août 20, 2011

L'ÉTAT D'ISRAEL EST-IL UN SIGNE DE DIEU ?

L'ÉTAT D'ISRAEL EST-IL UN SIGNE DE DIEU  ?

Emmanuel  LEVYNE


(Réponse au rabbin Josy Eisenberg)

Dans un article publié dans « Le Monde » du 26 mai 1967 et intitulé «Israël an XIX ou la foi et les signes», le rabbin Josy Eisenberg écrit: « Au niveau de la conscience religieuse juive les choses sont pourtant fort claires: la renaissance d'un État juif est un signe d'une exceptionnelle importance et qui donne à notre siècle une dimension véritablement biblique. Un signe de Dieu. »

Un signe de Dieu, dans le langage de la tradition biblique et juive, c'est un miracle, un prodige, une intervention surnaturelle, comme cela s'est produit lors de la sortie d'Égypte. Or je voudrais bien qu'ou me montre en quoi la création de l'État d'Israël est un signe de Dieu, un miracle. Comme l'a écrit le poète et le philosophe de la « Tour de Feu », Adolphe Grad, dans un texte publié dans le n° 66 de « Tsédek » : « Je vois que Pharaon persécute 600000 hébreux : le Dieu vengeur d'Israël frappe l'Égypte de dix plaies et sauve son peuple. Je vois plus loin qu'Hitler persécute 6 000 000 millions d'Israélites: le ciel reste fermé. Dieu se tait. Aucun signe sur la terre comme au ciel. La swastika s'effondre, finalement
l'étoile de David triomphe (elle flotte même, trois ans seulement après l'écroulement du Troisième Reich, sur la Terre Sainte), mais toutes considérations sur la valeur des symboles mises à part, force est de reconnaître qu'aucun miracle ne s'est produit: le premier-né de Martin Bormann n'a pas été frappé, les villes allemandes ont été pulvérisées par des bombes faites de main d'homme, et l'État d'Israël semble devoir beaucoup plus son existence à l'efficacité des terroristes de l'Irgoun et des groupes Stern quà une intervention surnaturelle. »
L'État d'Israël s'est fondé par des moyens purement humains, comme tous les autres États: par l'argent, la diplomatie et la violence. Or d'après l'éditeur du « Séphère Daate Harabbanime » (4: « L'opinion des Rabbins sur le Sionisme », Varsovie, 1902) :« La Délivrance ne peut pas venir par des moyens humains: par l'argent ou par les armes: « Car ainsi parle l'Éternel: c'est gratuitement que vous avez été livrés, et ce n'est pas avec de l'argent que vous serez délivrés » (Esaïe 52, 3); « Ni par la violence, ni par l'armée, mais seulement par mon esprit, dit l'Éternel » (Zacharie 4, 6) ; « Je les sauverai par l'Éternel, leur Dieu, et je ne les sauverai ni par l'arc, ni par l'épée, ni par les combats, ni par les chevaux, ni par les cavaliers » (Osée 1,7).Et dans le même ouvrage (Lettre XIV), le rabbin Nathan Schapira écrit :
« Admettons que l'idée des sionistes se réalise, qu'ils réussissent à créer un État juif puissant, je vous dis, moi, que nous Juifs pieux, qui marchons dans la voie de l'intégrité, nous devrions nous garder de suivre ces hommes pécheurs, qui s'efforcent d'opérer une Délivrance artificielle (...).

La Délivrance par des moyens humains non seulement n'est pas autorisée, mais elle est expressément interdite par la Torah en de nombreux endroits, notamment dans le chapitre 30 du Deutéronome: «Lorsque toutes ces choses t'arriveront... si tu les prends à coeur au milieu de toutes les nations chez lesquelles l'Éternel, ton Dieu, t'aura chassé, si tu reviens à l'Éternel, ton Dieu, et si tu obéis à sa voix de tout ton coeur et de toute ton âme, toi et tes enfants, selon tout ce que je te prescris aujourd'hui, alors l'Éternel, ton Dieu, ramènera tes captifs, il te rassemblera encore du milieu de tous les peuples chez lesquels l'Éternel, ton Dieu, t'aura dispersé. Quand tu serais exilé à l'autre extrémité du ciel, l'Éternel, ton Dieu, te rassemblera de là, et c'est là qu'il t'ira chercher. L'Éternel te ramènera dans le pays que possédaient tes pères, et tu le possèderas ; il te fera du bien et te rendra plus heureux que tes pères. » Il est écrit: « L'Éternel, ton Dieu te rassemblera » et « L'Éternel, ton Dieu, te ramènera » : le Rassemblement des exilés et le Retour à Sion seront opérés par Dieu lui-même. La seule action qui soit permise pour hâter la « Fin » est le retour à l'Éternel, la Pénitence; mais le Rassemblement des exilés et le retour à Sion dépendent seulement de l'action de Dieu. « Si Dieu ne bâtit pas la Maison, ceux qui la bâtissent travaillent en vain » (Ibid.) ; « Je vous en conjure, filles de Jérusalem, par les gazelles et les biches des champs, ne réveillez pas; ne réveillez pas l'amour avant qu'elle le veuille », mais attendez jusqu'à ce que se fasse entendre « la voix de mon bien-aimé, voici il vient » (Cant. des Cant.), chap. 2) ; « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu, parlez au cœur de Jérusalem... voici le Seigneur, l'Éternel, vient avec
puissance » (Isaïe, chap. 40) : il ne vient pas par la voie de la nature, mais son « bras commande », il viendra par la voie du miracle, de la surnature, comme au temps de la sortie d'Égypte. Et que les sionistes ne viennent pas nous objecter que seule la Délivrance se fera par le miracle, mais non le Rassemblement des exilés, car « Il rassemblera les agneaux dans ses bras et les portera dans son sein, il conduira les brebis qui allaitent » (Ibid.) et le prophète continue à s'adresser aux hommes qui ont perdu la foi et qui ne croient pas aux miracles: « vous qui niez les prodiges, qui a mesuré les eaux dans le creux de sa main, pris les dimensions des cieux avec la paume ? » (Ibid.. La Nature n'est-elle pas née d'un miracle ? Le monde a été créé à partir de rien. Si Dieu a créé l'Univers par un miracle, pourquoi n'opérerait-il pas de même pour la Délivrance ? Pourquoi la « Fin » ne viendrait-elle pas comme le « Commencement » ? Et ainsi de nombreux autres textes traditionnels.
Dans le Zohar, la Bible des kabbalistes, et les « Tikouné Hazohar », on répète, en de nombreux endroits, que la Jérusalem et le Temple messianiques seront construits par les mains mêmes de Dieu. Ils descendront tout faits du Ciel. C'est parce qu'ils avaient été bâtis par les mains de l'homme que le premier et le deuxième Temple ont été détruits (1).Le retour à Sion est un événement surnaturel et messianique qui ne peut se réaliser selon les voies de ce monde ; il ne peut être un événement naturel et historique: son accomplissement se situe à la fin des temps, à la fin de l'histoire, à la fin de ce monde; Ce sera un événement méta-historique, eschatologique. Dans ce monde on ne peut le concevoir, à plus forte raison le réaliser; pour essayer de s'en faire une idée, il faut se placer du point de vue de l'autre monde, du monde surnaturel, spirituel, du Royaume de Dieu~ où les valeurs et les termes du Royaume de César -Etat, patrie, frontières, territoire, indépendance, souveraineté nationale, etc. -n'ont plus cours, ne sont plus
valables, perdent toute signification.
Le Talmud dit: « La Jérusalem céleste ne ressemble pas à la Jérusalem de ce
monde » et « Le monde futur est un mystère qu'aucun être humain ne peut pénétrer » (Baha Batra 75 h et Bera'hote 34 h.
Dans le même sens Nicolas Berdiaeff a écrit dans « Le Sens de la Création »« Toutes les formes de société archaïques et toute l'ancienne civilisation (elle n'est apparue clairement qu'au XXe siècle) doivent être consumées en cendres, afin que la Jérusalem nouvelle descende du ciel sur la terre. Il est dit qu'elle
viendra du ciel: cela signifie qu'elle ne sera pas construite avec les éléments du monde (... ) La Jérusalem nouvelle doit apparaître selon un mode catastrophique et non évolutif, par la création et non par le « monde ». Mais la Jérusalem nouvelle sera sur la terre et se révélera dans la chair transfigurée. » « La
société religieuse nouvelle, créatrice, ne sera ni théocratisme, ni anarchisme, ni étatisme, ni socialisme, elle est incommensurable à aucune catégorie « terrestre », inexprimable sur le plan physique. Le Royaume de Dieu ne se mesure pas avec le monde. » (Chapitre XII).
L'État d'Israël est un État de ce monde. C'était d'ailleurs le but de ses fondateurs et de ses constructeurs. Normaliser le peuple juif, en faire une nation comme toutes les autres nations. Ce sont des rabbins qui se sont ralliés plus tard au mouvement sioniste, pour des raisons que je ne peux pas analyser ici, qui lui ont attribué un caractère mystique et messianique. Mais en fait, il est difficile de ne pas reconnaître avec Léon Tolstoï que le sionisme « est lui-même l'os de l'os, la chair de la chair de l'européanisme contemporain » et que « ayant cru que la force de l'Europe était dans sa constitution, c'est-à-dire dans la force des canons avec toutes les horreurs du militarisme qui l'accompagne, ils ont inventé de revêtir leurs vieillards d'uniformes de soldats et de leur mettre en mains des fusils. Ils ont voulu créer un nouveau Judenstaat alors que maintenant (en 1906) les gens les meilleurs, en Europe et en Amérique, tous ceux qui ont une pensée sincère, tous sont profondément révoltés par la folie et l'horreur de ce gouffre où s'élance l'humanité sauvage, dite civilisée. Les hommes purs, intelligents, affranchis de la peur et du lucre, de toutes leurs forces tâchent d'éclairer les hommes, de leur rappeler que ce n'est point par la force du canon que l'humanité est forte, que l'avenir des hommes n'est point dans la passion de se séparer et de vivre dans des boîtes. La partie éclairée de l'humanité voit le bonheur des hommes justes dans le contraire: dans une union très large, dans la suppression totale des canons et des mortiers et de ces groupements qui ne se maintiennent que par la force des armes et qui, par cela même, perdent la vie des hommes. Toute l’œuvre des gens raisonnables va à l'encontre de l'État clos, tandis que le sionisme veut ranimer une vieille guenille, et ils appellent progrès cette ambition archaïque ; ils répudient en fait tout ce que nous avons de sacré dans notre vie. Nous n'avons point besoin d'États nouveaux, il nous faut des hommes aimants qui voient dans l'amour la vocation de leur vie et le service à Dieu. C'est un péché de fondre de nouvelles épées et de semer parmi les hommes l'hostilité et le mensonge. Et c'est un double péché de donner à ces forgerons rouges de sang, le nom de serviteurs du progrès. On peut encore invoquer une excuse pour les hommes qui vivent dans le vieil État, et qui par faiblesse ne savent pas rejeter ce joug pénible de la communauté armée. Un homme lié à l'ordre existant, bien que misérable et humble, peut en discuter la nécessité, hésiter, de même que les hommes s'habituent à leurs blessures et à leurs maladies les plus pénibles. Mais expressément, avec orgueil, ressusciter l'horreur ancienne, et, sous prétexte de le libérer, mettre au peuple le collier étroit, garni de pointes de l'État, est chose terrible ! Où les sionistes ont-ils donc les yeux ? Où est leur conscience ? »
Non, il est vraiment très difficile de voir comment la création d'un État, d'une souveraineté humaine, peut amener la Délivrance pour Israël et l'Humanité, et l'établissement du Règne de Dieu. Il y a des raisons de penser, au contraire, que " l'irruption brutale et manifeste du dessein de Dieu " aura pour conséquence l'effondrement des États souverains -donc de l'État d'Israël également -, comme les prophètes de Judée en avaient eu la vision, d'après l'éminent historien, le Pr. S.W. Baron :
« Les prophètes dégagèrent à leur manière la signification d'une situation mondiale anormale. Ils virent des États sombrer et réapparaître. Ils virent le pouvoir de l'État, en Israël et en Juda, utilisé par les classes dominantes comme moyen d'opprimer les masses. Ils virent des myriades de Juifs demeurer juifs dans des pays étrangers. Ils conclurent qu'il y avait une unité plus indestructible que celle de l'État et du territoire. Ils avaient vu aussi, tant dans leur propre pays que dans les empires successifs dont ils avaient subi la domination, bien des groupes ethniques différents vivre ensemble dans une paix relative et conserver
longtemps leur respective identité. Il était naturel de supposer qu'avec la disparition dernière de tous les États et l'établissement d'une paix universelle, les mêmes conditions prévaudraient sur une bien plus vaste échelle. A la différence de l'idée d'État, le principe purement ethnique n'est dirigé contre personne. C'est
un principe positif sans négation intrinsèque. Contrairement au principe territorial, impliquant un espace limité qui entraîne des querelles, l'ethnos offre la perspective d'une coexistence perpétuelle de différentes races, avec la pleine coopération des différents foyers culturels. » ( « Histoire d'Israël » (P.U.F.), tome  1, p. 131.)

Non, je ne vois pas, contrairement au rabbin Josy Eisenberg, comment la pensée religieuse juive peut découvrir dans l'événement de la création de l'État d'Israël "la réalisation de la plupart de ses espérances, en même temps qu'une éclatante confirmation de ses conceptions théologiques les plus spécifiques".
Je crois, au contraire, que cette pensée juive se fourvoie dangereusement en s'engageant dans le sionisme et en se faisant la servante de la Raison d'état. Elle peut être assurée d'être bien payée par l'état d'Israël, dont la puissance est celle du capitalisme juif et américain. Mais elle s'enferme dans des frontières,
elle se localise, elle justifie l'emploi de la violence et de l'armée, et par-là elle perd son caractère universaliste et pacifiste, qui faisait sa force et qui lui donnait le droit de se confronter et de se mesurer avec la pensée chrétienne. Mais, Dieu merci, la pensée religieuse juive, émancipée de l'état et du territoire, continuera à avoir ses représentants et à proclamer que notre seule et véritable patrie c'est le Livre, et qu'en Israël seul est souverain l'Eternel et non l'Etat. Samuel nous avait prévenus des conséquences de l'établissement d'un roi: la servitude et la guerre.


(1) Voir Zohar 1, 28a, ll4a ; Il, 59, 103; Ill, 221a.
Tikouné Hazoar, Tikoun 8, 24a ;
Tikoun 21, 60b.
En ce qui concerne la littérature rabbinique, voir Roch Hachana
30a, Soukka 41a ; Tan'. 1 houma, Noa'h ; Yalkout Tehilime 845.




août 19, 2011

LE MESSIE SERA UN PAUVRE - Emmanuel LEVYNE

(...) Dieu est avec les pauvres, donc il faut être avec les pauvres pour trouver Dieu. Je vous l'ai écrit, je ne tiens pas à me faire un nom; mais je souhaite au moins que le public soit informé de cette convergence, que des Juifs et des Chrétiens pensent exactement la même chose sur le problème le plus essentiel et le plus important qui se pose à l'humanité actuelle et dont dépend son destin. Car s'il est une bonne nouvelle, c'est bien celle-là, et on n'a pas le droit de ne pas l'annoncer et de ne pas la publier, car l'humanité pauvre souffre de trop en ce moment, et elle mérite d'être consolée et réconfortée en apprenant que des Juifs et des Chrétiens se rejoignent sur le chemin de la justice et qu'ils se précipitent au secours des malheureux et des opprimés au milieu desquels réside la Divinité qui partage leur sort. Et qui ne voit pas que c'est là un mouvement messianique, le commencement, la genèse de l'humanité nouvelle qui se réconcilie et se réunifie par et pour l'amour de Dieu. Et le voilà le véritable signe de Dieu.
(...) J'aimerais beaucoup acquérir des connaissances sur l'Islam par l'intermédiaire de votre journal et en particulier en rapport avec le problème palestinien, comme le Père Hayek m'a permis de le faire dans son dernier article, et aussi le philosophe libanais René Habachi dans les colonnes du « Monde) et dans sa « Lettre aux Intellectuels d'Occident sur Israël > que m'a fait parvenir le G.R.A.P .P .Ainsi des correspondances pourraient s'établir par votre intermédiaire entre Juifs et Musulmans, entre Juifs et Arabes en particulier, ce qui réparerait la rupture entre les deux peuples d' Abraham qu'a provoquée la création de l'Etat d'Israël. Et c'est là un point important: Autant les Arabes s'obstinent à refuser le dialogue avec les Israéliens et les relations avec l'Etat d'Israël, autant ils attendent de renouer avec le peuple juif et de rétablir des relations fraternelles avec lui comme cela a été le cas dans le passé. Car pourquoi veut-on que le peuple juif soit exclusivement représenté par l'Etat d'Israël et les organisations officielles, qui sont financés et qui n'existent que par les capitalistes juifs, en majorité américains. Pourquoi les Juifs qui demeurent pauvres, qui n'ont pas d'argent et d'armes, qui n'exploitent ni n'oppriment ni ne tuent, pourquoi ces Juifs n'ont-ils pas le droit à la parole et à la représentativité, pourquoi les considère-t-on comme s'ils n'existaient pas ? Oui, vous pouvez dire cela aux Chrétiens de l' Amitié judéo-chrétienne, ces flatteurs, ces courtisans des Juifs riches et puissants, qui sont prêts à toutes les complicités,
à approuver et à couvrir tous les crimes de la bourgeoisie et du capitalisme judéo-américain et de l'Etat qu'ils ont fabriqué en Terre Sainte et où ils ont exproprié les pauvres de Dieu; oui, ces faux-chrétiens peuvent s'associer à ces faux-juifs, ils font bon ménage ensemble, les voilà les assassins du Christ de génération en génération. Qui sont les assassins du Christ ? Ceux qui approuvent et se rendent complices de l'assassinat des pauvres. Je vous le répète: en tant que Juif je ne crois pas que Jésus fût personnellement le Messie; mais je crois que Dieu s'incarne en tout pauvre, comme l'enseigne la mystique juive; or Jésus était un pauvre et il a été victime non des Juifs, mais des Riches. Les Juifs riches ont effectivement assassiné le Christ avec les Romains. Ils ont beau acheter des intellectuels et des historiens pour prouver le contraire. L'Etat d'Israël donne la preuve de leur culpabilité en la réactualisant. Mais les Juifs qui, comme moi, s'opposent de toutes leurs forces aux crimes de l'Etat d'Israël et du capitalisme juif sont là pour démontrer que tout le peuple juif n'est pas coupable et que Jésus avait le droit à l'existence parce qu'il était un pauvre, parce qu'il défendait les pauvres, et que les pauvres pouvaient l'adorer et le considérer comme leur Messie, et même comme un lieu de l'incarnation divine.
Jésus ne pose aucun problème pour un Juif pauvre, mais les Juifs riches n'ont évidemment pas la conscience tranquille et on comprend qu'ils ne puissent pas entendre son nom sans trembler ou sans enrager. Pour moi, le problème messianique, c'est celui du pauvre. Le Messie a été ou sera le plus pauvre des hommes. Tout pauvre est donc un peu le Messie, et s'il se proclame comme tel, on ne peut le déclarer et le juger comme un faux-messie. De même tuer un pauvre, c'est tuer un peu le Messie et même Dieu, comme le dit explicitement un enseignement rabbinique: « Dieu éprouve de la douleur toutes les fois qu'un
homme souffre. Quand le sang d'un homme est versé, fût-ce celui d'un impie, la Divinité gémit et montre sa tête et son bras blessés du même trait qui a percé un de ses enfants (Michna Sanhédrin, VI, S).
C'est là encore un point essentiel: le mal fait par l'État d'Israël aux Arabes est relatif, second, et par là même toujours défendable, les Israéliens pourront toujours répondre aux accusations d'inhumanité et se justifier devant l'opinion mondiale; mais le mal causé à la Divinité par la création de l'État d'Israël est absolu, premier. Et c'est parce que les souffrances infligées aux Arabes sont liées aux souffrances infligées à Dieu et les signalent qu'elles nous paraissent insupportables et déchaînent notre passion de la justice. L'État d'Israël, en se déclarant souverain, a détrôné l'Éternel, comme au temps de Samuel, et il a chassé et privé de sa place royale le Roi des rois, comme il a chassé et privé les Arabes de leurs maisons et de leurs terres; et de ce fait l'injustice commise envers les Arabes se confond avec l'injustice perpétrée envers Dieu et acquiert un caractère absolu, transcendant.
En Palestine c'est beaucoup plus grave qu'au Vietnam, car dans ce dernier pays la souveraineté de l'Éternel n'est pas mise en cause par la création d'un État souverain: le peuple vietnamien n'a jamais choisi l'Éternel comme Roi, il ne peut donc le rejeter; que ce soient les Communistes ou les Anticommunistes qui
gagnent, il sera toujours gouverné par des hommes, -et si Dieu est avec les pauvres, faut-il encore que les pauvres soient avec Lui et l'acceptent comme Roi, donc qu'ils refusent les souverainetés humaines et les nationalismes. Et c'est pourquoi, pour moi, le choix est beaucoup plus clair et décisif en Palestine qu'au
Vietnam; je suis certain de ne pas commettre d'erreur et de ne pas regretter plus tard mon engagement: je rejette l'État d'Israël -la souveraineté des hommes -parce que j'ai choisi la souveraineté de l'Éternel, qui seule est juste et peut être une source de bonheur et de paix pour l'humanité. Car, comme l'a si bien dit Nicolas Berdiaeff, Dieu est humain, mais l'homme est inhumain; et tout humanisme athée dégénère toujours et se métamorphose en anti-humanisme. Comme nous le disons dans nos prières juives quotidiennes: « Einn lanou mélé'h goel oumochia éla atta », « Nous n'avons pas d'autre souverain qui délivre et sauve en dehors de Toi, Éternel ». L'État d'Israël, comme tout État, prétend le contraire, il contredit l'Éternel et le nie, c'est pourquoi je ne puis affirmer Dieu et ma foi juive sans lui dire: non !


Le Trépas - Dr Hubert LARCHER

  Le mot trépas est synonyme de décès, mort. Passer de vie à trépas, c’est mourir. Trépasser vient de l’ancien français tres, au-delà, et passer. Si le vivant «a de l’avenir», le mort «est passé». Rien n’est donc plus «présent» que le passage, le trépas.

Une conception binaire oppose la vie à la mort comme l’avenir au passé, avec une tendance à ponctualiser le trépas et son instant présent, celui du «dernier soupir», puis de l’arrêt cardiaque, et enfin celui de la mort cérébrale.

Une conception ternaire s’exprime dans les anciennes traditions. Dans l’Hindouisme, la Trimurti, divine triade, réunit Brahmâ, Vishnou et Shiva, chacun exerçant respectivement une des trois fonctions (guna) de création (Râjas), d’équilibre (Sattva) et d’inertie (Tamas). Le Taoïsme unit dans le Dao le Yin et le Yang complémentaires en une féconde hiérogamie universelle.

Dans les temples bouddhistes, au-dessus de l’autel, on voit souvent une triade de statues: une centrale de face, les deux autres à droite et à gauche, qui évoquent le présent, le passé et l’avenir. Si nous appliquons une manière ternaire de concevoir les notions de vie et de mort, nous pouvons nous inspirer des trois guna pour établir des correspondances entre les triades: Energie-équilibre-inertie, Construction-conservation-destruction, et Biomorphose-biostase-thanatomorphose.

Nous avons donc à considérer les racines de la mort dans la vie et les fruits de la vie dans la mort pour tenter d’aborder les mystères du trépas.



I. Les racines de la mort





On peut évoquer les racines de la mort à plusieurs niveaux comme ceux de la cytologie, de la pathologie, ou des ascèses.

Cytologie

Avant la procréation, le noyau des gamètes humains de chaque sexe, ovule et spermatozoïde, élimine, par la réduction chromatique, un des deux chromosomes des vingt-trois paires qui seront recomposées par la fécondation de l’œuf.

Lors de cette fécondation, lorsque le spermatozoïde vainqueur pénètre l’ovule, celui-ci se refuse à toute autre pénétration, d’où la mort du grand nombre des vaincus.

Au cours du développement de l’embryon, l’apoptose, mort cellulaire programmée, permet la différenciation des organes définitifs à partir des structures embryonnaires.

Lors de la naissance, le nouveau-né est séparé de l’amnios voué à la mort. L’enfant vit l’expérience de la mort de ses dents de lait comme une promotion marquant son évolution et son accès à l’«âge de raison» avec sa seconde dentition se terminant par la sortie de ses «dents de sagesse», raison et sagesse marquant des étapes de la maturation somato-psychique au cours de la vie, les cellules somatiques se renouvelant de telle sorte qu’il ne saurait y avoir de biomorphose générale sans thanatomorphose cellulaire.

L’apoptose, autodestruction ordonnée des cellules, solidaire de leur renouvellement, permet à la biomorphose de réaliser son évolution.

Ce processus de la vie individuelle a été merveilleusement décrit par le professeur Jean-Claude Ameisen (1).

Il assure, après la construction de la jeunesse et de l’adolescence, la conservation de l’adulte et de l’âge mûr avant les destructions de la sénescence et le terme physiologique de la vie personnelle.

Pathologie

Suivant le professeur Jean-Claude Ameisen, c’est le dérèglement des mécanismes de l’apoptose physiologique qui pourrait être la cause de nombreuses maladies avec, pour conséquence, l’espoir de le corriger grâce à des thérapeutiques appropriées, préventives, voire curatives du cancer ou anti-infectieuses.

Si, dans la physiologie, les mécanismes de construction, de conservation et de destruction se succèdent de la conception à la mort, la pathologie intervient pour en entraver ou interrompre la courbe. Ainsi, tandis que la mort physiologique vient «à son heure», comme un «dernier sommeil», un «adieu» à la vie, une «bonne mort», la mort pathologique est une mauvaise mort, une dysthanasie soit prématurée, soit douloureuse, soit inutilement retardée par acharnement thérapeutique.

Xavier Bichat définit la vie comme «l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort». L’altération d’une ou de plusieurs de ces fonctions nuit à cet ensemble, et c’est ainsi que, dans ses Recherches physiologiques sur la vie et la mort (2), il étudie tour à tour les conséquences de la mort fonctionnelle des poumons, du cœur, du cerveau sur les deux autres.

Car la mort fonctionnelle est un processus. L’ensemble ne meurt pas en même temps mais par un enchaînement de causes à effets, comme le démontrent les greffes d’organes fonctionnellement morts mais aptes à reprendre vie dans un autre ensemble fonctionnel.

Ascèses

Le poète «dans la lune», le prophète enlevé comme Ezéchiel dans le «char de Yahvé» (3), les précurseurs comme Savinien Cyrano de Bergerac (4) puis Jules Verne (5), imaginent, annoncent et préfigurent les réalisations techniques et les performances humaines de la conquête astronautique qui ont permis à Neil Armstrong de poser son pied sur notre satellite le 21 juillet 1969.

En 1932 Henri Bergson intitule «Mécanique et mystique» la deuxième partie du dernier chapitre de son livre Les deux sources de la morale et de la religion. C’est là que se trouve son appel au «supplément d’âme».

Les machines démultipliant nos puissances, «dans un corps démesurément grossi, l’âme reste ce qu’elle était, trop petite maintenant pour le remplir, trop faible pour le diriger. D’où le vide entre lui et elle». «Ne nous bornons donc pas à dire, comme nous le faisions plus haut, que la mystique appelle la mécanique. Ajoutons que le corps agrandi attend un supplément d’âme, et que la mécanique exigerait une mystique. Les origines de cette mécanique sont peut-être plus mystiques qu’on ne le croirait; elle ne retrouvera sa direction vraie, elle ne rendra des services proportionnés à sa puissance, que si l’humanité qu’elle a courbée encore davantage vers la terre arrive par elle à se redresser, et à regarder le ciel» (6).

Il déplore alors que la science ait été détournée «de l’observation de certains faits, ou plutôt elle a empêché de naître certaines sciences excommuniées par avance au nom de je ne sais quel dogme» (7). Dénonçant la confusion entre l’improbable et l’impossible, il préconise le développement des sciences psychiques (8).

De fait, le sportif, le héros, le martyr sont capables de risquer, de donner ou de sacrifier leur vie à un idéal, à la patrie, à leur foi. Renoncer, c’est mourir à soi-même. Dans les ascèses mystiques, le renoncement à l’exercice et à la satisfaction de certaines fonctions est appelé mortification. Les trois vœux monastiques de chasteté, de pauvreté, d’obéissance, font ressembler l’ascète à un enfant, la vie sans nourriture (inédie) au nouveau-né avant la section du cordon ombilical, l’arrêt respiratoire (apnée) au fœtus avant la naissance, l’arrêt circulatoire à un embryon de moins de quatre mois et demi, l’arrêt fonctionnel complet (biostase) à un ovule sans échanges avant la fécondation.

Ces mortifications à contre-courant de la nature apparaissent de premier abord comme masochistes et radicalement régressives mais, telles le saumon qui remonte à sa source, elles récapitulent à rebours les phases du développement ontogénique en cyclisant la ligne de vie. L’effort ascétique du mystique est comparable à celui d’un archer qui ne tire en arrière la corde de son arc avec une force égale à celle qu’il déploie pour pousser le bois en avant qu’afin d’accumuler l’énergie destinée à propulser la flèche. C’est de l’écart entre le courant normal de la probabilité et le contre-courant ascétique de l’improbabilité que paraissent surgir les ressources énergétiques nécessaires à l’éclosion des phénomènes extraordinaires de la vie mystique, émergence d’une hyperbiologie qui mérite le nom d’«hagiologie» (9).

Le terme des évolutions ascétiques et mystiques est la mort mais, tandis que les astronautes ont choisi pour devise «the sky is the limit», sainte Thérèse d’Avila s’écrie «je me meurs de ne point mourir» et résume sa conscience de l’infini par «Nado, Todo», «Rien-Tout». Et ce Rien n’est pas rien puisqu’il est le rien du Tout.



II. Les fruits de la vie





«La biologie devrait avoir pour verso une science de la mort, une «thanatologie», mais la non-existence de ce mot indique qu’on ne l’a même pas ébauchée», écrivait le Jésuite A. Gaultier dans le Bulletin de l’Université de l’Aurore en 1944 (10). C’est en 1966 que fut fondée en France la Société de Thanatologie, mais ce n’est qu’en 1979 que le mot apparut dans le Dictionnaire encyclopédique Larousse.

Suivant la définition de M. Polonovski: «La vie est un ensemble d’activités physico-chimiques liées à un milieu approprié et régies par une tendance à caractère mnémonique à conserver et à perpétuer non seulement la forme statique (11) mais aussi la nature et l’enchaînement des variations dynamiques» (12). On voit que toutes réactions du corps mourant ou fonctionnellement mort qui ne tendent plus à conserver que sa forme statique en s’opposant à sa destruction sont comprises dans cette définition.

Il y a donc lieu de distinguer, dans la thanatomorphose, une physiologie de la conservation de la pathologie de la destruction. Bien que cette dernière soit inéluctable, les fruits de la vie s’y opposent dans la physiologie comme dans l’involution thanatochimique et jusque dans le retour à la poussière.

Physiologie de la conservation

En 1622, Francis Bacon de Verulam écrivait que «c’est un sujet très digne de recherche que de prévenir la putréfaction et de maintenir l’intégrité du corps» (13). Au cours d’une expérimentation pour savoir si la réfrigération pouvait ralentir la putréfaction d’une volaille, il contracta une bronchite dont il mourut en avril 1626, mais «l’expérience a réussi excellemment», dicta-t-il sur son lit de mort (14). Toutes les réactions qui contribuent au refroidissement sont physiologiques, telles la vasodilatation périphérique qui, en estompant les rides du visage qu’elle colore, explique ce que l’historien Olivier Leroy appelait «la splendeur corporelle des saints» (15).

La migration de l’eau vers la périphérie favorise son évaporation, elle-même calorifuge, tout en facilitant le processus conservateur de dessiccation.

Enfin, la liquéfaction des graisses et leur diffusion dans tout l’organisme le met à l’abri de l’air grâce à un auto-embaumement. Certains processus peuvent intervenir dans cette fluidification, qui rappelle ceux des animaux hibernants ou poïkilothermes.

Involution thanatochimique

«Certains corps saints – écrit Déonna – ont même la propriété de distiller des baumes et des huiles souvent odorants, doués d’infinies vertus: ce sont les saints dits plus spécialement myroblytes» (16).

Les «odeurs de sainteté» qui s’en dégagent, analogues à des odeurs florales, les surpassent par leur suavité, leur puissance de diffusion et leur persistance.

Dans cette thanatomorphose, l’homéotherme se refroidit comme un poïkilotherme, puis il s’embaume et les odeurs de sainteté rappellent celles du règne végétal avant la réduction à la minéralité du squelette puis au retour à la poussière. Ce contre-courant qui récapitule à rebours la phylogénie fait tout naturellement suite au contre-courant ontogénique des mortifications fonctionnelles partielles ascétiques et mystiques.

Le retour à la poussière

«Souviens-toi, homme, que tu es poussière et que tu retourneras en poussière» dit le prêtre dans le rite du mercredi des Cendres.

Mais cette humble poussière est-elle négligeable? Est-elle réductible au «presque rien»? Ou bien au «rien du Tout»?

- Dans une perspective infinitiste, la moindre parcelle de l’univers est une monade (17), c’est-à-dire une résultante, un miroir et un résumé de tout ce qui n’est pas elle.

- C’est, me semble-t-il, en ce sens que l’on peut comprendre le sens du culte des reliques, qui voit le Tout dans la moindre des parties, si infimes soient-elles, comme dans tout fragment d’hostie dans l’Eucharistie, ou comme toute personne dans la Communion des Saints.



III. Trepasser





Trépasser, c’est passer de la biostase, arrêt réversible de la vie fonctionnelle, à la thanatose, arrêt irréversible qui marque le début de la thanatomorphose.

Entre le passé du vivant qui appartiendra au souvenir et à l’Histoire et le futur ou l’«après» ou l’«au-delà» (18), rien n’est plus lourd de présent que cette transe (19) si merveilleusement symbolisée par le Transi du sculpteur Ligier Richier dans l’église Saint Etienne à Bar-le-Duc.

Rien n’est plus mystérieux, plus difficile à saisir, que cet «entre-deux», cet instant de la mort, ce présent du trépas aux confins de l’éternité.

Biostase

En 1913, Albert de Rochas publie son livre sur La suspension de la vie (20) qui commence par l’étude des longs jeûnes, des longs sommeils et de leurs effets sur le ralentissement de la vie.

En 1954, C. Jaulmes a proposé le terme de biocémèse pour caractériser les «états de vie ralentie, qu’ils soient naturels ou artificiels» (21).

Le chirurgien Henri Laborit avait publié son concept fondamental sous le titre: Résistance et soumission en physio-biologie: l’hibernation artificielle (22) et avait appliqué avec succès l’hibernothérapie à ses patients. L’hibernation d’ascètes tibétains dans les grottes de l’Himalaya n’est donc peut-être pas une légende et, en ce cas, mériterait d’être étudiée de près.

La biostase, arrêt complet mais réversible des fonctions, peut résulter aussi bien d’un choc traumatique que d’une sidération émotionnelle. «Faire le mort» peut être salutaire. Il semble qu’elle ait pu être réalisée volontairement par entraînement ascétique. Albert de Rochas rapporte des exemples de «la suspension volontaire de la vie et l’inhumation volontaire des fakirs» (23): En 1838, Haridès, âgé de trente ans, fut inhumé pendant dix mois avant de revenir à la vie.

Chez les mystiques de l’Inde, la grande extase (nirvikalpasamâdhi) efface le sentiment de vie propre et présente tous les caractères de la mort apparente. Ramakrishna demeura dans cet état de la fin de 1965 au début de 1966 et n’en revint que grâce à un reste infinitésimal de conscience personnelle. Il refusa à son disciple, Narendranath Dutt (Vivekananda) de lui ouvrir cette «redoutable porte qui mène au gouffre de l’absolu» (24). Lui-même «résiste délibérément à toutes les tentations de la mort extatique et il en fuit les risques» (25). Mais le disciple désobéit. «Le voyant sans connaissance et son corps refroidi comme un cadavre, nous courûmes vers le maître, en grand émoi, et nous l’informâmes de ce qui se passait. Le maître ne manifesta aucune inquiétude, il sourit et dit: «Très bien!» et il resta silencieux. Naren revint à la conscience extérieure» (26).

Lorsque Paul Misraki vint me montrer sa traduction, de l’américain au français, du livre du Docteur Raymond Moody Jr., je l’encourageai vivement à la mener à son terme, ce dont l’éditeur n’eut pas à se plaindre, mais je regrettai le titre qu’il lui donna: «La vie après la vie».

En effet, si ceux qui ont éprouvé l’expérience de la biostase ont pu en témoigner, c’est bien parce qu’ils n’ont pas franchi le seuil de la mort mais en sont revenus.

Néanmoins, les concordances et différences de leurs témoignages et de leurs effets permettent de penser que beaucoup d’entre eux ont pu percevoir, au bout du tunnel, une sortie merveilleusement attirante de lumière et d’amour (27).

Thanatose

La thanatose est le versant irréversible de la conservation des organes après la mort fonctionnelle.

Tant que cette conservation se prolonge, notamment grâce au froid ou à la lyophilisation qui est une dessiccation à froid sous vide, un retour à la vie fonctionnelle est possible par greffe dans un autre organisme.

De même qu’une biographie est l’histoire de la vie de quelqu’un, de même une thanatographie est l’histoire de sa thanatose et de sa thanatomorphose.

En attendant la réalisation d’un Dictionnaire historique, critique et thanatologique des reliques, on peut retenir deux cas remarquables de thanatoses organiques, celui du cœur de sainte Thérèse d’Avila et celui des yeux de sainte Roseline de Villeneuve.

Sainte Thérèse d’Avila est décédée en 1582, le 4 octobre, veille du 15 octobre en raison de la réforme grégorienne du calendrier, âgée de 67 ans et 6 mois. Après l’examen canonique de son corps, en 1592, qui permit de constater son parfait état de conservation, son cœur fut extrait et déposé entre les mains de la Prieure, Mère Catalina de San Angelo qui le remit à la Mère Agnès de Jésus. Celle-ci, qui le tenait dans sa main droite, sentit des pulsations, vérifia qu’il ne s’agissait pas de son propre pouls et fut certaine et convaincue qu’elles venaient de la relique (28).

Sainte Roseline de Villeneuve est décédée le 17 janvier 1329. Trois jours plus tard, ses membres sont flexibles et ses yeux brillants. Il en est de même cinq ans plus tard lors de son exhumation. Ses yeux, toujours frais, sont énucléés et déposés dans un reliquaire. En 1660, c’est-à-dire 331 ans plus tard, Louis XIV demande à son médecin, Antoine Vallot, d’examiner ces yeux. «Deux coups de lancette dans l’un d’eux laissent échapper le corps vitré. Il n’y avait donc pas de supercherie» (29).

En 1863, le reliquaire des yeux, du xviie siècle, fut enchâssé dans un grand reliquaire que l’on peut voir dans la chapelle de Celle-Roubaud, près des Arcs-sur-Argens, dans le Var. Ces yeux ont fait l’objet d’un examen ophtalmologique par les Docteurs Pierre Girard et Marc Llavador (30).

Mais les saints n’ont pas le monopole de l’incorruption du corps. Au xve siècle, Franco Sachetti, de Florence, écrivait: «Nous refuserons d’admettre qu’un cadavre qui ne se corrompt pas est un corps saint. Cette idolâtrie va si loin qu’on abandonne les saints véritables pour les saints de contrebande» (31).

Paul Saintyves note que, dans certains pays, l’incorruptibilité est, au contraire, considérée comme une preuve de sorcellerie ou d’une vie criminelle. Les morts qui passent pour se nourrir du sang des vivants, tels les vampires, si connus en Hongrie, en Bulgarie et dans toute l’Europe orientale sous le nom de Vroucolaques, «gardent la souplesse de leurs membres et conservent un sang vermeil» (32).

Dom Augustin Calmet, abbé de Senones, ami de Voltaire, enquêtant sur l’épidémie de vampirisme de Bohème-Moravie (33), note que lorsqu’on exhumait les corps des présumés vampires, on les retrouvait incorrompus, les yeux brillants, et on les condamnait à être mis hors d’état de nuire, par décollation ou percement du cœur.

Passages

La syncope mortelle (34) qui marque la transition entre la biostase réversible et la thanatose irréversible est la plus grande transe que l’on puisse tenter de décrire (19). Il y a donc lieu de considérer les possibilités de transits, c’est-à-dire de communications entre ces deux états: des vivants vers les morts; des morts vers les vivants.

Enfin, de ce point de passage entre biostase et thanatose, peut-il surgir une métamorphose finale?

Dans le syndrome de Moody, tout se passe, pour certains sujets en état de mort apparente, comme s’ils sortaient de leur corps pour le «voir» du dehors ainsi que son environnement, se déplacer, voyager, et percevoir ainsi, à distance, des informations objectives.

D’autre part, certains disent avoir rencontré, dans le tunnel, des personnages tutélaires, parents ou amis défunts.

Enfin, à la sortie, ils découvrent un être de lumière et d’amour ineffables dans lesquels ils voudraient demeurer mais qui les renvoie vers la vie car leur heure n’est pas venue.

L’étude de Gurney, Myers et Podmore, sur Les hallucinations télépathiques (35) a montré que la télépathie entre agent trépassant et percipient rêvant, voire à l’état de veille, est particulièrement fréquente lorsqu’ils sont affectivement liés et lorsqu’il s’agit de morts violentes ou de trépas dramatiques.

Les Tulkou du Tibet reçoivent comme un legs la communication de la somme des informations accumulées par un Lama au cours de sa vie, d’où l’idée de réincarnation de ce dernier, au terme d’un entraînement technique dit Po Oua.

Si les vampires, lors de l’épidémie d’Europe centrale, de 1730 à 1735, donnèrent des cauchemars parfois mortels à leurs parents ou proches (33), les Bienheureux et les Saints se manifestent aux vivants par des miracles, des visions et des apparitions, en tous lieux et de tous temps. De son vivant, sainte Thérèse d’Avila était apparue à distance alors qu’elle gisait dans sa cellule «como muerta», mais apparut aussi après sa mort avec plus d’intensité et plus lumineuse (36).

L’instant même du trépas est crucial, c’est celui du dernier sommeil, en équilibre entre la vie et la mort, représenté par les gisants dans la sculpture funéraire, tandis que les icônes illustrent à profusion la Dormition de la vierge Marie avant son assomption.

Depuis les origines de l’Homo sapiens (37) jusqu’aux trois religions du Livre, le culte des morts exprime une croyance en l’au-delà, une foi en la résurrection de la chair et une espérance en la vie éternelle. Malheureusement, le mot résurrection peut prêter à confusion puisqu’on l’applique aussi bien à la ranimation d’un mort qu’à son passage d’ici-bas à l’au-delà par métamorphose du corps physique en corps glorieux.

Dans les Evangiles, Jésus dit de la fille de Jaïre: «L’enfant n’est pas morte mais elle dort» (38); le fils de la veuve de Naïn est déjà dans le cercueil (39) et Lazare au tombeau depuis quatre jours (40). Jésus manifeste ainsi son pouvoir verbal de les ranimer tandis que lui-même, enseveli, ressuscite à Pâques.

De même que la simplicité des bergers et la science des mages se rencontrent à la crèche, que le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob et celui des philosophes et des savants ne sont qu’Un, et que l’analogique et la logique opèrent dans un même cerveau, de même il est souhaitable que la foi ouvre la porte à la raison, comme l’a écrit Jean Paul II dans sa lettre encyclique Fides et Ratio (41), après avoir réhabilité Galilée. Ce n’est donc pas parce qu’elle est article de foi que la résurrection ne peut être objet de recherche philosophique et scientifique, bien au contraire. Et c’est ce qu’a démontré Jean Guitton dans sa Philosophie de la Résurrection (42).

Le corps qui vient de mourir est un cadavre, mais, pour atténuer l’émotion que suscite ce mot, eu égard aux endeuillés qui pleurent la personne, on le qualifie de «dépouille mortelle», comme s’il n’était plus qu’un vêtement inanimé de l’âme, accroché au vestiaire de l’au-delà en attendant son retour à la poussière.

Mais cette matière a-t-elle une mémoire? Au fur et à mesure que l’énergie se dégrade, que l’entropie augmente et s’achemine vers le nivellement thermodynamique final, augmente de même l’information syntropique, et avec elle la complexification avec ses effets de plus en plus improbables, jusqu’à l’infiniment improbable qui n’est pas impossible mais n’est réalisable que par l’effet d’une puissance infinie ou Toute Puissance.

Si la poussière doit retourner à la poussière, les monades que sont ses corpuscules ne cessent pas, pour autant, d’être des monades, c’est-à-dire des «riens» liés au Tout, chacun à nul autre pareil, dans le concert universel de la «communication des substances».

D’où l’intérêt de donner suite à la réclamation Bergsonienne du «supplément d’âme», en développant la recherche psychique, comme il en a donné l’exemple en devenant président de la Society for Psychical Research en 1913, après Charles Richet en 1905 et avant Camille Flammarion en 1923.

Richet unifia les concepts de parapsychologie et de paraphysique de Max Dessoir (1889) sous le nom de métapsychique qu’il définit comme une branche avancée de la physiologie et comme «la seule science qui étudie des forces intelligentes» (43).

Etudiant les phénomènes médiumniques, il considère la théorie spirite comme une «hypothèse de travail» mais, dit-il, «je me suis arrêté aux faits. Je ne veux pas me laisser entraîner au-delà» (44).

En 1940 le roumain Nicolas Porsenna écrivit Les hypostases de l’âme humaine, manuscrit non publié qui fut entre les mains du Docteur Valère Musatesco, soutenant la thèse de la substantialité du psychisme considéré comme un double de soi, «fantôme de l’homme vivant» qui n’est pas indissolublement lié à son substrat et peut s’en détacher.

Cette psyché substantielle présente des qualités analogues à celles que saint Thomas d’Aquin attribue au corps de résurrection et qui sont l’impassibilité, la subtilité, l’agilité et la clarté.

Ainsi, substantialiser la psyché ou spiritualiser le corps aboutissent au même résultat réaliste d’une nécessaire relation entre le monde physique et le monde psychique (45).

La résurrection est, de tous les phénomènes, le plus improbable, la plus syntropique que l’on puisse concevoir. Son infinie improbabilité n’est pas une impossibilité, mais elle ne peut être opérée que par une puissance infinie, une Toute puissance spirituelle maîtresse de l’âme et du corps.

Elle paraît donc hors de portée de l’observation comme de l’expérience scientifique. Toutefois, si elle s’est réalisée, ne serait-ce qu’une seule fois dans l’Histoire de l’humanité, elle doit inspirer des recherches par analogie.

C’est ainsi qu’une anthropologie de la résurrection peut s’inspirer de l’entomologie de la métamorphose, de l’hagiologie ou phénoménologie ascétique et mystique, et de l’étude des guérisons miraculeuses.

La larve du lépidoptère se développe grâce à une hormone de croissance qui inhibe une hormone de mue, l’ecdysone. Au terme de cette croissance, la chrysalide s’entoure d’un cocon et l’ecdysone entre en action.

La chenille liquéfiée contient des disques imaginaux organisateurs de son imago, de sa métamorphose en papillon. Si la larve est cancérisée, le papillon en est exempté (46).

On peut donc se poser la question de savoir s’il peut exister une analogie entre les hormones de croissance et de mue et les disques imaginaux des insectes et des structures biochimiques qui restent à découvrir si elles existent chez l’homme.

L’hagiologie, hyperbiologie des phénomènes extraordinaires de la vie ascétique et mystique, sérieusement étudiés du point de vue historique et critiques par des auteurs comme Olivier Leroy, montre qu’ils tendent à affranchir la nature humaine des contraintes terrestres, comme par le jeu multistatique d’un complément d’homéostasie, pour une conquête probabiliste de l’autonomie.

L’inédie, la lévitation, la bioluminescence, affranchissent de la faim, de la pesanteur, de l’obscurité.

Ces charismes exceptionnels ne sont-ils pas des indicateurs de ce que pourraient être des mutations, dans un lointain avenir, au sein du genre humain évoluant vers le «point oméga» de Pierre Teilhard de Chardin? Suivant le modèle de la transfiguration, de la résurrection et de l’ascension-assomption, les Mystiques ne sont-ils pas à l’avant-garde des Mécaniciens sur le chemin d’un au-delà du mur de la lumière, dans cet univers que Bergson qualifiait de «machine à faire des dieux»?

Les guérisons miraculeuses, tout comme les conversions instantanées, se caractérisent par leur instantanéité, leur totalité, leur irréversibilité, transgressant ainsi les contraintes habituelles du temps, de l’espace et du mouvement.

Elles se présentent ainsi à contre-courant de la pathologie, de la destruction, de la mort. Souvent suivies de fringale, elles ne s’accompagnent pas d’essoufflement, et certaines d’entre elles paraissent privilégier la restauration de la fonction plutôt que celle de l’organe.

Ces miracles sont souvent attribués à l’intercession de saints défunts. Les catholiques en demandent deux avant de procéder à leur béatification et canonisation comme preuves d’une information, d’une communication et d’une action venues de l’au-delà.



BIBLIOGRAPHIE



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·  BERGSON Henri, Œuvres, édition du Centenaire, P.U.F., Paris, 1959, pp. 1235-1239.

7

·  Id. pp. 1241-1242.

8

·  Id. p. 1243.

9

·  LARCHER Hubert, «Introduction à l’anthropodynamique de la mort», Revue métapsychique, 1979-1980, n°26-27, pp. 10 à 12.

10

·  GAULTIER A., Bulletin de l’Université de l’Aurore, Tome V, n°2, 1944.

11

·  C’est moi qui souligne.

12

·  Cité par M. Rouvière dans Vie et finalité, Paris, Masson 1947, 2nde édition, page 19, note 2.

13

·  BACON de VERULAM Francis, Historia vitae et mortis, London, For Haviland 1622, in 8.

14

·  Encyclopédie thématique Encyclopaedia Universalis 2004, tome I, page 556.

15

·  LEROY Olivier, La splendeur corporelle des saints, Paris, Cerf, 1936.

16

·  DÉONNA W., Croyances antiques et modernes. L’odeur suave des dieux et des élus, Genava XVII. Genève, Kundig 1939, page 197 et annexe IV.

17

·  LEIBNIZ Gotfried Wilhelm, Principes de la philosophie ou Monadologie, Paris, P.U.F., 1954.

18

·  LARCHER Hubert, «L’après et l’au-delà dans les temps de la mort», Bulletin de la Société de Thanatologie, n°81-82, avril 1990.

19

·  LARCHER Hubert, «L’odyssée de la conscience», Bulletin de la Société de Thanatologie, n°50, juillet 1981, pp. 18 à 27.

20

·  ROCHAS Albert de, La suspension de la vie, Paris, Dorbon-Ainé, 1913.

21

·  JAULMES C., Préface au livre d’Henri Laborit, Pratique de l’hibernothérapie en chirurgie et en médecine, Paris, Masson 1954.

22

·  LABORIT Henri, L’hibernation artificielle, Paris, Masson 1954.

23

·  ROCHAS Albert de, La suspension de la vie, Paris, Dorbon-Ainé, 1913, pp. 70-74.

24

·  ROLLAND Romain, Vie de Ramakrishna, Paris, Stock, 1930, pp. 84 à 87.

25

·  Id., page 95, note 1.

26

·  Id., page 255.

27

·  LARCHER Hubert, «De la lumière physique à la lumière spirituelle», In La mort transfigurée, Paris, Belfond, 1992, pp. 449 à 468.

28

·  Témoignage de Mère Catalina, Procès rémissoral de 1610.

29

·  Une Sainte provençale du XIVe siècle, Roseline de Villeneuve, Paris, de Boccard, 2002, page 41.

30

·  Id., pp. 94 à 97, 129,142.

31

·  SACHETTI Franco, Nouvelles choisies, Paris, Liseux 1879, pp. 197-198.

32

·  SAINTYVES Paul, En marge de la légende dorée, Paris, Nourry 1931, page 286.

33

·  CALMET Augustin, Traité sur les apparitions des esprits et sur les vampires ou les revenants de Hongrie, de Moravie, etc… 1751; et Joseph Pariset, Senones, 1759.

34

·  HEIM Burkhard, Postmortale Zustände?, Innsbruck, Resch Verlag, 1980.

35

·  GURNEY, MYERS et PODMORE, Les hallucinations télépathiques, Paris, Alcan, 1914 (traduit et abrégé des Phantasms of the living).

36

·  LEROY Olivier, «Apparitions de sainte Thérèse de Jésus», Revue d’ascétique et de mystique, n°134, avril-juin 1958.

37

·  Homo Sapiens, Paris, Flammarion, 2004, pp. 31 à 49.

38

·  MARC 5, 35-43. LUC 8, 49-55.

39

·  LUC 7, 11-16.

40

·  JEAN 11, 1-44.

41

·  JEAN-PAUL II, La Foi et la Raison, Paris, Centurion, Cerf, Mame, 1998.

42

·  GUITTON Jean, Œuvres complètes, philosophie, Desclée de Brouwers, 1978, pp. 777-812.

43

·  RICHET Charles, Traité de Métapsychique, Paris, Alcan 1922, pp. 2-3.

44

·  «Une synthèse de l’opinion du professeur Richet sur le spiritisme», Revue Métapsychique, 1934, n°2, pp. 129-130.

45

·  LARCHER Hubert, «Psychisme substantiel et corps glorieux», Revue métapsychique, n°19-20, 1974, pp. 61-62. «Essence, Existence, Substance», Les cahiers de Iands-France, n°9, juillet 2001, pp. 10 à 21.

46

·  JOLY Pierre, L’endocrinologie des insectes, Paris, Masson, 1968.



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DE LA LUMIÈRE PHYSIQUE À LA LUMIÈRE SPIRITUELLE

DE LA LUMIÈRE PHYSIQUE À LA LUMIÈRE SPIRITUELLE

Lettre à Mlle Évelyne-Sarah Mercier


Hubert Larcher
docteur en médecine



« Dieu dit : Que la lumière soit, et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne... »

Genèse, 1, 3-4


   
Chère Mademoiselle,
 
 

Vous m'avez fait l'honneur de me demander de participer à la rédaction d'un livre composé par différents auteurs, notamment des collaborateurs de l'association IANDS-France, branche française de l'International Association for Near Death Studies, et je vous en remercie.

Malheureusement, l'essentiel de ma bibliothèque se trouve, pour quelque temps, enseveli dans des cartons de déménagement, de telle sorte que mes ressources bibliographiques sont actuellement limitées.

Toutefois, la vision d'une certaine lumière étant souvent rapportée par les rescapés de la mort comme l'un des éléments du syndrome décrit par le docteur Raymond Moody Jr, je vais m'efforcer de vous écrire quelques lignes à son propos.

En effet, le mot lumière paraît pouvoir s'appliquer à des aspects si différents de la réalité qu'il en résulte bien des ambiguïtés et des difficultés sémantiques.

Je crois donc utile de distinguer, à propos de cette lumière que disent avoir perçue les sujets revenus des confins du trépas, ce qui relève des niveaux physique, psychique et pneumatique ou spirituel.
 
 


1. La lumière extérieure physique

Laissons aux physiciens le soin de nous expliquer la nature des photons et aux biologistes celui de décrire comment l'énergie photonique du soleil est captée par les chloroplastes des végétaux pour vivifier toute la procession des êtres vivants lancés à la conquête probabiliste de l'autonomie, comme des aspirateurs de syntropie de plus en plus complexes, de mieux en mieux informés, jusqu'à l'élaboration de ce microcosme qu'est l'homme.

C'est cet homme qui s'est montré capable, par l'observation, la réflexion et l'expérience, de mesurer les vitesses de la lumière extérieure physique en les situant entre zéro et 300 000 kilomètres par seconde, depuis celles, plus lentes, des bradyons qui progressent dans différents milieux jusqu'à celle des luxons lancés dans le vide, qui atteint, comme une limite, le mur de la lumière, clôture de ce monde tel que nous le percevons et tel qu'il nous conditionne.

Mais ce que ni l'observation, ni l'expérience ne peuvent actuellement percevoir, la réflexion peut le concevoir en projetant un au-delà du mur de la lumière dans lequel d'hypothétiques tachyons atteindraient des vitesses allant de 300 000 kilomètres par seconde jusqu'à l'infini.

Il. La lumière intérieure psychique

La physique moderne reconnaît que l'observation dépend de l'observateur et de l'expérience de l'expérimentateur : c'est dire que le postulat de l'objectivité de la nature, cher aux scientifiques, se doit aujourd'hui de reconnaître objectivement le rôle du sujet qui perçoit et qui conçoit.

Lumière, couleurs et formes sont perçues non visiblement à travers le derme, comme l'ont montré les travaux de Mme Yvonne Duplessis 1, et visiblement par les canaux de l'appareil visuel.

La réflexion de la lumière par les objets qui nous environnent les révèle à nos yeux, que cette huilière prenne sa source dans le soleil, la lune, les étoiles, le feu, l'éclair, l'électricité, le phosphore ou la bioluminescence.

Ce que la lumière extérieure physique révèle à nos yeux, nos yeux le transmettent, par le cortex visuel, à notre conscience qui les perçoit.

La conscience est conscience du présent, puisque les souvenirs, elle se les rappelle, et les projets, elle se les représente.

L'étude critique de la théorie de Bergson sur le souvenir du présent et la fausse reconnaissance2 me paraît bien montrer que, si la perception définit bien le présent de la conscience, ce présent résulte de l'interaction entre les impressions et les sensations qui nous viennent du passé, et les impulsions et les actions que nous projetons vers le futur 3.

Il convient donc de nous demander : ce que la conscience perçoit hors de soi est-il bien du présent ?

Enfant, je voyais, depuis la colline de Pass-Prest, au-dessus du rempart de la ville de Saint-Paul, le compagnon forgeron Bonfante en train de battre le fer sur son enclume à quelque cinq cents mètres de moi

Le son de sa frappe me parvenait avec retard sur sa vision.

L'abbé Hecquet, ami de feu mon père, m'expliqua la différence entre les vitesses du son et de la lumière et m'apprit à calculer la distance de l'éclair en fonction du laps de temps écoulé entre son éclat et le coup de tonnerre.

Puis, la nuit, il me fit contempler la voûte sidérale, me révéla que, ce que je croyais voir dans l'espace, je le voyais aussi dans le temps et que certaines des étoiles qui scintillaient à nos yeux étaient éteintes depuis très longtemps.

On ne parlait pas encore, à cette époque, du rayonnement fossile. Les télescopes n'étaient pas encore ces grands chronoscopes lancés aujourd'hui à l'assaut des commencements.

A plus modeste échelle, lorsque je crois percevoir la présence du disque solaire, il est déjà passé de huit minutes.

Et lorsque nous nous sommes réunis l'autre jour, assis à peu de mètres les uns des autres, croyant nous voir, nous ne percevions, en réalité, que ce que nous avions été quelques fractions de seconde avant !

Cela est d'autant plus vrai qu'au temps mis par la lumière pour aller impressionner les rétines, il fallait ajouter celui que mit l'influx nerveux - neuf mètres par seconde environ - pour transmettre ces impressions aux centres oculomoteurs, au cortex occipital et aux structures coordinatrices du cerveau.

Peut-être est-ce grâce à ces chronaxies que me paraissent bien synchronisées l'expression de votre visage et les paroles que vous m'adressez lorsque nous conversons.

En effet si le son me parvient plus lentement que l'image, en revanche la distance entre l'oeil et le cortex visuel est plus grande que celle qui sépare l'oreille du cortex auditif ; ce qui tend à faire mieux coïncider les instants de perception de la lumière et du son.

Ainsi, force nous est d'admettre que ce que nous percevons n'est pas le présent de notre perception, mais du passé par rapport à ce présent ; et encore sous réserve que cette perception ne soit pas trop altérée par sa composante motrice tournée vers le futur.

En effet, si la réponse motrice est affectée par le souvenir d'une sensation passée perturbée, par une grave préoccupation, ou par la puissance d'une forte imagination, la perception normale se trouve dérivée comme dans la distraction, déformée comme dans la projection, ou supplantée comme dans l'hallucination, qui est une « perception sans objet à percevoir 4 ».

Si ce que la conscience perçoit hors de soi n'est pas du présent mais prend ses sources dans la communication entre l'information sensorielle qui vient du passé et l'action motrice projetée vers l'avenir, on doit se poser la question de savoir dans quelle mesure elle peut accéder à la vérité, c'est-à-dire à la conformité entre perception et réalité.

Pour tenter de répondre à cette question, il faut considérer que, si nous pouvons percevoir le présent, c'est bien celui de notre conscience, et que c'est donc elle qu'il convient d'étudier.

Malheureusement, William Hamilton avait peut-être raison de penser que la conscience ne peut pas être définie 5, le fait de la conscience étant une des données fondamentales de la pensée, qu'on ne peut résoudre en éléments plus simples.

Tout au plus pouvons-nous distinguer la conscience primitive de la conscience réfléchie : ce qui connaît de ce qui est connu ou, comme le dit la Bhagavad-Gitâ, le « champ » du « connaissant du champ », et, dans ce « champ », percevoir la conscience d'autrui par complémentarité, communication ou participation.

J'avais été invité par le Centre védantique Ramakrishna de Gretz à participer, le 8 juin 1969, à un colloque sur « L'Avenir de l'homme », où je devais traiter le sujet suivant : « Conscience du présent et de l'éternité 6. » Et je me demandais comment définir la conscience, lorsque, le 18 mai mourut ma mère.

Assistant à ses derniers moments, je vis son regard vide, éclairé un instant, au prix d'un effort qui paraissait surhumain, pour tenter de me voir une dernière fois, s'éteindre définitivement ; et je compris alors que, lorsqu'on dit d'un trépassé qu'il s'est éteint, cette expression peut s'entendre au sens propre, ayant trait à l'extinction objective de l'éclat de ses yeux ternis par la mort comme à celle, subjective, de sa perception de la lumière ; et au sens figuré d'extinction de sa conscience.

Cette observation et cette expérience profondément vécues m'ont conduit vers une définition de la conscience qui n'était ni abstraite, ni théorique, ni même rationnelle, et qui ne pouvait s'exprimer que sous une forme analogique, symbolique et ambivalente

La conscience est une lumière intérieure psychique.

De même que la lumière extérieure s'allume et s'éteint, de même celle de la conscience apparaît ou disparaît.

Elle est bien intérieure puisqu'elle se manifeste encore aux yeux de l'âme, alors que ceux du corps sont clos par les paupières ou plongés dans la nuit. Elle est bien psychique puisqu'elle éclaire encore l' « oeil du coeur » au moyen de l'ouïe, sens né avant celui de la vue et qui est le dernier à mourir.

Lorsque je m'endors, je perds conscience, et celle-ci reparaît avec mon réveil.

Lumière intérieure psychique et lumière extérieure physique symbolisent, certes, mais ce symbolisme est plus qu'une simple analogie.

En effet, il existe une relation fonctionnelle d'adaptation entre cette lumière extérieure physique, qui conditionne ma perception visuelle objective de ce monde qui m'entoure, et la lumière intérieure psychique qui me permet d'en prendre conscience.

Si l'homme obéit bien au rythme circadien, veillant le jour, dormant la nuit, il fut soumis pendant des millénaires au rythme des saisons, donnant peu en été, hibernant en hiver ou se chauffant au feu qu'il devait surveiller avec la plus extrême vigilance.

De même que la flamme prolongeait la lumière du jour et celle de l'été jusqu'au coeur de la nuit et de l'hiver, de même la surveillance du feu, dont dépendait la survie du foyer, prolongeait la vigilance des veilleurs jusqu'à l'au-delà des affres de l'obscurité et des dangers mortels de l'engourdissement.

De même qu'ils alimentaient le feu avec du bois sec pour en tirer lumière et chaleur, de même ils peuplaient leurs veilles d'images-souvenirs pour en tirer le chaleureux espoir de revoir le printemps ; aube incertaine de ce « soleil de la mémoire » qui éclaire notre conscience.

Le pas de la réflexion paraît ainsi lié aux réflexes de la survie, comme si la flamme vacillante, couvée du regard, avait engrammé son image archaïque dans le cerveau et l'âme du veilleur au point que cette image, prenant son autonomie, est devenue feu intérieur.

De même que, de la danse du feu naît le ballet des ombres, de même la lumière intérieure psychique anime les ombres portées de l'inconscient.

C'est ainsi qu'il existe des aubes et des crépuscules de la conscience, des pénombres imaginaires et des faux jours illusoires.

La relation originelle entre lumière et conscience paraît avoir inscrit sa trace dans la physiologie comparée, puisque l'électroencéphalographie met en évidence, d'une part la relation entre les ondes alpha, le cortex occipital et les perceptions visuelles, et, d'autre part, le fait que la réaction d'arrêt de ces ondes n'est pas due aux stimulations, mais aux émotions qui en résultent ; c'est-à-dire qu'aux impressions sensorielles doivent répondre des impulsions motrices, réactions expressives qui manifestent une activité psychique d'attention, d'intérêt ou d'émotion. L'animal doit « non seulement voir mais encore regarder, non seulement entendre mais encore écouter; non seulement sentir mais encore flairer 7 ».

Chez l'homme, les ondes alpha suivent les rythmes de la lumière vacillante 8, et dans l'obscurité, le seul fait de chercher à percevoir les objets déclenche la réaction d'arrêt9. C'est ainsi que, bien après le coucher du soleil et l'extinction des feux, veille la lumière de la conscience, jusqu'à ce qu'elle s'éteigne à son tour dans les bras de Morphée.

Ces impressions qui me parviennent du monde extérieur à des vitesses différentes, j'en retire les sensations actuelles, à partir desquelles je le perçois dans le présent de ma conscience.

Si l'expression d'un visage et le son de sa voix me paraissent synchrones, c'est en raison de leur proximité, puisque le mouvement du forgeron et le bruit de son marteau me paraissent décalés par la distance.

Peut-être est-ce la raison pour laquelle, tandis que mes yeux me donnent de l'espace une vision perspective de relief, ma conscience, en percevant dans son présent des objets distribués dans le temps, en retire un sentiment d'épaisseur du présent, une impression de durée, une notion d'objectivité.

Tout se passe comme si les informations discontinues de mes diverses portes d'entrée sensorielles étaient autant de témoins potentialisant leurs témoignages pour contribuer à l'établissement de la vérité.

Cependant, de même que c'est au tribunal qu'il appartient de juger de la convergence des témoignages en justice, de même, seule une structure de convergence des sens peut établir une continuité synesthésique entre leurs informations discontinues, édifier une unité de perception à partir de leur diversité de sensations ; et c'est cette structure qui est appelée sensorium, ou sens commun.

Voici ce qu'en dit Görres :

« Chaque sens, en effet ,a deux parties, et comme deux éléments bien distincts : l'un extérieur, qui saisit les objets du dehors, et l'autre intérieur, correspondant au premier, mais dans un rapport plus direct avec l'âme à laquelle il rapporte les impressions venues du dehors. Or c'est cet élément interne qui, purifié et transformé, pour ainsi dire, par la mystique, acquiert souvent une telle énergie qu'il semble avoir absorbé l'élément extérieur, et suffire à lui seul pour toutes les opérations des sens. »

[...]

« Ils acquièrent une concentration plus grande, et peuvent par conséquent saisir davantage le centre et le fond des choses. Pénétrant au-delà de la surface extérieure, ils vont chercher la réalité qu'elle cache ; et, saisissant ainsi les objets d'une manière plus précise et plus large, non plus du dehors au dedans, mais du dedans au dehors, ils en procurent à l'âme une connaissance plus sûre et plus profonde 10. »

Le sens commun, qui assure la synthèse des sens particuliers, « rangés en cercle autour de lui », subit, « sous l'influence de la vie mystique, la même transformation que les sens particuliers dont il est le centre ». «Il exerce un empire absolu sur tous les autres 11. »

Cette manière de décrire le sens commun, qui rappelle le polygone de Grasset, se trouve corroborée par les observations de la science métapsychique telle qu'elle fut fondée par le professeur Charles Richet, Prix Nobel de physiologie en 1913 12 . En effet, l'observation et l'expérience ont permis de mettre en évidence la lucidité sous différentes formes, dites clairvoyance, télépathie, prémonitions, qui se manifestent souvent sous forme de visualisations et, plus rarement, de visions.

Ces dernières se distinguent des hallucinations puisqu'elles ont un objet à percevoir, et des perceptions visuelles normales du fait que l'objet perçu est situé hors du champ spatio-temporel de la vision oculaire ; c'est-à-dire à distance et dans des temps passés ou futurs.

Tout se passe comme si la conscience lucide pouvait comprendre dans son champ perceptif une épaisseur de présent intégrant le passé, le futur et l'ailleurs, pour les concentrer dans l'instant, la simultanéité et l'immédiation.

L'instant contient, en puissance, non seulement les engrammes de la mémoire individuelle, de celle de l'espèce, des espèces précédentes et même de ce cosmos dont elles sont issues, mais encore les programmes qui les conduisent vers leurs fins ; c'est-à-dire l'ensemble « enroulé » de ce que l'Histoire « déroule » en actes.

Descartes disait que, si l'homme peut acquérir quelque certitude, celle-ci résidera dans l'instantanéité de l'intuition, dans la simultanéité nécessaire de notre pensée et de notre existence (Je pense donc je suis), car c'est une propriété de l'âme de percevoir en un seul instant plus d'une seule chose.

Nous avons déjà dit comment l'instant de la perception était défini par la connexion entre l'image sensorielle et sa correspondante motrice. Nous pouvons également recevoir, en un instant privilégié, ce qui naît de la simultanéité entre une pulsion, une motion intérieure et une impression extérieure, entre une instance qui nous anime et une circonstance qui survient, entre notre pensée et un événement extérieur ; ce que Jung a qualifié de synchronicité.

Lorsque je me réveille et que j'ouvre les yeux, il y a synchronicité ; c'est-à-dire simultanéité entre ma perception de la lumière extérieure physique et celle de la lumière intérieure psychique de ma conscience, entre la perception de mon existence et celle de ma pensée : je réveille moi.

De même que l'intuition établit une relation synchrone entre l'existence et la pensée à l'intérieur du microcosme, de même l'immédiation sympathique, chère à Gabriel Marcel, qui l'opposait à la « médiation instrumentale », parait capable d'établir une relation immédiate entre l'homme et son milieu extérieur et intérieur.

C'est du moins ce que paraissent manifester les manifestations psychosomatiques paranormales et les phénomènes de psychokinèse étudiés par la science métapsychique.

En effet, Richet définit la métapsychique comme « une science qui a pour objet des phénomènes mécaniques, ou psychologiques, dus à des forces qui semblent intelligentes, ou à des puissances inconnues, latentes dans l'intelligence humaine 12 ».

Ce lien psychomécanique entre intelligence et force établit, entre le monde intérieur psychique et le monde extérieur physique, une sympathie assez efficace pour unifier l'information et sa puissance d'action en un passage à l'acte.

Instantané, synchrone et immédiat, ce passage à l'acte psychocinétique pose le problème de la relation effective entre la lumière intérieure psychique du microcosme et le macrocosme éclairé par la lumière extérieure physique.

III. La lumière spirituelle

A l'aube du 25 novembre 1990, longeant en bateau la rive du Gange bordée par les ghat, escaliers de descente vers le fleuve depuis la ville sainte de Varanasi, que les Anglais appelèrent Bénarès, je vis, assis sur un ambon, un ascète méditant, immobile comme une statue, face à l'est, attendant le lever du soleil.

A travers le rideau de ses paupières closes, il ne verrait pas le soleil lui-même, mais percevrait sa lumière tamisée par sa chair et teintée par son sang dont la rougeur irait en s'éclairant.

Sa conscience associerait ainsi l'aube du soleil macrocosmique à la transillumination de ce sang du microcosme que les poètes alchimistes d'Occident ont symboliquement qualifié de soleil liquide, comme s'il pouvait exister une secrète relation entre l'astre dit jour extérieur et la nuit obscure de notre parcelle d'océan intérieure.

Du soleil à la chlorophylle, l'énergie photonique apparaît comme le fil continu de l'énergie qui lie la discontinuité apparente des êtres vivants.

Elle sous-tend une évolution topologique qui va du végétal verticalement polarisé vers la terre, jusqu'à l'homme verticalisé vers le ciel, en passant par les horizontalités animales du poisson, du serpent, de l'oiseau.

Elle dessinerait ainsi, dans le cours de l'histoire naturelle, un collier de perles vivantes si, s'arrêtant au microcosme, elle n'était privée du dernier quart de son circuit.

L' « Arbre inversé » des mythologies n'est autre que l'arbre pulmonaire, respiratoire et phonateur :

Celui de la forêt recherche la lumière, l'autre se ramifie dans la nuit thoracique.

Si le vent du dehors agite les feuillages, le souffle du dedans remplit les alvéoles.

Le tronc de l'arbre est plein, et creuse est la trachée.

L'arbre absorbe l'anhydride carbonique et restitue l'oxygène, à l'inverse de la respiration humaine.

La chlorophylle verte et l'hémoglobine rouge ont le même noyau tétrapyrrolique, mais centré, dans la première, par un atome de magnésium, auquel se substitue, dans la seconde, un atome de fer.

Tandis que les poumons oxygènent le sang, le coeur propulse celui-ci vers le cerveau, et tous deux commandent les rythmes de son irrigation : le pouls cérébral celui du sang artériel afférent, et la pression respiratoire celui du sang veineux efférent 13.

Ces deux rythmes sont en relation avec ceux de la pensée, lorsqu'elle s'exprime par le discours, les mots-images étant aux phrases-idées dans un rapport analogue à celui des deux rythmes, cardiaque et pulmonaire.

Mais si le cerveau paraît être l'organe de la conscience et de la mémoire personnelles, et fonctionner comme un « filtre » pragmatique, comme le pensait Bergson, le sang, milieu intérieur qui circule dans tout le microcosme après avoir été « intussusceptionné » - suivant les expressions de Lamarck, puis de Marcel Jousse - à partir du milieu macrocosmique, paraît, lui, chargé de la mémoire des deux mondes, et circuler dans le cerveau comme le film dans la caméra de projection, qui n'en met en lumière révélatrice que les séquences utiles.

C'est du moins ce que laisse entendre le grand poète alchimiste lituanien, de langue française, Oscar V. de Lubicz Milosz lorsqu'il écrit :

« Interroge, mon cher enfant, ce sang qui, dès la consistance et la couleur, t'apparaît d'une si céleste substance. »

« Ton coeur est un soleil anatomique, propulseur de ton microcosme sanguin. Et si le cerveau est [...] lune hermétique, ce n'est pas seulement par analogie de couleur. »

« Le cerveau n'est que le satellite du coeur. Il ne fait que recevoir, filtrer et restituer la lumière d'affirmation que lui envoie le coeur dans sa spirituelle radiation. »

« Lune et cerveau sont récepteurs et ordonnateurs de lumière. Ils humanisent le surhumain, rendent accessible, à nos yeux fragiles, le dieu aveuglant 14. »

Selon Milosz, il y a un rapport direct entre le sang et la conscience.

Le sang serait le « Magnum compositum dont la vertu active s'agite encore au milieu des terreurs de la spirituelle éclipse », et qui serait le lieu de la conscience totale.

Et comme cette conscience a pour fondement la mémoire, il écrit encore :

« Quand l'esprit de la terre me dicte : subconscient, moi, dans le lieu seul situé, j'écris : Soleil de la Mémoire. »

« Terre de la béatitude, où l'accomplissement du mouvement mental est la correspondance de l'immobilité de la matière infinie 14. »

Cette correspondance entre matière et mémoire fait de cette dernière la fonction de fixation, dans l'instant de la conscience, de ce que le mouvement de la matière inscrivit dans l'espace et dans le temps.

Ainsi, toujours suivant Milosz, le sang apparaît-il, du point de vue de la matière, comme une substance dont le mouvement physiologique s'inscrit au sein de l'espace et du temps, et en même temps, du point de vue de la mémoire, comme le « lieu seul situé » dans l'instant créateur ; le lieu absolu, le point de Pascal, le foyer de l'information totale.

Les sensations venues du passé et les puissances d'action extériorisées vers l'avenir, qui nous informent sur le milieu extérieur, intégrées par la conscience, unifiées par un sens commun purifié, co-naîtraient, dans l'instant d'une exaltation de la lumière intérieure psychique, jusqu'au niveau pneumatique, ou spirituel, de ce que les mystiques appellent l'illumination. Cette illumination n'est-elle qu'un mot pour tenter d'exprimer le vécu d'une lucidité supérieure, considérée comme indicible, ineffable ?

Ou bien correspond-elle à des réalités physiques, psychiques ou spirituelles ?

Du point de vue physique, rappelons qu'en 1927, quelques mois après la partition de la théorie de Louis de Broglie et Schrödinger, Marcel Courtines écrivait :

« N'est-il pas amusant de retrouver, sous forme scientifique, le vieux problème du " nombre des principes " [...]. Le plus ancien de tous est aussi le plus proche de nous ; la trinité de Brahm, n'est-ce point la Lumière, le Proton et l'Electron ? Le Père, le Fils et l'Esprit ont maintenant des noms scientifiques. Trois principes en un seul, ou bien encore une infinité : les diverses lumières de toutes fréquences. Tout serait lumière. »

« Le " principe unique " fait disparaître toute différence de qualité ; la seule grandeur qui subsiste n'a plus aucune autre signification que celle d'un nombre. Elle ne peut être " décrite " que par le " nombre " et non plus par le " mot " : elle est ineffable. Au début, disent les écritures, était le Verbe. Le Verbe, pour le physicien, s'est fait Nombre 15. »

En 1932, l'ingénieur Ch. Andry-Bourgeois observait que la vitesse de la pensée dépasse de bien loin celle de la lumière dans le vide et que sa quasi -instantanéité pose le problème d'une « énergie supérieure intelligente ». Celle-ci rappelle les « forces qui semblent intelligentes » de la définition de la métapsychique par Charles Richet. En conclusion, il pose la question : « Le royaume des Cieux n'est-il pas le royaume de Dieu 16 ? »

En 1990, le professeur Régis Dutheil et sa fille Brigitte ont proposé un modèle de conscience qui lie celle-ci à la substantialité de l'au-delà du mur de la lumière 17. Mieux encore, la formalisation des vitesses superlumineuses se montre compatible avec tous les phénomènes étudiés par la science métapsychique 18. Il est donc permis d'espérer que cette dernière permettra peut-être, un jour, de proposer des éléments de vérification à l'hypothèse des tachyons.

Du point de vue psychique, on sait que le syndrome de Moody comprend souvent, après la « traversée d'un tunnel », la vision d'une lumière qui, pour le sujet, ne fait qu'un avec l'impression prégnante d'un amour infini.

Tout se passe alors comme si la visualisation et le sentiment ne faisaient plus qu'un, comme si la distinction entre l'objectif et le subjectif se trouvait dépassée, comme si la lumière et l'amour ne formaient plus qu'un Tout.

Qui ne voit la convergence entre cette expérience vécue aux frontières du trépas et le modèle moniste de conscience substantielle ?

A propos de l'image de notre corps, je me souviens d'avoir lu que l'excitation d'un point précis dans la région interpédonculaire du cerveau pouvait provoquer, d'une part, une visualisation de couleurs et, d'autre part, une impression de sortie hors du corps 19.

Si ce point pouvait bien être vérifié, il serait, me semble-t-il, du plus haut intérêt pour la compréhension physiologique de deux éléments du syndrome de Moody.

C'est dans cette région, terminus de la substance réticulée, que se trouveraient des cellules prenant la teinture de Gomori, comme celles de la pars intercerebralis de certains insectes sujets à métamorphose, qui sécrètent leur hormone de mue, l'ecdysone 20.

Resterait alors à se demander si la vision de la lumière d'amour peut ou non préfigurer, au seuil du trépas, le projet ou programme d'une métamorphose par identification à cette lumière, infiniment improbable, certes, mais non impossible pour une toute-puissance infinie, c'est-à-dire divine, telle que la reconnaissent les religions monothéistes.

Les phénomènes de bioluminescence humaine décrits dans les hagiographies, tel celui de saint Joseph de Cupertino, seraient des passages à l'acte partiels et temporaires de cette puissance du « soleil liquide ».

Cette restitution de la lumière reçue du soleil et intussusceptionnée, sous la forme transfigurée d'une lumière vivante et consciente, bouclerait le dernier quart du cycle de l'évolution ; non pas par retour au soleil macrocosmique, mais par glorification du microcosme.

La glorification, ou manifestation sensible de la gloire, archaïquement liée à l'éclat de la foudre, fut ensuite, le plus souvent, comparée à une lumière solaire, comme dans le récit de la Transfiguration de Jésus devant Pierre, Jacques et Jean : « Son visage resplendit comme le soleil et ses vêtements devinrent éblouissants comme la lumière 21 » et... « voici qu'une nuée lumineuse les prit sous son ombre 22 ».

Par la plume de Clemens Brentano, la grande visionnaire Anne-Catherine Emmerick, en extase agonique, décrit ainsi l'Ascension de Jésus :

« Il parut resplendissant de blancheur comme la lumière du soleil, et, du ciel, descendit sur lui une vaste auréole où brillaient toutes les couleurs de l'arc-en-ciel [...]. Le Seigneur brillait d'un éclat plus grand encore que l'auréole qui l'enveloppait. [...] Je vis sa forme visible, en s'élevant, s'évanouir à partir de la tête, dans cette splendeur céleste. On eût dit un soleil entrant dans un autre soleil 23. »

Cette vision de l'Ascension, que Marthe Larcher peignit sur un des murs de la chapelle Notre-Dame-de-la-Gardette, à Saint-Paul, pourrait bien avoir été inspirée par le récit évangélique de la Transfiguration.

Dans l'iconographie chrétienne, gloires, mandorles, auréoles expriment l'irradiation de la lumière, comme la forme rayonnante des ostensoirs apparue après le concile de Trente (1545-1563).

De nos jours, l'archétype solaire se retrouve sous des formes plus singulières : lorsque le peintre Enzo Cini me demanda un texte concernant les peintures oecuméniques dont il avait couvert les murs de la chapelle toscane de San Felice, je vis que sur le chevet, derrière l'autel, il avait figuré l'ombre d'une croix dont les bras, semble-t-il, embrassent l'infini, tandis que son sommet joint un soleil et son double.

Double mystérieux qu'Enzo Cini figura, sans qu'il sache comment ni pourquoi ; mais il approuva pleinement le sens que je crus pouvoir lui donner en écrivant : « Le concevable n'est qu'à peine imaginable. Il semble que la " machine à faire des dieux " conduise l'information depuis le monde des bradyons et des luxons du soleil physique vers celui des tachyons, dans l'au-delà du mur de la lumière où brillera, dans l'aveuglante clarté du Soleil de la Mémoire, cet oecuménisme transcendant qui n'est pas fait de syncrétisme, mais de convergence vers la communion en Dieu 24

Les archétypes du jour, de la foudre, du soleil et de la lumière se retrouvent dans toute la cosmo-anthropologie religieuse, qu'il s'agisse de « jour de gloire » ou d'apothéoses, d'apparitions ou de théophanies, de révélations naturelles ou de révélations divines.

« Dieu est-il la Claire Lumière des enseignements tibétains ? » se demande M. François Chenique en notant que « le mot Dieu dérive de la racine indo-européenne Dei qui signifie " lumière brillante " [...] ; cette racine a donné des mots comme Zeus, Deus, Jupiter, qui indiquent la divinité, et également les mots dies, jour, diurne, qui indiquent tous la lumière 25 ».

Jupiter est le dieu du Ciel, de la lumière diurne, de la foudre et du tonnerre.

Dans l'Ancien Testament, Dieu est créateur et maître de la lumière qui le revêt « comme d'un manteau 26 », mais cette lumière créée n'est qu'« un reflet de la lumière éternelle » qui la surpasse 27. On voit donc se dessiner le concept de deux lumières, l'une divine, infinie, créatrice, et l'autre créée par la première.

Dans le Nouveau Testament, le Verbe divin, par qui tout a été fait, est la véritable lumière qui « illumine tout homme venant en ce monde » 28. Incarné, sa transfiguration anticipe la lumière eschatologique de la gloire finale à laquelle sont appelés à participer tous les hommes, qui ne sont pas la lumière, mais seulement « Fils de la lumière ».

Le symbolisme des deux lumières, celle de notre monde et celle de l'au-delà du mur qui la limite, se retrouve dans le Symbole des apôtres. Si celui-ci affirme la consubstantialité du Verbe créateur avec Dieu, « engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait », il précise qu'il est « lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu ».

Ce thème se retrouve dans un hymne composé par saint Ambroise (330-397) :

« Splendeur de la gloire du Père
Portant lumière de lumière,
Lumière, source de lumière!
Jour qui illuminé le jour !

« Soleil véritable, rayonne.
Brillant d'un éclat éternel
Et de l'ardeur du Saint-Esprit,
Ô Soleil, pénètre nos sens.


« L'aurore apporte la lumière.
Vienne vers nous en sa splendeur
Le Fils tout entier dans le Père
Le Père tout entier dans le Verbe ! »


Le trépas apparaît comme nécessaire pour passer d'une lumière à l'autre.

Dans la liturgie catholique, le mémento des défunts demande à Dieu : « Reçois-les dans la lumière auprès de toi. »

Et l'image des deux soleils distingués par la mort est exprimée par l'inscription gravée sur le cadran solaire du mémorial de Dormans, au bord de la Marne :

« Viventibus lumen solis
Dormientibus lumen Dei. »

« Aux vivants la lumière du soleil, aux dormants la lumière de Dieu. »

Nous pouvons maintenant mieux mesurer toutes les difficultés sémantiques attachées au mot lumière annoncées au début de cette lettre : mot appliqué à trois aspects très différents de la réalité tels que perçus par la conscience, à moins qu'il ne s'agisse de trois réalités différentes exprimées dans des sens analogiques, métaphoriques ou poétiques.

Mais l'emploi d'un même mot pour désigner ces aspects de la réalité, ou ces réalités, montre une prédominance de la vision sur tous les autres sens, comme si ce dernier-né, le plus proche de l'instantanéité, donc de la vérité par perception du présent, grâce à la vitesse de la lumière, annonçait le triomphe du sensorium, ou sens commun, qui est le siège de la lucidité.

« Tu désires voir, écoute : l'audition est un degré vers la vision », écrivait Bernard de Clairvaux ; et encore : « la vision béatifique doit être la récompense d'une ouïe attentive, dont le mérite nous vaudra la vision ».

Cette vision béatifique est souvent qualifiée de « vision océanique » par les mystiques d'Orient comme d'Occident, comme par allusion implicite au lien entre l'eau, le sang et l'esprit, dont Jésus parlait à Nicodème.

L'emploi de ce même mot ne ferait-il que traduire notre aspiration profonde, mais subjective, à tendre vers l'unité, ou bien cette aspiration elle-même résulte-t-elle d'une intuition fondamentale et universelle, en relation avec la réalité d'une unité cachée dans la diversité ? Dans ce dernier cas, le mot lumière s'appliquerait non pas à trois réalités, mais bien à trois aspects d'une même réalité.

Nous nous sommes efforcés de saisir le fil qui conduit de la lumière extérieure physique, par des mécanismes d'intussusception, de complexification et d'autonomisation syntropiques qui demeurent mystérieux, jusqu'à ce stade que Pierre Teilhard de Chardin a appelé le « pas de la réflexion », duquel émerge la lumière intérieure psychique.

Puis, nous avons évoqué deux directions de recherche scientifique

- En mathématique physique, la théorie des vitesses superlumineuses, qui permet de proposer un monisme physico-psychique au-delà du mur de la lumière par substantialisation de la conscience ou conscientisation de la substance ;

- En physiopsychologie métapsychique, avec la notion moniste de « forces qui semblent intelligentes », mais qui se manifestent, en ce bas monde, d'en deçà du mur de la lumière, en étudiant, avec la psychokinèse, des phénomènes non seulement psychosomatiques, mais, effectivement, psychosomatophysiques.

Non seulement ces deux directions sont compatibles, mais, encore, elles paraissent prometteuses de complémentarité et de convergence, la seconde offrant à la première un champ d'observation et d'expérience cohérent sur une possible communication entre les deux mondes, à travers le mur de la lumière.

Enfin, l'inventaire bien systématisé et scientifiquement critiqué de la phénoménologie ascétique et mystique devrait laisser entrevoir la possibilité d'émergence d'une psychophysiologie de la métamorphose humaine, sous la motion de l'exaltation spirituelle, telle qu'elle a été esquissée par Görres, Jérôme Ribet, Herbert Thurston, Olivier Leroy, Albert-Frank Duquesne, Pierre Teilhard de Chardin, Aimé Michel, Jean Guitton, Gustave Martelet, Hélène Renard et Joachim Bouflet. Métanoïa effective qui, transformant le vieil homme en homme nouveau, unifie le soma et la psyké dans le pneuma, assume le corps et l'âme dans la glorieuse lumière de l'esprit 29.

Enfin, l'on peut souligner l'intérêt d'approfondir les convergences entre les révélations naturelles de la réflexion scientifique, et cette révélation religieuse, étudiée par la théologie, ou vécue dans le réalisme mystique, que saint Thomas d'Aquin compare à la communication d'une lumière que nous ne saurions percevoir comme nous percevons la lumière ordinaire.

Au Bereshit de l'Ancien Testament répond, dans le Nouveau Testament, le début de l'évangile de saint Jean : dans ces deux commencements, le Verbe divin, qui est lui-même lumière créatrice, sépare la lumière créée des ténèbres. Le Coran dit aussi que « Dieu est la lumière des cieux et de la terre C'est une lumière sur la lumière. Dieu conduit vers sa lumière celui qu'il veut 30 ».

Avant que saint Jean de la Croix (1542-1591) ait traversé la « nuit obscure » pour aller vers cette lumière, Ibn al'Arabi, en 1195, avait connu, à Fès, la triple science de l'« illumination du dévoilement, de la douceur et de l'expression », qui me paraît correspondre à la triade : information, communication, action 31.

Cette illumination rassemble, dans le feu de l'instantanéité, le concept, sa formalisation verbale et son expression. Le verbe est parole substantielle. Le mot est la chose, comme le nom est la personne nommée. Le Verbe est absolue vérité. L'information infinie, ou plérôme, la communication infinie, ou logos, et l'action infinie, ou Toute-puissance, ne font qu'un en raison même de leur infinitude.

L'illumination d'Ibn al'Arabi « s'accompagne d'un charisme sensible à l'instar du Prophète, qui déclarait voir derrière son dos, Ibn al'Arabi devient un " visage-sans-nuque " [...] un oeil total, capable de saisir toutes les directions de l'espace 32 ».

Ce phénomène perceptif, qui fut aussi observé en métapsychique, traduit un aspect visuel de la perception par le sensorium, ou sens commun, qui n'est plus « extérieure et perspective », mais « intérieure et conforme », suivant l'expression de Gérard Cordonnier 33.

Il nous invite à penser que le sensorium hominis est à l'image et à la ressemblance du sensorium Dei34 et que cette ressemblance doit être exaltée jusqu'à leur identification pour concevoir tant une incarnation du Verbe qu'une « verbification de la chair », de l'alpha à l'oméga de la lumière, dans ce théodrome qu'est la « machine à faire des dieux », machine à moudre le grain du microcosme pour en faire le pain vivant du microtheos 35.
 
 


Veuillez agréer, je vous prie, chère Mademoiselle, l'amicale expression de mes pensées choisies et de mes sentiments dévouées.

Hubert LARCHER
Saint-Paul, le 21 mars 1991.

1. Duplessis Yvonne et coll., Les Couleurs visibles et non visibles, Monaco, Rocher, 1984.

2. Larcher Hubert, « Parapsychochimie de la divination ». Revue métapsychique, année 1962, p. 44-61.

3. Bergson Henri, L'Energie spirituelle, Presses Universitaires de France, 1940, p. 110-152,

4. Ey Henri, Traité des hallucinations, Masson, 1973, t. I, p. 47.

5. Hamilton William, « Lectures ». Metaphysics, 1, 191.

6. Larcher Hubert, « Conscience du présent et de l'éternité ». Vedanta 18, Centre védantique Ramakrishna, Gretz, 1969, p. 33-44.

7, Delay Jean, Les Ondes cérébrales et la Psychologie, Presses Universitaires de France. 1942, p. 63-64.

8. Ibid., p. 42.

9. Ibid., p. 43.
Jasper H.H., Cruikshank R.M. et Howard H., « Action Currents from the Occipital Region of the Brain in Man, as Affected by Variables of Attention and External Stimulation », Psych. Bull., 1935, 32, p- 565.

l 0. Görres, La Mystique, Paris, Poussielgue-Rusand, 1854. t. I, livre III, ch. 8, p.320.

11. Ibid., ch. 11, p. 344.

12. Richet Charles, « La Science métapsychique », avant-dernière leçon de physiologie donnée à la faculté de médecine de Paris, le 24 juin 1925, in La Presse Médicale, n° 51 du 27 juin 1925 (Masson).
Richet Charles, Traité de métapsychique, Félix Alcan, 1922, p. 2-5.


13. Flourens Pierre, De la vie et de l'intelligence, Garnier, 1858.

14. Milosz O.V. de Lubiez, Ars Magna, A. Sauerwein, 1924.

15. Courtines Marcel, « La Lumière, principe du monde, à propos de Jean Perrin, Prix Nobel de physique 1926 », Cahiers de la Quinzaine, 18è série, 4è cahier, 1927, p. 59-61.

16. Andry-Bourgeois Ch., « Les Grands Problèmes de la physique moderne. L'Astrophysique », Revue métapsychique, 1932, n° 5, p. 357.

17. Dutheil Régis et Brigitte, L'Homme superlumineux, Sand, 1990, Ch.III et IV, p. 60-100.

18. Dutheil Régis et Brigitte, L'Homme superlumineux et les Phénomènes métapsychiques, conférence prononcée à la Société des Amis de l'Institut Métapsychique international, le 25 octobre 1990

19. Lhermitte Jean, Van Bogaerts Ludo.

20. Joly Pierre, L'Endocrinologie des insectes, Masson, 1968.

21. Matthieu, 17-2.

22. Matthieu, 17-5.

23. Visions d'Anne-Calherine Emmerick, Téqui, 1922, 5è éd., t. III, p. 408.

24. La Capella di San Felice, à paraître.

25, Chenique François, « Christianisme et bouddhisme», Dharma 10. Institut Karma-Ling, janvier-mai 1991, p. 80.

26. Psaume CIV, 3.

27. Psaume VII, 27-30.

28. Jean, 1, 3-4, 9 et 9, 5.

29. Görres, La Mystique divine, naturelle et diabolique, Poussielgue-Rusand, 1854-1861-1862.
Ribet Jérôme, La Mystique divine distinguée des contrefaçons diaboliques et des analogies humaines, Poussielgue, 1895-1902.
Thurston Herbert, Les Phénomènes physiques du mysticisme, Gallimard, 1961. (Réédition par Albin Michel en 1986.)
Leroy Olivier, La Lévitation. Les Hommes-Salamandres. Desclée de Brouwer, 1931 - Splendeur corporelle des saints.
Frank-Duquesne Albert, Cosmos et gloire, Vrin, 1947.
Michel Aimé, Mélanoïa. Phénomènes physiques du mysticisme, Albin Michel, 1986,
Guitton Jean, Philosophie de la résurrection. Monadologie. Court traité de phénoménologie mystique. Îuvres complètes. Philosophie, Desclée de Brouwer, 1978, V, VI, VII, p. 777-903.
Martelet Gustave, « La Certitude de la foi devant l'improbabilité de la résurrection », Bulletin de la Société de Thanatologie, n' 47, 1980, p. 41-44.
Martelet Gustave, « Les Grandes Intuitions chrétiennes de Teilhard de Chardin », Bulletin de la Société de Thanatologie, n'56, 1983, pp. 10-16. Extrait du livre : Teilhard de Chardin, son apport, son actualité. Colloque du Centre Sèvres, 198 1, Ed. du Centurion.
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Bouflet Joachim, Encyclopédie des phénomènes extraordinaires dans la vie mystique. Les phénomènes lumineux du mysticisme. F.X. de Guibert (Îil), t. I, chap. 2, Paris, 1992.


30. Le Coran, Sourate XXIV, 35.

31. Addas Claude, Ibn al Arabi ou la quête du soufre rouge, Gallimard, 1989, pp. 168-169

32. Id., p. 182.

33. Cordonnier Gérard, « Voyance et mathématiques », Revue métapsychique, n° 2, juin 1966, p. 40.

34. Zafiropulo Jean et Monod Catherine, Sensorium Dei dans l'hermétisme et dans la science, Les Belles Lettres, l976.
Larcher Hubert, Anthropodynamique des phénomènes paranormaux, Rencontres Forepp 1979, Parapsychologie, n° 9, p. 3-21.


35. Bergson Henri, Les Deux Sources de la morale et de la religion, chapitre IV : « Mécanique et mystique », in Îuvres, Editions du Centenaire, PUF, 1959, p 1 245.