juillet 30, 2011

Le rituel de prise d'habit dans les confréries de pénitents


La plupart des villages de la région possèdent encore des chapelles ayant appartenues à des confréries de pénitents. Les pénitents blancs sont les plus répandus. Parfois deux chapelles distinctes semblent opposer les blancs aux noirs dans les bourgs plus importants. Bien sûr la couleur d’un pénitent est celle de son habit, de sa cappa. Cette confrontation entre blancs et noirs a même marqué jusqu’à la toponymie locale puisqu’à Vence, par exemple, les deux promontoires rocheux qui dominent la cité sont appelés « Baou des blancs » et « Baou des noirs », rappelant que ces deux rochers avaient été inféodés chacun à l’une des deux confréries de la ville. Les confréries de pénitents se réduisent à leur couleur (on dit « les blancs » ou « les noirs »), donnant par là lieu à des raccourcis parfois trompeurs.
Avant d’être une couleur, la cappa est un vêtement religieux que tous les pénitents, quelle que soit leur confrérie d’affiliation, revêtent lors d’une cérémonie bien particulière. L’habit du pénitent est appelé « sac » en français, dans le comté de Nice on l’appelle plus volontiers cappa (à Nice), camus ou camisou (dans la montagne). Derrière ces appellations distinctes, on a la même idée d’un vêtement qui recouvre celui qui le porte. Le premier sens de cet habit dans l’ordre du symbole est de venir recouvrir les confrères pour masquer les différences sociales et créer une unité intégrale entre les membres de la confrérie. Le pénitent appartient à une société qui se définit comme idéale, orientée vers une recherche de l’unité et de la fraternité au-delà des différences sociales entre les membres qui s’y agrègent. Dans cet esprit la cérémonie de prise d’habit des pénitents revêt une importance toute particulière, elle oblige à un engagement en conscience auquel le confrère sera lié jusqu’à sa mort.
La première question qui est posée au postulant lors de la cérémonie de prise d’habit est « frère que demandez-vous ? ». Le postulant répond « La miséricorde de Dieu et la paix de cette (archi)confrérie. ». La recherche de la miséricorde divine est la démarche même du pénitent, conscient de son péché mais cherchant à faire le bien dans un élan d’espérance qui mène à Dieu. La profession de la paix a un double sens, d’abord le postulant intègre un groupe que la prière et la charité ancrent dans la recherche de Dieu et cette démarche de paix avec soi et avec le monde doit être acceptée, ensuite le postulant entre dans une famille et comme membre de celle-ci il ne doit pas y apporter la discorde au risque de la détruire.

Souvent inspirées par les Ordres Mendiants, les confréries ont calqué leurs rites de vêture sur les rituels d’agrégation à ces familles religieuses. Parfois des éléments des rituels ont été retranchés, parfois d’autres ont été ajoutés. A la suite du Concile de Trente la diffusion des livres d’offices à l’usage des confréries de pénitents, rédigés et diffusés par le clergé, a contribué à uniformiser la structure des rites des confréries. Dans la pratique chaque confrérie perpétua ses spécificités en amendant les rituels « officiels », les archiconfréries les plus puissantes et les plus riches éditèrent leurs propres rituels pour ne pas être soumises aux choix des évêques ordinaires pour ce qui concerne les livres à utiliser dans leurs chapelles.
Qu’ils soient imposés par les évêques diocésains ou par les archiconfréries, les livres d’offices unifièrent et structurèrent les rituels de prise d’habit. Cette uniformisation se poursuit pour atteindre son apogée au XIX° siècle dans le diocèse de Nice. Les évêques imposent aux confréries l’acquisition de certains livres d’offices, ce livre doit être en possession de chaque confrère sachant lire, les officiers des confréries doivent savoir lire…
De nos jours, malgré une tentative de relecture des rituels anciens par certaines confréries, on peut dire que globalement toutes les cérémonies de prise d’habit sont structurées de façon similaire : après que la confrérie a accepté, selon des modalités extrêmement diverses relevant des dispositions statutaires de chacune d’elles, l’agrégation d’un postulant en son sein, celui-ci est informé de la date à laquelle se tiendra la cérémonie de vêture. En général (mais ce n’est ni obligatoire ni automatique) la cérémonie a lieu au cours d’une messe, souvent le jour de la fête patronale de la confrérie. Si la cérémonie a lieu au cours d’une messe elle se déroule après l’homélie du prêtre, avant la célébration de l’eucharistie. Le postulant qui n’est pas assis parmi les pénitents est invité à s’avancer avec son (ou ses) parrains. Le prieur annonce que la candidature du postulant a été acceptée par l’ensemble des confrères. Le prêtre dit une prière qui introduit la cérémonie de vêture en invoquant l’amour divin sur la confrérie et sur le futur confrère. Le prieur de la confrérie s’avance vers le postulant et lui pose la question rituelle « frère que demandez-vous ? ». Il répond « la miséricorde de Dieu et la paix de cette confrérie ». L’ensemble des confrères dit « que Dieu lui en donne la grâce ». On procède alors à la vêture. Le prêtre bénit les éléments de l’habit, le sac, la corde, éventuellement la croix. Le maître de cérémonie rappelle parfois le sens de ces éléments de la tenue : le sac cache les habits civils, il et est à la couleur de la confrérie et rappelle le caractère transitoire de la vie puisqu’il sera le linceul du pénitent, la corde est un symbole d’obéissance d’humilité et de stabilité. Les parrains aident le nouveau frère à revêtir son habit puis le prieur conclue par l’invocation « revêt l’homme nouveau qui a été créé en Dieu » les frères répondent « selon la justice et la vérité ». On chante le veni creator, chant d’invocation à l’Esprit Saint. Pendant ce chant dans certaines confréries le pénitent est à genoux et on lui remet un cierge allumé au moment où l’on chante « accende lumen sensibus ». Le prêtre conclue le rituel par une prière. Le prieur accompagne le nouveau frère vers les autres pénitents dans le chœur ou sur les bancs réservés à ceux-ci et la messe reprend son cours habituel.
Ainsi, le rituel de prise d’habit dans les confréries de pénitents peut être différent dans ses détails selon le groupe concerné, mais sa structure et son sens restent communs : un postulant dont la candidature a été acceptée par les confrères est présenté publiquement à la confrérie pour être reconnu comme un de ses membres, leur frère et recevoir l’habit qui marque l’égalité et la volonté de servir Dieu sur une voie communautaire librement assumée. L’habit marque aussi fortement l’appartenance à un groupe ainsi on retire l’habit à un pénitent qui manque à son engagement ou qui commet une faute grave, le retrait de l’habit marque la sortie de la confrérie. Souvent l’habit appartient à la confrérie qui le « prête » à chacun de ses membres et, s’il en est reconnu digne, le lui offre le jour de sa mort pour être enterré avec. Ce vêtement simple marque aussi la volonté personnelle de s’engager au service des plus démunis soutenu par les pratiques de dévotion de la confrérie. « L’homme nouveau » que devient le pénitent n’est pas un homme parfait mais un chrétien qui entend cheminer dans l’espérance et la charité en reconnaissant sa petitesse.


Sébastien RICHARD

docteur en histoire

prieur de la Société du St Sépulcre

juillet 27, 2011

Comment différencier un vrai charisme de guérison de la magie

Le P. Cantalamessa commente l’Evangile du dimanche 27 janvier
ROME, Vendredi 25 janvier 2008 (ZENIT.org) - Nous publions ci-dessous le commentaire de l'Evangile du dimanche 27 janvier, proposé par le père Raniero Cantalamessa OFM Cap, prédicateur de la Maison pontificale.

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 4, 12-23

Quand Jésus apprit l'arrestation de Jean Baptiste, il se retira en Galilée.

Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord du lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe :
Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain,Galilée, toi le carrefour des païens : le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre et de la mort, une lumière s'est levée.
A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Comme il marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c'étaient des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. » Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent. Plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans leur barque avec leur père, en train de préparer leurs filets. Il les appela. Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent.
Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.

© Copyright AELF - Paris - 1980 - tous droits réservés

Il guérissait toute maladie et toute infirmité

L'Evangile du troisième dimanche du temps ordinaire se termine par ces paroles : « Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple ». Environ un tiers de l'Evangile est consacré aux guérisons accomplies par Jésus au cours de la brève période de sa vie publique. Il est impossible de faire abstraction de ces miracles ou d'en donner une explication naturelle, sans bouleverser tout l'Evangile et le rendre incompréhensible.

Les miracles de l'Evangile ont des caractéristiques uniques. Leur objectif n'est jamais de susciter de l'émerveillement ou d'élever celui qui les accomplit. Certaines personnes se laissent aujourd'hui impressionner par des personnages qui démontrent des pouvoirs de lévitation, le pouvoir de faire apparaître ou disparaître des objets, et autres choses de ce genre. A qui sert ce type de miracle, en supposant qu'il s'agisse de miracles ? A personne, ou uniquement à soi-même, pour faire des disciples ou gagner de l'argent.

Jésus accomplit des miracles par compassion, parce qu'il aime les personnes : il accomplit également des miracles pour les aider à croire. Il accomplit enfin des guérisons pour annoncer que Dieu est le Dieu de la vie et qu'à la fin, la maladie sera vaincue de même que la mort et « il n'y aura plus de pleur, de cri et de peine ».

Non seulement Jésus guérit mais il ordonne à ses apôtres de faire de même après lui : « Il les envoya proclamer le Royaume de Dieu et faire des guérisons » (Lc 9, 2) ; « Proclamez que le Royaume des Cieux est tout proche. Guérissez les malades » (Mt 10, s.). Nous trouvons toujours les deux choses associées : proclamer l'Evangile et guérir les malades. L'homme a deux moyens pour tenter de surmonter ses maladies : la nature et la grâce. La « Nature » indique l'intelligence, la science, la médecine, la technique ; la « grâce » indique le recours direct à Dieu, à travers la foi, la prière et les sacrements. Ces derniers sont les moyens que l'Eglise a à sa disposition pour « guérir les malades ».

Le mal commence lorsque l'on tente une troisième voie : la voie de la magie, celle qui se base sur des prétendus pouvoirs occultes de la personne, qui ne sont basés ni sur la science ni sur la foi. Dans ce cas, ou bien il s'agit de charlatanisme pur et d'un bluff, ou, pire, de l'action de l'ennemi de Dieu. Il n'est pas difficile de faire la différence entre un vrai charisme de guérison et sa contrefaçon dans la magie. Dans le premier cas, la personne n'attribue jamais les résultats obtenus à des pouvoirs personnels, mais à Dieu ; dans le second cas, les personnes ne font qu'afficher leurs prétendus « pouvoirs extraordinaires ». Lorsqu'on lit par conséquent des annonces du type : Magicien Untel « réussit là où les autres échouent », « résout des problèmes en tout genre », « a des pouvoirs extraordinaires reconnus », « chasse les démons, éloigne le mauvais sort », il n'y a pas le moindre doute à avoir : il s'agit d'une escroquerie. Jésus disait que l'on chasse les démons « avec le jeûne et la prière », et non en soutirant de l'argent aux personnes !

Mais nous devons nous poser une autre question : ceux qui, malgré tout, ne guérissent pas ? Que faut-il penser ? Qu'ils n'ont pas une foi suffisamment grande, que Dieu ne les aime pas ? Si la persistance d'une maladie était le signe que la personne n'a pas assez de foi ou que Dieu ne l'aime pas, il faudrait conclure que les saints étaient ceux qui avaient le moins de foi et qui étaient les moins aimés de Dieu car certains d'entre eux ont passé leur vie entière au lit. Non, ce n'est pas cela. La puissance de Dieu ne se manifeste pas uniquement - en éliminant le mal, en guérissant physiquement - mais aussi en donnant la capacité, et parfois même la joie, de porter sa croix avec le Christ et de compléter ce qui manque à ses souffrances. Le Christ a également racheté la souffrance et la mort. Celle-ci n'est plus le signe du péché, de la participation à la faute d'Adam, mais c'est un instrument de rédemption.