avril 21, 2011

Convient-il, selon une lecture de St Paul, de baptiser les morts ?


Convient-il, selon une lecture de St Paul, de baptiser les morts ?

« Autrement, que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts? Si les morts ne ressuscitent absolument pas, pourquoi se font-ils baptiser pour eux ? », déclare énigmatiquement l’apôtre en I Cor. XV, 29.
S’il est très certain que le baptême pour les morts fut pratiqué dans l’Eglise ancienne, ne résulte-t-il pas d’un malentendu dans la compréhension de la phrase de Paul pouvant suggérer un baptême en faveur des morts, lorsque le baptême pratiqué au nom de Jésus+ Christ, c'est-à-dire dans Sa mort et par voie de conséquence en Sa résurrection, n’est pas en revanche contraire – quand bien même cette référence serait insuffisante – à une juste Doctrine.
Au début de l’Eglise, le baptême est reçu au nom de Jésus +Christ. Pierre l’atteste en déclarant : « Convertissez-vous : que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit. » (Actes II, 38) et les convertis « reçurent le baptême au nom du Seigneur Jésus » (Actes XIX, 5).
Cette réception du baptême seulement au nom du Seigneur Jésus se fait dans la mort et la résurrection du Sauveur. L’apôtre témoigne : « Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle. » (Romains VI, 4).
Basile de Césarée en son traité Sur le Saint Esprit, après d’autres comme Origène ou Cyprien, insiste et consacre un chapitre « à ceux qui disent : il suffit d’être baptisé dans le Seigneur » en déclarant qu’il convient de baptiser au nom de la TS Trinité : « Si donc, au baptême, séparer l’Esprit du Père et du Fils est dangereux pour qui donne le baptême et inefficace pour qui le reçoit, comment serait-il prudent de notre part d’arracher l’Esprit au Père et au Fils ? » (XII, 28, SC n° 17bis, page 347)
Les Canons 49 et 50 des saints apôtres ne laissent planer aucun doute :
 « 49. Si un évêque, ou un prêtre ou un diacre ne baptise pas, selon la parole du Seigneur "au nom du Père et du Fils et du saint Esprit", mais au nom de trois pères ou de trois Fils ou de trois paraclets, qu'il soit déposé.
 50. Si un évêque, ou un prêtre ou un diacre n'accomplit pas les trois immersions d'un seul baptême, mais d'une immersion au nom de la mort du Seigneur, qu'il soit déposé ; car le seigneur ne nous a pas dit : baptisez au nom de ma mort, mais : "Allez enseigner toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père et du Fils et du saint Esprit". »
Jean Chrysostome en sa 40° Homélie sur la Première Epître aux Corinthiens  explique relativement au verset, objet de notre réflexion :
« Après avoir prononcé ces paroles pleines de redoutables mystères, les règles des dogmes qu'il faut respecter avec crainte, les lois envoyées du ciel, nous finissons par ajouter, au moment du baptême, ces paroles que nous ordonnons de prononcer : Je crois à la résurrection des morts; et c'est dans cette foi- là que nous sommes baptisés. Ce n'est qu'après cette profession ajoutée aux autres, que nous sommes plongés dans la source de ces eaux sacrées. Voilà ce que Paul rappelait aux fidèles, quand il disait : « S'il n'y a pas de résurrection, pourquoi êtes-vous baptisés pour les morts? » ce qui veut dire, pour les corps. Car si vous êtes baptisé, c'est que vous croyez à la résurrection du corps mort, vous croyez qu'il ne reste pas mort. Quant à vous, c'est par des paroles que vous exprimez là, résurrection des morts ; mais, pour le prêtre, il a comme une image à lui, et ce que vous avez cru, ce que vous avez confessé par des paroles, cette image vous en montre la réalité. Vous croyez sans avoir de signe, et le prêtre vous donne un signe ; vous commencez par faire ce qui dépend de vous, et alors Dieu vous donne une certitude. Comment cela ? Par quel moyen? Au moyen de l'eau: Le baptême, l'immersion suivie du mouvement contraire par lequel on remonte, on sort, c'est le symbole et de la descente aux enfers, et du retour. Voilà pourquoi Paul appelle encore le baptême une sépulture : « Car nous avons été ensevelis avec lui par le baptême pour la mort ». (Rom. VI, 4.) »
Ensevelis avec le Christ dans Sa mort, par le baptême nous ressuscitons à une vie nouvelle, parc ce que l’Esprit Saint ayant quitté le monde de la Chute,  nous  retrouvons pas Son retour, notre relation au Père.
Ainsi, si le baptême pourrait n’être pas invalide dès lors qu’il est accompli au nom de Jésus+ Christ qui institue ce sacrement, en l’occurrence en faisant référence à Sa mort et Sa résurrection uniquement,  l’Eglise ne saurait oublier la validité des baptêmes de Désir, et du Martyre (eux acquis sans la prononciation d’une formule liturgique).
Le sens qu’il échet de donner à la déclaration de l’apôtre, ne suggère pas au fidèle de baptiser un mort, mais de comprendre que le baptême délivre le fidèle de la mort née du péché « par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort » (Romains V, 12).
« … que feraient ceux qui se font baptiser pour les morts? »
Paul précise aux Romains : « Si par l'offense d'un seul la mort a régné par lui seul, à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don de la justice régneront-ils dans la vie par Jésus Christ lui seul. Ainsi donc, comme par une seule offense la condamnation a atteint tous les hommes, de même par un seul acte de justice la justification qui donne la vie s'étend à tous les hommes. » (Rom. V, 17,18)
Paul affirme  avec justesse, que le salut opéré par Jésus+ Christ intervient pour tous les êtres. Ne convient-il pas de comprendre alors que celui qui est baptisé, a pour mission de témoigner dans le monde, sinon dans tous  les mondes, celui d’agir près des vivants comme près des gisants par la prière et les bonnes actions, afin de hâte la venue du Jour de Dieu (II Pierre, III, 11, 12), au baptême est lié le devoir d’enseigner toutes les nations qui ne sont sans doute pas à limiter à ce que nous percevons, selon que puisque le Christ nous enjoint : « Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde » (Mat/ XXVIII, 18-20)

Jean-Pierre  BONNEROT

avril 20, 2011

La création des insectes émane-t-elle de Dieu ?

La création des insectes émane-t-elle de Dieu ?

En son intéressante réflexion sur le quatrième jour de la Genèse, André SAVORET écrit :
«Moïse parle bien des anges au cours de ses cinquante chapitres, mais il reste muet sur leur création qui, on le sent, ne fait pas partie de l'œuvre des Six Jours. Autre remarque, en passant, dans l'énumération des espèces animales (cinquième Jour) il ne fait pas mention des insectes. Ces omissions ne sont pas l'effet du hasard ni de l'inadvertance. Si, comme tout porte à le supposer, les insectes sont les créatures terrestres où le sceau satanique s'imprime le plus profondément, on comprend pourquoi l'auteur du Sepher préfère les passer sous silence.  
 Ici, il n'est peut-être pas inutile de souligner que, dans la conception de l'auteur de la Genèse, la Ténèbre est la résultante générale, dans l'ordre cosmologique, de l'acte par lequel Lucifer se détache de Dieu, se pose en démiurge en face de lui et ose une création dont il puisse s'enorgueillir d'être l'auteur. Et ce n'est pas par pure coïncidence que Moïse se sert pour désigner la Ténèbre chaotique, HosheK, et le « Serpent » tentateur, Na-Hash, du même élément radical, Hosh, pour mieux nous pénétrer de leur commune origine. » (1)
I
En une précédente réflexion sur Le prologue de Jean, nous proposions de traduire BeReACHYT, par « la création est un acte de justice rendu selon une condition de réciprocité » (2). Dès lors que l’actuelle Création à laquelle nous participons résulte d’un acte de justice  selon une condition de réciprocité, face à une antériorité, il n’est pas absurde de s’interroger, non pas déclarer ce qu’aurait été l’exact événement ou la cause de ce présent acte Créateur, mais d’émettre et discuter des hypothèses quant à ce qui justifia cet acte Créateur.
Nul n’ignore, chacun comprend, selon les bases de la classique pensée théologique, que la Création et un acte d’Amour de Dieu envers Sa créature, ce point qui s’enseignait au petit catéchisme  ne sera pas présentement retenu, d’autant qu’il se trouve développé à tous les stades de la recherche,  lorsque l’ultime compréhension de cet acte d’Amour, ne saurait s’enseigner et  ne saurait  figurer dans les gloses des théologiens, puisque cette ultime compréhension, relève de la conscience de La Présence.
Tout en étant un acte d’Amour, il s’agit d’une Justice qui répond à une condition de réciprocité, ce qui suppose un fait antérieur, et s’il est une idée de justice, il est suggéré un principe de réparation par rapport à ce qui précède l’acte de Création.
Le scénario et les raisons de la Chute pré-originelle qui est celle de certains anges, distinctement à la Chute originelle dite de nos premiers parents, ne figure dans l’œuvre des six jours.
Quatre thèses se distinguent pour expliquer cette chute pré-originelle.
1 Pour les premiers Pères, la chute provient du commerce des anges avec les filles des hommes, et Justin nous dit 2 Apologie V, 2 : "Dieu confia le soin des hommes et des choses terrestres à des anges. Mais les anges violant cet ordre, eurent commerce avec les femmes et en eurent des enfants qui sont les démons."

Cette thèse devait être citée pour mémoire, mais ce n'est pas de Foi Orthodoxe puisqu'elle est issue du Livre d'Hénoch qui déclare : "Or, lorsque les enfants des hommes se furent multipliés, il leur naquit en ces jours des filles belles et jolies ; et les anges, fils des cieux, les virent, et ils les désirèrent, et ils se dirent entre eux : Allons, choisissons-nous des femmes parmi les enfants des hommes et engendrons-nous des enfants." (3)

2 Irénée de Lyon prendra pour assise à sa démonstration Sagesse II, 24 :
"… mais par l'envie du diable, la mort est entrée dans le monde et la subissent ceux qui sont de son parti." Ainsi l’évêque de Lyon déclare :"Ce commandement l'homme ne l'observa pas, mais il désobéit à Dieu, ayant été égaré par l'ange qui, à cause de la jalousie et de l'envie qu'il éprouvait à l'égard de l'homme pour les nombreux dons que Dieu lui avait accordés, tout ensemble provoqua sa propre ruine et fit de l'homme un pécheur en le persuadant de désobéir au commandement de Dieu. L'ange étant devenu par un mensonge chef et guide du pêché, et lui-même fut chassé pour s'être heurté à Dieu et il fit que l'homme fut précipité en dehors du Jardin. Et parce que par sa conduite, il se révolta et s'éloigna de Dieu, il fut appelé en hébreu Satan, c'est à dire révolté, mais en même temps il est appelé encore délateur." (4)

3 Pour Origène la chute de l'ange provient de l'orgueil. Pour sa part, au lieu de Sagesse II, 24, le maître alexandrin déclarera à la suite d'Isaïe XIV, 12-16 : "Comment Lucifer est-il tombé du ciel, lui qui se levait le matin ? Il s'est brisé et abattu sur la terre, lui qui s'en prenait à toutes les nations. Mais toi, tu as dit dans ton esprit : Je monterai au ciel, sur les étoiles du ciel je poserai mon trône, je siégerai sur le mont élevé au-dessus des monts élevés qui sont vers l'Aquilon. Je monterai au-dessus des nuées, je serai semblable au Très Haut. Or maintenant tu as plongé dans la région d'en bas et dans les fondements de la terre."

Après cette citation des versets 12 à 22, Origène ajoute : "Voilà la manière dont cet être était lui aussi un jour "lumière" avant de commettre une faute et de tomber en ce lieu ; et sa gloire s'est changée en poussière (Is. XIV, 11), ce qui est le propre des impies comme l'a dit aussi le prophète ; depuis lors il est appelé aussi "Prince de ce monde" c'est à dire de ce lieu d'habitation terrestre." (5)

4 Denys l'Aréopagite précise à propos de l'ange qui chute et de ceux qui le suivirent : "Ainsi parce qu'ils existent, ils procèdent du bien et sont bons et désirent le bien et le bon, c'est à dire l'être, la vie, l'intelligence, toutes choses réelles." (9)

Et Thomas d'Aquin de répondre à l'article IV de la question : Y a-t-il des démons qui soient naturellement mauvais ? : "Les démons ayant de l'inclination pour le bien général ne peuvent être naturellement mauvais." (10).

L’idée de vouloir s’égaler à Dieu, en créant comme Lui, par orgueil, par amour, constitue certes une révolte contre le type de « vie » que Dieu proposait aux anges, et il en sera de même quant à ce refus du type de vie intemporelle de nos premiers parents en voulant se nourrir par leurs propres moyens d’un arbre qui n’est certes pas défendu mais les fait entrer dans la temporalité(11).

II
Rien n’interdit de penser, à la suite de Denys et de Thomas d’Aquin par exemple, que désirant le bien et la vie, certains anges ne cherchèrent à créer, comme Dieu, cette création ne pouvant intervenir qu’avec la permission de Dieu au titre de la liberté qui est l’expression de l’Amour absolu : en agissant de la sorte, ces anges quittent volontairement la relation d’amour qu’ils avaient avec Leur Créateur, mais cela ne signifie pas qu’ils soient naturellement mauvais. Le serpent ne trompe pas Eve (11) si l’on prête attention au dialogue relatif l’arbre prétendument défendu, Ha Sathan (qui ne signifie pas « révolté » mais « obstacle » - obstacle que Dieu se fait à Lui-même, n’en déplaise à Irénée (12) - se promène librement, il est autorisé à tenter Job (Job I, 6-13).

Si donc la chute pré-originelle porte sur un acte de création de la part des anges qui par ce fait voulurent ou crurent pouvoir être comme Dieu, l’interrogation ou le point posé par André SAVORET mérite réflexion.

Cette réflexion peut être, de surcroît, appuyée quant à sa validité,  par la place et le sens donnés aux insectes dans l’Ancien Testament. L’insecte et en l’espèce par trois fois se trouve évoquée la mouche ‘(toujours venimeuse) –  sert au châtiment -si l’on peut s’exprimer ainsi -, proposé par Dieu (Exode VIII, 21-31, Psaumes LXXVIII, 45 et CV, 31-34).

Or, « Dieu n’a pas fait la mort » (Sagesse I, 13), l’instrument d’un « châtiment » susceptible de donner la mort, peut-il venir de Dieu ? Il ne saurait être issu de Sa volonté en Sa Pensée Créatrice.

Jean-Pierre BONNEROT

-------------- Notes :
(1)   André SAVORET : Le quatrième Jour de la Genèse, repris sur Internet :

(2)   J-P BONNEROT : Le Prologue de Saint Jean dans la tradition chrétienne et l'exégèse scripturaire, Cahiers d'Etudes Cathares 1984, N° 102.
(3)    Le Livre d'Hénoch. 1ère Partie chapitre 6. Traduction sur le texte Ethiopien par François Martin. Milan, Arché, Nlle Edition, 1975 pages 10 et 11
(4)Irénée de Lyon : Démonstration de la prédication apostolique, paragraphe 61. Nouvelle traduction de l'arménien par L.M. Froidevaux. Paris Cerf Ed, 1971, Collection Sources Chrétiennes n° 62, pages 55 et 56.
(5) Origène : Traité des Principes - Peri Archon. I, 5, 5. Traduction de la version latine de Rufin par M. Harl, G. Dorival, A. Le Boulluec. Paris, Etudes Augustiniennes Ed, 1976 page 65.
(6) Denys l'Aréopagite : Des Noms divins. Chapitre IV, paragraphe 23 - in : Œuvres. Traduction du grec par Mgr Darboy. Paris, A. Tralin Ed, 1932 page 212.
(7) Thomas d'Aquin : Somme Théologique - Des Anges, question 63, Article 3, Conclusion, Première traduction intégrale française par l'abbé Drioux. Paris, Librairie Eugène Belin Ed, 1851, tome 1 page 541.
(11) Une très importante sinon nouvelle explication du scénario adamique est offerte par Carlo SUARES en sa Kabale des kabales, Paris, Adyar Ed, 1962, pages 59 et Ss.
(12) J-P BONNEROT : Satan, Lucifer, le Prince de ce monde et les démons dans la tradition Chrétienne et l’exégèse scripturaire, Cahiers d'Etudes Cathares 1882, N° 96