octobre 23, 2010

Quel dialogue est possible entre Christianisme et Islam ?

Quel dialogue est possible entre Christianisme et Islam ?

A l’occasion du Communiqué commun suite à la 6e réunion de la commission mixte russo-iranienne pour le dialogue orthodoxie-islam signalé sur le site Orthodoxie.com, une question mérite d’être posée : Quel dialogue peut être envisagé entre le Christianisme et l’Islam ?

L’Islam ne reconnaît pas Jésus+Chris comme étant Dieu, et le Christianisme ne reconnaît pas Mahomet comme un prophète.

Si donc le dialogue théologique s’avère impossible, peut-il porter sur la société et la morale ? Dans ce cas où sont les condamnations quant aux persécutions dont sont victimes les Chrétiens ? L’Eglise Russe reproche-t-elle ces persécutions ? L’Islam condamne-t-il ces dernières ?

Tant que l’Islam ne condamnera pas clairement et avec force les actions accomplies en son nom contre les Chrétiens, un dialogue  - après avoir trouvé un sujet pouvant être commun – deviendrait-il possible ?

SS Benoît XVI pour sa part n’ est pas impliqué dans les invitations qui lui étaient faites.


Communiqué commun suite à la 6e réunion de la commission mixte russo-iranienne pour le dialogue orthodoxie-islam

Suite à sa récente réunion à Téhéran, en Iran, la commission mixte russo-iranienne pour le dialogue orthodoxie-islam a publié le communiqué suivant:
"La Commission mixte pour le dialogue orthodoxie-islam a tenu sa 6ème réunion les 6 et 7 octobre 2010, à Téhéran, dans la République islamique d'Iran. Il a discuté du « rôle de la religion dans la vie de l'individu et la société». La réunion était présidée par l'évêque Théophylacte de Smolensk et de Viazma et le Dr Mahdi Mostafi, président de la culture islamique et de l’organisation des relations, d’Iran. Le Dr Mostafi a ouvert la réunion avec les mots de bienvenue. Mgr Théophylacte a apporté un message de salutations de Sa Sainteté le patriarche Cyrille de Moscou et de toutes les Russies.
Des exposés ont été présentés sur l'influence de la religion sur la santé spirituelle de la société, le rôle de la religion dans la consolidation de l'institution des valeurs familiales et de la famille, les relations de la tradition religieuse et la doctrine des droits de l'homme et de la liberté et l'influence de la tradition religieuse sur le la morale de l'individu. La réunion a également discuté d'une similitude historique dans le développement des civilisations russe et iranienne.

Dans leur discussion, les participants ont exprimé la conviction que la tradition religieuse est d'une importance essentielle pour la vie de la société moderne. La crise de la société moderne est liée dans une large mesure à la négation de la tradition religieuse. Au cours du dialogue, les participants ont souligné à plusieurs reprises le danger de la laïcité agressive qui considère la religion comme une source de violence et les conflits, et insiste sur son exclusion de la vie publique.

La laïcité utilise souvent l'institution des droits de l'homme et des libertés pour la lutte contre la religion. Les participants ont parlé à l'unanimité contre la sécularisation agressive et son imposition sur le monde.
Les droits de l'homme et la liberté ne peuvent pas être mis en opposition à la tradition religieuse.

La réunion a souligné le danger de soumettre les vues religieuses à des normes légales qui ont été développés exclusivement sur la base des idées non-religieuses. Au contraire, la vision religieuse du monde doit apporter sa propre contribution à l'élaboration des normes du droit national et international afin qu'elles puissent acquérir un caractère vraiment universel. Il a été jugé nécessaire d'unir les efforts de l'Eglise orthodoxe russe et de la communauté musulmane en Iran dans le développement de la notion de «valeurs traditionnelles» et de demander sa reconnaissance dans le droit international et le respect dans le travail des organisations internationales. Les valeurs traditionnelles comprennent le rôle important de la religion dans la vie privée et publique, le désir de la perfection morale de l'homme, la préservation de la vie de famille comme l'union de l'homme et la femme, le respect pour les personnes âgées, la diligence, l'aide aux pauvres et la protection des faibles.

Les participants ont souligné le rôle particulier que joue la religion dans la formation et le développement de l'institution des valeurs familiales et de la famille. Ils ont également exprimé le souci de la tendance actuelle à brouiller les fondements moraux de la vie familiale et à diffuser ainsi qu’à propager l'immoralité et se sont déclarés prêts à organiser d'autres conférences communes visant à consolider les valeurs morales traditionnelles dans la famille et la société.

Les parties se sont inquiétées du fait que les principaux médias sont soumis aujourd'hui à l'influence des porteurs de la vision du monde séculière qui prévaut dans les établissements d'enseignement et les normes pédagogiques. Les parties ont condamné les cas d'outrage contre les symboles religieux et les sanctuaires.

Les participants ont également noté l'atmosphère de d'hospitalité et d'ouverture dans laquelle la discussion a eu lieu. Ils ont également exprimé leur satisfaction avec le développement du dialogue entre l'Eglise orthodoxe russe et la communauté musulmane de la République islamique d'Iran, lequel a commencé il y a quinze ans.

Il a été jugé utile de poursuivre le dialogue bilatéral en contribuant à l'élargissement des relations culturelles et interreligieuses et la création des fondements d'une atmosphère de coopération fructueuse.

Il est prévu d'organiser la 7e réunion du dialogue islam-orthodoxie en 2012 à Moscou.
Traduit de l'anglais pour Orthodoxie.com. Source: Patriarcat de Moscou.

L'OEUVRE D'ORIENT


Retrouvez la vidéo de Caritas - L'Oeuvre d'Orient. Découverte de l'OEuvre d'Orient à l'occasion du Synode des Évêques pour le Moyen-Orient (10-24 octobre). Fondé en 1856 par le baron Cauchy pour venir en aide aux chrétiens d'Orient, cet organisme français finance chaqueannée, dans une ving

octobre 21, 2010

Pie XII, les vraies raisons d'un faux procès


  Pie XII, les vraies raisons d'un faux procès
ÉRIC ZEMMOUR   05/02/2010 |  LE FIGARO. FR
En avançant la procédure de béatification de Pie XII, Benoît XVI a relancé la polémique sur son action pendant la guerre. Mais ce sont toujours les mêmes argum ents qui sont brandis contre lui.
Le cardinal Pacelli n'a pas eu de chance. Son pontificat fut celui des totalitarismes. Pie XII dut affronter les deux monstres nazi et soviétique. C'était son destin. Il n'avait pas été formé pour cela. Il avait été un proche collabo rateur de Benoît XV qui, pendant la Première Guerre mondiale, et en dépit d'une germanophilie évidente, tint la balance à peu près égale entre les deux camps.
C'était un homme du XIXe siècle. Il était le produit d'une école théologique et diplomatique. Il pensa pouvoir renouer avec les habi letés matoises de l'Eglise. Appliquant une politique voulue par Pie XI, il négocia avec Hitler - et essaya de faire de même avec les Soviets - ce que son lointain prédécesseur avait noué avec Napoléon : un concordat. Un compromis qui respecterait l'autorité du pouvoir séculier, mais sauvegarderait les populations catholiques et la pratique du culte. Il n'avait pas tout de suite compris qu'il avait affaire à de nouveaux barbares pour qui les traités n'étaient que des «chiffons de papier».
Pie XII n'était pas de la trempe d'un prophète qui, dans la tradition juive, tonne et fulmine, au nom de Dieu, contre les abus du pouvoir. A un cardinal allemand qui vint lui demander conseil, il répondit : «Le martyre ne se décrète pas depuis Rome.» Il n'avait aucune sympathie pour le Führer, qu'il comparait au diable et tentait même, dit-on, d'exorciser en secret. Il avait été le principal rédacteur, sous Pie XI, de la fameuse encyclique Mit BrennenderSorge, qui avait condamné le nazisme. Mais s'il ouvrait largement les portes du Vatican aux Juifs persécutés, il était également obsédé par la sécurité des catholiques sous la botte allemande. L'appel des évêques hollandais contre les persécutions des Juifs avait provoqué la fureur de la soldatesque nazie contre les catholiques hollandais, et n'avait pas sauvé un seul Juif.
Mais Pie XII combattait sur deux fronts. L'autre grand totalitarisme du siècle le hantait. Pourtant, il se garda bien de tancer les Russes tant qu'ils affrontaient Hitler. Ce n'est qu'après la fin de la guerre qu'il combattit sans relâche le communisme. C'était un combat très délicat à mener. De nombreux catho liques progressistes étaient séduits par la nouvelle Rome. Pie XII finit par condamner les prêtres ouvriers, pour arrêter l'hémorragie vers le Parti. Le communisme était un mil lénarisme sans le dogme ; un universalisme sans Dieu ; un humanisme paradoxal et diabolique qui tenait l'homme pour rien. Une religion de substitution. Pie XII le combattit sans relâche.
Pour ce faire, il encouragea l'édification du Marché commun autour de la France, l'Allemagne et l'Italie, toutes dirigées, dans les années 50, par des démocrates-chrétiens, De Gasperi, Adenauer et Schuman. C'était le temps où gaullistes et communistes vitupéraient de conserve contre «l'Europe vaticane». C'est dans ce contexte qu'il faut apprécier la création de la pièce Le Vicaire, en 1963. Elle allait changer le destin post hume de Pie XII.
Avant cette pièce, il est l'homme à qui les plus grands dirigeants israéliens, Golda Meir et Ben Gourion, ont rendu hommage. Il est l'ami des Juifs, l'homme qui a osé, même à mots couverts, évoquer le grand malheur juif, là où Roosevelt, Churchill ou de Gaulle n'ont rien dit. Le grand rabbin de Rome, Israel Zolli, se convertit alors au catholicisme et se fait baptiser du prénom d'Eugenio, comme ce Pacelli qui lui a sauvé la vie. Certes, à l'époque, certains Juifs romains en veulent à Zolli, à qui ils reprochent d'avoir accepté l'hospitalité du pape sans se soucier du sort tragique de la communauté juive romaine, raflée par les nazis. Mais personne ne soupçonne Pie XII de collusion avec Hitler, même si certains s'irritent de voir certaines congrégations protéger la fuite de nazis vers l'Amérique du Sud.
Après cette pièce, Pie XII devient, dans l'imaginaire collectif, «le pape d'Hitler».La personnalité de l'auteur de la pièce, l'Allemand Rolf Hochhuth, est fort controversée. On le soupçonne d'avoir été, à l'époque, manipulé par les services secrets de l'URSS. En tout cas, on reconnaît leurs méthodes. Depuis la IIIe Internationale, dans les années 30, la méthode de propagande communiste est toujours la même : pour diaboliser l'adversaire, il faut le traiter de fasciste et de nazi. Pour détruire la tradition chrétienne, il faut la nazifier. Pour faire payer à Pie XII son engagement anticommuniste, il faut l'hitlériser. Pie XII, « le pape d'Hitler », c'est l'équivalent de CRS-SS. En 2002, Costa-Gavras, en fera un film : Amen.
La thèse est solidement installée dans les médias. D'où la campagne virulente lorsque Benoît XVI fait avancer la procédure de béatification de Pie XII. Si la curie romaine croyait échapper au lynchage médiatique en liant cette cause à celle du populaire Jean-Paul II, l'opération est manquée. On s'interroge sur les motivations de Benoît XVI. D'abord, le pape théologien rend hommage à un autre grand théologien, qui a beaucoup inspiré sa jeunesse. Ensuite, surtout, cette béatification entre dans la stratégie au long cours de réconciliation et de réunification de toutes les branches éparpillées par l'histoire du christianisme. Pie XII fut le dernier pape d'avant Vatican II. Lui rendre hommage, c'est honorer la sensibilité traditionaliste dont Benoît XVI a engagé la réintégration dans la famille.

octobre 20, 2010

Les chrétiens au Moyen-Orient. Ecrasés entre l'islam et Israël


       
Les chrétiens au Moyen-Orient. Ecrasés entre l'islam et Israël

Rome, le 19 octobre 2010  -
(E.S.M.)
- Le drame de l'Église sur ses terres d'origine analysé par un synode qui se tient à Rome. Les points critiques. Les propositions de changement. Mais il y a encore des gens qui considèrent que l'état juif
est la cause de tous les maux


Les chrétiens au Moyen-Orient. Ecrasés entre l'islam et Israël

par Sandro Magister


Le 19 octobre 2010 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Le synode spécial consacré au Moyen-Orient, en cours depuis dix jours au Vatican, met en lumière une partie de la chrétienté qui connaît un mouvement dramatique dans diverses directions et dont l’avenir est incertain.

L'exode des chrétiens qui fuient ces régions est un élément important de ce mouvement. Mais ce n’est pas un phénomène nouveau. Pendant la première moitié du XXe siècle l’extermination et l’expulsion des Arméniens puis des Grecs par la Turquie ont atteint des proportions énormes. Aujourd’hui l'exode continue, à partir de différents endroits et à des degrés divers. De fait, parmi les fidèles des anciennes Églises d'Orient, douze millions vivent aujourd’hui entre l'Égypte et l'Iran, mais environ sept autres millions vivent désormais ailleurs.

Depuis des décennies, les Arméniens de la diaspora sont plus nombreux que ceux qui vivent dans leur terre d’origine. Les maronites libanais émigrés ont des diocèses aux États-Unis, au Canada, au Mexique, au Brésil, en Argentine et en Australie. Les syro-orthodoxes ont une éparchie en Suède. Les Irakiens ont créé une "Chaldean Town" dans la zone métropolitaine de Detroit. Les chrétiens de Bethléem émigrent pour la plupart vers le Chili.

Mais, dans le même temps, on constate aussi au Moyen-Orient un mouvement inverse. Rien que dans la péninsule arabique – d’après ce qu’ont dit pendant le synode les deux vicaires apostoliques de la région, Paul Hinder et Camillo Ballin – les catholiques venus d’ailleurs pour trouver du travail sont déjà trois millions ; ce sont surtout des Philippins et des Indiens.

Les pays arabes du Golfe "ont un grand besoin de main d’œuvre", a expliqué l’évêque indien de rite syro-malabar Bosco Puthur, dont la région a vu partir 430 000 personnes. Mais, pour ces émigrants, l'aventure est très dure en termes de libertés religieuses et civiles. L'archevêque d’Addis-Abeba, Berhaneyesus Demerew Souraphiel, a indiqué que les milliers d’Éthiopiennes qui partent chaque année au Moyen-Orient pour y travailler comme domestiques "prennent des noms musulmans au lieu de leurs noms chrétiens et s’habillent
comme des musulmanes" pour obtenir leur visa d’entrée, "ce qui les force indirectement à renier leurs racines", et qu’en tout cas elles vont mener une vie faite "d’exploitation et d’abus".

Pour décrire les conditions de vie des chrétiens dans les pays musulmans du Moyen-Orient, les évêques se sont exprimés avec une prudence compréhensible.Mais il y a eu quelques exceptions.



L’un des plus véhéments a été le représentant en Jordanie du patriarcat des chaldéens irakiens. Il a affirmé qu’il y a "une campagne délibérée pour chasser les chrétiens. Les groupes fondamentalistes extrémistes ont des plans sataniques contre les chrétiens, non seulement en Irak mais dans tout le Moyen-Orient".

L'iranien Thomas Meram, archevêque d’Urmya des chaldéens, n’a pas hésité à citer le psaume de David : "À cause de toi, chaque jour, nous sommes massacrés". Et il a continué : "Chaque jour, les chrétiens s’entendent dire, par les haut-parleurs, par la télévision, par les journaux, qu’ils sont des infidèles et, pour cette raison, ils sont traités en citoyens de seconde zone".

Ces propos sont tout le contraire de ce qu’a affirmé le même jour - jeudi 14 octobre - en réunion l'ayatollah iranien Seyed Mostafa Mohaghegh Ahmadabadi, invité au synode. Selon lui "dans beaucoup de pays musulmans et surtout en Iran, les chrétiens vivent paisiblement aux côtés de leurs frères musulmans.
Ils jouissent de tous les droits légaux, comme tout autre citoyen, et pratiquent librement leur religion".

Mais le synode est plus qu’un simple compte-rendu de la situation des chrétiens au Moyen-Orient.

 Les débats ont fait apparaître des jugements critiques sur l’Église catholique dans ces pays, ainsi que des propositions de changement.

DES CHRÉTIENS DIVISÉS

Un premier jugement critique concerne la désunion de l’Église catholique au Moyen-Orient.
Les cinq grande traditions dont elle se réclame – alexandrine, antiochienne, arménienne, chaldéenne, byzantine – et les rites plus nombreux encore entre lesquels elle se répartit produisent souvent des divisions, des incompréhensions et des fermetures, au lieu d’un enrichissement réciproque.

"Une Église ethnique et nationaliste s’oppose à l’action du Saint-Esprit" a averti l'archevêque iranien de Téhéran des chaldéens, Ramzi Garmou.

Et il avait des raisons de parler ainsi. L’évêque égyptien d’Assiout des coptes, Kyrillos William, s’est insurgé en réunion contre ses confrères de rite latin qui, en célébrant eux aussi leurs liturgies en arabe, "attirent nos fidèles et les détachent de notre Église".

L’évêque des gréco-melkites d'Australie, Issam John Darwich, a également déploré "l’intolérance croissante entre les Églises catholiques orientales". Et il a cité comme exemple "la triste situation du Liban, où chaque Église paraît chercher des avantages politiques pour elle-même et plus que les autres Églises".

En effet le Liban est bien un pays où les chrétiens jouissent de libertés plus importantes que dans d’autres pays du Moyen-Orient, mais il a aussi été décrit au synode de la manière suivante par un évêque libanais
gréco-melkite, Georges Nicolas Haddad :

"La liberté de religion et de conscience reste l’apanage des 18 communautés historiquement reconnues (12 chrétiennes, 4 musulmanes, 1 druze et 1 juive). Quiconque n’en fait pas partie est privé de tout droit à l'exercice de ses libertés. Toute tentative caractérisée de prosélytisme de la part de l’une ou l’autre des communautés peut provoquer des réactions extrêmes et parfois violentes. Toute conversion est perçue comme un coup profond porté à la communauté d'origine du converti et constitue une rupture sociale".

Une autre personnalité musulmane invitée à s’exprimer au synode, Muhammad Al-Sammak, conseiller du Grand Mufti du Liban, a tenu des propos peu différents puisqu’il a affirmé – en réunion – que "la présence chrétienne en Orient est une nécessité à la fois pour les chrétiens et pour les musulmans" et – hors réunion, lors d’une conférence de presse – que "la croyance est une affaire de conscience mais quand le changement de religion est aussi un changement de 'camp' il devient une trahison de l’état et doit être traité comme tel".



Dans ce contexte, beaucoup de voix se sont élevées au synode pour recommander plus d’unité entre les Églises catholiques de la région, ainsi qu’entre elles et les Églises orthodoxes et les confessions protestantes.

En particulier, il a été proposé de trouver au plus tôt un accord sur une date commune pour la célébration de Pâques.

Certains participants ont invité au dialogue avec les musulmans "éclairés", disposés à une "lecture critique du Coran" et à une "interprétation des lois musulmanes dans leur contexte historique".

DAVANTAGE DE POUVOIRS POUR LES PATRIARCHES

Une deuxième série de propositions a porté sur la pastorale des fidèles des Églises catholiques du Moyen-Orient émigrés à l’étranger, sur le rôle des patriarcats et leurs relations avec le Saint-Siège.

En principe, les patriarches et évêques ont juridiction sur leurs territoires respectifs mais pas sur les fidèles qui ont émigré dans des pays lointains. Mais, dans certains cas, ces émigrés sont désormais plus nombreux
que les fidèles restés au pays. Et si l’on ne s’occupe pas d’eux, ils ont tendance à abandonner les traditions de leurs Églises d'origine. Plusieurs voix, au synode, ont donc demandé que les patriarches et les évêques
reçoivent l’autorité sur l’ensemble de leurs fidèles, que ce soit dans leur pays ou à l’étranger.

En même temps que cette demande, certains participants ont aussi revendiqué la possibilité d’envoyer des prêtres mariés pour s’occuper des fidèles orientaux de la diaspora. En effet, en Occident où les prêtres sont
célibataires, la présence de prêtres orientaux mariés ayant des charges pastorales n’est pas autorisée. Mais le nombre d’émigrés augmentant et le bas clergé des Églises orientales étant presque entièrement composé d’hommes mariés, il est de plus en plus difficile pour les patriarches et les évêques orientaux de trouver des prêtres célibataires à envoyer à l’étranger pour s’occuper de leurs fidèles. D’où la demande de lever cette interdiction.

En ce qui concerne le rôle des patriarcats, la demande que leur soit "restituée" l'autorité qu’ils avaient aux premiers siècles de l’Église, par rapport au pape, a été formulée plusieurs fois au cours du synode. En
particulier qu’ils aient davantage d’autonomie pour la nomination des évêques locaux. Et aussi qu’ils soient associés "ipso facto" au collège qui élit le souverain pontife, "sans avoir besoin de recevoir le titre latin de
cardinaux". En un mot, il est demandé que le pape se voie attribuer "une nouvelle forme d’exercice de sa primauté, inspirée des formes ecclésiales du premier millénaire", le rôle des patriarches étant renforcé. Tout cela visant aussi à rapprocher les points de vue de l’Église catholique de ceux des Églises orthodoxes d'Orient.

EN MISSION PARMI LES MUSULMANS

Une troisième série de propositions a concerné la "nécessité de retrouver l'aspect missionnaire de l’Église". Une proposition nouvelle et courageuse dans des pays à dominante musulmane, de la part d’Églises qui, pour des raisons historiques et afin de survivre, se sont dans une large mesure repliées sur elles-mêmes.

L’évêque égyptien de Louxor des coptes, Youhannes Zakaria, a dit que, malgré les difficultés et les dangers, "notre Église ne doit avoir ni peur ni honte et elle ne doit pas hésiter à obéir au commandement du Seigneur, qui lui demande de continuer à prêcher son Évangile".

Et l'archevêque iranien de Téhéran des chaldéens, Ramzi Garmou, a poussé encore plus loin cette exigence. Après avoir dit qu’"un nouveau souffle missionnaire" était indispensable "pour faire tomber les barrières ethniques et nationalistes qui risquent d’asphyxier les Églises d'Orient et de les rendre stériles", il a rappelé "l'importance fondamentale de la vie monastique pour le renouvellement et le réveil de nos Églises".

Et il a continué ainsi :

"Cette forme de vie qui a vu le jour en Orient a été à l'origine d'une expansion missionnaire extraordinaire et d'un témoignage admirable de nos Églises aux premiers siècles. L'histoire nous apprend que les évêques
étaient choisis parmi les moines, c'est-à-dire des hommes de prière et d'une profonde vie spirituelle, ayant une grande expérience des “choses de Dieu”. Aujourd'hui, malheureusement, le choix des évêques n'obéit pas aux mêmes critères et nous voyons les résultats qui ne sont pas toujours heureux, malheureusement. L'expérience bimillénaire de l'Église nous confirme que la prière est l'âme de la mission ; c'est grâce à elle que toutes les activités de l'Église sont fécondes et portent beaucoup de fruits. D'ailleurs, tous ceux qui ont participé à la réforme de l'Église et lui ont rendu sa beauté innocente et sa jeunesse éternelle ont été essentiellement des hommes et des femmes de prière. Ce n'est pas pour rien que Notre Seigneur nous invite à prier sans cesse. Nous constatons avec regret et amertume que les monastères de vie contemplative, source d'abondantes grâces pour le peuple de Dieu, ont presque disparu de nos Églises d'Orient. Quelle grande perte  Quel dommage!".

On perçoit facilement dans ces propos l’écho de la thèse du pape Benoît XVI selon laquelle le secret du bon gouvernement de l’Église – et de sa réforme – est la "pensée éclairée par la prière".

ISRAËL "CORPS ÉTRANGER" ?

Enfin on pouvait s’attendre, dans un synode consacré au Moyen-Orient, à ce qu’il soit largement question d’Israël et des Juifs.

Or presque personne n’en a parlé. Le seul père synodal à y avoir consacré toute son intervention, le 11 octobre, a été le vicaire patriarcal de Jérusalem pour les catholiques de langue hébraïque, le jésuite David Neuhaus, qui a souhaité davantage de communion, en Israël, entre les catholiques de langue arabe et ceux de langue hébraïque.

On sait que ces derniers sont considérés par beaucoup de leurs coreligionnaires arabes comme un corps étranger. Et ils ne sont pas aidés par le Saint-Siège, qui renonce à nommer un évêque chargé de s’occuper
d’eux.

Le 13 octobre, le rabbin David Rosen, conseiller du Grand Rabbinat d’Israël, a pris la parole au synode, en qualité d’invité. Il a fait une intervention de haut niveau, très positive et marquant qu’il appréciait vivement l'œuvre du pape actuel et de son prédécesseur.

Mais après lui personne, pendant le synode, n’a donné suite à ce qu’il a dit du dialogue entre juifs et chrétiens.

Le silence presque total de l’assemblée à ce sujet a donné une résonance accrue à un document qui a circulé hors de la salle du synode : un texte intitulé "Kairòs – Un moment de vérité", au contenu violemment
anti-israélien. L'occupation des territoires par Israël y est définie comme "un péché contre Dieu et contre l'humanité" et la fondation de l’état juif elle-même y est rattachée à un sentiment de culpabilité de l'Occident dû à l'Holocauste, que l’on a voulu effacer en occupant la terre des Palestiniens. Le document s’achève par une incitation au boycott d’Israël.

La genèse de "Kairòs" remonte à plusieurs mois. Lorsqu’il a été publié pour la première fois, le 11 décembre 2009 à Bethléem, ce document portait les signatures du patriarche émérite de Jérusalem des latins, Michel Sabbah, de l'archevêque grec-orthodoxe Atallah Hanna (rival acharné du patriarche grec-orthodoxe de Jérusalem Théophile III), de l’évêque luthérien de Jérusalem Munib Younan et de treize autres dirigeants arabo-chrétiens.

Son plus actif propagateur a été le luthérien Younan. Celui-ci a impliqué avec succès le Conseil cuménique des Églises (COE), qui regroupe 349 dénominations chrétiennes du monde entier et a son siège à Genève. Et en effet, quand un message du secrétaire général du COE, Olav Fykse Tveit, a été lu au synode le 15 ctobre, le document "Kairòs" y était cité et recommandé.



Mais Younan et les autres auteurs du document ont aussi fait pression, dans les jours qui ont suivi sa publication, sur tous les leaders des Églises chrétiennes de Jérusalem, pour obtenir leur appui.

Ce qu’ils ont obtenu, le 15 décembre 2009, c’est une déclaration de quelques lignes, sans aucune référence explicite à "Kairòs", qui commençait ainsi : "Nous, patriarches et chefs des Églises chrétiennes de Jérusalem, avons écouté le cri d’espoir que nos fils ont lancé en ces temps difficiles que nous vivons en Terre Sainte. Nous les soutenons".

Rien de plus. Mais à partir de ce moment le document "Kairòs" a toujours circulé avec cette déclaration en haut de page, comme si elle en constituait le prologue, et avec les signatures de tous les leaders des Églises
chrétiennes de Jérusalem, y compris le patriarche latin Fouad Twal et le custode de Terre Sainte, le franciscain Pierbattista Pizzaballa, comme s’ils avaient signé le document tout entier.

Pour ceux qui connaissent le père Pizzaballa et ont lu ses écrits, son adhésion aux thèses de "Kairòs" et au boycott d’Israël est tout simplement impensable. Et pourtant la Custodie de Terre Sainte, qu’il préside, a aussi contribué, avec d’autres associations catholiques comme Pax Christi et avec le patriarche émérite de Jérusalem Sabbah, à faire de la publicité à ce document, le 19 octobre, dans un salon appartenant au Vatican, à quelques pas de la salle du synode.

Ce n’est pas tout. Le 14 octobre, est intervenu au synode l'archevêque maronite Edmond Farhat, qui a été nonce apostolique et représentant officiel de la politique du Vatican.

Et les opinions qu’il a émises ont confirmé que le Saint-Siège – qui accepte pourtant comme objectif l’existence de deux états pour les Juifs et les Palestiniens – continue à considérer comme valable le présupposé selon lequel la cause ultime de tous les maux du Moyen-Orient est justement ce "corps étranger" qu’est Israël.

Le nonce Farhat a déclaré :

"La situation du Moyen-Orient aujourd'hui, c'est comme un organisme vivant qui a subi une greffe qu'il n'arrive pas à assimiler et qui n'a pas eu de spécialistes pour le soigner. En dernier recours, l'Orient arabe musulman a regardé vers l'Église, croyant, comme il le pense en lui-même, qu'elle est capable de lui obtenir justice. Cela n'a pas été le cas et il est déçu, il a peur. Sa confiance s'est transformée en frustration. Il est tombé dans une crise profonde. Le corps étranger, non assimilé, le ronge et l'empêche de s'occuper de son état général et de son développement. Le Moyen-Orient musulman dans son écrasante majorité est en crise. Il ne peut se faire justice à lui-même. Il ne trouve d'alliés ni sur le plan humain, ni sur le plan politique, moins encore sur le plan scientifique. Il est frustré. Il se révolte. Sa frustration a eu pour effets les révolutions, le radicalisme, les guerres, la terreur, et l'appel (da'wat) au retour aux enseignements
radicaux (salafiyyah). Voulant se faire justice par lui-même, le radicalisme recourt à la violence. Il croit obtenir plus d'échos s’il s'attaque aux corps constitués. Le plus accessible et le plus fragile, c'est l'Église".

Si l’un des objectifs des autorités vaticanes était de "modérer" l'intransigeante aversion que les Églises arabes du Moyen-Orient éprouvent envers Israël, les propos du nonce Farhat ont produit l’effet inverse.

Les documents du synode  Assemblée                  
spéciale pour le Moyen-Orient 10-24 octobre

Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.

Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.10.2010 -
T/International

octobre 19, 2010

Une parole de foi, d’espérance et d’amour venant du coeur de la souffrance palestinienne




Un moment de vérité :
Une parole de foi, d’espérance et d’amour venant du coeur de la souffrance palestinienne
Introduction
Nous, un groupe de Palestiniens chrétiens, après avoir prié, réfléchi et échangé devant Dieu sur l’épreuve que nous vivons sur notre terre, sous occupation israélienne, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri, un cri d’espoir dans l’absence de tout espoir, uni à notre prière et à notre foi en Dieu qui veille, dans sa divine Providence, sur tous les habitants de cette terre. Nous inspirant du mystère de l’amour de Dieu pour tous et de celui de sa présence divine dans l’histoire des peuples et, plus particulièrement, dans celle de notre terre, nous voulons dire aujourd’hui notre parole, comme chrétiens et comme Palestiniens, une parole de foi, d’espérance et d’amour.
Pourquoi maintenant ? Parce que le drame du peuple palestinien est arrivé, aujourd’hui, à une impasse, et que ceux qui peuvent prendre les décisions se contentent de gérer le conflit au lieu d’agir sérieusement pour le résoudre. Cela remplit les coeurs des fidèles de peine et de questionnements : que fait la communauté internationale ? Que font les chefs politiques en Palestine, Israël et dans le monde arabe ? Et, que fait l'Eglise ? Car il ne s’agit pas simplement d’une question politique, mais, plutôt, d'une politique qui détruit la personne humaine. Et cela concerne l'Eglise.
Nous nous adressons à nos frères et soeurs dans nos Eglises ici, dans cette terre. De même que nous adressons notre appel, en tant que Palestiniens et en tant que chrétiens, à nos chefs religieux et politiques, à notre société palestinienne et à la société israélienne, aux responsables de la communauté internationale et à nos frères et soeurs dans les Eglises du monde.
1. La réalité
1.1 “Ils disent ‘Paix ! Paix !’ et il n’y a point de paix” (Jr 6,14). Tous en effet parlent de paix et de processus de paix au Moyen-Orient, alors que tout cela n’est jusqu’à maintenant que pures paroles. Alors que la réalité est l’occupation israélienne des Territoires palestiniens, notre privation de notre liberté et tout ce qui en résulte :
1.1.1 Le mur de séparation, qui a été construit sur les terrains palestiniens, en a confisqué une grande partie, a converti nos villes et nos villages en prisons et en a fait des cantons séparés et dispersés. Gaza, après la guerre cruelle déclenchée par Israël en décembre 2008 et janvier 2009, continue à vivre dans des conditions inhumaines, sous embargo permanent et reste isolée géographiquement du reste des Territoires palestiniens.
1.1.2 Les colonies israéliennes qui nous dépouillent de notre terre, au nom de Dieu ou au nom de la force, contrôlent nos ressources naturelles, surtout l’eau et les terres agricoles, dont elles privent des centaines de milliers de Palestiniens. Elles sont aujourd’hui un obstacle face à toute solution politique
1.1.3 L’humiliation à laquelle nous sommes soumis chaque jour aux points de contrôle militaires, pour nous rendre à notre travail, à nos écoles ou à nos hôpitaux.
1.1.4 La séparation entre les membres d’une même famille, qui rend la vie familiale impossible pour des milliers de Palestiniens, lorsque l’un des époux n’est pas porteur d’une carte d’identité israélienne.

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1.1.5 La liberté religieuse elle-même, à savoir la liberté d’accès aux lieux saints, devient limitée, sous prétexte de sécurité. Les lieux saints de Jérusalem sont inaccessibles à un grand nombre de chrétiens et de musulmans de la Cisjordanie et de Gaza. Les gens de Jérusalem eux-mêmes ne peuvent accéder à leurs lieux saints certains jours de fêtes, de même que certains de nos prêtres arabes ne peuvent entrer à Jérusalem sans difficultés.
1.1.6 Les réfugiés font partie de notre réalité. La plupart d’entre eux vivent encore dans les camps dans des situations difficiles inacceptables pour les êtres humains. Eux, qui ont le droit de retour, attendent ce retour depuis des générations. Quel sera leur sort ?
1.1.7 Les milliers de personnes détenues dans les prisons israéliennes font elles aussi partie de notre réalité. Les Israéliens remuent ciel et terre pour un seul prisonnier, mais ces milliers de prisonniers palestiniens qui croupissent dans les prisons israéliennes, quand verront-ils la liberté ?
1.1.8 Jérusalem est le coeur de notre réalité. Elle est en même temps symbole de paix et signe de conflit. Après que le “mur” a créé une séparation entre les quartiers palestiniens de la ville, les autorités israéliennes ne cessent de la vider de ses habitants palestiniens, chrétiens et musulmans. On leur confisque leur carte d'identité, c'est-à-dire leur droit de résider à Jérusalem. Leurs maisons sont démolies ou confisquées. Jérusalem, ville de la réconciliation, est devenue la ville de la discrimination et de l’exclusion, et donc source de conflit au lieu d’être source de paix.
1.2 Par ailleurs, Israël tourne en dérision le droit international et les résolutions internationales, avec l’impuissance du monde arabe comme de la communauté internationale face à ce mépris. Les droits de l’homme sont violés. Malgré les multiples rapports des organisations locales et internationales des droits de la personne, l’oppression continue.
1.2.1 Les Palestiniens de l'Etat d’Israël, tout en étant des citoyens ayant tous les droits et les devoirs que leur confère la citoyenneté, ont eux aussi subi une injustice historique et ne cessent de souffrir de politiques discriminatoires. Eux aussi attendent d’obtenir tous leurs droits et d’être traités à égalité avec tous les citoyens de l'Etat.
1.3 L’émigration est une autre dimension de notre réalité. L’absence de toute vision ou espoir de paix et de liberté a poussé les jeunes, chrétiens et musulmans, à émigrer. Le pays se voit ainsi privé de sa ressource la plus importante et la plus riche : une jeunesse instruite. La diminution du nombre de chrétiens, en particulier en Palestine, est une des graves conséquences de ce conflit, de l’impuissance et de l’échec aux niveaux local et international à trouver une solution globale au problème.
1.4 Face à cette réalité les Israéliens prétendent justifier leurs actes comme actes de légitime défense. C’est pourquoi l’occupation continue, de même que les punitions collectives et les représailles de toutes sortes contre les Palestiniens. C’est là, à notre avis, une vision renversée des choses. Oui, il y a une résistance palestinienne à l’occupation. Mais, précisément, s’il n’y avait pas d’occupation, il n’y aurait pas de résistance ; il n’y aurait eu non plus ni peur ni insécurité. Voilà ce que nous constatons, et nous appelons les Israéliens à mettre fin à l’occupation. Ils verront alors un nouveau monde, dans lequel il n’y a ni peur ni menaces, mais sécurité, justice et paix.

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1.5 La riposte palestinienne face à cette réalité a revêtu de nombreuses formes. Certains ont choisi la voie des négociations : c'est là la position officielle de l'Autorité palestinienne. Mais cela n'a pas fait avancer le processus de paix. D'autres partis politiques ont eu recours à la résistance armée. Israël s'en est servi comme prétexte pour accuser les Palestiniens d'être des terroristes, ce qui lui a permis d'altérer la véritable nature du conflit, le présentant comme une guerre israélienne contre le terrorisme et non comme une résistance palestinienne légitime à l'occupation israélienne.
1.5.1 Le conflit interne entre les Palestiniens, ainsi que la séparation de Gaza du reste des territoires palestiniens n'ont fait qu'aggraver la tragédie. Il convient aussi de noter que bien que la division ait affecté les Palestiniens eux-mêmes, la responsabilité pèse pour beaucoup sur la communauté internationale, car elle a refusé d'accueillir positivement la volonté du peuple palestinien telle qu'elle a été exprimée avec les résultats des élections menées démocratiquement et légalement en 2006.
Encore une fois, nous proclamons que notre parole chrétienne, au milieu de toute notre tragédie, est une parole de foi, d'espérance et d'amour.
2. Une parole de foi
Nous croyons en Dieu, un Dieu bon et juste
2.1 Nous croyons en Dieu, un et unique, créateur de l’univers et de l’humanité, un Dieu bon, juste et aimant toutes ses créatures. Nous croyons que toute personne humaine est créée par Dieu à son image et à sa ressemblance. La dignité de l'être humain provient de celle de Dieu et elle est égale en toute personne humaine. Cela veut dire pour nous, ici et maintenant sur cette terre en particulier, que Dieu nous a créés non pour que nous nous disputions et nous affrontions, mais afin que nous nous connaissions et nous aimions les uns les autres, et pour édifier ensemble cette terre, par notre amour et notre respect mutuel.
2.1.1 Nous croyons en son Verbe éternel, son Fils unique notre Seigneur Jésus Christ, qu’il a envoyé comme Sauveur du monde.
2.1.2 Nous croyons en l’Esprit Saint qui accompagne l'Eglise et l’humanité dans leur cheminement. C’est lui qui nous aide à comprendre les Ecritures, dans les deux Testaments, formant une seule unité, ici et maintenant. C’est lui qui nous révèle la manifestation de Dieu à l’humanité, dans le passé, le présent et l’avenir.
Comment comprendre la Parole de Dieu ?
2.2 Nous croyons que Dieu a parlé à l’humanité, ici, dans notre pays : “Après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les Prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils qu’il a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles” (Hb 1, 1-2).
2.2.1 Nous, Palestiniens chrétiens, comme tout chrétien dans le monde, nous croyons que Jésus Christ est venu accomplir la Loi et les Prophètes. Il est l’alpha et l’oméga, le début et la fin. Illuminés par lui et guidés par le Saint Esprit, nous lisons les Ecritures, nous les méditons et nous les interprétons, comme le fit Jésus aux deux disciples d’Emmaüs : “Et, commençant par Moïse et parcourant tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toutes les Ecritures, ce qui le concernait” (Lc 24,27).
2.2.2 Le Christ est venu proclamer que le Royaume de Dieu est proche. Il a provoqué une révolution dans la vie et la foi de l’humanité. Il nous a porté un “enseignement nouveau” (Mc 1,27) et une lumière nouvelle pour comprendre l’Ancien Testament et les principaux sujets qui y sont mentionnés et qui ont rapport avec notre

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foi chrétienne et notre vie quotidienne, tels les promesses, l’élection, le peuple de Dieu et la terre. Nous croyons que la Parole de Dieu est une parole vivante qui jette une lumière nouvelle sur chacune des périodes de l’histoire. Elle manifeste aux croyants ce que Dieu dit ici et aujourd’hui. C’est pourquoi il n’est pas permis de transformer la Parole de Dieu en lettres mortes qui défigurent l’amour et la Providence de Dieu dans la vie des peuples et des personnes. C’est là le défaut des interprétations bibliques fondamentalistes, qui nous portent la mort et la destruction lorsqu'elles figent la Parole de Dieu et la transmettent, comme parole morte, de génération en génération. Cette parole morte est utilisée comme une arme dans notre histoire présente, afin de nous priver de notre droit sur notre propre terre.
La vocation universelle de notre terre
2.3. Nous croyons que notre terre a une vocation universelle. Dans cette vision d’universalité, le concept des promesses, de la terre, de l’élection et du peuple de Dieu s’ouvrent pour embrasser toute l’humanité, à commencer par tous les peuples de cette terre. A la lumière des Ecritures Saintes nous voyons que la promesse de la terre n’a jamais été à la base d’un programme politique. Elle est plutôt une introduction au salut universel, et donc le début de la proclamation du Royaume de Dieu sur terre.
2.3.1 Dieu a envoyé à cette terre les patriarches, les prophètes et les apôtres porteurs d’un message universel. Aujourd’hui nous y constituons trois religions, le judaïsme, le christianisme et l'islam. Notre terre est terre de Dieu, comme l'est tout pays dans le monde. Elle est sainte par sa présence en elle, car lui seul est le Très Saint et le sanctificateur. Il est de notre devoir, nous qui l’habitons, de respecter la volonté de Dieu sur elle et de la libérer du mal de l’injustice et de la guerre qui est en elle. Terre de Dieu, elle doit être terre de réconciliation, de paix et d’amour. Et cela est possible. Si Dieu nous a mis, deux peuples, dans cette terre, il nous donne aussi la capacité, si nous le voulons, d’y vivre ensemble, d'y établir la justice et la paix et d’en faire vraiment une terre de Dieu : “Au Seigneur le monde et sa richesse, la terre et tous ses habitants” (Ps 24,1).
2.3.2 Notre présence, en tant que Palestiniens - chrétiens ou musulmans - sur cette terre n’est pas un accident. Elle a des racines profondes liées à l’histoire et à la géographie de cette terre, comme c’est le cas de tout peuple aujourd’hui qui vit sur sa terre. Une injustice a été commise à notre égard, lorsqu’on nous a déracinés. L'Occident a voulu réparer l’injustice qu’il avait commise à l’égard des juifs dans les pays d’Europe, et il l’a fait à nos dépens et sur notre terre. Il a ainsi réparé une injustice en en créant une autre.
2.3.3 De plus, nous voyons certains théologiens occidentaux vouloir donner eux aussi une légitimité théologique et scripturaire à l’injustice commise à notre égard. Selon leurs interprétations, les promesses sont devenues une “menace pour notre existence”, et la “bonne nouvelle” même de l'Evangile est devenue pour nous une “une annonce de mort”. Nous invitons ces théologiens à approfondir leur réflexion sur la Parole de Dieu et à rectifier leurs interprétations, de sorte à voir dans la Parole de Dieu une source de vie pour tous les peuples.
2.3.4 Notre lien avec cette terre est un un droit naturel. Ce n’est pas seulement une question d’idéologie ou de théorie théologique. Pour nous, c’est une question de vie ou de mort. Certains ne sont pas d’accord avec nous, et nous traitent même en ennemis pour la seule raison que nous voulons vivre libres sur notre terre. Parce que Palestiniens, nous souffrons à cause de l’occupation de notre terre, et parce que chrétiens, nous souffrons des fausses interprétations de certains théologiens. Face à cela, notre rôle consiste à rester fidèles à la Parole de Dieu, source de vie, non de mort,

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et à conserver la “bonne nouvelle” comme elle est, “bonne” pour nous et pour tous les hommes. Face à ceux qui menacent notre existence comme Palestiniens, musulmans et chrétiens, par les Ecritures Saintes, nous renouvelons notre foi en Dieu, car nous savons que la Parole de Dieu ne peut pas être pour nous une source de mort.
2.4 Nous déclarons donc que le recours à l’Ecriture Sainte pour justifier ou soutenir des choix ou des positions politiques se fondant sur l'injustice, imposés par un homme à son prochain ou par un peuple à un autre, transforme la religion en idéologie humaine et prive la Parole de Dieu de sa sainteté, de son universalité et de sa vérité.
2.5 Nous déclarons également que l’occupation israélienne des Territoires palestiniens est un péché contre Dieu et contre la personne humaine, car elle prive les Palestiniens des droits humains fondamentaux que Dieu leur a accordés, et défigure l’image de Dieu dans les Israéliens - devenus occupants - comme dans les Palestiniens, soumis à l’occupation. Toute théologie qui prétend justifier l’occupation en se basant sur les Ecritures, la foi ou l'histoire est bien loin des enseignements chrétiens, car elle appelle à la violence et à la guerre sainte au nom de Dieu, le soumettant à des intérêts humains du “moment présent” et déformant son image dans les êtres humains qui subissent une injustice politique et théologique.
3. L’espérance
3.1 Bien qu'il n’y ait apparemment aucune lueur d’espoir, notre espérance reste ferme. La situation présente, en effet, n’annonce aucune solution proche, ni la fin de l’occupation qui nous est imposée. Les initiatives sont certes nombreuses, de même que les congrès, les visites et les pourparlers, mais tout cela n’est suivi d’aucun changement dans notre réalité et nos souffrances. Même la nouvelle position des Etats-Unis, annoncée par le président Obama, et sa volonté manifeste de mettre fin à ce drame, a été incapable d’y apporter un quelconque changement. La réponse israélienne, refusant catégoriquement toute solution, ne laisse aucune place à l’espoir. Malgré cela, notre espérance reste ferme, car nous la tenons de Dieu. Il est bon, tout-puissant et aimant. Sa bonté finira par vaincre un jour le mal dans lequel nous vivons. Saint Paul nous dit : “Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? Qui nous séparera de l’amour du Christ ? La tribulation, l’angoisse, la persécution, la nudité, les périls, le glaive ? Selon le mot de l’Ecriture : A cause de toi, l’on nous met à mort tout le long du jour.... aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu” (Rm 8,31.35.36.39).
Que veut dire espérer ?
3.2 L’espérance qui est en nous signifie en tout premier lieu croire en Dieu et, deuxièmement, aspirer malgré tout à un avenir meilleur. Enfin, elle signifie ne pas fonder notre espoir sur des illusions, car nous savons que la solution n’est pas proche. Espérer veut dire être capable de voir Dieu au milieu de l’épreuve et d’agir avec son Esprit en nous. A partir de cette vision nous puisons la force pour persévérer, survivre et nous efforcer de changer notre réalité. Espérer veut dire ne pas se résigner devant le mal, mais dire non à l’oppression et à l’humiliation, et continuer à résister au mal. Nous ne voyons que destruction dans le présent et dans l’avenir ; nous voyons la tyrannie du plus fort et sa volonté d’imposer davantage de séparation raciste et de promulguer des lois qui bafouent notre dignité et notre existence. Nous voyons aussi perplexité et division parmi les Palestiniens. Cependant, si, aujourd’hui, nous résistons et agissons de toutes nos forces, peut-être que la ruine qui se dessine à l’horizon n’aura pas lieu.

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Signes d’espérance
3.3 L’Eglise - ses chefs et ses fidèles - sur cette terre, montre de nombreux signes d’espérance, malgré sa faiblesse et ses divisions. Nos communautés paroissiales sont vivantes. Les jeunes y sont des messagers actifs pour la justice et la paix. Outre l’engagement des personnes, les institutions diverses des Eglises font de la présence chrétienne une présence active, de service, de prière et d’amour.
3.3.1 Parmi les signes d’espérance, il y a les nombreux centres locaux de théologie, qui ont un caractère social et religieux, dans toutes nos Eglises. Le caractère oecuménique, malgré certaines hésitations, se manifeste de plus en plus dans les rencontres entre les différentes familles d’Eglises.
3.3.2 Les nombreux dialogues interreligieux sont aussi autant de signes d’espérance, notamment le dialogue islamo-chrétien, au niveau des responsables comme au niveau d’une partie du peuple. Toutefois, il faut savoir que le dialogue est une longue marche et un effort qui se perfectionne jour après jour, en vivant les mêmes épreuves et les mêmes attentes. Le dialogue existe aussi entre les trois religions - judaïsme, christianisme et islam - et nombre d’autres dialogues ont lieu aux niveaux académique ou social. Tous ces dialogues s'efforcent d'abattre les murs qu’impose l’occupation et de s’opposer à la déformation de l’image de l’autre dans le coeur de ses frères et soeurs.
3.3.3 Parmi les signes les plus importants d’espérance, il faut mentionner la constance des générations qui croient à la justice de leur cause ainsi que la persévérance de la mémoire, qui n’oublie pas la catastrophe, “la nakba” et sa signification. La même prise de conscience est à l’oeuvre dans de nombreuses Eglises à travers le monde, qui désirent mieux connaître la vérité sur ce qui se passe ici.
3.3.4 De plus, nous voyons, chez beaucoup de gens, une détermination à dépasser les rancunes du passé. Ils sont prêts à la réconciliation une fois la justice rétablie. Le monde prend conscience de la nécessité de restaurer les droits politiques des Palestiniens. Des voix juives et israéliennes plaidant pour la paix et la justice s'élèvent à cette fin, soutenues aussi par la communauté internationale. Il est vrai que ceux qui sont pour la justice et la réconciliation restent impuissants à mettre fin à l’injustice. Ils représentent cependant une force humaine qui a son importance et pourrait abréger le temps de l’épreuve et rapprocher celui de la réconciliation.
Mission de l’Eglise
3.4 Notre Eglise est une Eglise d’hommes et de femmes qui prient et servent. Leur prière et leur service sont une prophétie qui porte la voix de Dieu dans le présent et l’avenir. Tout ce qui arrive dans notre pays et à toute personne humaine qui l’habite, toutes les épreuves et les espérances, toute injustice et tout effort pour l’arrêter, tout cela est une partie de la prière de notre Eglise et du service de toutes ses institutions. Nous remercions le Seigneur parce qu’elle élève sa voix contre l’injustice, bien que certains voudraient qu’elle reste dans son silence, isolée dans ses dévotions.
3.4.1 La mission de l’Eglise est une mission prophétique qui proclame la Parole de Dieu dans le contexte local et dans les événements quotidiens, avec audace, douceur et amour pour tous. Et si l’Eglise prend un parti, c’est celui de l’opprimé. Elle se tient à ses côtés, de même que Jésus s’est mis du côté du pauvre et du pécheur qu’il a appelé à se repentir, à vivre et à retrouver la dignité que Dieu lui a donnée et dont personne n'a le droit de le priver.
3.4.2 La mission de l’Eglise consiste à annoncer le royaume de Dieu, un royaume de justice, de paix et de dignité. Notre vocation comme Eglise vivante est de

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témoigner de la bonté de Dieu, et de la dignité de la personne humaine. Nous sommes appelés à prier et à élever notre voix pour annoncer une société nouvelle où les hommes croient en leur dignité et en celle de leur adversaire.
3.4.3 L’Eglise annonce le Royaume de Dieu, qui ne peut être lié à aucun régime terrestre. Jésus dit devant Pilate : “Oui, je suis roi, mais mon royaume n’est pas de ce monde” (cf. Jn 18,36.37). Saint Paul dit : “Le règne de Dieu n’est pas affaire de nourriture ou de boisson, il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint” (Rm 14,17). C’est pourquoi la religion ne soutient et ne défend aucun régime politique injuste. Elle soutient et défend la justice, la vérité et la dignité humaine et essaie de porter la purification nécessaire dans les régimes qui pratiquent l’injustice et violent la dignité de la personne humaine. Le royaume de Dieu ne peut être lié à aucun système politique, car il est plus grand, plus universel que tout système politique en particulier.
3.4.4 Jésus dit : “Le royaume de Dieu est parmi vous” (cf. Lc 17,21). Cette présence en nous et parmi nous est l’extension du mystère de la Rédemption et c’est la présence de Dieu parmi nous et le fait d’en prendre conscience en tout ce que nous faisons ou disons. Devant cette présence divine, nous agissons jusqu’à ce que soit accomplie la justice que nous attendons sur cette terre.
3.4.5 Les dures circonstances qu’a vécues et que vit encore notre Eglise palestinienne l’ont amenée à purifier sa foi et à mieux connaître sa vocation. Nous avons réfléchi sur notre vocation et nous l’avons mieux découverte au milieu de la souffrance et de l’épreuve : aujourd’hui nous portons en nous la force de l’amour, non pas celle de la vengeance ; la culture de la vie, non pas celle de la mort. Ceci est source d’espoir pour nous, pour l’Eglise et pour le monde.
3.5 La Résurrection est le fondement de notre espérance. Jésus est ressuscité, vainqueur de la mort et du mal. Ainsi pouvons-nous, nous aussi, et tous les habitants de cette terre, vaincre le mal de la guerre grâce à elle. Quant à nous, nous resterons une Eglise de témoins, persévérante et agissante sur la terre de la Résurrection.
4. L’amour
Le commandement de l’amour
4.1 Le Christ nous a dit : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés” (Jn 13,24). Il nous a déjà montré comment aimer et comment traiter nos ennemis. Il a dit : “Vous avez entendu qu’il a été dit : aimez vos amis et haïssez vos ennemis. Moi, je vous dis : aimez vos ennemis, et priez pour ceux qui vous persécutent afin de devenir fils de votre Père qui est aux cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et les bons et tomber la pluie sur les justes et injustes” (Mt 5,45-47).
Saint Paul dit : “Ne rendez pas le mal pour le mal” (Rm 12,17) et saint Pierre : "Ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte. Bénissez au contraire, car c’est à cela que vous êtes appelés, afin d’hériter la bénédiction” (1P 3,9).
La résistance
4.2 Les paroles de Jésus sont claires. Aimer, voilà ce qu’il nous a donné comme commandement : aimer les amis et les ennemis. Voilà une directive claire, lorsque nous nous trouvons dans des circonstances dans lesquelles nous devons résister au mal, quel qu’il soit.
4.2.1 Aimer c’est voir le visage de Dieu en tout être humain. Toute personne est mon frère et ma soeur. Néanmoins, voir le visage de Dieu en toute personne ne veut pas dire consentir au mal ou à l’oppression de sa part. L’amour consiste plutôt à corriger le mal et à arrêter l’oppression.

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L’injustice imposée au peuple palestinien, c’est-à-.dire l’occupation israélienne, est un mal auquel il faut résister. C’est un mal et un péché auquel il faut résister et qu’il faut écarter. Cette responsabilité incombe tout d’abord aux Palestiniens eux-mêmes qui subissent l’occupation. L’amour chrétien en effet appelle à la résistance à l’occupation, mais l’amour met fin au mal, en prenant les voies de la justice. Elle incombe ensuite à la communauté internationale, car la légitimité internationale gouverne aujourd’hui les rapports entre les peuples, et c’est en fin l’oppresseur lui-même qui doit se libérer du mal qui est en lui et de l’injustice qu’il exerce contre les autres..
4.2.2 Lorsque nous passons en revue l’histoire des peuples nous y trouvons des guerres fréquentes. Nous y trouvons la résistance à la guerre par la guerre, et à la violence par la violence. Le peuple palestinien a tout simplement pris la route de tous les peuples, surtout dans les premières phases de sa lutte contre l’occupation israélienne. Mais il a aussi résisté pacifiquement, notamment durant sa première intifada. Avec tout cela, nous voyons que tous les peuples doivent s’engager dans une nouvelle voie dans leurs rapports les uns avec les autres et pour la solution de leurs conflits : éviter les voies de la force militaire et recourir aux voies de la justice. Cela s’impose en premier lieu aux peuples puissants militairement qui exercent l’injustice à l’égard de peuples plus faibles.
4.2.3 Nous disons que notre option chrétienne face à l’occupation israélienne est la résistance ; c'est là un droit et un devoir des chrétiens. Or cette résistance doit suivre la logique de l’amour. Elle doit donc être créative, c'est-à-dire qu'il lui faut trouver les moyens humains qui parlent à l’humanité de l’ennemi lui-même. Le fait de voir l’image de Dieu dans le visage de l’ennemi même et de prendre des positions de résistance à la lumière de cette vision est le moyen le plus efficace pour arrêter l’oppression et contraindre l’oppresseur à mettre fin à son agression et, ainsi, atteindre le but voulu : récupérer la terre, la liberté, la dignité et l’indépendance.
4.2.4 Le Christ nous a donné un exemple à suivre. Nous devons résister au mal, mais il nous a enseigné de ne pas résister au mal par le mal. C’est un commandement difficile, surtout lorsque l’ennemi s’obstine dans sa tyrannie et persiste à nier notre droit à exister ici dans notre terre. C’est un commandement difficile. Mais c’est le seul qui peut tenir tête aux déclarations claires et explicites des autorités israéliennes refusant notre existence ou à leurs divers prétextes pour continuer à nous imposer l’occupation.
4.2.5 La résistance au mal de l’occupation s’insère donc dans cet amour chrétien qui refuse le mal et le corrige. C’est une résistance à l’injustice sous toutes ses formes et avec les moyens qui rentrent dans la logique de l’amour. Nous investissons toutes nos énergies pour faire la paix. Nous pouvons recourir à la désobéissance civile. Nous résistons, non par la mort, mais par le respect de la vie. Nous respectons et vénérons tous ceux qui ont donné leur vie pour la patrie. Et nous disons aussi que chaque citoyen doit être prêt à défendre sa vie, sa liberté et sa terre.
4.2.6 L'appel lancé par des organisations civiles palestiniennes, des organisations internationales, des ONG et certaines institutions religieuses aux individus, entreprises et Etats en faveur d'un boycott économique et commercial de tout produit de l’occupation, s’insère dans la logique de la résistance pacifique. Ces campagnes de soutien et de solidarité doivent se faire avec courage, tout en proclamant sincèrement et clairement que leur but n’est pas de se venger de qui que ce soit, mais de mettre fin au mal qui existe, pour en libérer l’oppresseur et l’opprimé. L'objectif est d'affranchir les deux peuples des positions extrémistes des différents gouvernements israéliens, afin de parvenir enfin à la justice et à la réconciliation. Avec cet esprit et

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cette action, nous finirons par arriver à la solution tant attendue, comme cela s’est réalisé en Afrique du Sud et pour d’autres mouvements de libération dans le monde.
4.3 Par notre amour nous dépassons les injustices pour jeter les bases d’une nouvelle société, pour nous et pour nos adversaires. Notre avenir et le leur ne font qu’un : ou bien un cercle de violence dans lequel nous périssons ensemble, ou bien une paix dont nous jouissons ensemble. Nous invitons les Israéliens à renoncer à leur injustice à notre égard, à ne pas déformer la vérité de l’occupation en prétendant lutter contre le terrorisme. Les racines du “terrorisme” sont l’oppression de la personne humaine et le mal de l’occupation. Il faut que cela disparaisse si vraiment il y a une volonté sincère de mettre fin au “terrorisme”. Nous invitons les Israéliens à être partenaires de paix et non partenaires dans un cycle de violence sans fin. Ensemble, nous résistons au mal, celui de l’occupation, et celui du cycle infernal de la violence.
5. Appel à nos frères et soeurs dans la foi
5.1 Nous sommes aujourd’hui tous dans l’impasse, et nous nous trouvons face à un avenir menaçant. Notre parole à nos frères et soeurs dans la foi est une parole d’espoir, de patience, de persévérance, et d’un effort toujours renouvelé pour préparer un avenir meilleur. Une parole qui nous dit à tous : nous sommes, dans cette terre, porteurs d’un message, et nous continuerons à le porter, même entre les épines, le sang et les difficultés quotidiennes. Nous mettons notre espoir en Dieu. C’est lui qui nous accordera la paix à l’heure qu’il voudra. Mais en même temps nous agissons. Avec lui et selon sa volonté divine, nous continuons d'agir, de construire, de résister au mal et de rapprocher l’heure de la justice et de la paix.
5.2 Nous leur disons : C’est un temps de pénitence, qui nous ramène à la communion de l’amour avec tout souffrant, avec les prisonniers, les blessés, ceux qui ont été atteints d’un handicap pour un temps ou pour toujours, avec les enfants qui ne peuvent vivre leur enfance, avec tous ceux qui pleurent quelqu’un qui leur est cher. La communion de l’amour dit au croyant en esprit et en vérité : mon frère est prisonnier, je suis donc moi prisonnier. Mon frère a sa maison démolie, c’est ma maison qui est démolie. Mon frère a été tué, c’est moi qui ai été tué. Nous faisons face aux mêmes défis. Nous sommes partie prenante de tout ce qui s’est passé et se passe encore. Peut-être que nous nous sommes tus, nous, fidèles ou chefs d’Eglises, alors qu’il fallait élever la voix pour condamner l’oppression et partager l’épreuve. C’est maintenant un temps de pénitence, pour le silence, l’indifférence, le manque de communion, ou parce que nous n’avons pas été fidèles à notre témoignage dans cette terre alors nous avons choisi d’émigrer, ou parce que nous n’avons pas assez réfléchi et agi pour arriver à une vision nouvelle qui nous unit alors nous nous sommes divisés, donnant un contre témoignage, affaiblissant ainsi notre parole. Une pénitence, pour nous être préoccupés de nos institutions aux dépens de notre message, et pour cela nous avons fait taire la voix prophétique que l’Esprit donne aux Eglises.
5.3 Nous invitons les chrétiens à résister dans ces temps difficiles, comme nous l’avons fait à travers les siècles et la succession des Etats et des gouvernements. Soyez patients, constants, pleins d’espoir et remplissez de cet espoir le coeur de tout frère et de toute soeur qui partage avec vous la même difficulté. Soyez “toujours prêt à répondre à quiconque demande raison de l’espérance qui est en vous” (1P 3,15). Soyez toujours

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actifs, partageant tous les sacrifices que requiert la résistance selon la logique de l’amour, afin de triompher de l’épreuve que nous endurons.
5.4 Notre communauté est petite, mais notre mission est grande et importante. Le pays a un grand besoin d’amour. Notre amour est un message pour les musulmans, pour les juifs et pour le monde.
5.4.1 Notre message aux musulmans est un message d’amour et de convivialité et un appel à rejeter le fanatisme et l’extrémisme. C’est aussi un message pour le monde, pour lui dire que les musulmans ne sont pas un objet de combat ou un lieu de terrorisme, mais un but de paix et de dialogue.
5.4.2 Notre message aux juifs leur dit : “ Si, dans le passé récent, nous nous sommes combattus, et aujourd’hui encore nous ne cessons de nous combattre, nous sommes cependant capables d’amour et de vie ensemble, aujourd’hui et demain. Nous sommes capables d’organiser notre vie politique avec toutes ses complexités selon la logique et la force de l’amour, une fois l’occupation terminée et la justice rétablie.”
5.4.3 La parole de foi dit à tous ceux qui sont engagés dans l’action politique : l’homme n’est pas créé pour haïr. Il n’est pas permis de haïr. Il ne vous est pas permis de tuer ni de vous faire tuer. La culture de l’amour est la culture de l’acceptation de l’autre. Par elle, la personne atteint sa propre perfection, et la société réalise sa stabilité.
6. Appel aux Eglises du monde
6.1. Notre appel aux Eglises du monde est d’abord l’expression de notre reconnaissance pour leur solidarité, par leur parole, leur action et leur présence parmi nous. C’est une parole d’appréciation pour la position de plusieurs Eglises et chrétiens qui soutiennent le droit du peuple palestinien à son auto-détermination. C’est aussi un message de solidarité avec ces Eglises et ces chrétiens qui souffrent parce qu'ils défendent le droit et la justice.
Mais c’est aussi un appel à la conversion et à la révision de certaines positions théologiques fondamentalistes qui soutiennent des positions politiques injustes à l’égard du peuple palestinien. C’est un appel à prendre le parti de l’opprimé, à faire en sorte que la Parole de Dieu reste une annonce de bonne nouvelle pour tous, et à ne pas la transformer en une arme qui tue l’opprimé. La Parole de Dieu est une parole d’amour pour toutes ses créatures. Dieu n’est l’allié de personne contre personne. Il n’est pas non plus l’adversaire avec l’un face à l’autre. Il est le Seigneur de tous. Il aime tous, il demande justice à tous et il donne ses mêmes commandements à tous. C’est pourquoi nous demandons aux Eglises de ne pas donner une couverture théologique à l’injustice dans laquelle nous vivons, c’est-à-dire le péché de l’occupation qui nous est imposée. La question que nous adressons aujourd'hui à nos frères et soeurs dans toutes les Eglises est la suivante : pouvez-vous nous aider à retrouver notre liberté ? Ainsi seulement vous aiderez les deux peuples de cette terre à parvenir à la justice, à la paix, à la sécurité et à l’amour.
6.2 Pour comprendre notre réalité, nous disons aux Eglises : venez et voyez. Notre rôle consiste à vous faire connaître la vérité et à vous accueillir comme pèlerins qui viennent pour prier et remplir une mission de paix, d’amour et de réconciliation. Venez connaître les faits et découvrir les gens qui peuplent cette terre, Palestiniens et Israéliens.
6.3 Nous condamnons toute forme de racisme, religieux ou ethnique, y compris l’antisémitisme et l’islamophobie et nous vous invitons à condamner tout racisme et à

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vous y opposer fermement de quelque façon qu’il se manifeste. Avec cela, nous vous invitons à dire une parole de vérité et à prendre des positions de vérité en ce qui concerne l’occupation du Territoire palestinien par Israël. Et, comme nous l'avons déjà dit, nous voyons dans le boycottage et le retrait des investissements un moyen non violent pour atteindre la justice, la paix et la sécurité pour tous
7. Appel à la communauté internationale
Nous demandons à la communauté internationale de cesser la pratique “des deux poids deux mesures” et d’appliquer à toutes les parties les résolutions internationales qui ont trait à la question palestinienne. Car l’application de la loi internationale aux uns et sa non-application aux autres laisse la porte grande ouverte à la loi de la jungle. Cela justifie aussi les prétentions de groupes armés et de nombreux pays qui disent que la communauté internationale ne comprend que le langage de la force. Nous vous invitons aussi à écouter l’appel des organisations civiles et religieuses mentionnées plus haut pour commencer à appliquer à l'égard d'Israël le système des sanctions économiques et du boycott. Nous le répétons encore une fois, il ne s’agit pas de se venger, mais de parvenir à une action sérieuse pour une paix juste et définitive, qui mette fin à l’occupation israélienne des Territoires palestiniens et d’autres territoires arabes occupés, et qui garantisse la sécurité et la paix à tous
8. Appel aux chefs religieux juifs et musulmans
Nous adressons enfin un appel aux chefs religieux et spirituels, juifs et musulmans, avec qui nous partageons la même vision : toute personne humaine est créée par Dieu et tient de lui la même dignité. D’où l’obligation de défendre l’opprimé et la dignité que Dieu lui a accordée. Ainsi, nous nous élevons ensemble au-dessus des positions politiques qui ont échoué jusqu’à maintenant et continuent à nous mener dans les voies de l’échec et de l’épreuve. En effet, les voies de l’Esprit sont différentes de celles des pouvoirs de cette terre, car “les voies de Dieu sont toutes miséricorde et vérité” (Ps 25/24,10).
9. Appel à notre peuple palestinien et aux Israéliens
9.1 C’est un appel à voir le visage de Dieu en chacune de ses créatures, et à aller au-delà des barrières de la peur ou de la race, pour établir un dialogue constructeur, non pour persister dans des manoeuvres qui n’en finissent jamais et qui n’ont pour but que de maintenir la situation telle qu’elle est. Notre appel vise à parvenir à une vision commune bâtie sur l’égalité et le partage, non sur la supériorité, ni sur la négation de l’autre ou l’agression, sous prétexte de peur et de sécurité. Nous disons que l’amour est possible et que la confiance mutuelle est possible. Donc, la paix aussi est possible, tout comme la réconciliation définitive. Ainsi la sécurité et la justice pour tous se réaliseront-elles.
9.2 Le domaine de l’éducation est important. Il faut que les programmes d’éducation fassent connaître l’autre tel qu’il est et non à travers le prisme de la querelle, de l’hostilité ou du fanatisme religieux. En fait, les programmes de l’éducation religieuse et humaine sont aujourd’hui empreints de cette hostilité Il est temps de commencer une éducation nouvelle qui fait voir le visage de Dieu dans l’autre et qui dit que nous sommes capables de nous aimer les uns les autres et de construire ensemble notre avenir de paix et de sécurité.

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9.3 Le caractère religieux de l’Etat, qu’il soit juif ou musulman, étouffe l’Etat, le tient prisonnier dans des limites étroites, en fait un Etat qui préfère un citoyen à l’autre et pratique l’exclusion et la discrimination entre ses citoyens. Notre appel aux juifs et aux musulmans religieux est le suivant : que l’Etat soit pour tous ses citoyens, bâti sur le respect de la religion, mais aussi sur l’égalité, la justice, la liberté et le respect du pluralisme, non sur la domination du nombre ou de la religion.
9.4 Aux dirigeants palestiniens, nous disons que les divisions internes ne font que nous affaiblir et augmenter nos souffrances, alors que rien ne les justifie. Pour le bien du peuple, qui passe avant celui des partis, il faut y mettre fin. Nous demandons à la communauté internationale de contribuer à cette union et de respecter la volonté du peuple palestinien librement exprimée.
9.5 Jérusalem est la base de notre vision et de toute notre vie. Elle est la ville à laquelle Dieu a donné une importance particulière dans l’histoire de l’humanité. Elle est la ville vers laquelle tous les peuples s’acheminent et où ils se rencontrent dans l’amitié et l’amour en présence du Dieu un et unique, selon la vision du prophète Esaïe : “Il arrivera dans la suite des temps que la montagne de la maison de Dieu sera établie en tête des montagnes et s’élèvera au-dessus des collines. Alors toutes les nations afflueront vers elle…. Il jugera entre les nations, il sera l’arbitre de peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l’épée nation contre nation, on n’apprendra plus à faire la guerre” (Is 2, 2-5).
C’est sur cette vision prophétique et sur la légitimité internationale concernant l’ensemble de Jérusalem – habitée aujourd’hui par deux peuples et trois religions - que doit se fonder toute solution politique. C’est le premier point à traiter dans les pourparlers, car la reconnaissance de sa sainteté et de sa vocation sera une source d’inspiration pour la résolution de l'ensemble du problème, qui relève de la confiance mutuelle et de la capacité à construire une “nouvelle terre” sur cette terre de Dieu.
Espérance et foi en Dieu
10. En l’absence de tout espoir, nous faisons entendre aujourd’hui notre cri d’espérance. Nous croyons en un Dieu bon et juste. Nous croyons que sa bonté finira par triompher sur le mal de la haine et de la mort qui règnent encore sur notre terre. Et nous finirons par entrevoir une “terre nouvelle” et un “homme nouveau”, capable de s’élever par son esprit jusqu’à l’amour de tous ses frères et soeurs qui habitent cette terre.

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