février 08, 2011

La sentence d’excommunication de TOLSTOÏ ne serait-elle pas invalide ?

La sentence d’excommunication de TOLSTOÏ ne serait-elle pas invalide ?


http://www.religion-orthodoxe.com/article-il-est-impossible-de-lever-l-excommunication-de-leon-tolstoi-mais-nous-pouvons-prier-pour-lui-61398264.html

Le Patriarcat de Moscou a refusé de lever l’excommunication prononcée à l’encontre de TOSTOÏ.

Ce choix est une chose. Une autre chose est de savoir si préalablement ladite excommunication était valide et lcite.


Avant d’examiner les canons byzantins qui seuls peuvent permettre de justicier ou invalider la sentence rendue, il échet de rappeler les termes du 3° canon du 1er concile de NICEE, tenu en 325 qui expose : « Il faut cependant s'assurer que l'évêque n'a pas porté cette sentence d'excommunication par étroitesse d'esprit, par esprit de contradiction ou par quelque sentiment de haine. Afin qu'un tel examen puisse avoir lieu, il a paru bon d'ordonner que dans chaque province on tint deux fois par an un synode, afin que tous les évêques de la province étant réunis, on fasse toutes les enquêtes nécessaires »

TOLSTOÏ répond-il à l’une au moins des conditions permettant son excommunication ?

I

L’excommunication est encourue dans les situations suivantes

1° Le 94° canon. du 6° concile IN TRULLO, tenu en 691, expose : « Ceux qui font des serments païens, le canon leur impose des peines et nous aussi, nous leur imposons l'excommunication.

2° Le 1° canon du 7° concile NICEE II, tenu en 787, expose : « nous confirmons dans son entier et sans changement le contenu de leurs ordonnances, tel qu'il fut exposé par les saintes trompettes de l'esprit, les tout glorieux apôtres, les six saints conciles oecuméniques, les conciles particuliers rassemblés en vue d'édicter de telles ordonnances et nos saints pères; car tous sans exception, illuminés par le même esprit, ont décidé ce qui est à notre avantage. Ceux qu'ils ont condamnés à l'anathème, nous les anathématisons; ceux qu'ils ont condamnés à la déposition, nous les déposons; ceux qu'ils ont condamnés à l'excommunication, nous les excommunions »

3° Du même concile, le 4° canon relatif à l'évêque qui doit s'abstenir de tout commerce, le concernant, expose : « Si donc quelqu'un, [évêque ?] exigeant de l'or ou quelque autre espèce ou bien pour satisfaire sa passion, se trouve avoir prononcé la suspense ou l'excommunication contre un clerc dépendant de lui, ou jeté l'interdit contre une Église, de manière à ce qu'aucun service divin ne s'y fasse, déversant ainsi sa folie contre des choses privées de sens, un tel est lui-même privé de sens et subira la loi du talion et sa peine retombera sur sa tête »

4° Le 73°canon attaché aux canons des SAINTS APOTRES (3° siècle), relativement à celui qui s'approprie un linge ou un vase sacré, expose : « Un vase sacré en argent ou une nappe consacrée, que personne ne se les approprie à son usage, car c'est illicite. Si quelqu'un est convaincu de l'avoir fait, qu'il soit soumis à la peine canonique de l'excommunication »

5° Du même, le 76° canon relatif aux évêques qui donnent leur évêché à un parent, expose :« Qu'il ne faut pas que l'évêque faisant don de sa charge d'évêque à son frère, son Fils ou à quelque parent, ordonne ceux qu'il veut ; car il n'est pas juste de constituer des héritiers de l'épiscopat, en faisant cadeau des choses de dieu par affection humaine ; on ne doit pas mettre l'Église du Christ parmi les choses à léguer par héritage. Si quelqu'un fait cela, l'ordination sera nulle et non-avenue, et lui-même sera puni d'excommunication »

6° Le 29° canon du concile de CARTHAGE, tenu 419, prévoit que l’excommunié doit pouvoir être entendu puisqu’il énonce : « De même, il fut décidé par tout le synode, que l'évêque ou n'importe quel clerc qui fut excommunié pour sa négligence, s'il ose communier dans le temps de son excommunication avant d'être entendu en procès, sera considéré comme ayant prononcé lui-même contre soi la sentence de condamnation. »

7° Le dossier d’Apiarius, examiné lors de ce concile, soulève qu’en cas d’excommunication i lest possible d’en appeler à l’évêque de Rome. [il sera fait observation que depuis la séparation de 1053 c’est le Patriarche de Constantinople qui reçoit les appels dans le cadre des Eglises orthodoxes, et déjà le concile de CALCEDOINE prévoyait ce recours près de Constantinople]

8° Le 10° canon du synode PRIME-SECOND, tenu en 861, relativement à ceux qui emploient les choses sacrées pour leur usage personnel, expose : « ceux qui emploient à un usage profane pour eux ou pour d'autres les vases ou les parements destinés au service extérieur du sanctuaire, tombent sous l'excommunication »

9° St Basile, évêque de Césarée (+ 378) déclare en sa première lettre sur les canons, face à ceux qui contractent trop de mariages : « Nous avons coutume d’imposer aux trigames cinq ans d’excommunication, sans avoir reçu pour cela une règle écrite, mais suivant la pratique de nos prédécesseurs »

10° St Grégoire évêque de Nysse (+ 395) relativement à ce qu’il déclare sur le péché volontaire ou involontaire, concernant les meurtriers, expose : « ainsi dans la totale excommunication le meurtrier passera neuf ans exclu de l'église. »

Voici les dix situations prévues par les canons byzantins.
TOLSTOÏ se trouve-t-il dépendre de l’un des motifs prévoyant une excommunication ?

II

Outre l’absence de faute conduisant à l’excommunication, à supposer que l’une d’elles au moins exista, préalablement à toute sentence, le Synode présentement critiqué a-t-il, selon les dispositions du 3° canon du concile de NICEE I fait preuve en condamnant TOLSTOÏ : « d’étroitesse d'esprit, par esprit de contradiction ou par quelque sentiment de haine » ?

Le terme « haine » est fort, certes, l’étroitesse d’esprit lui, ne saurait être invalidée, dans la mesure où en tous les cas les reproches faits à TOSTOÏ sur la façon d’exprimer sa Foi, ne relèvent pas des canons.

De surcroît, et à supposer que TOLSTOÏ succombe aux critères canoniques autorisant son excommunication (ce qui n’apparaît pas), force est demander à l’Histoire :

1° Si conformément au 29° canon du concile de CARTHAGE ; TOLSTOÏ bénéficia-t-il d’un procès et fut-il en mesure d’être à même d’être entendu ?

2° Si conformément à la Tradition rappelée notamment lors de ce même concile, la peine étant prononcée, TOSTOÎ fut-il prévenu de ce qu’il pouvait en appeler au Patriarche de Constantinople ?

Pour rappel, nul n’ignore le cas récent qui opposa en 2006, le Patriarcat de Moscou et le Patriarcat de Constantinople lieu d’appel pour toute les Eglises orthodoxes, dans l’affaire touchant le passage de Mgr Basile alors évêque dans la juridiction du Patriarcat de Moscou au Patriarcat de Constantinople, se fondant sur les canons 9, 17 et 28 du 4° concile celui de CALCEDOINE.

A supposer donc que la peine administrée soit justifiée, force est de constater que si les moyens rappelés attachés au principe du « contradictoire » et de l’appel ne durent pas permis, la sentence devient abusive et s’invalide.

III

Les reproches faits à TOLSTOÏ ne relèvent pas des conditions autorisant une excommunication.
Il est de fait que si TOSTOÏ s’est opposé aux princes temporels de son Eglise, il n’était pas le seul dans cette situation, mail il fut dans les faits, le seul à être condamné, lorsque la peine dont il fut frappé s’avère injustifiée

.En s’opposant aux Princes de son Eglise, TOSTOÏ se prive d’une communion temporelle, or le fait de se couper volontairement du temporel, ne saurait exclure l’être de la communion spirituelle avec l’Eglise, qui dans l’orthodoxie, est bâtie non pas sur Pierre, sur un représentant ou un successeur des apôtres, mais sur la foi de Pierre proclamée par l’apôtre selon que Le lui révèle Le Père (Matt. XVI, 17), ainsi qu’aime à le rappeler la théologie byzantine à la suite d’ORIGENE, il s’agit d’une réponse de Jésus+Christ à la confession de Pierre, « si nous disons aussi : Tu es le Christ le Fils du Dieu vivant, alors nous devenons aussi Pierre » (Hom. Sur Matt. XII, 10)

Refuser la communion temporelle pour le fidèle d’une Eglise, n’engage pas, par cet acte, la dite Eglise à retirer ou refuser audit fidèle l’accès aux sacrements et notamment à la Sainte Communion.

Refuser à un fidèle l’accès aux Sacrements, revient pour une Eglise à manquer à son Devoir de Charité qui doit présider à toutes ses actions, lorsque de surcroît il ne lui appartient pas de dire et juger à qui revient la Grâce Sacramentelle, elle ne peut se substituer à Dieu et moins encore s’opposer à l’Amour de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés (I Tim. II, 4).

Si , en tout état de cause, et selon les dispositions des Canons Byzantins qui ne peuvent qu’être source à la décision choisie par l’Eglise Russe contre TOLSTOÏ, l’excommunié le fut sans raison valide et licite, de première part l’Eglise de Russie n’appliquait pas le sage rappel des Pères de Nicée qui en le canon 1 «énonce notamment : « Il faut cependant s'assurer que l'évêque n'a pas porté cette sentence d'excommunication par étroitesse d'esprit, par esprit de contradiction ou par quelque sentiment de haine. », de seconde part, alors qu’il lui fut demandé de lever ladite excommunication, aujourd’hui non seulement cette Eglise ne répare pas son erreur, mais maintient sa défaillance dans son Devoir de Charité.

Jean-Pierre BONNEROT