janvier 31, 2006

19- Introd. Le vrai visage de la FM- R.CHAMBELLANT

Constant CHEVILLON : Le vrai visage de la Franc - Maçonnerie Introduction à la nouvelle édition par René CHAMBELLANT Constant CHEVILLON naquit le 26 octobre 1880 à Annoire (Jura). C'était un homme comme on a peu l'occasion d'en rencontrer. Penseur profond et travailleur infatigable, il sut mettre en pratique l'enseignement des Ordres initiatiques et spiritualistes auxquels il appartenait. Plutôt petit, mince, les pommettes saillantes, le cheveu dru, ses yeux reflétaient l'intelligence et la bonté. Il aimait la présence turbulente de la jeunesse du Quartier Latin. A Paris, il habitait une modeste chambre meublée à l'hôtel des Bernardins. Il partageait son temps entre Paris et Lyon, et passait la plus grande partie de ses nuits à préparer des conférences et à correspondre avec les Ordres qu'il dirigeait, dispersés dans le monde entier. Il était aimé et vénéré de tous ceux qui l'approchaient, tant il dégageait une expression de sérénité, de sainteté, d'équilibre, se penchant avec attention sur tous, aidant de ses conseils, excusant tout et tous. Il prenait un visible plaisir, entouré des jeunes adeptes d'alors, aux repas du dimanche, partagés dans un restaurant du quartier, où nous mettions à contribution son érudition et ses connaissances extraordinaires. Il arbitrait nos discussions fraternelles mais animées, avec un tact délicat, ne froissant aucune susceptibilité. Pendant la guerre de 39-44, ses employeurs l'envoyèrent en Province où il se plaignait de ne pouvoir travailler. Il sentait rôder autour de lui l'ombre de sa mort prématurée et souffrait de ne pouvoir exprimer tout le message qu'il portait. Certaines de ses lettres le montrent désespéré de son inaction forcée. Interrogé deux fois par la police officielle, il est arrêté, à Lyon, chez Mme Bricaud, le 25 mars 1944. Emmené par des inconnus, on le retrouvera, le lendemain, assassiné, montée des Clochettes à Saint-Fons, dans la banlieue lyonnaise. Cet homme exemplaire était le Grand Maître de deux formations initiatiques ésotériques: • Le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm. • L'Ordre des Chevaliers Maçons Élus Cohen de l'Univers. Pour la démarche exotérique, il était Patriarche de l'Église Gnostique Universelle. Le Rite Ancien et Primitif de Memphis-Misraïm est un rite hautement et exclusivement spiritualiste. Dès les trois premiers grades, on constate l'élévation d'esprit de leurs rédacteurs. Dans les grades suivants, toutes les phases de la Tradition Universelle et Primordiale défilent. Ces grades, souvenir des Rites disparus, proliférèrent au XVIIIe siècle, après la fondation de la Grande Loge Unie d'Angleterre. A ses débuts, cette organisation vendait des patentes à qui pouvait les acheter. Ainsi chacun inventait son rituel en fonction des affinités qu'il pouvait avoir dans les fraternités initiatiques antérieures. C'est pour cette raison que l'on retrouvait le nom de certains grades attachés à la tradition égyptienne, iranienne, juive, grecque, celte, kabbalistique ou rosicrucienne. Le Rite Ancien et Primitif était donc une sorte de conservatoire dans ses 90 premiers degrés où l'on retrouve le nom de grades disparus. A ces degrés, il faut ajouter cinq grades administratifs Le successeur du Grand Maître Henri Dupont, lui-même successeur de C. Chevillon, a malheureusement cru bon de remplacer les trente premiers degrés supérieurs du rite dit « Égyptien » par les trente degrés du Rite Écossais Ancien Accepté, alors que dès l'origine (Convent de Bruxelles de 1934) Constant Chevillon s'était opposé à cette innovation. Aujourd'hui, au sein du Souverain Sanctuaire des Gaules, une seule Loge dissidente sert de base aux Hauts Grades pratiqués du temps de C. Chevillon. Une chose importante est à noter, à l'instar des grands Maçons tels Cagliostro, Martinez de Pasqually, J.-B. Willermoz, Constant Chevillon considérait que la femme, partie intégrante de l'humanité, devait avoir accès à l'initiation. Il créa donc un rituel des trois premiers degrés, parfaitement adapté à la féminité. Car bien qu'incontestablement valide, initier les femmes aux travers d'un rite prévu uniquement pour des hommes est, par essence, parfaitement illicite. Les trois premiers degrés du rite féminin donnent naturellement la possibilité aux femmes d'accéder aux plus Hauts Grades, aucune raison licite s'y opposant, puisque symboliquement, dès le troisième degré, l'homme comme la femme se trouvent débarrassés de la symbiose soma-psyché et libèrent ainsi le pneuma-androgyne. Pour les mêmes raisons évoquées précédemment, ce rite féminin n'est plus pratiqué que par une seule Loge. En ce qui concerne l'Ordre des Élus Cohen et pour clarifier une situation quelque peu embrouillée, qui à l'époque de sa création jusqu'à l'orée du XXe siècle ne l'était pas, le vocable « Martiniste » désignait les disciples de Martinez de Pasqually, puis le Martinisme Lyonnais descendant des Élus Cohen de Willermoz, ou le Martinisme Russe, branche des Élus Cohen établis en Russie. Mais à la fin du XIXe siècle, Papus, Dr Gérard Encausse, créa en compagnie d'Augustin Chaboseau, un Ordre Martiniste dont le but essentiel était l'étude des œuvres de L.-C. de St Martin, le Philosophe Inconnu, d'où, aujourd'hui, la confusion entre Martinistes et Élus Cohen. Par la suite, Papus devint Grand Maître du Rite de Memphis-Misraïm, tout en développant parallèlement son Ordre Martiniste. A la mort de Papus, son successeur, Téder, initié au Martinisme Lyonnais (Élu Cohen), projette de réformer l'Ordre Martiniste de Papus, mais la mort l'empêcha de réaliser son projet. Jean Bricaud lui succède, reprenant son idée de réforme, en présidant l'Ordre Martiniste Lyonnais et celui de Papus qui devint la Société Occultiste Internatio-nale, où il regroupa tous les « profanes », réservant l'Ordre des Élus Cohen (Martiniste Lyonnais) aux Maçons de Hauts Grades. A la mort de J. Bricaud, C. Chevillon reprend le flambeau et coupe définitivement les rapports entre le Rite de Memphis-Misraïm et les Élus Cohen d'une part, et la S.O.I. d'autre part, dont il nommera Mme Bricaud présidente. Actuellement, par le jeu des dissidences et des scissions, les Ordres Martinistes et ceux des Élus Cohen ont proliféré en nombre et en qualités. Il en est de même pour l'Église Gnostique divisée en plusieurs parties. Rappelons que Constant Chevillon a écrit plusieurs petits ouvrages: Du néant à l'être, 1942 - Et verbum caro factum est, 1944 - La tradition universelle, 1946 -réédités en un volume aux Éditions Traditionnelles, Paris, 1982. Méditations initiatiques, 1953 - Orient et Occident, 1926. Ainsi que Le vrai visage de la Franc-Maçonnerie, 1939 - et Réflexion sur le temple social, 1936, qui font l'objet de cette édition. La plupart de ces livres quasiment introuvables dans leurs premiers tirages avaient été presque tous édités par la librairie Derain-Raclet, pour les plus anciens, puis par Derain seul, 128 rue Vanban, à Lyon. Librairie toujours existante, qui fut un des hauts lieux de l'ésotérisme Lyonnais. Nous remercions nos chers amis, Gilbert Tappa et Claude-Charles Boumendil, d'avoir tenu à rééditer ces deux textes importants du Maître, en espérant qu'ils contribueront à effacer les images, par trop caricaturales, de la Franc-Maçonnerie, ancrées dans l'idée populaire depuis si longtemps. Que le souvenir de Constant Chevillon soit toujours vivant et que sa pensée perdure parmi les Maçons de bonne volonté. 24 juin 1991

19 - Prière pour la Paix : Constant CHEVILLON

PRIERE POUR LA PAIX ADONAÎ Ô ELOIM DES ELOIM, nous voulons la paix: la paix dans les familles, dans les cités, dans les nations, la paix sur toute la terre, le coeur des hommes fait pour aimer et non pour haïr, envoyez à tous la bonté, la mansuétude et l'amour. Eloignez d'eux à jamais le désir des guerres impies et fratricides, donnez-leur la soif inextinguible de la Paix. Déchaînez dans le monde une vague d'Amour et de Fraternité. Nous vous en supplions par le Verbe incréé, expression de votre amour infini; donnez-nous la Paix universelle. Que la Paix étende partout sa sérénité et sa justice, mais surtout sur les peuples qui sont menacés dans leur vie, dans leur liberté, dans leurs idées et dans leur conscience humaine. Faîtes, Adonaï et vous, puissance de la Lumière, que les intérêts particuliers s'effacent toujours devant l'intérêt général de l'Humanité et que celui-ci se hausse sur le plan spirituel de la Fraternité et de l'Amour pour juguler à jamais la colère, l'envie et la haine! Donnez aux riches de la terre un coeur sensible et généreux, aux pauvres l'intelligence du royaume de la lumière avec la tempérance des désirs, aux puissants qui gouvernent le monde le sens de l'équité dans la prudence et la sagesse, aux gouvernés le respect de la hiérarchie juste et légitime; à tous les hommes l'humilité dans la Foi, l'Espérance et la Charité. Amen! Amen! Amen! Constant CHEVILLON

16 - La tiédeur spirituelle : SS Shenouda III

LA TIDEDEUR SPIRITUELLE SS SHEDOUNA III, Pape et Patrairche d’Alexandrie Je ne prétends pas avoir atteint le but ni être parvenu à la perfection, mais je le poursuis pour tâcher de le saisir, comme moi-même j’ai été saisi par le Christ Jésus. Frères, je ne pense pas encore l’avoir saisi, mais je n’ai qu’un souci : oubliant ce qui est derrière, tendu vers l’avant de tout mon être, je cours droit au but. Ph 3,12-14 LA FERVEUR ET LA TIÉDEUR L’Esprit Saint descendit le jour de la Pentecôte sous la forme de langues de feu (Ac 2, 3) qui embrasèrent les saints apôtres. Dieu de même apparut au prophète Moïse dans une flamme de feu dans le buisson (Ex 3, 2), et Saint Paul dit aussi : Notre Dieu est un feu dévorant (Hé 12, 29). Celui qui est habité par l’Esprit de Dieu doit être dans la ferveur de l’Esprit. Celle-ci imprègne son cœur, son amour, ses prières, ses dévotions, son service. Cette ferveur embrase toute sa vie, et tout lieu où il se trouve s’embrase par sa ferveur, par ses activités et par le saint zèle qui l’anime. L’amour de Dieu et celui du prochain remplissent le cœur de l’homme spirituel. Or, la Sainte Bible compare l’amour à un feu, et l’Écriture dit à ce propos : Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour (Ct 8, 7). C’est pour cette raison que le serviteur de Dieu animé par l’amour s’embrase de feu, comme le signale l’Apôtre en parlant de son ministère : Que l’autre trébuche et c’est un feu qui me brûle ? (2 Co 11, 29). Or cette ferveur de l’homme spirituel se transmet aux autres. Des saints anges qui exécutent l’oeuvre de Dieu avec ferveur et ardeur le psalmiste dit : Il fait des souffles ses anges, Des flammes de feu ses serviteurs (Ps 103, 4). Cependant, cette ferveur spirituelle ne dure pas toujours chez bien des enfants de Dieu et ils sont alors envahis par la tiédeur... Ils ne persévèrent pas dans leur amour d’antan pour beaucoup de raisons. Ils prient, mais plus avec le même amour, ni avec la même profondeur, ni avec le même esprit. Ils lisent la Sainte Bible sans en être touché et il en est de même des réunions spirituelles et de la sainte liturgie qui n’émeuvent plus leur cœur comme jadis. Leurs dévotions deviennent comme un corps sans esprit, ayant les apparences de la piété, mais reniant ce qui en est la force (2 Tm 3, 5). Ils parlent à Dieu sans sentir sa présence devant eux et dans leur vie. Oh comme Dieu ne supporte pas cette tiédeur ! Ainsi c’est exprimé dans l’Apocalypse, il dit à l’ange de l’Église de Laodicée : Tu n’es ni froid ni chaud. Que n’es-tu l’un ou l’autre ! Ainsi, puisque te voilà tiède, et que tu n’es ni chaud ni froid, je vais te vomir de ma bouche (Ap 3, 15-16). Cependant la tiédeur est un état relatif. Ce que l’on peut considérer comme tiédeur chez les grands saints peut être considéré comme ferveur chez des personnes ordinaires. Ces saints peuvent avoir régressé quelque peu de leur niveau spirituel mais il demeure pourtant bien supérieur à celui des autres, malgré leur régression. LES STYLES DE TIEDEUR Dans ce domaine on peut déceler trois catégories : Une tiédeur naturelle qui peut atteindre tous les hommes, même les saints, une tiédeur grave qui menace toute la vie spirituelle et risque d’entraîner la chute de l’homme, et une tiédeur relative, si l’on compare la vie spirituelle d’une personne à deux époques différentes de sa vie, toutes deux jouissant d’un niveau spirituel élevé. La tiédeur naturelle est un phénomène de notre nature sujette à la déviation et qui est incapable de suivre constamment une ligne solide continuellement ascendante. Quant à la tiédeur grave c’est celle qui persiste longtemps et qui s’approfondit sans que l’on éprouve aucun blâme intérieur. L’homme peut s’y habituer et ne point chercher à s’en débarrasser, parce qu’elle peut se revêtir de l’habit des agneaux. Il en est ainsi de l’homme qui étant habitué à l’atmosphère de l’église, y pénètre sans vénération ni respect, sans humilité ni émotion. Il peut y donner des ordres et interdire, élever la voix et crier. Il peut prendre le maintien de l’ordre comme prétexte pour réprimander et rudoyer, comme il peut interrompre la prière du prêtre ou du diacre pour corriger un faute de grammaire. Arrivé à ce stade, ou bien il cherche à retrouver sa spiritualité parce qu’il découvre qu’il l’a perdue, ou bien il n’y pense plus, estimant qu’il a bien agi. Là, il passe de la tiédeur au péché, sans s’en rendre compte, ou il peut s’en rendre compte et chercher alors à s’en justifier. Dans cet état de tiédeur, il perd sa douceur et son humilité aussi bien que la vénération du lieu saint et le respect envers autrui. LES ASPECTS DANGEREUX DE LA TIÉDEUR La tiédeur est une chute. Comment pourrait-elle ne pas l’être ? La tiédeur est une chute du niveau de l’amour à celui de la routine, ou de celui de l’esprit à celui du rationalisme, c’est une chute des vertus de l’esprit à celles du matérialisme ou de l’intérêt qui le rapproche de Dieu à celui qui le rattache aux hommes. La tiédeur constitue un arrêt du mouvement ; c’est une relation extérieure et non plus une relation intérieure avec Dieu ; c’est l’intérêt accordé aux vertus en ce souciant du critère de « la longueur » (la quantité), et non de « la profondeur » (la qualité). Chacun de ces éléments exige un long développement que nous essaierons de résumer en exposant non seulement les aspects de la tiédeur, mais aussi ses causes ... DE L’AMOUR À LA ROUTINE La vie spirituelle de l’homme doit être animée par l’amour pour Dieu qui doit imprégner toute vertu. Vous priez parce que vous aimez Dieu et vous dites : Ô Dieu, mon Dieu, je te cherche dès l’aurore mon âme a soif de toi ! Après toi languit ma chair, comme une terre déserte, sans eau (Ps 62, 2). Combien j’aime ta loi : tout le jour elle fait mes délices (Ps 118, 97). Mais dans l’état de tiédeur, la prière se transforme en un devoir et en une obligation que vous remplissez, pour que votre conscience ne vous reproche rien et ne vous accuse pas d’avoir manqué à vos devoirs. Vous pouvez prier sans désir sincère, sans sentiment, sans ferveur et peut-être encore sans compréhension. Votre prière dans ce cas perd tous les éléments qui en font une prière spirituelle ; dès lors, elle sera dépourvue de componction, de piété, de foi, de méditation et d’amour. Vous priez et cela vous suffit, alors que votre prière est devenue une simple routine. Ce que l’on dit de la prière dans l’état de tiédeur pourrait s’appliquer aux autres disciplines spirituelles. De même, votre lecture de la Sainte Bible devient routinière. Vous lisez sans comprendre ni méditer, sans appliquer ce que vous lisez à votre propre vie ni recourir aux exercices spirituels et surtout sans savourer les paroles de Dieu, comme les savourait le prophète David qui disait : Je trouve la joie dans tes paroles, autant que celui qui découvre un grand trésor (Ps 118, 162). Votre lecture n’est qu’une simple routine et un simple devoir. Peut-être avez-vous commencé votre vie spirituelle par l’amour pour Dieu, mais vous n’y avez pas persévéré. Pourquoi ? C’est peut-être l’intérêt accordé à la quantité plus qu’à la qualité qui vous a conduit au ritualisme cultuel et, partant, à la tiédeur. Vous voulez réciter un certain nombre de psaumes et de prières, lire un certain nombre de chapitres de la Sainte Bible, et faire un certain nombre de prosternations. En tout cela, peu importe pour vous le comment ? Vous ne vous souciez plus de l’esprit mais du nombre. Et si vous atteignez le nombre requis, vous êtes, hélas ! satisfait de vous-même. Peu importe pour vous à quel point Dieu est satisfait de votre méthode ! Lorsque saint Isaac aborda cette question, il conseilla de se dire à soi-même dans un tel cas : Je ne me tiens pas devant Dieu pour compter des mots. Saint Paul, lui, préféra cinq paroles avec intelligence à dix mille paroles en langue (1 Co 14, 19). Pour accomplir vos « devoirs » vous pouvez prier rapidement, mais la rapidité conduit à l’incompréhension et au manque de méditation. Dès lors votre objectif sera, non de jouir d’un entretien avec Dieu tout empreint d’amour, mais de vous acquitter de cette obligation que les moines appellent l’office. La déviation de l’objectif loin du chemin spirituel vous conduit inévitablement à la tiédeur, car elle vous éloigne de la spiritualité de la prière qui est à l’origine de la ferveur. Nombreux sont ceux qui en apprenant les hymnes liturgiques ne peuvent pas les étudier par cœur et il en est de même des psalmodies, aussi prient-ils avec ces hymnes et ces psalmodies lentement et, partant, avec méditation et spiritualité. Mais avec la pratique, ils atteignent le stade de l’étude par cœur et la vitesse avec laquelle ils chantent ces prières s’accroît en proportion, à tel point qu’ils chantent les louanges si vite qu’il est difficile de distinguer les paroles. Avec la vitesse et l’étude par cœur, la compréhension, les sentiments, la méditation diminuent et les hymnes deviennent une simple musique dépourvue de l’esprit de prière. CAUSES ET REMEDES DE LA TIÉDEUR Si vous êtes assailli par un ou par toutes ces faiblesses, dites-vous : « Je voudrais prier, je voudrais m’adresser à Dieu de tout mon cœur, même en quelques paroles, comme l’ont fait le collecteur d’impôts et le bon larron sur la croix, qui ne lui ont dit qu’une seule phrase ». L’une des causes de votre tiédeur est peut-être que vous vous contentez des prières étudiées, que vous les récitez sans qu’elles ne soient imprégnées par l’esprit de prière, sans ajouter des prières personnelles émanant des profondeurs de votre cœur. Pourtant elles sont profondes les prières des psaumes et les autres prières de l’Eglise si vous les priez avec compréhension et de tout votre cœur... Ce sont des trésors spirituels. Mais en plus de ces prières vous avez besoin d’avoir des prières personnelles où vous exprimez tout ce qui anime votre âme, en employant vos propres paroles et où vous vous adressez à Dieu avec amour et en toute franchise, comme si vous vous teniez devant lui et que vous le voyiez. Exercez-vous à ces prières personnelles toutes les fois que vous êtes assailli par la tiédeur, comme dans les périodes de ferveur spirituelle, et constatez l’efficacité de telles prières dans votre vie. Affranchissez-vous de l’esclavage de la quantité et de la vitesse, de celui de la routine et de l’obligation et cherchez à prier avec esprit, compréhension et sentiments ; agissez de la sorte avec tous les exercices spirituels. Gardez-vous de la chute ! Si vous souffrez de la tiédeur, réduisez le nombre de psaumes, mais priez avec profondeur tout en cherchant à augmenter le nombre en gardant la même profondeur. Sinon, tenez-vous à un petit nombre, la profondeur étant la plus importante, car c’est elle qui remédie à la tiédeur. Or la tiédeur n’attaque pas seulement la prière, les lectures, les méditations et tous les autres moyens spirituels, mais elle peut aussi envahir tous les sentiments intérieurs du cœur, les divers fruits de l’Esprit et toute la vie spirituelle en général... Le saint zèle dans le service de Dieu peut n’être plus aussi ardent qu’auparavant, le désir de se consacrer à Dieu peut faiblir ou s’attiédir, la ferveur dans l’examen de conscience et dans la vie de conversion peut perdre sa force. Dans l’état de tiédeur les aspects et les causes peuvent se ressembler. Par exemple, se détourner de Dieu en se préoccupant d’autre chose peut être un aspect de la tiédeur comme il peut en être une cause. La satisfaction éprouvée à l’égard d’un niveau spirituel atteint avec l’arrêt de la croissance peut être une cause de la tiédeur aussi bien qu’un de ses aspects. Nous avons déjà signalé que le passage de l’amour à la routine est un des aspects de la tiédeur et nous pouvons aussi le considérer comme une de ses causes. LES PRÉOCCUPATIONS QUI DETOURNENT DE DIEU Parmi les causes les plus graves de la tiédeur figurent les préoccupations qui empêchent de trouver du temps pour Dieu et pour sa vie spirituelle. L’intérêt profond n’est plus accordé à Dieu, mais aux préoccupations ; la place de Dieu dans notre vie n’est plus la première mais la dernière ... Ainsi, l’on voit disparaître les moyens spirituels suscitant la ferveur dans le cœur, qui est alors envahi par la tiédeur. Les préoccupations sont diverses : les unes sont mondaines, les autres sont dans le cadre du service religieux ... L’homme peut être préoccupé par des questions familiales, par les études, par une activité quelconque, par un divertissement, par un hobby ou un travail, à tel point qu’il ne trouve plus de temps pour sa propre vie spirituelle. Pour un tel homme nous présentons deux conseils : 1. Il faut organiser votre temps. 2. Que servira-t-il donc à l’homme de gagner le monde entier, s’il doit perdre son âme (Mt 16, 26). Pour organiser votre temps de telle sorte que vous en consacriez une partie à votre vie spirituelle, il faut re-connaître la valeur des moyens spirituels pour votre vie terrestre et pour votre vie dans l’éternité. Si vous les appréciez comme ils le méritent, vous leur accorderez l’intérêt requis et vous consacrerez un temps pour votre vie spirituelle, quelles que soient vos préoccupations. Gardez-vous de celles qui concernent le service de l’Église, car elles constituent parfois une entrave à votre vie spirituelle, d’une façon qui satisfait votre conscience. Sachez bien que si votre vie spirituelle faiblit, votre service de Dieu s’en ressent et ne porte aucun fruit. Car le service de Dieu n’est pas une activité quelconque, mais c’est un esprit qui se transmet d’une personne à l’autre ; c’est la vie du serviteur de Dieu qui est assimilée par le fidèle. Sachez que le service de Dieu n’est pas un prétexte vous empêchant de jouir de Dieu et de son intimité. D’ailleurs Dieu n’exige pas de vous un service qui vous éloigne de la prière, de la méditation et de la vie intime avec lui. Vous avez donc besoin d’organiser les diverses activités qu’exige le service de Dieu. Souvenez-vous du fils aîné dans la parabole de l’enfant prodigue qui dit à son père : Voilà tant d’années que je te sers ... et à moi tu ne m’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis (Lc 15, 29). Bien qu’il servait son père depuis de longues années, sa volonté s’opposait à celle de son père, son entretien avec ce dernier, ses propos concernant son frère, son re-fus de partager la joie qui remplissait le cœur de son père en voyant son frère se retourner, tout cela prouve la faiblesse de sa vie spirituelle. Cherchez à accepter seulement les préoccupations qui ne dépassent pas vos capacités. Pour sauvegarder votre vie spirituelle, renoncez à certaines préoccupations. El-les sont nombreuses celles auxquelles on peut renoncer, ainsi en est-il de certains divertissements, certaines rencontres et de bien des entretiens. Vous pouvez au moins élever votre cœur vers Dieu de temps en temps lors de vos préoccupations ; et même si elles absorbent tout votre temps, qu’elles n’accaparent pas tout votre cœur. Ne vous laissez pas absorber totalement par les préoccupations, vu que vous ne possédez pas tout votre temps pour le gaspiller, car où se trouve alors la part de Dieu ? ! Je ne veux pas vous dire que Dieu possède toute votre vie... Mais au moins, souvenez-vous, au milieu de vos multiples préoccupations, de deux points importants quant à la part de Dieu dans votre temps : 1. Souvenez-vous du jour du Seigneur pour le sanctifier. 2. Souvenez-vous quand il s’agit de votre temps, du commandement concernant les prémices. Sachez que si vous êtes fidèle dans l’observance du commandement du jour du Seigneur, vous y puiserez sûrement une réserve spirituelle qui vous permettra d’éviter la tiédeur durant toute la semaine suivante. Si vous êtes fidèle dans l’observance du commandement des prémices, et que vous offrez à Dieu celles de votre journée, la ferveur spirituelle que vous y puiserez subsistera toute la journée et vous poussera à consacrer d’autres temps à votre vie spirituelle. Un autre point est à signaler : Si vous vous occupez profondément toute la journée de questions mondaines, celles-ci s’empareront de votre intériorité, accapareront votre cœur et votre pensée, de sorte que si vous vous tenez devant Dieu pour prier, votre esprit sera préoccupé par ces questions et votre prière sera empreinte de tiédeur. Quand nous parlons des préoccupations en tant que cause de la tiédeur, nous n’entendons pas seulement l’occupation de tout le temps, mais surtout la préoccupation du cœur et de la pensée aussi... et c’est le plus grave, car elle pénètre à l’intérieur de l’homme. C’est pour cette raison que la Sainte Église a établi les sept prières journalières pour rompre les multiples préoccupations de la journée par une intimité avec Dieu. Ces prières ont été réparties de sorte qu’il ne se passe pas trois heures sans que l’homme n’élève son cœur vers Dieu et s’entretienne avec lui, loin des préoccupations et des questions de ce monde, sauvegardant ainsi sa ferveur. Si vous êtes fidèle dans les prières du jour, vous ne connaîtrez pas la tiédeur, car votre esprit n’aura cessé d’invoquer Dieu durant toute la journée. L’une des causes de la tiédeur c’est que l’homme se tient éloigné de Dieu pendant un temps assez long, comme il arrive à certains fidèles qui prient seulement le matin et le soir et qui ne prient pas aux heures les plus occupées et les plus critiques de la journée où les combats et les causes de chute abondent. Voulez-vous échapper à la tiédeur ? Élevez le cœur de temps en temps vers Dieu, même par une seule phrase, ou par une courte prière qui ne dure qu’une minute ou quelques secondes. Article paru dans la revue Le Chemin, 59, 2003.