décembre 09, 2018

Économie et acribie


Dans quelle mesure l’application stricte de la loi canonique peut-elle être modérée par les réalités pastorales concrètes ? La tradition orthodoxe de l’économie peut susciter de nouvelles approches de la question du côté catholique.


Basile de Césarée

C’est à propos de la question de l’accueil dans la communion ecclésiale des hérétiques qui reviennent à la foi que Basile de Césarée, au 4e siècle, va poser des principes qui vont constituer la base de la théorie orthodoxe de l’économie. Deux lettres de Basile à Amphiloque d’Iconium sont concernées : la lettre 188, qu’on appelleracanonica prima, et la lettre 199, la canonica secunda. Ces deux lettres sont entrées dans la grande collection des sources du droit orthodoxe [1] Dans sa lettre 188, au canon 1, Basile distingue trois catégories parmi les « allodoxes » : (1) les hérétiques [αἱρέσεις] à proprement parler (pour des questions de doctrine), (2) les schismatiques [σχίσματα] (en matière disciplinaire) et (3) les conventiculaires [παρασυναγωγαί] (des communautés insubordonnées). La question se pose autour du baptême de ces allodoxes : faut-il les rebaptiser s’ils reviennent à l’Église ? Basile répond que le baptême des hérétiques est absolument nul [παντελῶς ἀθετῆσαι], on reçoit celui des schismatiques et on corrige les conventiculaires par une pénitence lourde avant de les réunir à leur rang, en réintégrant à leur rang les clercs. Les Pépuziens (Montanistes) doivent être tenus pour hérétiques. Le cas des Cathares (Novatiens), Encratites, Hydroparastates et Apotactites, qui sont des schismatiques, doit être ramené à celui des hérétiques, car, dit Basile, ils n’ont plus en eux la grâce du Saint Esprit [οὐκέτι ἔσχον τὴν χάριν τοῦ ἁγίου πνεύματος ἐφ’ ἑαυτούς]. Survient alors la phrase la plus discutée de ce canon 1 : « Cependant, comme certains dans le diocèse d’Asie ont décidé de reconnaître leur baptême [des Cathares, Encratites, Hydroparastates et Apotactites] sans faire de distinction, pour le bien d’un grand nombre, qu’il soit reconnu [2]. »
La coutume asiate en question, c’est un accueil dans la communion de l’Église par l’onction chrismale, sans rebaptisation. Basile applique ici le principe de l’économie [οἰκονομίας ἔνεκα τῶν πολλῶν] pour légitimer la reconnaissance du baptême de certains hérétiques par une condescendance pour la brebis perdue qui veut revenir. C’est très clair dans le second emploi du mot οἰκονομία dans ce canon 1, à propos des Encratites.

« Cependant, si cela devait constituer un obstacle à l’économie générale [Ἐὰν μέντοι μέλλῃ τῇ καθόλου οἰκονομίᾳ ἐμπόδιον ἔσεσθαι τοῦτο], il faut nous plier à la coutume et suivre les Pères qui ont géré les affaires ecclésiastiques [τοῖς οἰκονομήσασι τὰ καθ’ ὑμᾶς πατράσιν ἀκολουθητέον] ; j’ai bien peur en effet, que voulant les amener à abandonner la rebaptisation [que pratiquent les Encratites], nous ne mettions obstacle au salut par la sévérité de notre conduite. […] De toute façon, on doit observer la pratique établie [τὸ τῆς προτάσεως αὐστυρόν] d’oindre du saint chrême en présence des fidèles ceux qui ayant reçu leur baptême reviennent à nous et alors seulement les admettre à la communion des mystères. »

Basile maintient qu’aucun véritable sacrement ne peut être reçu en dehors de la véritable Église, et que donc le baptême de ces hérétiques ou de ces schismatiques n’est pas valide. Pourtant, par « économie », on ne réitérera pas leur baptême et on ne suivra donc pas l’application stricte du droit, c’est-à-dire l’ » acribie » [ἀκριβεία κανόνων] pour deux motifs : (1) la pratique générale (à l’économie générale), au nom de la communion de l’Église ; (2) le souci pastoral pour l’individu, puisqu’un converti sincère pourrait être découragé par la rigueur de la loi canonique.


Le régime de l’économie


À partir de cette réponse de saint Basile, on va donner un sens nouveau au mot économie, déjà bien connu en théologie. À la fin du IXe siècle, le patriarche Photius de Constantinople, dans une réponse à un certain Amphiloque, va ainsi expliquer : « On parle d’économie au sens propre pour l’incarnation du Verbe, admirable au delà de toute intelligence. Et en sens contraire au droit strict, l’économie se comprend comme la suppression pour un temps donné, ou une suspension ou l’introduction de relâchements en faveur de la faiblesse des justiciés, le législateur organisant alors économiquement sa prescription [3]. »
Dans le monde orthodoxe, l’économie est donc une dérogation exceptionnelle et dûment motivée d’une, ou de plusieurs normes disciplinaires, mais qui n’institue pas pour autant une dérogation générale et définitive de ces normes : c’est une suspension passagère de l’acribie en une circonstance particulière [4]. Autrement dit, c’est une façon d’apporter un adoucissement de la loi au motif d’une gestion pastorale des situations concrètes des personnes, mais toujours dans le respect de la communion ecclésiale et en s’appuyant sur les canons et la pratique des Pères.

En fait, le binôme économie/acribie ne fait pas l’unanimité parmi les théologiens orthodoxes : ce sont surtout les théologiens grecs qui y font appel sans tous l’interpréter de la même façon. Le rapport plus souple et plus pastoral à la loi et à une conception fortement juridique de l’Église qu’il permet s’explique historiquement par une volonté de se démarquer du juridisme catholique, souvent perçu comme exagéré par les Orientaux. Mais le théologien russe Georges Florovsky voit justement dans cette cause historique la preuve du caractère purement conjoncturel de cette théorie et de sa faiblesse. Il écrit, sévèrement : « L’explication “économique” n’est pas un enseignement de l’Église. Elle n’est qu’une “opinion théologique” personnelle, très tardive et contestable, née au cours d’une période de décadence de la théologie, d’un désir hâtif de se distinguer nettement de la théologie romaine [5]. »


Réception de l’économie dans le monde catholique


Dans la troisième partie d’un article de 1972 [6], Yves Congar a rassemblé des éléments possibles d’une théorie de l’économie dans la tradition occidentale : il énumère ainsi la dispense (avec la distinction d’Hincmar de Reims en 859/860 entre jugement large d’indulgence et jugement strict [7]), l’équité canonique, l’épikie (ἐπιεικεία, qu’on traduit souvent par équité), l’application du principe Ecclesia supplet ou encore la sanatio in radice.
Thomas d’Aquin, dans la Somme de théologie, explique ainsi : « Comme il a été dit plus haut quand il était traité des lois, puisque les actes humains, à propos de quoi les lois sont données, consistent en des faits singuliers et contingents, qui peuvent connaître des variations infinies, il n’est pas possible d’établir aucune règle de loi qui ne soit quelquefois prise à défaut ; mais que les législateurs regardent à ce qui se produit le plus souvent, en fonction de quoi ils proposent une loi qu’en de certains cas il est pourtant contraire à une justice équitable d’observer, ainsi qu’au bien commun, qui est le propos visé par la loi. Ainsi la loi stipule qu’on restitue les dépôts, puisque c’est ce qui est juste dans la plupart des cas. Mais il arrive parfois que cela soit préjudiciable, comme lorsqu’un fou a laissé son épée en dépôt et la réclame alors qu’il connaît un accès de folie, ou si on la réclame pour combattre contre le pays. Dans ces cas-là et dans d’autres semblables il est mauvais de suivre la loi établie, et il est bon au contraire, passant outre aux termes de la loi, de suivre ce que réclame l’esprit de la justice et l’utilité commune. C’est à cela que s’ordonne l’epieikeia, qu’on nomme chez nous équité. Il apparaît clairement de là que l’epieikeia est une vertu [8]. »
Mais on trouve une réception directe de la première lettre canonique de Basile par le magistère le plus solennel de l’Église catholique dans le document conciliaire Orientalium Ecclesiarum, à propos de lacommunicatio in sacris entre catholiques et orientaux : « […] La pratique pastorale montre, cependant, en ce qui concerne les frères orientaux que l’on pourrait et devrait considérer les multiples circonstances relatives à chacune des personnes, circonstances dans lesquelles ni l’unité de l’Église ne se trouve blessée, ni les périls à éviter ne se présentent, mais dans lesquelles au contraire la nécessité du salut et le bien spirituel des âmes constituent un besoin urgent. C’est pourquoi l’Église catholique, en raison des circonstances de temps, de lieux et de personnes, a souvent adopté et adopte une manière d’agir plus douce, offrant à tous les moyens de salut et présentant le témoignage de la charité entre les chrétiens, par la participation aux sacrements et aux autres célébrations et choses sacrées. En cette considération, le Saint Concile, “afin que nous ne soyons pas un obstacle par la sévérité d’une sentence envers ceux qui sont sauvés” [en note : S. Basile, Epistula canonica ad Amphilochium, PG. 32, 669 B], en vue de favoriser toujours davantage l’union avec les Églises orientales séparées de nous, a fixé la manière d’agir suivante. […] [9] »

Il semble donc possible, dans certaines circonstances particulières et par souci pastoral, d’adoucir la rigueur de la loi, sans la remettre en cause. En tout cas, le magistère le plus solennel de l’Église le revendique. Le dernier canon du Code de droit canonique de 1983 s’achève avec un appel à l’équité canonique [10] à propos du transfert d’un curé : « Can. 1752. Dans les causes de transfert, les dispositions du can. 1747 seront appliquées, en observant l’équité canonique et sans perdre de vue le salut des âmes qui doit toujours être dans l’Église la loi suprême. » Cette dernière maxime, « le salut des âmes doit toujours être dans l’Église la loi suprême » ne conclut-elle pas de façon résolument « économique » les textes de lois de l’Église ?


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[1] Les sources de la discipline canonique antique sont éditées par Périclès-Pierre Joannou, Fonti. Fascicolo IX. Discipline générale antique (IVe–IXe s.), t. II : Les Canons des Pères grecs, Grottaferrata : Tipografia Italo-Orientale, 1963 (Pontificia Commissione per la redazione del Codice di Diritto Canonico Orientale).
[2] Ἐπειδὴ δὲ ὃλως ἔδοξέ τισι τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν οἰκονομίας ἓνεκα τῶν πολλῶν δεχθῆναι αὐτῶν τὸ βάπτισμα, ἔστω δεκτόν.
[3] Ad Amphilochiam quæstio I, 14 = PG 101, 64–65.
[4] Voir par exemple la définition qu’en donne Jérôme Kotsonis, Problèmes de l’économie ecclésiastique, (Recherches et synthèses. Section de dogme, 2), Duculot, Gembloux, 1971 (1ère éd. : 1957), p. 182 : « L’Économie existe lorsque par nécessité ou pour le plus grand bien de certains ou de l’Église entière, avec compétence et à certaines conditions, une dérogation de l’Akrivie [= l’acribie] a été permise, temporairement ou de façon permanente, pour autant qu’en même temps la piété et la pureté du dogme demeurent inaltérées. »
[5] « Les limites de l’Église », Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale 10/37 (1961) 28-40, 1ère éd. : 1934, p. 35. P. 33, il estime que l’économie est une « capitulation devant l’équivoque et le vague ». Voir aussi sa note 1, p. 31.
[6] Yves Congar, « Propos en vue d’une théologie de l’“Économie” dans la tradition latine », Irénikon 45 (1972) 155-206
[7] Hincmar de Reims, de prædestinatione. Dissertatio posterior, c. 37, n. XI [PL 125,411D] : hæ sententiæ [sur la réception des clercs hérétiques] ad illam canonum formam pertinent, qua secundum rationis et temporis qualitatem aut propter ecclesiæ utilitatem, aut propter pacis et concordiæ unitatem, non præiudicatis maiorum statutis, quædam aliquando indulgentur, non ad illam qua pro lege irrefragabiliter tenenda constituuntur.
[8] Summa theologiæ, IIa IIæ, q. 120, c.
[9] Orientalium Ecclesiarum, 26 § 1.
[10] Sur l’équité canonique, on consultera en particulier le can. 19 et les commentaires qui en sont faits.



Rémi CHENO

décembre 07, 2018


https://orthodoxie.com/la-turquie-fait-disparaitre-la-culture-chretienne-dans-la-partie-occupee-de-chypre/?goal=0_9357f9bbb5-44e83e9d76-54679795&mc_cid=44e83e9d76&mc_eid=58454b2769

8 DÉCEMBRE IMMACULÉE CONCEPTION DE LA BIENHEUREUSE VIERGE MARIE



Références :
Gen 3,9-15.20 : http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9an4elc.htm
http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9a421ec.htm
Eph 1,3-6.11-12: http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9aeu4va.htm
Lc 1,26-38: http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/9bih1oa.htm


« Je vous salue Marie, pleine de grâce ». Depuis des siècles, des milliers, des millions de fois par jour, la Vierge Marie est saluée par les fidèles avec la salutation de l'Archange, que nous entendons résonner de nouveau dans l'Évangile d'aujourd'hui. Les enfants de l'Eglise apprennent des paroles de l'Archange Gabriel qu’en Marie Très sainte se réalise avec plénitude le mystère de la grâce de Dieu. L'Apôtre saint Paul enseigne que le Père fit demeurer toute plénitude en son Fils incarné (cf. Col 1,12-20), mais cette plénitude déborde du Christ, et de la Tête elle se répand sur le corps Mystique, qui est l'Eglise. Avant de descendre sur le corps, la plénitude du Christ se répand d’une façon unique, qu’on ne peut répéter, sur Marie, prédestinée dès l'éternité à être la Mère de Dieu.

Significativement, la liturgie rappelle dans la première lecture la figure d'Eve, la mère de tous les vivants. Les Pères ont vu en Marie la Nouvelle Eve, qui dénoua le noeud lié par la première femme. Le noeud de la désobéissance embrouillé par Eve, est dénoué par l'obéissance de Marie. Et comme Eve fut créée dans la pureté et dans l'intégrité, ainsi la Nouvelle Eve fut miraculeusement préservée de la contagion de la faute originelle, parce qu'elle devait donner l'humanité au Verbe, qui s'incarnait pour notre rachat. Saint Irénée compare la virginité de la terre pure dont fut tiré Adam à la virginité de l'humanité immaculée de Marie, dont fut tiré le second Adam : « Comme l'homme qui fut modelé le premier, Adam, reçut sa substance d'une terre inculte et encore vierge - Dieu, en effet, n'avait pas encore fait pleuvoir et l'homme n'avait pas travaillé la terre (cf. Gen 2,5) - […] ainsi, en récapitulant Adam en lui-même, Lui qui est le Verbe, il prit justement de Marie, qui était encore vierge, la génération qui est la récapitulation d'Adam » (Adversus haereses, III, 21, 10 http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/cpq.htm).

Le bienheureux Pontife Pie IX a défini, le 8 décembre 1854, que c’est un dogme de foi révélé par Dieu que « la très heureuse Vierge Marie au premier instant de sa conception, par grâce singulière et privilège de Dieu tout-puissant, en vue des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, a été préservée exempte de toute tache de péché original » (Denz. - Schönm., 2803 http://www.clerus.org/bibliaclerusonline/fr/e1o.htm#d4l). Si la proclamation officielle du dogme est relativement récente, la profession de foi des chrétiens et de la liturgie elle-même, sur ce sujet, est très ancienne. En outre, quatre années plus tard, la Vierge Marie en personne, en apparaissant à Lourdes à sainte Bernadette, confirma de nouveau la vérité de la doctrine en se présentant par ces mots : « Je suis l'Immaculée Conception ».

La prédestination de Marie à cette grâce singulière - consistant dans la suspension du décret universel en vertu duquel chaque homme, dès l'instant de sa conception, est contaminé par le péché d'origine - nous mène dans les méandres les plus écartés du mystère du plan salvifique de la Très sainte Trinité. Dieu un et Trine a prévu depuis toujours l’incarnation future du Verbe, qui a pour fin la rédemption du genre humain tombé dans le péché, et il a donc prédestiné la Mère très pure de qui il aurait tiré l'humanité incontaminée, que le Fils aurait assumée pour rétablir en Lui la pureté originaire de la créature et la réorienter vers la gloire éternelle.
C’est pour ce motif que la liturgie, dans la deuxième lecture, nous rappelle, avec saint Paul, que le dessein de Dieu sur nous consiste à vouloir nous contempler, à la fin, saints et immaculés face à Lui. La pureté des origines a été perdue, apparemment de façon irrémédiable. Mais Dieu trouva la solution adaptée pour retourner le désastre causé par le mauvais usage de notre liberté. En Marie Immaculée, l'humanité brille de nouveau de cette pureté originaire qui semblait irrémédiablement perdue.

L'Immaculée Conception de Marie est la conséquence directe de sa Maternité divine. Saint Anselme d'Aoste l’écrit : « Il était juste que soit ornée d'une pureté supérieure, à laquelle on ne puisse rien concevoir de plus grand si ce n’est la pureté de Dieu même, cette Vierge à qui Dieu le Père devait donner son Fils de façon si spéciale, puisque ce Fils serait devenu le Fils commun et unique de Dieu et de la Vierge » (De conceptu virginali et originali peccato, XVIII). Ce lien entre le privilège de la Maternité divine et celui de l'Immaculée Conception de Marie, marque aussi sa supériorité à notre égard. Elle est certainement l’image parfaite de l'Eglise du Ciel, de la Jérusalem nouvelle et triomphante, qui n'a plus ni tache ni ride, au-delà de la douleur et de la mort. C’est pourquoi la Préface d'aujourd'hui déclare : « En Elle tu as marqué le début de l'Eglise, Épouse du Christ sans tache et sans ride, resplendissante de beauté ». Mais même au Ciel, Marie n'est pas et ne sera jamais une simple disciple, serait-ce la plus sublime, de son Fils. Elle est et sera toujours la Mère de Dieu, la Mère de l'Eglise, la Reine des anges et des saints. C’est pourquoi la Préface ajoute : « Et toi [Père saint], tu la prédestinais sur chaque autre créature pour être pour ton peuple avocate de grâce et modèle de sainteté ». Marie fut Immaculée parce qu'elle devait être la Mère de Dieu. Elle n’a pas seulement reproduit en elle la grâce originelle de la pureté, ni cet état final de vie bienheureuse, que nous aussi, en collaborant avec la grâce divine, nous pouvons espérer rejoindre un jour : Marie Immaculée est la Pleine de grâce. Pas seulement une disciple du Christ, qui a dépassé avec le secours de la grâce les liens du péché, mais plutôt le totius Trinitatis nobile triclinium, le noble lieu de repos de la Trinité (saint Thomas d'Aquin, Expositio salutationis angelicae, I). Cette partie élue de l'Eglise dont nous espérons nous aussi faire partie, qui pourra un jour chanter joyeusement devant le trône du Très haut, aura toujours pour Mère et Reine l'Immaculée Pleine de grâce.

CONGREGATIO PRO CLERICIS

décembre 01, 2018

Gnose Païenne et Gnose Chrétienne : Une interrogation sur le mal aspect théologique

L’idée du Mal s’inscrit dans une conception manichéenne du monde
- elle résulte de l’homme toujours insatisfait de sa condition
-
• mais c’est lui seul qui choisit par la Chute cette condition
• ce choix est la conséquence de l’Amour qui est Liberté

- la condition humaine ne permet pas d’accéder à la Connaissance du Vrai
- pourtant, cette connaissance, Dieu l’avait destinée à l’homme comme le rappelle l’Apôtre (I Cor. II, 6-9) :
«Cependant, c'est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, sagesse qui n'est pas de ce siècle, ni des chefs de ce siècle, qui vont être anéantis ; nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre gloire, sagesse qu'aucun des chefs de ce siècle n'a connue, car, s 'ils l'eussent connue, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. »

• l’inconnaissance par le refus de la Vie Intemporelle amène à l’inconnaissance de qui est Dieu
• la vie temporelle maintient l’homme dans un péché suffisant pour ne pas reconnaître qui est Dieu

Alors que la Vraie Connaissance est dans l’union à Dieu, l’homme préféra se séparer de Son Créateur en présumant devenir comme des dieux connaissant le bien et le mal (Gen. III, 4-6)
«Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. »

Certes, le Serpent ne ment pas, il n’est pas d’interdit sur l’arbre qui est au milieu du jardin et sur lequel porte la conversation entre le Serpent et Eve.
La réponse des Pères est que l’homme a voulu se nourrir par ses propres moyens et non de la seule Parole de Dieu, par ce fait il a refusé la vie intemporelle.
La tradition rabbinique considère que finalement c’est de l’arbre de la science du bien et du mal que le fruit fut cueilli (sur lequel seul figure l’interdit), conclusion sans doute émise à la suite de la lecture du verset 11 où l’homme acquérant par la Chute une corporéité, se rend compte qu’il est nu et Dieu l’interpelle (Gen. III, 11)
« Et l'Éternel Dieu dit : Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ?

Cette connaissance du bien et du mal ne peut être qu’imparfaite sinon erronée, car chapardée par l’homme avec ses seules ressources sans le secours de la Grâce, de la Communion à Dieu.

Cette prétendue connaissance car acquise dans le péché de la désobéissance qui est le refus de la vie intemporelle proposée par Dieu, se distingue, s’oppose et fait face à cette autre et vraie Connaissance qu’évoque l’Apôtre en I Cor. II, 6-9, et dont il rappelle :
« nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre gloire, »

Cette Sagesse, cette Connaissance, l’homme la refusa en se détournant de Dieu.

Interrogeons-nous sur notre compréhension du mal

L’Apôtre nous le rappelle (Rom. V, 12)
«C'est pourquoi, comme par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu'ainsi la mort s'est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché,... »

Avant d’aller plus outre, arrêtons-nous sur cette citation et écoutons la Tradition des Pères rappelée par Jean MEYENDORFF :
« En Occident on utilisé cette version pour justifier la doctrine du péché hérité d’Adam et s’é »tendant sur ses descendants. L’original grec ne peut en aucun cas avoir ce sens ; et c’est l’original, bien entendu, que lurent les Byzantins. La forme eph’hô contraction entre epi et le pronom relatif hô, peut être traduite par «parce que ». Cette traduction est acceptée par la plupart des érudits modernes de toutes confessions. Elle nous fait comprendre la pensée de Paul de la façon suivante : la mort qui fut « le salaire du péché » (Rom. VI, 23) pour Adam, est aussi le châtiment qui frappe tous ceux qui pèchent comme lui. Elle pose que le péché d’Adam a une signification cosmique, mais elle ne dit pas que les descendants du premier homme sont « coupables » comme lui, à moins qu’eux aussi pèchent comme lui a péché. » (1)
Alors que Dieu vit que Sa Création était bonne. Il sera remarqué que ce sentiment : «Dieu vit que cela était bon » en Genèse I, 12, 18, 21, 25 et 31, concernent les 3°, 4°, 5° et 6° Jours, alors que toute cette Création bonne est celle se trouvant au-dessous de l’étendue séparant les eaux supérieures des eux inférieures le 2° Jour.

Dieu ne donne pas Son sentiment – si j’ose dire – quant à ce qu’Il accomplit les deux premiers Jours.

Or, comment se présente ce qui précède la Création ?

Il est bien des années, fort d’une jeunesse présomptueuse, à l’école de Fabre d’Olivet, nous traduisions de l’Hébreu : « L'une des lectures de Be - Ré - A - CH - Y - TH peut se faire de la façon suivante :

BRA : constitue la racine du mot création
CHY : signifie justice rendue
TH : indique le principe de réciprocité.

La création est un acte de justice rendue selon une condition de Réciprocité, et avant d'aller plus outre signalons que Rachi dans le cadre de son commentaire du premier verset de la Genèse rappelle "qu'Elohim c'est le nom de Dieu exerçant la justice (2) » (3)

Prenons acte de ce que rien ne sera plus dit – semble-t-il – de ce qui se déroule dans l’étendue au-dessus de l’étendue créée le 2° Jour. En revanche, il échet de noter que cette Création (faite dans le cadre de ce qui est au-dessous de l’étendue créée le 2° Jour) répond si j’ose dire à un acte de Justice rendu selon un principe ou condition de réciprocité, ce qui sous-tend une antériorité à la dite Création.
Bien qu’il convienne de ne pas oublier le sens de la création :
« Be – Re- A – CH – Y – TH
2 2 (00) 1 3(00) 1(0) 4(00)
on notera pour mémoire qu’il a pour valeur 2 + 2 + 1 + 3 + 1 + 4 = 13, et Emmanuel LEVYNE signale que les mots hébreux signifiant Amour, Un, Guérison, Lumière, ont aussi pour valeur 13 (*4). Dès lors, le premier verset du Prologue peut se lire ainsi :
L’Amour était le Logos – L’Unité était le Logos – la Guérison était le Logos – La Lumière était le Logos. »(4)
Notre méditation nous conduit à comprendre ou déduire que la Création est un acte de Justice et d’Amour afin de procéder à une Guérison.

Une guérison !

Entendons le récit de la Genèse : « il y avait des ténèbres à la surface de l'abîme, et l'esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux » (Gen. I, 2)

Se présentent donc avant la Création :

- l’Esprit de Dieu planant sur les eaux
- la Ténèbre à la surface (mais non) dans l’Abîme …

La Ténèbre pourrait très bien suggérer la Chute pré-originelle sur laquelle nous méditions déjà (5) et, dans ces conditions la Création constituerait la mise en place des conditions permettant à l’homme de ramener à Dieu ceux qui s’en éloignèrent (6), lorsque la première étape confiée à l’homme était déjà de garder et cultiver le Jardin d’Eden soit permettre en la protégeant, l’expansion de la Création, œuvre des six Jours : « L'Éternel Dieu prit l'homme, et le plaça dans le jardin d'Éden pour le cultiver et pour le garder » (Gen. II, 15) (7)

Nous comprendrons peut-être mieux le sens de ces paroles de NSJ+C en Son dialogue avec Son Père en cette nuit de Gethsémani, - alors que les disciples dorment et ne purent veiller même une heure… - , «C'est pour eux que je prie. Je ne prie pas pour le monde » (Jean XVII, 9)
Les conséquences de la Chute pré-originelle sont dans cette Création fruit des six Jours, face à ce premier acte où au lieu de garder la Nature et donc la Création, la contrôler et la maintenir dans la communion à Dieu, c’est le Monde, par ses matériels prestiges, qui contrôla l’homme et l’entraîna à se séparer de Dieu. Ce Monde qui a un Prince, Royaumes que NSJ+C ne conteste pas lors de la troisième tentative de tentation au Désert (7)
Dès lors que ce monde a un Prince parce que, de première part, cette Création fut faite en un acte de Justice à savoir ramener ce qui s’était séparé de Dieu à Son Créateur, de seconde part, l’homme se trouva enrôlé dans les chaînes de celui qui, pour des motifs qui peuvent n’être pas mauvais (8) l’amena à chuter.
Il convient avant d’aller plus outre de rappeler que contrairement à l’idée que nous nous faisons d’un manichéisme opposant le bien et le mal, et avant d’en venir à la pensée d’un Thomas d’Aquin par exemple, rappelons cette traditionnelle pensée des Pères de l’Eglise sur « Les Droits du démon » parfaitement bien relatée par l’abbé RIVIERE (9)
Nous posions une interrogation sur notre compréhension du mal.
C’est PELADAN à l’occasion de l’un de ses romans en un dialogue entre Bélit et Sathan :
"Bélit : Alors seras-tu pardonné ?
Sathan : Le dernier puisque je suis le plus coupable.
"Bélit : Ton châtiment on l'enseigne éternel.
"Sathan : Manichéenne. Crois-tu à un principe du mal ? Quand je suis tombé je n'étais que le plus élevé des rapports ; or le plus grand relatif ne peut pas entraîner une conséquence d'absolu. J'ai voulu réaliser l'idéal divin : je suis puni jusqu'à dépendre de l'imagination humaine. » (10)

Le plus grand relatif, ne peut pas entraîner une conséquence d’ absolu !

Tout est dit ou presque car PELADAN ajoute : «je suis puni jusqu'à dépendre de l'imagination humaine. »

La notion du mal dépend de notre imaginaire, de notre culture, conditionnés par les conséquences de notre Chute, qui ne nous autorisent pas à percevoir de ce qui n’est ni le Bien, ni le Mal, à savoir l’Amour qui, s’il était vécu comme il est demandé dans les Evangiles, nous ferait dire avec l’Apôtre : « ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi. » (Galates II, 20)
Lors donc de notre prochaine rencontre nous examinerons non plus l’aspect strictement théologiquement de ce Mystère que l’on attribue au mal, mais plus précisément sa compréhension dans l’histoire des pensées manichéennes, et des gnoses que l’on ne peut qualifier que de païennes.
Juste une dernière référence, cette déclaration du Docteur Angélique quant à savoir si les démons sont naturellement mauvais : « Les démons ayant de l'inclination pour le bien général ne peuvent être naturellement mauvais." (11)

Jean-Pierre BONNEROT

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1 - Jean MEYENDORFF : Initiation à la théologie byzantine, 1975 Paris, Le Cerf Ed, pages 194 et 195
2 Jean-Pierre BONNEROT : Le Prologue de Saint Jean dans la tradition chrétienne et l’exégèse scripturaire 1984 Toulouse, Cahiers d’Etudes Cathares N° 102, page 5. Pour un accès internet : https://www.esoblogs.net/2250/le-prologue-de-saint-jean-dans-la-tradition-chretienne-et-l-exegese-scripturaire-1/ et https://www.esoblogs.net/2263/le-prologue-de-saint-jean-dans-la-tradition-chretienne-et-l-exegese-scripturaire-2/
3 «l n’est pas dit : « Hachem créa », mais « Eloqim créa »... L’intention première de Dieu avait été de créer le monde selon l’attribut de justice, [Eloqim étant le nom de Dieu lorsqu’Il exerce la justice], mais Il s’est rendu compte qu’il ne subsisterait pas. Aussi a-t-Il fait passer au premier plan l’attribut de miséricorde [Hachem étant le nom de Dieu lorsqu’Il agit avec miséricorde] et l’a-t-Il associé à celui de la justice. C’est ainsi qu’il est écrit : « le jour où Hachem-Eloqim fit terre et cieux » (infra 2, 4) (Beréchith raba 12, 15). » Pour un accès internet : http://www.sefarim.fr/ Cf. Gen. I, 1commentaire donné par Rachi.
4 Pour cette version électronique, cote de la référence modifiée : Emmanuel LEVYNE : La kabbale du commencement et la lettre B(eith) 1982 , Cagnes sur Mer, TSEDEK Ed, page 59
5 THEOCAFE N° 1 : La création pré-originelle et la chute d’une partie du monde angélique ; l'oeuvre des 6 jours et la chute de l'homme: rapports et conséquences. Pour un accès internet : https://www.fichier-pdf.fr/2018/02/06/theocafe-n-1-1/
6 Sur les devoirs de l’homme envers la Création, pour un accès internet : http://ordre-de-lyon.blogspot.com/2017/05/les-devoirs-de-lhomme-envers-la-creation.html
7 Il conviendrait une fois pour toutes et comme nous le rappelons depuis un demi-siècle, que l’on cesse d’attribuer au Christ Jésus des tentations, Il ne peut être tenté étant pour le Chrétien, Dieu, puisque NSJ+C est Dieu et ; La mauvaise théorie des deux natures dans le Christ ne résiste pas à la saine Doctrine de la Tradition de l’Eglise puisque Le Fils est de même nature que Le Père, (qui n’a évidemment pas deux natures…) ainsi le la Profession de Foi du 1er concile, celui de Nicée en 325 énonce (DESINGER Symboles et définitions de la Foi Catholique , 2005, Paris, Cerf Ed, art ? N° 135, page 39, pour un accès internet : http://catho.org/9.php?d=g0
« Version grecque :
Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de tous les êtres visibles et invisibles, et en un seul Seigneur Jésus Christ, le Fils de Dieu, engendré du père, unique engendré, c'est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré non pas créé, consubstantiel au Père, par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre, qui à cause de nous les hommes et à cause de notre salut est descendu et s'est incarné, s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté aux cieux, viendra juger les vivants et les morts, et en l'Esprit Saint.

Version latine :
Nous croyons en un seul Dieu, Père tout-puissant, créateur de tous les êtres visibles et invisibles. Et en notre seul Seigneur, Jésus Christ le Fils de Dieu, né du Père, unique engendré, c'est-à-dire de la substance du Père, Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, né, non pas créé, d'une unique substance avec le Père (ce qu'en grec on appelle homoousios ), par qui tout a été fait, ce qui est dans le ciel et ce qui est sur la terre, qui à cause de notre salut est descendu et s'est incarné, s'est fait homme, a souffert et est ressuscité le troisième jour, est monté au ieux, viendra juger le vivants et les morts. Et en l'Esprit Saint. » Les mots « de la même substance » seront rapidement remplacés par « de même nature » …
8 Jean-Pierre BONNEROT : Satan, Lucifer, le Prince de ce monde et les démons dans la tradition chrétienne et l’exégèse scripturaire 1982, Cahiers d’Etudes Cathares N° 96. Pour un accès internet : https://www.esoblogs.net/3214/satan-lucifer-le-prince-de-ce-monde-et-les-demons-dans-la-tradition-et-l-exegese-scripturaire-pdf/
9 Abbé J. RIVIERE : Le dogme de la rédemption Essai d’étude historique, 1905, Paris, Lie Victoir LECOFFRE Ed, pages 373 à 394 ; Pour un accès internet : http://www.theologica.fr/ >> http://www.theologica.fr/Pg_TheologieDogmatique.htm >> onglet théologie de la rédemption. Pour le théologien et l’historien des idées, il sera intéressant de prendre connaissance de la controverse sur ce sujet entre 1911 et 1913 dans le cadre de la revue Recherche de sciences religieuses, et mise en forme par nos soins : https://www.fichier-pdf.fr/2018/08/30/la-question-des-droits-du-demon-texte-revise/
10 Joséphin PELAN : Cœur en peine, 1890, Paris Dentu Ed, page 305. Pour un accès internet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5842784r.r=coeur%20en%20peine%20PELADAN?rk=21459;2
11 Thomas d’Aquin : Somme Théologique, Des Anges, question63 Article 4 Conclusion, 1851 Paris Lie Eugène BELIN Ed, tome 1, page 543. Pour un accès internet https://archive.org/details/lasommethologi01thom/page/542

novembre 28, 2018

Errare humanum est, perseverare diabolicum Jusqu’où va aller la destruction de l’Eglise Byzantine par Constantinople ?


Qu’attendent les Eglises Byzantines pour réagir face aux agissements de celui qui sous prétexte de disposer d’une préséance d’honneur, agit – contrairement aux canons de la tradition byzantine – à la manière d’un Pape.


Il n’aura pas suffi à cet évêque de provoquer de graves remous dans l’Eglise orthodoxe en voulant reconnaître des mouvements schismatiques contre une Eglise canonique reconnue par ses sœurs dans ce litige ukrainien : https://theologie-et-questions-disputeses.blogspot.com/2018/10/il-aura-dechire-la-robe-sans-couture.html il lui faut maintenant dissoudre l’Archevêché des églises orthodoxes russes en europe occidentale : https://orthodoxie.com/le-patriarcat-oecumenique-vient-de-dissoudre-larcheveche-des-eglises-orthodoxes-russes-en-europe-occidentale/


Ces agissements qui ne sont que les prémices sans doute d’autres actions, détruisent non pas seulement le principe de collégialité propre à la tradition byzantine, mais aussi, si j’ose dire, l’âme de l’Eglise Orthodoxe au plan spirituel, et sa structure au plan visible.

Il est une urgence pour les Eglises Byzantines de réagir, il leur échet de dire et juger si l’évêque de Constantinople doit être déposé, faisant droit notamment au 51° canon de Saint Basile le Grand (troisième lettre) énonçant : « De ce que tout clerc qui a fauté subira la déposition :A propos des clercs, les canons parlent d'une manière indéterminée, ordonnant que les clercs fautifs ne subiront qu'une seule peine, la suspense de leurs fonctions, soit qu'ils occupent un grade dans la hiérarchie, ou qu'ils accomplissent un service qui ne comporte pas l'imposition des mains. »

Toutefois, l’Eglise Byzantine en sa collégialité, envisagera-t-elle de se prononcer face à l’attitude « césaro-papiste » de l’actuel évêque de Constantinople, ne pas le faire sera entériner une modification fondamentale de la tradition byzantine, mais c’est l’Histoire qui apportera sa réponse.


Jean-Pierre BONNEROT

novembre 13, 2018

L'INCORRUPTIBILITÉ MYSTIQUE DES CORPS DES SAINTS [ MYSTÈRE RÉVÉLÉ ]

Chrsitianisme et Islam

Comme presque toujours, le représentant de l'Eglise est frileux et n'ose pas aborder ou méconnaît les justes arguments comme la vraie raison de l'Incarnation de NSJ+C face à la rupture des Alliances antérieurement proposées à le home, comme la réflexion sur qui aurait un intérêt à nier la résurrection de NSJ+C et pourquoi, etc. Bref, à écouter avec des réserves.

https://youtu.be/byKna0um49E

octobre 29, 2018

A propos d'un livre sur les Chrétiens d'Orient


Avec certains milieux de l'Orthodoxie française, il conviendra d'être prudent, depuis longtemps l'Institut St Serge ne dispose plus des cadres, de la qualité des professeurs qui firent sa renommée; A propos du titre choisi pour cet ouvrage, "malédiction" : de qui ? Pour qui ? Terme non scientifique et inapplicable au plan théologique dans la question soulevée. On comprend que face à ces professeurs de St Serge, un autre séminaire ait été créé pour la formation des ecclésiastiques, par le Patriarcat de Moscou.

Orthodoxie Parution : "La malédiction des chrétiens d'Orient" de Jean-François Colosimo

octobre 26, 2018

Franc-Maçonnerie et Syncrétisme.



J’avais en son temps défendu ce prêtre dans une lettre ouverte à l’évêque d’Annecy : http://theologie-et-questions-disputeses.blogspot.com/2013/08/lettre-ouverte-leveque-dannecy.html , mais lorsque de telles réunions voudraient rendre presque équivalentes des pensées religieuses ou philosophiques, dès lors que l’on se déclare chrétien, il y a grand danger d’un syncrétisme qui ne peut être admis.

A un certain niveau spirituel, le partage de l’expérience de La Présence entre des voies différentes est possible, on se rapproche alors à cette Gnose qu’évoque St Paul (I Cor. II, 6 et ss), mais présentement, ce n’est pas de cette Gnose qu’il peut s’agir, et sans être un regret pour cette Lettre ouverte, considérons-là comme l’expression d’une espérance.

JPB


https://medias-catholique.info/mascarade-maconnique-inter-religieuse-avec-lex-cure-de-megeve-excommunie/18791

octobre 25, 2018

Les arguments grossièrement fallacieux de Constantinople, comme réponse à la critique de sa violation des canons byzantins.



Le patriarche Bartholomée évoque des « articles bien payés » et une « propagande odieuse » par les Russes à l’encontre du Patriarcat œcuménique
À l’occasion du 150ème anniversaire de la fondation de la communauté grecque de Feriköy (Istanbul), le patriarche Bartholomée a déclaré au sujet du problème ukrainien : « Que cela plaise à nos frères russes ou non, tôt ou tard, ils suivront la solution donnée par le Patriarcat oecuménique, car ils n’auront pas d’autre choix », ajoutant qu’il était au courant « des articles bien payés » et de « la propagande odieuse » de la partie russe, qui attaquent le Patriarcat œcuménique. « Nos frères slaves ne supportent pas la préséance du Patriarcat œcuménique et de notre nation au sein de l’orthodoxie », a-t-il conclu.


Source : https://orthodoxie.com/le-patriarche-bartholomee-evoque-des-articles-bien-payes-et-une-propagande-odieuse-par-les-russes-a-lencontre-du-patriarcat-oecumenique/?fbclid=IwAR2RSYmqv4VjnyJF-mvMoCHLkLPSnvxcKf380O-i-acF1npy9ZxJsPr3q58

Quand le Patriarcat de Constantinople joue Tartuffe ou l’Imposteur…


Alors qu’en faisant fi du principe de collégialité qui unit les Eglises Byzantines, et que refusant leur légitime demande d’un synode ou d’un concile, lorsque ces Eglises n’avaient pas déjà pris position contre la décision unilatéralement (et invalide canoniquement) de l’évêque de Constantinople de reconnaître et accueillir deux mouvements schismatiques, comment dès lors face à tant d’orgueil peut-il suggérer une prière pour l’unité de l’Eglise (Byzantine) déclarant qu’il faut s’humilier les uns devant les autres.

Que l’évêque de Constantinople fasse preuve d’humilité, en reconnaissant son erreur pour avoir mélangé politique et religion, à défaut, cette demande de prière a-t-elle un sens ?

Jean-Pierre BONNEROT

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Une prière pour l’unité de l’Eglise

Le bureau de l'archevêque de l'Archevêché des églises orthodoxes russes en Europe occidentale (exarchat du Patriarcat oecuménique) a publié le communiqué suivant :
"Nous vous informons que notre archevêché-exarchat relevant de la juridiction du Patriarcat oecuménique, est en pleine communion avec toute l’Église orthodoxe. En effet le Patriarcat oecuménique, n’a pas rompu la communion avec le Patriarcat de Moscou et continue de le mentionner selon l’ordre des diptyques.

Tous les fidèles orthodoxes, peuvent donc participer pleinement à la vie liturgique et sacramentelle dans nos paroisses.

Nous invitons tous les prêtres, diacres, moines, moniales et fidèles de notre archevêché-exarchat à prier pour l’unité de l’Église, et nous demandons aux prêtres de prononcer à haute voix à la fin de la litanie instante pendant la liturgie, la prière suivante inspirée de l’archimandrite Sophrony.

Prière pour l’unité de l’Église

Seigneur Jésus-Christ, Agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde, donne-nous la force d’aimer comme Tu nous l’as commandé.
Lorsque Tu as dit à tes disciples : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés », et accorde-nous grâce et sagesse pour accomplir chaque jour ce commandement.

Par ton Saint-Esprit, donne-nous le courage de nous humilier les uns devant les autres, comprenant que celui qui aime davantage s’humilie aussi davantage.

Apprends-nous à prier les uns pour les autres et à porter les fardeaux les uns des autres avec patience. Par le lien d’un amour indéfectible unis-nous autour de nos vénérés patriarches et évêques comme les brebis dociles d’un seul troupeau autour de leurs pasteurs qu’elles aiment.

Donne-nous de voir en chacun de nos frères et en chacune de nos sœurs l’image de ton ineffable gloire, et de ne jamais oublier que notre frère est notre propre vie.

Et place-nous sous la protection de ta très sainte Mère, de ton précurseur Jean-Baptiste et de nos vénérables Docteurs, Pères et Confesseurs de la foi."


Source : https://orthodoxie.com/une-priere-pour-lunite-de-leglise/?goal=0_9357f9bbb5-0499b66436-54679795&mc_cid=0499b66436&mc_eid=58454b2769

octobre 24, 2018

Il aura déchiré la tunique sans couture Texte révisé



Les événements tragiques qui assombrissent l’Eglise Byzantine dans la décision prise unilatéralement, par l’évêque de Constantinople, d’accorder l’autocéphalie à deux mouvements schismatiques ukrainiens, voulant ignorer de surcroît la légalité de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine reconnue par l’ensemble des Eglises Orthodoxes, conduisent à déstabiliser – par la volonté d’un seul homme – l’unité dans la collégialité des Eglises dites Byzantines.

Ce fait au regard de l’Histoire est d’une particulière gravité et semble ne s’être encore jamais produit (1). La gravité qui résulte donc de cet événement, tient à l’irrespect et la négation de l’ecclésiologie particulière qui unit l’ensemble des Eglises Byzantines dans une Foi les amenant à penser qu’elles représentent seules la véritable Eglise.

L’Apôtre nous prévient : «que tout se fasse convenablement et avec ordre. » (I Cor. XIV, 40)
Or, comme il sera examiné, l’ordre ne prévalait pas dans les actes qui conduisirent l’évêque de Constantinople à la décision critiquée, et s’avère patent l’irrespect des règles les plus élémentaires de l’ecclésiologie et du droit canonique.

L’Eglise est durant le premier millénaire une pentarchie. La séparation opérée à l’initiative de Rome en 1054 conduira les Eglises locales d’Orient à se référer à des dispositions énoncées par le Concile de Chalcédoine selon ses canons 9 et 17 qui énoncent, de première part : «9. Que les clercs ne doivent pas recourir à un tribunal civil, mais avoir leur évêque pour juge. Si un clerc a quelque chose contre un autre clerc, il ne doit pas laisser son évêque pour recourir à des tribunaux civils; qu'il soumette d'abord l'affaire au tribunal de son évêque, ou, de l'avis de l'évêque, à ceux que les deux parties agréeront; si quelqu'un agit contre cette prescription, qu'il soit frappé des peines canoniques. Si un clerc a quelque chose contre son évêque ou contre un évêque étranger, il doit porter le différend devant le synode de la province. Enfin, si un évêque ou un clerc a quelque chose contre le métropolitain de la province, il doit porter l'affaire devant le primat du diocèse ou bien devant le siège de la ville impériale de Constantinople, et s'y faire rendre justice. », et de seconde part : «17. Que l'administration de trente années assure la possession, et au sujet des villes récemment fondées. Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une Église doivent rester sans changement aux évêques qui les possèdent, surtout s'ils les ont administrées sans conteste depuis trente ans. Si pendant ces trente ans il a éclaté ou s'il éclate un différend, ceux qui se croient lésés peuvent porter l'affaire devant le synode de la province. Si en pareil cas l'évêque pense que son propre métropolitain l'a desservi, qu'il porte l'affaire devant l'exarque du diocèse ou bien devant le siège de Constantinople comme il a été dit plus haut. Si par ordre de l'empereur une ville a été ou sera fondée, le rang hiérarchique des églises devra se conformer à l'ordre civil et public des cités. » (2), au motif que selon le canon 3 du Concile de Constantinople : « 3. Que l'évêque de Constantinople est le second après celui de Rome. Cependant l'évêque de Constantinople aura la préséance d'honneur après l'évêque de Rome, puisque cette ville est la nouvelle Rome »

Avant d’aller plus outre, il sera fait observation que les dispositions rappelées touchant Chalcédoine, le canon 9 est inopérant au motif – ainsi,celui qui prétendait porter l’affaire touchant la reconnaissance de son Eglise avec demande de son élévation au rang de Patriarcat n’était plus clerc vu son excommunication qui sera discutée, le canon 17 est tout aussi inopérant au motif que cela fait bien plus de trente ans que l’évêché de Kiev est sous la juridiction du Patriarcat de Moscou à savoir depuis plusieurs siècles (3).
Les tenants d’une sorte de juridiction suprême, s’apparentant à celle du Pape de Rome, invoquent le canon 28 du concile de Chalcédoine qui énonce : «28. Vœux pour la primauté du siège de Constantinople. Suivant en tous les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mû par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'église, tout en étant la seconde après elle; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'église de Constantinople; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci. » (2)

Face à cette approche « papiste » de l’ecclésiologie byzantine, la tradition insiste sur la collégialité où rien ne doit être décidé sans l’avis de tous. Ainsi, le canon 34 des Saints Apôtres énonce : « 34. Que les évêques doivent reconnaître l'autorité de leur primat. Les évêques de chaque nation doivent reconnaître leur primat et le considérer comme chef ; ne rien faire de trop sans son avis et que chacun ne s'occupe que de ce qui regarde son diocèse et les campagnes dépendant de son diocèse. Mais lui aussi, qu'il ne fasse rien sans l'avis de tous ; car la concorde règnera ainsi et sera glorifié le Père et le Fils et le saint Esprit. » (2)

Il sera fait observation que nombreuses furent les Eglises locales à s’opposer à l’attitude de l’évêque de Constantinople (4), invoquant le devoir de collégialité devant précéder toute décision, au point de demander comme le Patriarcat de Bulgarie, la tenue d’un concile (5), ou celui d’Antioche la réunion des Primats des Eglises autocéphales (6) afin de réfléchir sur la demande formée d’autocéphalie par le schismatique ancien évêque et clerc de l’Eglise de Kiev, excommunié par Moscou pour s’être autoproclamé Patriarche de Kiev. .
La question d’une sorte de souveraineté de la part de Constantinople, au motif de sa capacité à recevoir des Appels selon les cas prévus par les canons, ne donne pas pour autant une supériorité à cette Eglise car alors le concept de « premier parmi les égaux » n’aurait plus aucun sens et dénaturerait le tronc byzantin où la préséance reconnue par les autres Eglises byzantines, ne donne pas autorité à Constantinople pour intervenir et pire se substituer, dans l’administration des autres Eglises. Cette ingérence dans les affaires du Patriarcat de Moscou est particulièrement grave, au point d’autoriser l’historien, le théologien et le canoniste à s’interroger sur la voie ainsi délibérément ouverte par Constantinople, à générer la destruction de ce que fut la tradition byzantine.

Constantinople n’est pas Rome, l’ecclésiologie est différente et en tous les cas qu’il s’agisse de l’Eglise Latine ou de l’Eglise Byzantine, contrairement à ce que font les évêques de Rome et de Constantinople aujourd’hui, l’Eglise n’a pas à s’occuper du politique, ce temporel qui relève de l’Etat, mais uniquement du champ spirituel, tâche suffisamment lourde pour que l’Eglise ne dispose pas même de temps pour envisager même de s »occuper de ce qui ne relève pas de sa mission. Que viennent donc faire tout à la fois et le Président de l’Ukraine (7) et les USA (8) dans cet appui près de Constantinople pour la reconnaissance d’une autocéphalie à deux mouvements schismatiques non reconnus par l’Eglise Orthodoxe ?
La Tradition de l’Eglise Indivise est claire et ferme sur la séparation entre l’Eglise et l’Etat, à cet égard nous ne choisirons cet exemple, reprenant la Lettre de Saint Grégoire II rappelant à Léon Isaurien : «Vous savez, Prince, que la décision des dogmes de foi n'appartient pas aux empereurs, mais aux pontifes, qui veulent eu conséquence les enseigner librement. C'est pourquoi, comme les pontifes, qui sont préposés au gouvernement de l'Église, ne se mêlent point des affaires de l'Etat, les empereurs doivent pareillement ne se point mêler des affaires ecclésiastiques, et se borner à celles qui leur sont confiées. Souffrez donc, Seigneur, que je vous exprime la différence qui se trouve entre les palais et les églises, entre les empereurs et les pontifes. Apprenez-le pour votre salut, et cessez toute dispute sur cela. Comme le pontife n'a pas le droit d'étendre son inspection sur les palais, ni de donner les dignités royales, ainsi l'empereur ne doit point étendre la sienne sur les églises, ni s'ingérer de faire les élections dans le clergé, de consacrer ou d'administrer les sacrements, ni même d'y participer sans le ministère des prêtres. Il faut que chacun de nous demeure dans l'état auquel Dieu l'a appelé. » (9)

Que répond NSJ+C interrogé ? «Ma royauté n'est pas de ce monde. » (Jean XVIII, 26). L’Eglise fondée au soir de La Résurrection (Jean XX, 19-23) a pour base l’Esprit Saint, et la tradition byzantine ne pourra aujourd‘hui ou demain contester cette base, qui est sans cesse rappelée par elle, sauf à se détruire elle-même. Dans ces conditions, et sans faire appel aux conciles et aux canons, comment l’Eglise Byzantine peut-elle admettre une ingérence du politique, de l’Etat dans sa mission, sa fonction ?

Il convient d’examiner les faits au plan canonique.

Préalablement il sera fait observation que celui que l’évêque de Constantinople entend reconnaître et replacer dans ses anciennes fonctions, est un ancien clerc puisqu’excommunié par le Patriarcat de Moscou et déposé.

La levée de l’excommunication ne fut pas accomplie au motif déjà que, préalablement à tout examen, cet ancien clerc (excommunié et déposé selon le rappel des faits suivants : «Le métropolite Philarète (Denissenko) a été déposé et réduit à l’état laïcs par une décision du Concile épiscopal de l’Église orthodoxe ukrainienne de Kharkov, en date du 27 mai 1992, pour n’avoir pas tenu les serments jurés sur la croix et l’Évangile lors du précédent Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe.

Le Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe, par un décret du 11 juin 1992, a confirmé la décision du Concile de Kharkov, et déposé Philarète Denissenko, le privant de tous ses rangs ecclésiastiques selon les chefs d’accusation suivants : « Traitement cruel et hautain envers le clergé subordonné, autoritarisme et chantage (Tit 1, 7-8 ; canon apostolique 27) ; a introduit le scandale parmi les fidèles par sa conduite et sa vie privée (Mt 18, 7 ; 3e canon du Ier Concile œcuménique ; 5e canon du VIe Concile œcuménique) ; parjure (25e canon apostolique) ; calomnie publique et blasphème contre le Concile épiscopal (6e canon du IIe Concile œcuménique) ; célébrations de rites, y compris d’ordinations sacerdotales, en état d’interdiction (28e canon apostolique) ; formation d’un schisme dans l’Église (15ecanon du Concile de prime-second). » Toutes les ordinations célébrées par Philarète après sa réduction à l’état laïc, à compter du 27 mai 1992, ainsi que les pénitences qu’il a imposées, sont reconnues comme invalides.

Malgré les appels constants au repentir, après avoir été déchu de sa dignité archiépiscopale, Philarète Denissenko a poursuivi son activité schismatique, notamment sur le territoire d’autres Églises locales. Il a été frappé d’anathème par un décret du concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe de 1997. Ces décisions ont été reconnues par toutes les Églises orthodoxes locales, y compris par l’Église constantinopolitaine. » (10)
La levée d’une excommunication suppose - dès lors que la sentence est maintenue par celui qui l’a prononcée – que celui qui en est frappé fasse pénitence, et sollicite de qui a prononcé la décision, une demande de levée de cette dernière.
Non seulement l’ancien clerc est demeuré dans ses erreurs et a aggravé celles-ci notamment en prétendant ordonner des clercs et se déclarer Patriarche de Kiev, mais jamais il ne semble avoir fait pénitence, regretté ses fautes, pire, maintenu un orgueil dans sa simple demande exposée de manière anodine – vingt-six ans plus tard – à savoir par sa lettre au Patriarche de Moscou écrivant notamment : « Je m’adresse à vous en vous appelant à prendre les décisions appropriées, grâce auxquelles sera mis fin à la confrontation existante. À savoir : considérer nulles et non avenues toutes les décisions, dont les sanctions et les excommunications, » (11).

Une levée d’excommunication, une absolution ne peut se faire par courrier, mais suppose dans l’Eglise Indivise et de tout temps, que le pécheur, conscient de ses erreurs, ait le ferme propos de ne pas recommencer et fasse pénitence. Ces conditions sont obligatoires, car la sanction est médicinale et a pour but non pas de condamner pour toujours un être mais de lui permettre, face à cette excommunication, de réfléchir, prier et revenir sur ses erreurs. Force est de constater que dans le cas d’espèce, la vertu médicinale est totalement méconnue par cet ancien clerc.
Il sera fait observation que la demande de levée des sanctions près le Patriarche de Moscou est sans fondement et sera déclarée inexistante.
Comment un Appel peut-il être formé dans ces conditions près de Constantinople si déjà ne sont pas avérés et le ferme propos de ne pas recommencer les erreurs, et de faire pénitence, par la conscience de celles-ci ?
Alors qu’en aucun cas Constantinople n’agissait selon les règles canoniques pour ouvrir et délibérer sur un possible Appel (12), et décidait si l’on peut dire « à brûle pourpoint » de la levée et du rétablissement dans son état ecclésiastique de cet ancien clerc, sans contester de surcroît vingt-six années d’irrégularités notoires. Une telle attitude revient à cautionner pour Constantinople l’indiscipline et le schisme, au détriment de l’unité, de la sagesse et de l’ordre.

Sagesse et Ordre ne furent pas respectés par Constantinople, car l’Appel de surcroît ne peut concerner toutes les causes. Ainsi ce dernier est impossible pour l’ancien clerc ayant été évêque, au regard du canon 15 du concile d’Antioche qui expose : «15. Des évêques condamnés unanimement par ceux de la province. Lorsqu'un évêque a été accusé de diverses fautes et que tous les évêques de la province ont été unanimes à porter sur lui un jugement défavorable, il ne pourra plus se présenter devant un autre tribunal, mais la décision des évêques de la province restera irrévocable. » (2)
Constantinople a violé les dispositions des canons des saints conciles et des Pères, lorsque tant spirituellement (ferme propos et pénitence) que canoniquement (canon 15 d’Antioche), il a enfreint de surcroît à son devoir de ne point mêler Eglise et Etat, et s’est immiscé dans les affaires d’une autre Eglise, violant ainsi les saint canons.

Sur la question de l’indépendance des Eglises dans l’administration de leurs propres affaires, cet aspect fut et demeure largement débattu dans la presse spécialisée notamment byzantine, sans qu’il soit nécessaire de s’y attarder particulièrement.
Ce qui importe dans cette réflexion c’est le constat d’une Eglise Byzantine formée par l’association d’Eglises locales autonomes, régie par des canons , et aujourd‘hui ces derniers sont violés par un « patriarcat d’honneur » mais sans supériorité face à ses Eglises sœurs pour agir tel un Pontife Romain sur l’ensemble des dites Eglises : l’avenir qui se pose est de savoir si ces Eglises locales entérineront le « césaro-papisme » de Constantinople au point de dénaturer la particularité de la tradition byzantine, ou bien si certaines Eglises voulant rester fidèles à la Tradition Byzantine se sépareront du tronc commun : en tous les cas en préférant cautionner les schismatiques, Constantinople agissait pour que l’Eglise Byzantine ne sorte pas indemne de cette confrontation.


Jean-Pierre BONNEROT
Notes
1 jusqu’alors, comme le souligne Jean MEYENDRORFF, « il est impossible de trouver dans l’histoire entière de l’Eglise un seul exemple où le principe de territorialité ait été enfreint. » J. MEYENDORFF Orthodoxie et Catholicité, Ed du Seuil, Paris, 1964, page 107
2 On se reportera à notre édition de l’ensemble des Canons Byzantins, aisément accessible sur notre site http://www.theologica.fr/ >>> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonique.htm >> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonByzantin.htm
3
https://orthodoxie.com/le-corpus-de-documents-concernant-la-reunion-de-la-metropole-de-kiev-a-leglise-orthodoxe-russe-est-publie-en-russie-et-disponible-sur-internet/


4Eglise de Grèce, Eglise de Biélorussie, Eglise Orthodoxe Polonaise, Eglise Russe Hors Frontière, Métropole des terres Tchèques et Slovaques, le Mont Athos, le Patriarcat d’Antioche, le Patriarcat de Bulgarie, bien évidemment le Patriarcat de Moscou, le Patriarcat de Serbie et il échet de signaler la mise ne garde du Patriarcat Copte Orthodoxe d’Alexandrie, par exemple. Ces éléments sont livrés sur le site https://orthodoxie.com/

5 https://orthodoxie.com/le-patriarcat-de-bulgarie-renvoie-en-commission-la-proposition-du-patriarcat-de-moscou-de-reunir-une-synaxe-panorthodoxe-au-sujet-de-lukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769

6 : https://orthodoxie.com/decision-du-saint-synode-du-patriarcat-dantioche-3-octobre-2018/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769

7 : https://orthodoxie.com/declaration-du-president-dukraine-au-sujet-de-la-decision-du-saint-synode-du-patriarcat-oecumenique/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/lepresident-de-la-rada-supreme-dukraine-invite-le-patriarche-bartholomee-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 : https://orthodoxie.com/porochenko-a-annonce-vouloir-mettre-fin-a-la-relation-contre-nature-entre-les-eglises-dukraine-et-de-russie/?goal=0_9357f9bbb5-039cef8146-54679795&mc_cid=039cef8146&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/les-militaires-ukrainiens-ont-empeche-aux-orthodoxes-de-leglise-canonique-lacces-a-leur-eglise-a-odessa/?goal=0_9357f9bbb5-7196701ca9-54679795&mc_cid=7196701ca9&mc_eid=58454b2769

8 https://orthodoxie.com/communique-de-presse-du-departement-detat-americain-au-sujet-de-lautocephalie-ukrainienne/?goal=0_9357f9bbb5-9e9b9fbe18-54679795&mc_cid=9e9b9fbe18&mc_eid=58454b2769 ; : https://orthodoxie.com/lancien-vice-president-americain-joe-biden-a-rencontre-le-patriarche-philarete-et-a-exprime-son-soutien-a-la-creation-dune-eglise-orthodoxe-autocephale-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-0e0ccfb2bc-54679795&mc_cid=0e0ccfb2bc&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/suite-a-la-decision-de-constantinople-le-representant-des-etats-unis-en-ukraine-declare-que-son-pays-soutient-lautocephalie-tandis-que-le-president-porochenko-parle-dune-gra/?goal=0_9357f9bbb5-555d812ce8-54679795&mc_cid=555d812ce8&mc_eid=58454b2769

9 Epist. LXXXVI. Patrol .lat, tom CXIX. col; 960, éd. française in L’Eglise et l’Etat ou les deux puissances par Mr le Chanoine MOULART, Louvain, 1878, pages 141 et 142.

10 https://orthodoxie.com/declaration-du-saint-synode-de-leglise-orthodoxe-russe-a-la-suite-des-empietements-du-patriarcat-de-constantinople-sur-le-territoire-canonique-de-leglise-russe/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769

11 https://orthodoxie.com/lettre-de-metropolite-de-kiev/

12 Aucune procédure ne semble avoir été actée pour expliquer cette prétendue levée.

A propos de Mahomet, ce que déclare St Thomas d’Aquin en sa Somme contre les Gentils, Libre I, chapitre 6, extraits


« …Encore que Dieu, même de nos jours, ne cesse de confirmer notre foi par les miracles de ses saints. Les fondateurs de sectes ont procédé de manière inverse. C'est le cas évidemment de Mahomet qui a séduit les peuples par des promesses de voluptés charnelles au désir desquelles pousse la concupiscence de la chair. Lâchant la bride à la volupté, il a donné des commandements conformes à ses promesses, auxquels les hommes charnels peuvent obéir facilement. En fait de vérités, il n'en a avancé que de faciles à saisir par n'importe quel esprit médiocrement ouvert. Par contre, il a entremêlé les vérités de son enseignement de beaucoup de fables et de doctrines des plus fausses. Il n'a pas apporté de preuves surnaturelles, les seules à témoigner comme il convient en faveur de l'inspiration divine, quand une _uvre visible qui ne peut être que l'_uvre de Dieu prouve que le docteur de vérité est invisiblement inspiré. Il a prétendu au contraire qu'il était envoyé dans la puissance des armes, preuves qui ne font point défaut aux brigands et aux tyrans. D'ailleurs, ceux qui dès le début crurent en lui ne furent point des sages instruits des sciences divines et humaines, mais des hommes sauvages, habitants des déserts, complètement ignorants de toute science de Dieu, dont le grand nombre l'aida, par la violence des armes, à imposer sa loi à d'autres peuples. Aucune prophétie divine ne témoigne en sa faveur ; bien au contraire il déforme les enseignements de l'Ancien et du Nouveau Testament par des récits légendaires, comme c'est évident pour qui étudie sa loi. Aussi bien, par une mesure pleine d'astuces, il interdit à ses disciples de lire les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament qui pourraient le convaincre de fausseté. C'est donc chose évidente que ceux qui ajoutent foi à sa parole, croient à la légère. »

Source : http://docteurangelique.free.fr/bibliotheque/sommes/contragentiles.htm

le Talmud, ou la dinguerie des Pharisiens

Suite 02 au débat Abbé Guy Pages Karim Al Hanifi

octobre 23, 2018

Il aura déchiré la robe sans couture


Les événements tragiques qui assombrissent l’Eglise Byzantine dans la décision prise unilatéralement, par l’évêque de Constantinople, d’accorder l’autocéphalie à deux mouvements schismatiques ukrainiens, voulant ignorer de surcroît la légalité de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine reconnue par l’ensemble des Eglises Orthodoxes, conduisent à déstabiliser – par la volonté d’un seul homme – l’unité dans la collégialité des Eglises dites Byzantines.
Ce fait au regard de l’Histoire est d’une particulière gravité et semble ne s’être encore jamais produit (1). La gravité qui résulte donc de cet événement, tient à l’irrespect et la négation de l’ecclésiologie particulière qui unit l’ensemble des Eglises Byzantines dans une Foi les amenant à penser qu’elles représentent seules la véritable Eglise.

L’Apôtre nous prévient : «que tout se fasse convenablement et avec ordre. » (I Cor. XIV, 40)

Or, comme il sera examiné, l’ordre ne prévalait pas dans les actes qui conduisirent l’évêque de Constantinople à la décision critiquée, et l’irrespect des règles les plus élémentaires de l’ecclésiologie et du droit canonique.

L’Eglise est durant le premier millénaire une pentarchie. La séparation opérée à l’initiative de Rome en 1054 conduira les Eglises locales d’Orient à se référer à des dispositions énoncées par le Concile de Chalcédoine selon ses canons 9 et 17 qui énoncent, de première part : «9. Que les clercs ne doivent pas recourir à un tribunal civil, mais avoir leur évêque pour juge. Si un clerc a quelque chose contre un autre clerc, il ne doit pas laisser son évêque pour recourir à des tribunaux civils; qu'il soumette d'abord l'affaire au tribunal de son évêque, ou, de l'avis de l'évêque, à ceux que les deux parties agréeront; si quelqu'un agit contre cette prescription, qu'il soit frappé des peines canoniques. Si un clerc a quelque chose contre son évêque ou contre un évêque étranger, il doit porter le différend devant le synode de la province. Enfin, si un évêque ou un clerc a quelque chose contre le métropolitain de la province, il doit porter l'affaire devant le primat du diocèse ou bien devant le siège de la ville impériale de Constantinople, et s'y faire rendre justice. », et de seconde part : «17. Que l'administration de trente années assure la possession, et au sujet des villes récemment fondées. Les paroisses de campagne ou de village appartenant à une Église doivent rester sans changement aux évêques qui les possèdent, surtout s'ils les ont administrées sans conteste depuis trente ans. Si pendant ces trente ans il a éclaté ou s'il éclate un différend, ceux qui se croient lésés peuvent porter l'affaire devant le synode de la province. Si en pareil cas l'évêque pense que son propre métropolitain l'a desservi, qu'il porte l'affaire devant l'exarque du diocèse ou bien devant le siège de Constantinople comme il a été dit plus haut. Si par ordre de l'empereur une ville a été ou sera fondée, le rang hiérarchique des églises devra se conformer à l'ordre civil et public des cités. » (2), au motif que selon le canon 3 du Concile de Constantinople : « 3. Que l'évêque de Constantinople est le second après celui de Rome. Cependant l'évêque de Constantinople aura la préséance d'honneur après l'évêque de Rome, puisque cette ville est la nouvelle Rome »

Avant d’aller plus outre, il sera fait observation que les dispositions rappelées touchant Chalcédoine, le canon 9 est inopérant au motif – nous le verrons que celui qui prétendait porter l’affaire touchant la reconnaissance de son Eglise avec demande de son élévation au rang de Patriarcat n’était plus clerc vu son excommunication qui sera discutée, le canon 17 est tout aussi inopérant au motif que cela fait bien plus de trente ans que le Kiev est sous la juridiction du Patriarcat de Moscou à savoir depuis plusieurs siècles (3).

Les tenants d’une sorte de juridiction suprême, s’apparentant à celle du Pape de Rome, invoquent le canon 28 du concile de Chalcédoine qui énonce : «28. Vœux pour la primauté du siège de Constantinople. Suivant en tous les décrets des saints pères et reconnaissant le canon lu récemment des cent cinquante évêques aimés de Dieu, réunis dans la ville impériale de Constantinople, la nouvelle Rome, sous Théodose le grand, de pieuse mémoire, nous approuvons et prenons la même décision au sujet de la préséance de la très sainte Église de Constantinople, la nouvelle Rome. Les pères en effet ont accordé avec raison au siège de l'ancienne Rome la préséance, parce que cette ville était la ville impériale, mû par ce même motif les cent cinquante évêques aimés de Dieu ont accordé la même préséance au très saint siège de la nouvelle Rome, pensant que la ville honorée de la présence de l'empereur et du sénat et jouissant des mêmes privilèges civils que Rome, l'ancienne ville impériale, devait aussi avoir le même rang supérieur qu'elle dans les affaires d'église, tout en étant la seconde après elle; en sorte que les métropolitains des diocèses du Pont, de l'Asie (proconsulaire) et de la Thrace, et eux seuls, ainsi que les évêques des parties de ces diocèses occupés par les barbares, seront sacrés par le saint siège de l'église de Constantinople; bien entendu, les métropolitains des diocèses mentionnés sacreront régulièrement avec les évêques de leur provinces les nouveaux évêques de chaque province, selon les prescriptions des canons, tandis que, comme il vient d'être dit, les métropolitains de ces diocèses doivent être sacrés par l'évêque de Constantinople, après élection concordante faite en la manière accoutumée et notifiée au siège de celui-ci. » (2)
Face à cette approche « papiste » de l’ecclésiologie byzantine, la tradition insiste sur la collégialité où rien ne doit être décidé sans l’avis de tous. Ainsi, le canon 34 des Saints Apôtres énonce : « 34. Que les évêques doivent reconnaître l'autorité de leur primat. Les évêques de chaque nation doivent reconnaître leur primat et le considérer comme chef ; ne rien faire de trop sans son avis et que chacun ne s'occupe que de ce qui regarde son diocèse et les campagnes dépendant de son diocèse. Mais lui aussi, qu'il ne fasse rien sans l'avis de tous ; car la concorde règnera ainsi et sera glorifié le Père et le Fils et le saint Esprit. » (2)
Il sera fait observation que nombreuses furent les Eglises locales à s’opposer à l’attitude de l’évêque de Constantinople (4), invoquant le devoir de collégialité devant précéder toute décision, au point de demander comme le Patriarcat de Bulgarie, la tenue d’un concile (5), ou celui d’Antioche la réunion des Primats des Eglises autocéphales (6) afin de réfléchir sur la demande formée d’autocéphalie par le schismatique ancien évêque et clerc de l’Eglise de Kiev, excommunié par Moscou pour s’être autoproclamé Patriarche de Kiev. .

La question d’une sorte de souveraineté de la part de Constantinople, au motif de sa capacité à recevoir des Appels selon les cas prévus par les canons, ne donne pas pour autant une supériorité à cette Eglise car alors le concept de « premier parmi les égaux » n’aurait plus aucun sens et dénaturerait le tronc byzantin où la préséance reconnue par les autres Eglises byzantines, ne donne pas autorité à Constantinople pour intervenir et pire se substituer, dans l’administration des autres Eglises. Cette ingérence dans les affaires du Patriarcat de Moscou est particulièrement grave, au point d’autoriser l’historien, le théologien et le canoniste à s’interroger sur la voie ainsi délibérément ouverte par Constantinople, à générer la destruction de ce que fut la tradition byzantine.
Constantinople n’est pas Rome, l’ecclésiologie est différente et en tous les cas qu’il s’agisse de l’Eglise Latine ou de l’Eglise Byzantine, contrairement à ce que font les évêques de Rome et de Constantinople aujourd’hui, l’Eglise n’a pas à s’occuper du politique, ce temporel qui relève de l’Etat, mais uniquement du champ spirituel, tâche suffisamment lourde pour que l’Eglise ne dispose pas même de temps pour envisager même de s »occuper de ce qui ne relève pas de sa mission. Que viennent donc faire tout à la fois et le Président de l’Ukraine (7) et les USA (8) dans cet appui près de Constantinople pour la reconnaissance d’une autocéphalie à deux mouvements schismatiques non reconnus par l’Eglise Orthodoxe ?

La Tradition de l’Eglise Indivise est claire et ferme sur la séparation entre l’Eglise et l’Etat, à cet égard nous ne choisirons cet exemple, reprenant la Lettre de Saint Grégoire II rappelant à Léon Isaurien : «Vous savez, Prince, que la décision des dogmes de foi n'appartient pas aux empereurs, mais aux pontifes, qui veulent eu conséquence les enseigner librement. C'est pourquoi, comme les pontifes, qui sont préposés au gouvernement de l'Église, ne se mêlent point des affaires de l'Etat, les empereurs doivent pareillement ne se point mêler des affaires ecclésiastiques, et se borner à celles qui leur sont confiées. Souffrez donc, Seigneur, que je vous exprime la différence qui se trouve entre les palais et les églises, entre les empereurs et les pontifes. Apprenez-le pour votre salut, et cessez toute dispute sur cela. Comme le pontife n'a pas le droit d'étendre son inspection sur les palais, ni de donner les dignités royales, ainsi l'empereur ne doit point étendre la sienne sur les églises, ni s'ingérer de faire les élections dans le clergé, de consacrer ou d'administrer les sacrements, ni même d'y participer sans le ministère des prêtres. Il faut que chacun de nous demeure dans l'état auquel Dieu l'a appelé. » (9)
Que répond NSJ+C interrogé ? «Ma royauté n'est pas de ce monde. » (Jean XVIII, 26). L’Eglise fondée au soir de La Résurrection (Jean XX, 19-23) a pour base l’Esprit Saint, et la tradition byzantine ne pourra aujourd‘hui ou demain contester cette base, qui est sans cesse rappelée par elle, sauf à se détruire elle-même. Dans ces conditions, et sans faire appel aux conciles et aux canons, comment l’Eglise Byzantine peut-elle admettre une ingérence du politique, de l’Etat dans sa mission, sa fonction ?

Il convient d’examiner les faits au plan canonique.

Préalablement il sera fait observation que celui que l’évêque de Constantinople entend reconnaître et le replacer dans ses anciennes fonctions, est un ancien clerc puisqu’excommunié par le Patriarcat de Moscou et déposé.

La levée de l’excommunication ne fut pas accomplie au motif déjà que, préalablement à tout examen, cet ancien clerc (excommunié et déposé selon le rappel des faits suivants : «Le métropolite Philarète (Denissenko) a été déposé et réduit à l’état laïcs par une décision du Concile épiscopal de l’Église orthodoxe ukrainienne de Kharkov, en date du 27 mai 1992, pour n’avoir pas tenu les serments jurés sur la croix et l’Évangile lors du précédent Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe.
Le Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe, par un décret du 11 juin 1992, a confirmé la décision du Concile de Kharkov, et déposé Philarète Denissenko, le privant de tous ses rangs ecclésiastiques selon les chefs d’accusation suivants : « Traitement cruel et hautain envers le clergé subordonné, autoritarisme et chantage (Tit 1, 7-8 ; canon apostolique 27) ; a introduit le scandale parmi les fidèles par sa conduite et sa vie privée (Mt 18, 7 ; 3e canon du Ier Concile œcuménique ; 5e canon du VIe Concile œcuménique) ; parjure (25e canon apostolique) ; calomnie publique et blasphème contre le Concile épiscopal (6e canon du IIe Concile œcuménique) ; célébrations de rites, y compris d’ordinations sacerdotales, en état d’interdiction (28e canon apostolique) ; formation d’un schisme dans l’Église (15ecanon du Concile de prime-second). » Toutes les ordinations célébrées par Philarète après sa réduction à l’état laïc, à compter du 27 mai 1992, ainsi que les pénitences qu’il a imposées, sont reconnues comme invalides.

Malgré les appels constants au repentir, après avoir été déchu de sa dignité archiépiscopale, Philarète Denissenko a poursuivi son activité schismatique, notamment sur le territoire d’autres Églises locales. Il a été frappé d’anathème par un décret du concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe de 1997. Ces décisions ont été reconnues par toutes les Églises orthodoxes locales, y compris par l’Église constantinopolitaine. » (10)
La levée d’une excommunication suppose - dès lors que la sentence est maintenue est maintenue – que celui qui en est frappé fasse pénitence, et sollicite de qui a prononcé la décision, une demande de levée de cette dernière.

Non seulement l’ancien clerc est demeuré dans ses erreurs et aggravé celles-ci notamment en prétendant ordonner des clercs et se déclarer Patriarche de Kiev, mais jamais il ne semble avoir fait pénitence, regretté ses fautes, pire, maintenu un orgueil dans sa simple demande exposée de manière anodine – vingt-six ans plus tard – à savoir par sa lettre au Patriarche de Moscou écrivant notamment : « Je m’adresse à vous en vous appelant à prendre les décisions appropriées, grâce auxquelles sera mis fin à la confrontation existante. À savoir : considérer nulles et non avenues toutes les décisions, dont les sanctions et les excommunications, » (11).
Une levée d’excommunication, une absolution ne peut se faire par courrier, mais suppose dans l’Eglise Indivise et de tout temps, que le pécheur, conscient de ses erreurs, ait le ferme propos de ne pas recommencer et fasse pénitence. Ces conditions sont obligatoires, car la sanction est médicinale et a pour but non pas de condamner pour toujours un être mais de lui permettre, face à cette excommunication, de réfléchir, prier et revenir sur ses erreurs. Force est de constater que dans le cas d’espèce, la vertu médicinale est totalement méconnue par cet ancien clerc.

Il sera fait observation que la demande de levée des sanctions près le Patriarche de Moscou est sans fondement et sera déclarée inexistante.
Comment un Appel peut-il être formé dans ces conditions près de Constantinople si déjà ne sont pas avérés et le ferme propos de ne pas recommencer les erreurs, et de faire pénitence, par la conscience de celles-ci ?

Alors qu’en aucun cas Constantinople n’agissait selon les règles canoniques pour ouvrir et délibérer sur un possible Appel (12), décider si l’on peut dire « à brûle pourpoint » de la levée et du rétablissement dans son état ecclésiastique de cet ancien clerc, sans contester de surcroît vingt-six années d’irrégularités notoires, revient à cautionner pour Constantinople l’indiscipline et le schisme, au détriment de l’unité, de la sagesse et de l’ordre.
Sagesse et Ordre ne furent pas respectés par Constantinople, car l’Appel de surcroît ne peut concerner toutes les causes. Ainsi ce dernier est impossible pour l’ancien clerc ayant été évêque, au regard du canon 15 du concile d’Antioche qui expose : «15. Des évêques condamnés unanimement par ceux de la province. Lorsqu'un évêque a été accusé de diverses fautes et que tous les évêques de la province ont été unanimes à porter sur lui un jugement défavorable, il ne pourra plus se présenter devant un autre tribunal, mais la décision des évêques de la province restera irrévocable. » (2)

Constantinople a violé les dispositions des canons des saints conciles et des Pères, lorsque tant spirituellement (ferme propos et pénitence) que canoniquement (canon 15 d’Antioche), il a enfreint de surcroît à son devoir de ne point mêler Eglise et Etat, et s’est immiscé dans les affaires d’une autre Eglise, violant ainsi les saint canons.

Sur la question de l’indépendance des Eglises dans l’administration de leurs propres affaires, cet aspect fut et demeure largement débattu dans la presse spécialisée notamment byzantine, sans qu’il soit nécessaire de s’y attarder particulièrement.
Ce qui importe dans cette réflexion c’est le constat d’une Eglise Byzantine formée par l’association d’Eglises locales autonomes, régie par des canons , et aujourd‘hui ces derniers sont violés par un patriarcat d’honneur mais sans supériorité face à ses Eglises sœurs pour agir tel un Pontife Romain sur l’ensemble des dites Eglises : l’avenir qui se pose est de savoir si ces Eglises locales entérineront le « césaro-papisme » de Constantinople au point de dénaturer la particularité de la tradition byzantine, ou bien si certaines Eglises voulant rester fidèles à la Tradition Byzantine se sépareront du tronc commun, en tous les cas en préférant cautionner les schismatiques, Constantinople agissait pour que l’Eglise Byzantine ne sorte pas indemne de cette confrontation.


Jean-Pierre BONNEROT
Notes
1 jusqu’alors, comme le souligne Jean MEYENDRORFF, « il est impossible de trouver dans l’histoire entière de l’Eglise un seul exemple où le principe de territorialité ait été enfreint. » J. MEYENDORFF Orthodoxie et Catholicité, Ed du Seuil, Paris, 1964, page 107
2 On se reportera à notre édition de l’ensemble des Canons Byzantins, aisément accessible sur notre site http://www.theologica.fr/ >>> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonique.htm >> http://www.theologica.fr/Pg_DroitCanonByzantin.htm
3
https://orthodoxie.com/le-corpus-de-documents-concernant-la-reunion-de-la-metropole-de-kiev-a-leglise-orthodoxe-russe-est-publie-en-russie-et-disponible-sur-internet/


4Eglise de Grèce, Eglise de Biélorussie, Eglise Orthodoxe Polonaise, Eglise Russe Hors Frontière, Métropole des terres Tchèques et Slovaques, le Mont Athos, le Patriarcat d’Antioche, le Patriarcat de Bulgarie, bien évidemment le Patriarcat de Moscou, le Patriarcat de Serbie et il échet de signaler la mise ne garde du Patriarcat Copte Orthodoxe d’Alexandrie, par exemple. Ces éléments sont livrés sur le site https://orthodoxie.com/

5 https://orthodoxie.com/le-patriarcat-de-bulgarie-renvoie-en-commission-la-proposition-du-patriarcat-de-moscou-de-reunir-une-synaxe-panorthodoxe-au-sujet-de-lukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769

6 : https://orthodoxie.com/decision-du-saint-synode-du-patriarcat-dantioche-3-octobre-2018/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769

7 : https://orthodoxie.com/declaration-du-president-dukraine-au-sujet-de-la-decision-du-saint-synode-du-patriarcat-oecumenique/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/lepresident-de-la-rada-supreme-dukraine-invite-le-patriarche-bartholomee-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-d378694031-54679795&mc_cid=d378694031&mc_eid=58454b2769 : https://orthodoxie.com/porochenko-a-annonce-vouloir-mettre-fin-a-la-relation-contre-nature-entre-les-eglises-dukraine-et-de-russie/?goal=0_9357f9bbb5-039cef8146-54679795&mc_cid=039cef8146&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/les-militaires-ukrainiens-ont-empeche-aux-orthodoxes-de-leglise-canonique-lacces-a-leur-eglise-a-odessa/?goal=0_9357f9bbb5-7196701ca9-54679795&mc_cid=7196701ca9&mc_eid=58454b2769

8 https://orthodoxie.com/communique-de-presse-du-departement-detat-americain-au-sujet-de-lautocephalie-ukrainienne/?goal=0_9357f9bbb5-9e9b9fbe18-54679795&mc_cid=9e9b9fbe18&mc_eid=58454b2769 ; : https://orthodoxie.com/lancien-vice-president-americain-joe-biden-a-rencontre-le-patriarche-philarete-et-a-exprime-son-soutien-a-la-creation-dune-eglise-orthodoxe-autocephale-en-ukraine/?goal=0_9357f9bbb5-0e0ccfb2bc-54679795&mc_cid=0e0ccfb2bc&mc_eid=58454b2769 ; https://orthodoxie.com/suite-a-la-decision-de-constantinople-le-representant-des-etats-unis-en-ukraine-declare-que-son-pays-soutient-lautocephalie-tandis-que-le-president-porochenko-parle-dune-gra/?goal=0_9357f9bbb5-555d812ce8-54679795&mc_cid=555d812ce8&mc_eid=58454b2769

9 Epist. LXXXVI. Patrol .lat, tom CXIX. col; 960, éd. française in L’Eglise et l’Etat ou les deux puissances par Mr le Chanoine MOULART, Louvain, 1878, pages 141 et 142.

10 https://orthodoxie.com/declaration-du-saint-synode-de-leglise-orthodoxe-russe-a-la-suite-des-empietements-du-patriarcat-de-constantinople-sur-le-territoire-canonique-de-leglise-russe/?goal=0_9357f9bbb5-7f3d72d827-54679795&mc_cid=7f3d72d827&mc_eid=58454b2769

11 https://orthodoxie.com/lettre-de-metropolite-de-kiev/

12 Aucune procédure ne semble avoir été actée pour expliquer cette prétendue levée.

octobre 16, 2018

Constantinople aura voulu le schisme


Au plan du Droit canonique Byzantin et des règles régissant l’Eglise Orthodoxe, nous ne pouvons que donner raison au Patriarcat de Moscou.

http://www.oltr.fr/documents/publications/196-editorial-de-octobre-2018-preserver-l-eglise-orthodoxe-d-ukraine-et-sauver-l-eglise-orthodoxe

octobre 15, 2018

Mais où va donc l’Eglise Romaine ?


En ce dimanche 14 octobre 2018, le Pape de Rome canonisait notamment Paul VI « avec l’autorité de NSJ+C » (1) et, à la question posée par le journaliste de « Le Jour du Seigneur » : à quoi ça sert d’être saint ? La réponse immédiate donnée par les questionnés dont un évêque fut de dire : « à rien. », au mieux il s’agirait d’un exemple, un témoignage pour les chercheurs de Dieu (2).

Convient-il de comprendre que l’Eglise Priante, Souffrante et Militante des Saint et des Martyrs, qui constitue ce que la théologie nomme » Communion des Saints », ne sert à rien ?

Cette déclaration des questionnés, nie les Grâces surérogatoires acquises par l’Eglise Indivise, ces Grâces qu’évoque l’Apôtre Paul lorsqu’il déclare : «Je me réjouis maintenant dans mes souffrances pour vous ; et ce qui manque aux souffrances de Christ, je l'achève en ma chair, pour son corps, qui est l'Église. » (Col. I, 24).
Cette Communion des Saints s’oppose à une voie personnelle ou individuelle dans la Quête de Dieu, elle s’oppose bien entendu à l’idée de la Justification envisagée par le Protestantisme (c’est à tort que, contrairement à la Tradition des Pères de l’Eglise, Rome voulut sur ce sujet rédiger un document commun avec les Eglise Protestantes) (3)

Cette opposition à une quête pour l’exemple ou pour soi-même est pleinement explicité, fut-ce au Huitième Jour, lorsqu’un starets de l’Athos ne manquait pas de rappeler : « Un saint moine du Mont Athos, un starets qui fut pres¬que notre contemporain, écrit ce qui suit, en s'adressant à chaque chrétien : « Quand le Seigneur t'aura sauvé avec toute la multitude de tes frères, et quand il ne res¬terait qu'un seul des ennemis du Christ et de l'Eglise dans les ténèbres extérieures, ne te mettras-tu pas avec tous les autres à implorer le Seigneur afin que soit sauvé cet unique frère non repenti ? Si tu ne le supplies pas jour et nuit, alors ton cœur est de fer, — mais on n'a pas besoin de fer au paradis. » (4) (RP Alexandre TURINCEV : L'Eschatologie Orthodoxe Revue CONTACTS N° 54, 1966, page 103)


Jean-Pierre BONNEROT

-------- Notes :
1 https://www.france.tv/france-2/les-chemins-de-la-foi/7ce serait un témoignage pour les chercheurs de Dieu47199-canonisation-du-pape-paul-vi-et-de-monseigneur-oscar-romero.html (dixit 35’35’)
2 id, (dixit 39’ 57’’ et Ss)
http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/documents/rc_pc_chrstuni_doc_31101999_cath-luth-joint-declaration_fr.html
4 RP Alexandre TURINCEV : L'Eschatologie Orthodoxe Revue CONTACTS N° 54, 1966, page 103.

octobre 09, 2018

THEOCAFE 2018-2019 Pour une définition de la Gnose : distinction des « gnoses au nom trompeur » et spiritualité du vrai Gnostique illuminé par la Grâce – la question de la Sagesse dont parle Paul

Introduction

La Gnose religieuse ce terme lui-même pose le problème d’une connaissance.
La Con-Naissance c’est donc une naissance avec …

Déjà cela suppose, dès lors que ce te termes est entendu comme s’agissant dans le cas présent de la Gnose chrétienne, que cette quête constitue une naissance avec Dieu, si l’on peut ainsi le dire, en fait pour le chrétien il s’agit de faire l’expérience de La Présence.
Cette expérience de La Présence nécessite infiniment d’humilité, d’ouverture à la Grâce, de Charité, et dans ces conditions, cette « Gnose Chrétienne » s’oppose à tout système qui serait le fruit d’une science, de déductions ou d’affirmations humaines, en ce qu’alors l’être prétendrait par ses propres moyens parvenir à cette connaissance, cette dernière approche sera qualifiée de (gnose païenne).

En effet, force est de constater que face à l’Eglise Indivise qui déclare à la suite de St Vincent de Lérins, est catholique (au sens universel de la Foi) ce qui a été cru partout, depuis toujours et en tous lieux, disposant d’un Magistère, l’Eglise propose des voies spirituelles précises en vue de tenter de parvenir à cette Communion à Dieu. La Gnose que nous qualifions de païenne, refuse les bases de l’Eglise et, par voie de conséquence, ce terme de « Gnose » sera choisi pour qualifier de « gnostique » tout ce qui sera défini comme hérétique.

Alors que l’attribution du terme Gnose ou Gnostique, dans l’histoire de l’Eglise Primitive s’adresse uniquement aux Hérétiques, on ne peut à l’école de Saint Paul dire qu’il n’est pas une autre Gnose, elle, chrétienne quand il déclare : « Pourtant, c'est bien une sagesse que nous enseignons aux chrétiens adultes, sagesse qui n'est pas de ce monde ni des princes de ce monde, voués à la destruction. Nous enseignons la sagesse de Dieu, mystérieuse et demeurée cachée, que Dieu, avant les siècles, avait d'avance destinée à notre gloire. » (I Cor. II, 6, 7)

Jacques MENARD pose parfaitement les origines de la Gnose en expliquant que les deux éléments de base des structures gnostiques sont 1° la connaissance de soi, 2° l’anti-cosmisme : le monde est profondément mauvais et l’homme s’avère prisonnier de la matière (1). Ainsi, selon ces systèmes que je qualifierai de païens, le déclaré Gnostique se sent étranger au monde, angoissé, il s’interroge sur l’existence, face à ce monde mauvais dont il est prisonnier et qui ne vient pas de Dieu.

Clément d’Alexandrie au sujet de la Gnose déclare évoquant le baptême : « Ce n’est d’ailleurs pas le bain seul qui est libérateur, mais c’est aussi la gnose. Qui étions-nous ? Que sommes-nous devenus ? Où étions-nous ? Où avons-nous été jetés ? Vers quel but nous hâtons-nous ? D’où sommes-nous rachetés ? Qu’est-ce que la génération ? Et la régénération ? » (2)

Clément récapitule les interrogations et les angoisses du Gnostique païen, qui est ou s’est éloigné de la Révélation Chrétienne, qui cherche un salut par une connaissance humaine parce que non unie à Dieu.

Il conviendra de remarquer le double langage de Clément qui d’une part pose la gnose païenne comme incapable de répondre aux interrogations de l’homme et cette autre Gnose accessible à partir du baptême qui elle est libératrice, cette liberté et cette gloire promise aux enfants de Dieu (Rom. VIII, 21)

Dès lors que l’on se penche sur les exposés d’Irénée de Lyon (3), que l’on examine la pensée de ceux qui sont déclarés « Gnostiques » dans l’Histoire de l’Eglise des premiers siècles, comment ne pas considérer que ces « Gnostiques » sont légitimement, - au regard de la Tradition de l’Eglise – des hérétiques ?

En effet, il est chez le gnostique païen, un enfermement sur lui-même en ce que refusant ou méconnaissant le Salut opéré par La Résurrection de NS J+C, il entend se sauver par une connaissance acquise selon ses seuls moyens.
L’exemple le plus typique de cet orgueil se trouve chez SIMON LE MAGE qui souhaite acheter à Pierre le pouvoir d’imposer les mains en vue de la réception de l’Esprit Saint (Actes, VIII, 9-21)

Une première remarque : alors que ce que font les Apôtres est le résultat d’une permission opérée par la Pentecôte Johannique (Jean XX, 19-23), et fruit de la Grâce, le « gnostique païen » prétend acquérir par ses connaissances ou par d’autres voies, des « pouvoirs », illusions liées à un orgueil qui fera dire au Maître : «écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité » (Mat. VII, 22-24)

- Les gnostiques païens ne croient pas dans le Dieu Trine, ils élaborent un système avec des archontes, un plérôme, un démiurge, des sortes de cieux successifs, le monde n’est pas créé bon. Sa voie est individuelle.
- le Chrétien croit au Dieu Trine Père, Fils et Saint Esprit, le monde fut créé bon, mais l’homme refusa la vie intemporelle que Dieu lui offrait, il n’agit pas pour lui-même mais pour et avec l’ensemble de la Création, c’est le principe de la Communion des Saints.

Ce qui différencie le Gnostique païen du Chrétien, c’est pour le Chrétien :

- La reconnaissance de l’œuvre des six jours,
- La Création vient de Dieu tout comme l’homme et cela est bon
- Le fait que Dieu est Amour
- La Communion des Saints
- La Chute originelle comme seule cause de la désunion à Dieu
- Le Salut opéré par NS J+C
- Le Devoir de l’homme de sauver la Création

>>> Nous examinerons lors de notre prochaine rencontre ce que signifient les termes présentement avancés, quant à la voie Chrétienne basée sur l’humilité et la charité et s’oppose à l’orgueil

- l’humilité conduit à la Prière et à la Charité
- la Prière intérieure et l’ascétisme
- le retrait du monde pour agir pour le monde
- la présence dans le monde pour affirmer sa prétendue connaissance
- cette prétendue connaissance ne peut-elle conduire au doute ?
- La Foi est l’Acte de Connaissance

Jean-Pierre BONNEROT

Notes
1 Revue de Science religieuse, tome 42, fascicule 1, pages 24-38
2 Clément d’Alexandrie Extraits de Theodote, SC N° 23, § 78, page 203
3 Irénée de Lyon : Contre les hérésies – Dénonciation et réfutation de la gnose au nom trompeur. Paris, Le Cerf Ed,
4 A propos de l’intériorité et la Prière, on lira déjà l’introduction d’Olivier CLEMENT à la Philocalie des Pères Neptiques, tome A (A1) Abbaye Bellefontaine, pages 7 à 33.
Une biblio provisoire fut adressée, il conviendra de s’y reporter.

septembre 25, 2018

LA CHASSE AUX SORCIERES

https://archive.org/details/LaChasseAuxSorcieres

A propos de la controverse d’Augustin et de Vincitius Victor


Sur la question notamment du salut des êtres non baptisés

Un livre fort médiocre car brillant par son absence de références précises, notes, et autres éléments fondamentaux aptes à justifier les dires de l’auteur, justifiait toutefois son acquisition récente et provisoire par le sujet posé (l’Harmatan éd) : l’opposition de Vincentius Victor à l’évêque d’Hippone sur divers points revenant à la question du salut. Pour les références à la pensée de St Augustin, j’ai suivi les leçons du n° spécial sur le Baptême de la revue Itinéraires Augustiniens, N° 29, janvier 2003.
Un seul des aspects dans cette polémique sera examiné présentement : la possibilité du salut des enfants morts sans baptême.

I
Si l’on se réfère aux Ecritures, Marc XVI, 16 : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé ; celui qui ne croira pas, sera condamné”, et si l’on entend le Magistère de l’Eglise sur le baptême en corrélation avec Jean III, 5 : “ Jésus répondit : "En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.”, sans donc le sacrement du baptême, l’être ne serait pas sauvé.

II
Saint Augustin au 2° livre, § 22 de son traité sur La grâce de Jésus+Christ et du péché originel écrit : “ les enfants qui meurent sans baptême ne peuvent attendre que la mort éternelle. D'un autre côté, puisque ces enfants ne peuvent avoir commis aucun péché dans cette vie, s'ils ont besoin de justification, ce ne peut être qu'en raison du péché originel. »
Dans sa controverse avec les Pélagiens au travers de son traité Du mérite de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, en son livre 1er §21 « La mort vient du péché », Augustin insiste en déclarant : « Par suite, on peut affirmer avec vérité que les petits enfants qui- meurent sans baptême seront placés dans la plus douce de toutes les damnations ; mais c'est adopter et propager une grosse erreur que de publier qu'ils ne seront point damnés ; car l'Apôtre dit : « Pour un seul péché il y a un jugement de condamnation » ; et il ajoute bientôt après : « Par la faute d'un seul tous les hommes tombent sous la condamnation ». »
Naître ou ne pas naître ? « Comment douter que ces enfants morts sans le baptême, n'ayant que le péché originel, et sans s'être rendus coupables d'aucune faute volontaire, n'auront pas à subir de toutes les peines la plus légère? Quoique je ne puisse pas définir le caractère, la nature, la grandeur de cette peine, je n'ose pas dire cependant que le néant eût mieux valu pour eux que l'existence » déclare St Augustin en son Contre Julien, au livre 5, § 44.

III
L’évêque d’Hippone se trouve souventes fois dans sa réflexion, confronté à l’obligation d’admettre la prédestination, parfois est employé le terme de justification, quant à la question de ce qui reste insondable pour lui : pourquoi l’un étant baptisé sera sauvé, l’autre ne l’étant pas, ne le sera pas.
De première part, dans sa réflexion théologique, Augustin ne tranche pas - dans le cadre de son œuvre - sur l’origine de l’âme (1), entre traducianisme (l’âme descend par génération de celle d’Adam) et le créatianisme (l’âme créée par un acte spécial de Dieu).
Il manque une dimension spirituelle à ces considérations rappelées, d’autant que St Augustin ne manque pas de s’interroger : « D'ailleurs, après même que deux enfants ont été baptisés, qu'on me dise donc pourquoi l'un est enlevé de ce monde, de peur que le péché: ne pervertisse son intelligence tandis que l'autre, — un impie à venir, — vivra cependant? N'est-il pas vrai que s'ils étaient enlevés tous les deux, tous les deux aussi entreraient dans le royaume des cieux? Et néanmoins, en Dieu point d'injustice ! » (Du mérite de la rémission des péchés et du baptême des petits enfants, Livre 1 §30)
La lecture de Sagesse IV, 7 à 14, ne se résume pas au verset 11 tiré de son contexte et cité par Augustin. Se trouve évoquée la situation du Juste qui, « devenu parfait en peu de temps, il a fourni une longue carrière. Son âme était agréable au Seigneur, aussi est-elle sortie en hâte du milieu de la perversité » et ainsi, se présentent les versets 13 et 14.
Ainsi se présente intégralement le texte :
« Le juste, même s'il meurt avant l'âge, trouve le repos. La vieillesse honorable n'est pas celle que donnent de longs jours, elle ne se mesure pas au nombre des années ; c'est cheveux blancs pour les hommes que l'intelligence, c'est un âge avancé qu'une vie sans tache. Devenu agréable à Dieu, il a été aimé, et, comme il vivait parmi des pécheurs, il a été transféré. Il a été enlevé, de peur que la malice n'altère son jugement ou que la fourberie ne séduise son âme ; car la fascination du mal obscurcit le bien et le tourbillon de la convoitise gâte un esprit sans malice. Devenu parfait en peu de temps, il a fourni une longue carrière. Son âme était agréable au Seigneur, aussi est-il sorti en hâte du milieu de la perversité.”
Nous avons par l’exemple proposé, une indication de la manière dont Dieu nous appelle à œuvrer pour le monde, dès lors que l’ouvrier a achevé son travail, libre, il peut soit le poursuivre mais il demeure soumis à la tentation du monde qui demeure dans l’attente de sa délivrance suite à la chute (Romains VIII, 18-26), alors que la possibilité lui est laissée de gagner le sein du Père. Celui qui n’a pas achevé son travail d’ouvrier, fut-il appelé à la onzième heure, restera dans le champ de la création, pour accomplir la tâche qui lui revient.
La seule prédestination qui ait cours dans le Christianisme, c’est l’Appel que nous adresse individuellement et en permanence Le Père, à suivre Son Fils selon ce que le rappellent les évangiles.

IV
Devant le Mystère de la Grâce, de l’Amour de Dieu, il échet de ne pas oublier (I Timothée II, 3-7) :
« Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s'est livré en rançon pour tous.”
Que tous les hommes soient sauvés ! L’Amour qui est Dieu peut-il n’être que partiel, où ne doit-il pas être total ? Réduire l’amour de Dieu serait réduire Dieu Lui-même ! L’infini n’appartient qu’à Dieu, quel orgueil pour l’homme de juger de ce que des êtres pourraient ne pas bénéficier de la Grâce !
Le baptême est-il conditionnel au salut ?
Il convient de se souvenir de la promesse faite au bon larron sur la croix qui n’était pas baptisé et à qui le Royaume était promis (Luc XXIII, 43)
Il convient de se souvenir que les païens de Césarée furent baptisés après avoir été sauvés (Actes X, 44-48)
Consciente du fait que l’on ne saurait conditionner le salut au seul baptême administré de manière sacramentelle, l’Eglise a introduit dans sa théologie, le baptême de désir qui pourrait trouver sa justification en Jean XIV, 23.
La théologie à cet égard impose toutefois que soit joint au désir, une contrition parfaite, dès lors en ses classiques énoncés d’un autre temps peut-être, l’Eglise estimait que, faute pour un enfant de d’exprimer une contrition parfaite, le baptême de désir ne saurait être reconnu à des enfants.
La disposition de la contrition parfaite est dogmatiquement exacte. Toutefois, la formulation mérite la critique, car s’il y a réel désir du baptême, il y a obligatoirement tension vers Dieu et de ce fait expression de la conscience avec l’humilité qui résulte d’une telle attente de la Grâce. Tout sacrement reçu par simonie ou comme simulacre, est de facto invalide. De surcroît quelle conscience pour l’enfant recevant le baptême d’eau ? S’il est soutenu par l’engagement de ses parents, comment l’Eglise peut-elle oublier alors, en substitution à un ou deux être s’engageant pour l’enfant, le principe d’Economie qui relève de la Communion des Saints où c’est l’Eglise visible et invisible qui suppléera à cette provisoire et théorique absence de conscience.
Cette omission de la partie dite invisible de l’Eglise, nous engage à réfléchir sur la conscience que nous pourrions avoir de ce qu’est l’Eglise, fondée non pas sur Pierre, mais sur la foi de Pierre dont le Christ ne manque pas de rappeler que l’affirmation de l’Apôtre ne vient pas de lui mais du Père (Matthieu XVI, 17).
C’est l’Esprit Saint qui, au soir de la résurrection par Jésus+Christ, est donné aux Apôtres (Jean XX, 19-23) et cette Pentecôte Johannite constitue le début de l’Eglise. Eglise qui se manifestera dans le monde à l’occasion de la seconde Pentecôte (Actes II, 1-5).
L’Eglise repose sur et existe par La Présence de l’Esprit Saint, Présence Deuxième de la Très Sainte Trinité qui avait quitté le monde à la suite de la chute adamique.
Le concile de Trente en son décret sur la justification (6° session, 13 janvier 1547, Denznzinger : Symboles et définitions de la foi catholique, Cerf éd § 1524), énonce quant au transfert de l’état hérité du premier Adam à l’état de grâce permis par le second Adam, Jésus+Christ, que « Ce transfert ne peut se faire sans le bain de la régénération ou le désir de celui-ci. »
Dès lors que l’Eglise repose sur l’Esprit Saint, comment l’homme peut-il juger du Désir du demandeur à la Grâce ?
Répondant à des pharisiens convertis, au sujet de païens, Pierre déclare : “Dieu, qui connaît les cœurs, a témoigné en leur faveur, en leur donnant l'Esprit Saint tout comme à nous. Et il n'a fait aucune distinction entre eux et nous, puisqu'il a purifié leur cœur par la foi. Pourquoi donc maintenant tentez-vous Dieu en voulant imposer aux disciples un joug que ni nos pères ni nous-mêmes n'avons eu la force de porter ? D'ailleurs, c'est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, exactement comme eux." (Actes, XV, 8-12).
La purification se fait par la Foi, et quand bien même cette Foi ne serait pas acquise pour une enfant, le canon 13 sur le sacrement de baptême du concile de Trente (décret sur les sacrements, canons sur le sacrement du baptême, 7° session, 3 mars 1547, Denznzinger op. cité, § 1613) rappelle : « Si quelqu’un dit que les petits-enfants, par le fait qu’ils ne font pas acte de foi, ne doivent pas être comptés parmi les fidèles, après qu’ils ont reçu le baptême, et que, pour cette raison, ils doivent être rebaptisés quand ils sont arrivés à l’âge de discrétion, ou qu’il est préférable d’omettre leur baptême plutôt que de les baptiser dans la seule foi de l’Eglise, eux qui ne croient pas par un acte personnel de foi ; qu’il soit anathème. »
Dans les champs spirituels, le temps de l’homme n’est pas le temps de Dieu.

V
La condition de la contrition parfaite de la part d’un enfant, disparaît-elle quant au baptême de Désir ?
Il serait trop facile de rétorquer que le signe sensible du sacrement à savoir l’eau naturelle suffit à la réception du baptême : Ce point sur la validité n’est pas contesté, mais il n’est pas interdit de s’interroger sur l’absence de contrition parfaite pour l’enfant venant de naître ou n’ayant pas acquis cette conscience. Le sacrement est de fait valide ! Sur cette carence de l’enfant, l’Eglise répond que les parents, suppléent à la conscience faisant défaut en s’engageant à instruire l’enfant. Ce ne sont pourtant pas eux qui reçoivent le sacrement, et dans cette circonstance, le temps est admis pour que l’enfant accède à cette contrition qui autrefois dans l’Eglise Latine se nommait Communion solennelle ou renouvellement des vœux du baptême.
Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les enfants morts sans baptême, dont les parents qui, ayant le désir de faire baptiser leur progéniture, ne le purent ? Toute prière est source de Grâce et tension vers Dieu et, en cas d’intention pour un être, vers celui-ci aussi : l’enfant mort sans baptême par cette prière bénéficie certainement de la grâce de la contrition parfaite.
La constitution dogmatique sur l’Eglise « Lumen Genitum » en la 5° session publique du 21 novembre 1964, rappelle : « Dans cette sorte d’Eglise domestique [qu’est la famille], il faut que les parents soient pour leurs enfants, par la parole et l’exemple, les premiers messagers de la foi, et qu’ils favorisent la vocation propre de chacun, avec un soin tout spécial la vocation sacrée. » (Denznzinger op cité, § 4128)
Si les parents, faillissent à leur mission, la contrition parfaite pouvant n’être pas vécue, le sacrement est de fait, et demeure indélébile.
Il est accordé un temps à celui qui reçoit le baptême d’eau, ce temps pourrait-il être refusé à celui qui bénéficie du baptême de Désir ?
Je devine la critique qui pourrait être opposée cette question : Il est de foi que le sacrement du baptême s’opère par le signe sensible qu’est l’eau et la formule prononcée au Nom des trois Personnes Divines. J’objecterai à cela que l’on ne doit pas oublier l’intention qui, si elle s’impose au célébrant, s’impose de même au récipiendaire : cette ferme intention pour le baptisé ne saurait être différente pour l’enfant selon que le sacrement s’accomplit par le signe sensible ou par le Désir qui pourrait être le sien ou celui de ses parents.
Le signe sensible prévaut-il sur l’intention ? Le signe prévaudra en effet dès lors que le sacrement auquel il se rattache est institué notamment par ledit signe qui doit être alors précisément établi comme moyen d’accès à la grâce sacramentelle.
Dans la mesure où relativement au sacrement du baptême, l’Eglise reconnaît, en sus du baptême d’eau, le baptême de Désir et le baptême de sang, le signe sensible ne prévaut plus comme condition absolue à la réception de ce sacrement. A l’inverse et par exemple le Mystère Eucharistique ne peut s’accomplir que par le « rappel-actualisation » des paroles prononcées par NSJ+C lors de la dernière Cène, d’autant que le Sauveur ajoute « Faites ceci en mémoire de moi. »

VI
L’existence des limbes n’est mentionnée ni dans la Bible, ni chez les Pères !
Grégoire de Nysse en son traité A Hiéros, Sur les enfants morts prématurément, à la question de savoir s’il vaut mieux vivre ou ne pas vivre, déclare (§12) : « Or, pour celui qui n’a pas vécu du tout, il n’y a pas matière à rétribution. Pour ceux chez qui le don est absent, on ne pourra pas parler proprement de rétribution (don en retour). Et s’il n’y a pas de rétribution, ce que l’on peut espérer n’est ni bon ni mauvais, car ce terme (de rétribution) signifie que l’on reçoit en échange, ce qui est censé être bien ou mal. Or, ce qui ne se trouve ni dans le bien ni dans le mal n’est absolument nulle part. »
Grégoire de Naziance en son Discours XL Pour le saint baptême, à propos de ceux qui, non baptisés, désirent le sacrement, conclut le paragraphe 23 en ces termes : « Si tu le veux ainsi, si tu te contentes du désir du désir du baptême pour en recevoir la vertu, tu devras aussi, à la place de la gloire éternelle, te satisfaire du désir de celle-ci. Et quelle torture pour toi de ne jamais l’atteindre, alors que tu en as le désir ! »
Ce « nulle part » de Grégoire de Nysse que l’Eglise Latine nommera les limbes, finalement disparaîtra très récemment à Vatican II, par la Constitution pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps GAUDIUM SPES, qui déclare § 22, 5 : « En effet, puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l’homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » (Denzinger, op. cité, § 4322)
Le Catéchisme de l’Eglise Catholique déclare, - alors que cela ne fut pas toujours la pensée de l’Eglise -, « Depuis toujours, l'Eglise garde la ferme conviction que ceux qui subissent la mort en raison de la foi, sans avoir reçu le Baptême, sont baptisés par leur mort pour et avec le Christ. Ce Baptême du sang, comme le désir du Baptême, porte les fruits du Baptême, sans être sacrement. » (CEC § 1258)
En conclusion, je ne suis pas certain qu’Augustin avait raison de déclarer une absence de salut pour les enfants morts sans baptême. Le principe d’Economie dans la Communion des Saints autorise-t-il à légiférer sur l’Amour de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de La Vérité ainsi que le rappelait l’Apôtre ?


Jean-Pierre BONNEROT
25 septembre 2010


1 Traducianisme. - Tertullien pensait que les âmes se perpétuent par voie de génération, per traducem; et que de ce fait résulte la ressemblance frappante qu'on remarque souvent entre le caractère des enfants et celui de leurs parents. Il en concluait que la corruption que le premier péché a produit chez Adam s'était transmise héréditairement, par la génération, à ses descendants ; en sorte qu'il y a dans les âmes, par le fait de leur origine, ex originis vitio, un mal en quelque sorte naturel, malum, quodummodo naturale. C'est le premier germe de la doctrine du péché originel, quoique Tertullien soit encore loin de supposer que ce péché rende l'humain incapable de toute espèce de bien. Il insiste, au contraire, avec autant de force que les autres docteurs de son temps, sur la continuité de la liberté humaine. Il songe encore bien moins à une imputation du péché d'Adam, puisqu'il déclare formellement que l'enfant, dès le premier âge, est encore innocent. Cette doctrine fut adoptée par Cyprien.
Au IVe siècle, la croyance que les âmes se perpétuent par voie de génération prédominait en Occident; elle avait pour adhérents, en Orient, Apollinaire et Grégoire de Nysse. La question fut reprise et vivement débattue, à l'occasion de la controverse pélagienne. Pélage enseignait la création directe de chaque âme, non sa formation par voie de génération. De ce qu'elle était sortie de la main créatrice de Dieu, il inférait son innocence native. Augustin inclinait vers le traducianisme, parce qu'il lui paraissait expliquer naturellement la propagation du péché originel; mais il ne se prononçait pas positivement en sa faveur, parce qu'il menaçait, en même temps, et l'incorporalité et l'immortalité de l'âme. Aussi déclara-t-il, à plusieurs reprises, ne rien savoir de certain sur l'origine de lame humaine. Jérôme professait la même, incertitude ; pareillement, dans le temps suivant, Grégoire le Grand. (E.-H. Vollet).