août 25, 2012

LA PLURALITE DES MONDES HABITES


Une réponse patristique à l'interrogation de Malcolm de Chazal

Malcolm de Chazal dans le journal Le Mauricien des 9 et 23 juillet 1960, adressait deux Lettres à un prêtre inconnu, posant ainsi trente-quatre questions : il ne lui fut pas répondu.

Aucune de ces interrogations ne soulève pourtant de difficulté, sauf si l'ecclésiastique ne souhaite pas se démarquer,  dans le temps précis de son ministère à ce que déclare son Eglise aux fidèles.

Les domaines de la théologie, l'enseignement des Pères, n'ignorent pas les questions posées et, dans ces conditions,  nous tenterons de répondre à chacune des interrogations formées : qu'il nous soit permis déjà de réagir sur la question de la pluralité des mondes et du salut universel.


En son article sur "Le mystère Jésus", Malcolm écrit : " la doctrine du Christ n’est pas pour un temps, pour l’homme depuis 2000 ans, ni pour notre petite planète, mais la doctrine du Christ est universelle et pour tous les temps et pour toutes les terres habitées de l’Univers. Et je définis la doctrine du Christ comme l’Universel Humanisme, qui donne la clé de l’Univers, qui résout tout." (2)

Paul l'atteste, le Christ est hériter de tout, par qui aussi les mondes furent créés :
« Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé autrefois aux pères dans les prophètes, Dieu, en la période finale où nous sommes, nous a parlé à nous en un Fils qu'il a établi héritier de tout, par qui aussi il a créé les mondes. » (Héb. I, 1,2)

Dès lors que Malcolm de Chazal s'interroge sur la pluralité des mondes(3), notre penseur rejoint une préoccupation de la Tradition.

Comment entendre ce que dit St Jean Chrysostome à propos de la réunion des enfants (de Dieu) où citant Luc XIII, 43, ce Père  déclare : " Il y a donc des puissances qui portent des noms obscurs pour nous et inconnus" (4), cette présomption dans l'inconnaissance exacte de ces créatures, de cette création antérieur ou de ces création,  St Basile en a l'intuition en sa première homélie sur l'Hexaéméron : " Il est probable qu'avant ce monde il existait quelque chose que notre esprit peut imaginer, mais que l'Ecriture supprime dans son récit, parce qu'il ne convenait pas d’en parler à des hommes qu'on instruit encore, et qui sont enfants pour les connaissances. Oui, sans doute, avant que ce monde fût créé, il existait une constitution plus ancienne, convenable à des puissances célestes, une constitution qui a précédé les temps visibles, une constitution qui a commencé, mais qui ne doit jamais finir." (5)

Bien des Pères pourraient être évoqués qui s'interrogèrent sur la pluralité des    mondes et la vie en ces lieux. Ainsi St Augustin reconnaît qu'il est difficile de savoir si les astres sont gouvernés et animés par des esprits : "On demande souvent si les luminaires du ciel ne sont que des corps, ou s'ils possèdent des esprits pour les diriger : dans ce dernier cas, on voudrait savoir si ces esprits leur communiquent la vie, comme le principe qui anime la matière dans les animaux, ou s'ils les gouvernent sans y être unis; par le seul fait de leur présence. Au point où nous sommes arrivés, cette question me semble insoluble"  (6)

St Isidore de SEVILLE  s'interroge : "ces étoiles qui se meuvent avec tant de régularité et de méthode que leur cours n'est absolument jamais entravé d'aucune manière, sont-elles des êtres animés et doués de raison ? Il est difficile de s'en rendre compte."  (7)

Si plus nombreux qu'on ne l'imagine, les Pères s'interrogèrent et oscillèrent vers l'idée que les astres pouvaient être animés, Thomas d'Aquin pour sa part en sa Somme Théologique I, Qu.70, art 3, fera sienne cette déclaration de St Jean Damascène : "Que l'on n'entende pas les cieux ni les luminaires comme animés ; ils sont inanimés et insensibles. "   (8)


La question e la pluralité des mondes et du Salut opéré par le Christ par Sa résurrection, n'a pas fini de hanter la pensée théologique, ainsi, le R¨LERAY, faisait-il paraître en 1900 aux éditions (librairie Poussielgue" une curieuse réflexion de 275 pages sur La constitution de l'univers et le dogme de l'Eucharistie.

JPB

------------------------------ Notes
 1 - "Lettre à un prêtre inconnu" 09/07/1950, journal Le Mauricien ; et "Deuxième lettre à un prêtre inconnu" 23/07/1960, Le Mauricien,  repris in Malcolm de Chazal  Articles de presse (1948-1978), CD éditions VIZAVI, 2004. Pour les articles cités ultérieurement,  à partir de cette source, la référence de cette dernière se limitera à CD VIZAVI

 2- le "mystère" Jésus 07/12/1962, journal Advance, CD VIZAVI.

 3 -  Nombreux articles de Malcolm sur cette question repris dans le CD cité

 4 - St Jean Chrysostome : Commentaire sur l'épître aux  Ephésiens, III, 2, pour un accès aux œuvres complètes : http://www.abbaye-saint-benoit.ch/bibliotheque.htm  Pour le renvoi ultérieur à cette source, la référence sera abbaye-Saint-Benoit

  5 - St Basile : Homélies sur l'Hexaéméron, I, 5c, 'S C. N° 26, page 105, pour un accès internet : http://remacle.org/bloodwolf/eglise/basile/homelies.htm

  6 - St Augustin :   la Genèse au sens littéral Livre II, ch.18. abbaye-Saint-Benoit

 7 - St Isidore : Traite de la Nature,  1960; page 276, consulté sur Google.

 8 - St Jean Damascène : De la foi orthodoxe, II, 6;  nous utilisons pour plus de facilité l'édition d'œuvres diverses proposées sur Internet : http://www.scribd.com/doc/3024512/Oeuvres-de-St-Jean-Damascene

août 19, 2012

NON, la prière n'est pas politique !



   http://www.lavie.fr/religion/catholicisme/oui-la-priere-est-politique-15-08-2012-29926_16.php

Le professeur de théologie morale Véronique MARGRON, dominicaine, à la question : La prière est-elle politique ?, répond sans hésiter : " Oui je le crois. Non pour des enjeux partisans, mais pour ce qui blesse la dignité fondamentale."

Avant de rappeler que qu'est l'essence de la Prière dont il semble que  l'Occident Chrétien a beaucoup à recevoir des Eglises Byzantines et de l'Ancien Orient (1), - quel regret que Benoît XVI ne soit pas écouté par le clergé et les laïcs d'une manière générale - poser la prière en de tels termes rend évidente, la conclusion du professeur de théologie...morale : "Comment croire au Dieu de bonté ?" Est-ce un doute ? Que l'on ne s'étonne pas alors sur les conséquences de la formation de bien des prêtres aujourd'hui. Et de conclure : " Prier, supplier, pour devenir des femmes et des hommes dignes du nom de Dieu."

I
Devenir digne du nom de Dieu ? Il tinte à mes oreilles ces paroles du serpent : "vous serez comme des dieux" (Gen. III, 5).
Le Christianisme n'a pas pour vocation d'amener l'être à être digne du nom de Dieu, en l'occurrence de "revêtir" le nom de Dieu, d'être "comme'" des dieux, c'est une méconnaissance totale de la théologie Chrétienne.

Déjà que cesse cette fausse formulation attribué à Irénée de Lyon, Dieu ne s'est pas fait homme pour que l'homme devienne Dieu (...), mais devienne fils de Dieu (au sens de la relation qui unissait avant la Chute l'homme à Son Créateur),
"Le Verbe s'est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l'homme : c'est pour que l'homme, en se mélangeant au Verbe et en recevant ainsi la filiation adoptive, devienne fils de Dieu" (2).

Cette filiation passe par ce Devoir rappelé par St Séraphim de Sarov : " Le vrai but de notre vie chrétienne consiste dans l'acquisition de l'Esprit Saint de Dieu. Le jeûne, la prière, la charité et toute bonne action accomplie au nom du Christ, ne sont que des moyens pour cette acquisition du Saint-Esprit divin." (3)

L'Esprit Saint avait quitté le monde à la suite de la Chute.

Cette acquisition qu'évoque St Séraphim, est la récapitulation (4) de tout ce qui a pu chuter, en Christ et, pour ce faire, les bonnes actions et les prières seront de nature à hâter l'avènement du Jour de Dieu, dépendant non pas de Dieu, mais de l'homme :
" Je prie pour eux, mais je ne prie pas pour le monde" (Jean XVII, 9)....

II

Il revient à l'homme de prier pour le monde, mais que l'on ne se méprenne pas !

De quel monde s'agit-il ?

Celui que nous avons entraîné en  notre Chute et dont nous poursuivrions de l'asservir par la maintenance de nos erreurs et de notre orgueil ?

Ou bien,

Celui que nous devons restaurer en Christ " Car la création a été soumise à la vanité, -non de son gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise." (Rom. VIII, 20)

Alors que Bernard prêchera à Vézelay la deuxième croisade et fera un éloge de la nouvelle Milice notamment en ces termes : «. Un nouveau genre de milice est né, dit-on, sur la terre, dans le pays même que le Soleil levant est venu visiter du haut des cieux, en sorte que là même où il a dispersé, de son bras puissant, les princes des ténèbres, l’épée de cette brave milice en exterminera bientôt les satellites, je veux dire les enfants de l’infidélité. Elle rachètera de nouveau le peuple de Dieu et fera repousser à nos yeux la corne du salut, dans la maison de David son fils" (5)

Pour sa part, Guigues le Chartreux précise au Grand Maître des Templiers : " "Car ce n'est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, est-il écrit au même endroit, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les régisseurs de ce monde des ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes », c'est-à-dire contre les vices et leurs instigateurs les démons." (6), et Guigues terminera sa lettre par ces simples mots  « Dans les lieux saints que vous protégez, souvenez-vous de nous au cours de vos prières. » (7)

La prière est un acte personnel, lié au ressenti de l'orant,  et n'a pas pour vocation de changer le monde selon les désirs de l'homme, - cela relèverait d'un désir magique - mais de se rapprocher de Dieu, et se transformant, l'être participera à la transformation de la Création;

Aussi, comprendrons-nous cette remarque livrée par le RP TURINCEV : " Un saint moine du Mont Athos, un storetz qui fut pres­que notre contemporain, écrit ce qui suit, en s'adressant à chaque chrétien : « Quand le Seigneur t'aura sauvé avec toute la multitude de tes frères, et quand il ne res­terait qu'un seul des ennemis du Christ et de l'Eglise dans les ténèbres extérieures, ne te mettras-tu pas avec tous les autres à implorer le Seigneur afin que soit sauvé cet unique frère non repenti ? Si tu ne le supplies pas jour et nuit, alors ton cœur est de fer, — mais on n'a pas besoin de fer au paradis. »(8)

JPB

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 1 - On lira avec profit notamment, du métropolite Antoine BLOOM : L'Ecole de la prière Paris, Ed Le seuil, et Prière vivante, Paris, Ed le Cerf : ces deux livres répondent à toutes les interrogations que se pose notre théologienne, et inutile donc de se demander si Dieu est bon !

 2 - Irénée de Lyon : Contre les hérésies III, 19,1; Paris Ed du Cerf, 1984, page 368.Nous utilisons l'édition n'offrant que la traduction française, reprenant l'édition des Sources Chrétiennes. Pour un accès aisé via Internet : http://remacle.org/index2.htm

 3 - Séraphim de SAROV : Entretien avec Motovilov, 1979, DDB Ed,  Coll. Théophanie, page 156. Pour un accès aisé via Internet : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Seraphim/table.html

 4 - Il sera possible de lire deux ouvrages peu signalés généralement : LOPOUKHINE : Quels traits de l'Eglise intérieure, nombr. rééd. Paris, les Amitiés Spirituelles ; aussi et notamment : Anonyme : Règne de l'Esprit pur,
1896, deux rééd, Paris, La table d'émeraude Ed 1983, Beauvilliers, Ed le Pélican 1998. Pour un accès aisé via Internet : http://fr.groups.yahoo.com/group/groupetheologique/

 5 - St BERNARD : Aux chevaliers du Temple, Louange de leur Nouvelle Milice, chap. 1. Nombr. Ed,  dont sur Internet et notamment http://jesusmarie.free.fr/index

 6 - GUIGUES le CHARTREUX : Au Grand Maître des Templiers, in Lettres des premiers Chartreux, Paris Cerf Ed, 1988, coll. SC N° 88, page 157

 7 - Id, page 161

 8 - RP Alexandre TURINCEV : L'Eschatologie Orthodoxe Revue CONTACTS N° 54,  1966, page 103