice des mauvaises lois, et qui semblent protéger la société contre les surprises faites au législateur et contre le législateur lui même » : J.M.E. PORTALIS, « Discours préliminaire sur le projet de Code Civil » (1er pluviôse an IX), P.A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, Tome 1, Ducessois, Paris, 1827, p. 479. . P. PICOZZA, art. « Consuetudine », op. cit., p. 9. . Sur les conditions préalables de ce dialogue, nous risquons le renvoi à E. DIENI, « Una « Retorica » canonica come pedagogia della legge ? », Il Diritto Ecclesiastico, 112, 2001, I, p. 214-265. . L. LOMBARDI VALLAURI, « Essere e religione : parabole della parola », Archivio di Filosofia, 60, 1992, pp. 207-209 ; voir aussi, du même Auteur, Nera Luce. Saggio su cattolicesimo e apofatismo, Le Lettere, Firenze, 2001, passim. . P. PRINI, Lo Scisma sommerso. Il messaggio cristiano, la società moderna e la Chiesa cattolica, Garzanti, Milano, 1999. H. LEGRAND, « Reception, Sensus fidelium, and Sinodal Life : an Effort at Articulation », The Jurist, 57, 1997, p. 405, parle aussi du « “vertical schism” between the hierarchy and the “people” ». . L’encyclique Veritatis splendor, dès l’introduction (n° 4), reconnaît carrément que la communauté chrétienne est entrée dans une saison d’opposition systématique à la discipline morale de l’Église. . C. ESPOSITO, art. « Consuetudine, c) Diritto costituzionale », op. cit., p. 464. . Du point de vue de la théorie des sources du droit, on peut poser la question aussi de la façon suivante: « Il serait curieux de voir ce qu’il adviendrait d’une loi interdisant la coutume contra legem mais restant inappliquée… » : P. DEUMIER, op. cit., p. 401, en note. . J. FORNÉS, « La costumbre contra legem, hoy », La Norma en el derecho canonico. Actos del III Congreso internacional de derecho canónico. Pamplona, 10-15 de octobre de 1976, I, Panplona, EUNSA, 1979, p. 749-750. . « Elle consiste de la part de l’autorité ecclésiastique à s’abstenir d’attaquer une situation ou un acte irréguliers ; non seulement l’autorité paraît ignorer, mais elle veut « paraître ignorer » une position qu’elle ne peut empêcher d’exister » : CH. LEFEBVRE, art. « Dissimulation », Dict. Dr. Can., IV, Letouzey et Ané, Paris, 1949, c. 1296. On remarquera, au passage, que la dissimulatio semble aussi être une source « extra ordinem » : « Comme pour l’application de l’aequitas canonica […] il n’y a pas besoin d’une norme de droit positif, il en va de même pour les institutions de la dissimulatio et de la tolerantia, lesquelles se fondent sur l’exigence, dont il faut tenir absolument compte, d’eviter le periculum animae » : P. FEDELE, Lo Spirito del diritto canonico, Cedam, Padova, 1962, p. 318. On remarquera aussi qu’il s’agit d’une institution essentiellement floue, tout comme la coutume. Et si la dissimulatio et la coutume contra legem/non receptio/désuétude étaient des institutions complémentaires ? . Cf. J. WERCKMEISTER, « Théologie et droit pénal : autour du scandale », Revue de Droit Canonique, 29, 1989, p. 107, qui signale que les destinataires du droit pénal canonique, aujourd’hui, sont moins les catholiques en général que les « fonctionnaires » de l’Église (les clercs et accessoirement les religieux), l’autorité n’ayant pas le moyen d’imposer véritablement ses sanctions aux simples fidèles. . Sur l’interruption de la communication, cf. S. DIANICH, « Il Giudizio di ortodossia », S. NICOSIA (sous la direction de), Il Giudizio, op. cit., p. 144-145, 148. . On sait comme l’histoire de la théorie romano-canonique de la coutume est l’histoire de la neutralisation de la source communautaire de la part du législateur (cf. par exemple l’histoire de l’interprétation du dictum post c. 3, D. IV tracée par Luigi De Luca, dans l’essai cité à la note 50), sauf la survivance d’un courant doctrinal, plus ou moins caché, alternatif (supra, 3, en fin, et note 51). . L’article cité de Juan Fornés en est un exemple, excellent dans son genre ; plus récemment, sur la même ligne, P.A. BONNET, « “Sensus fidei” e “rationabilitas” nella consuetudine canonica » (bien que très nuancé), et S. GHERRO, « “L’animus inducendi iuris” della consuetudine canonica » (clair et net), l’un et l’autre dans M. TEDESCHI (sous la direction de), La Consuetudine, op. cit., respectivement p. 61-91 et 93-106. . Cf. S. BERLINGÒ, L’Ultimo diritto, op. cit., p. 77 et suiv., p. 111 et suiv. Eugenio Corecco aussi, en principe, pourrait être rangé parmi les Auteurs qui fondent le système sur le paradigme de l’epikie, dans le cadre, toutefois, d’une communio qui est déterminée par la hiérarchie : cf. E. CORECCO, « Valore dell’atto contra legem », La Norma, op. cit., I, p. 839-859. . Cf. S. BERLINGÒ, Diritto canonico, op. cit., p. 47 et suiv., 60 et suiv. ; ID., L’Ultimo diritto, op. cit., p. 24 et suiv., 52 et suiv., 65 et suiv., 104 et suiv. . Cf. C. J. ERRÁZURIZ M., « Verità e giustizia, legge e coscienza nella Chiesa : il diritto canonico alla luce dell’enciclica « Veritatis splendor »«, Ius Ecclesiae, 7, 1995, p. 288, ID., Il Diritto e la Giustizia nella Chiesa: per una teoria fondamentale del diritto canonico, Giuffré, Milano, 2000, p. 81, 216-217, 223, et A. RODRÍGUEZ LUÑO, « La virtù dell’epicheia. Teoria, storia e applicazione », Acta Philosophica, 6, 1997, pp. 197-236 (I : Dalla Grecia classica fino a F. Suárez), et 7, 1998, pp. 65-88 (II : Dal cursus theologicus dei Salmanticenses fino ai nostri giorni) (voir les conclusions, p. 87-88). La même image d’un droit divin figé et immuable, non susceptible de dispense, est évoquée dans la Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi du 14 septembre 1994, lisible dans CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, La Pastorale des divorcés remariés. Introduction du Cardinal Joseph Ratzinger, Centurion-Cerf-Mame, Paris, 1999, ainsi que dans certains des articles recueillis dans cette publication. Exalte et résume admirablement une vision du droit canonique comme ensemble de préceptes indiscutables de l’autorité suprême, non susceptibles ni de réception critique ni de processus non-exceptionnels de « fléxibilisation » S. GHERRO, « Qualche considerazione sulla “specificità” dell’ordinamento canonico », PONTIFICIUM CONSILIUM DE LEGUM INTERPRETANDIS, Ius in vita et in missione Ecclesiae, Libreria Editrice Vaticana, Città del Vaticano, 1994, p. 97-98. On pourra ajouter, pour une mise au jour du panorama, les actes du Colloque « La salus animarum nell’esperienza giuridica della Chiesa », publiés dans Ius Ecclesiae, 12, 2000, p. 291 et suiv., et tout particulièrement H. PREE, « Le tecniche di flessibilizzazione del diritto : possibilità e limiti ecclesiali d’impiego», p. 375 et suiv. ; l’Auteur propose, enfin, d’approfondir la notion de ius divinum sur le plan interdisciplinaire (philosophie du langage, théologie biblique, dogmatique, morale) : p. 418. . A. SERIAUX, op. cit., p. 63, en note. . Cf. la Lettre aux familles (2 février 1994), n.° 17. . CH. PERELMAN, « Cinq leçons sur la justice », 4., « Justice et justification », Éthique et droit, Éditions de l’Université de Bruxelles, 1990, p. 228. . On sait que le cardinal Newman signalait dans la crise arianiste du IVe siècle un moment de l’histoire où l’intégrité de la foi fut sauvée par les fidèles contre la hiérarchie hérétique : J.H. NEWMAN, On consulting the Faithfuls in Matters of Doctrine, Chapman, London, 1962, p. 76 et suiv. Cette remarque de Newman est évoquée par H. LEGRAND, « Reception », op. cit., p. 418-420, et S. BERLINGÒ, « “Consensus”, “Consilium” (cc. 127 C.I.C./934 C.C.E.O.) e l’esercizio della potestà ecclesiastica », Ius Canonicum, 38, 1998, p. 90. . Voici le texte original : « Alii uero dicunt ius naturale esse liberum arbitrium. Sed hoc similiter ex eo tollitur quia libero ad bonum et ad malum homo arbitrio flectitur. Ius uero naturale malum semper prohibet et detestatur. Nobis itaque uidetur quod ius naturale est superior pars animae, ipsa uidelicet ratio quae sinderesis appellatur, que nec in Caim potuit, teste scriptura, estingui » (SIMON DE BISIGNANO, Glossa, Principium). Je tiens a remercier le Prof. Jean Werckmeister pour m’avoir signalé ce passage. Du canoniste calabrais s’était occupé déjà S. BERLINGÒ, La Causa pastorale della dispensa, Giuffré, Milano, 1978, p. 120-126.

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